L’Encyclopédie/1re édition/AGE

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* AGE, (Myth.) Les Poëtes ont distribué le tems qui suivit la formation de l’homme, en quatre âges. L’âge d’or, sous le regne de Saturne au ciel, & sous celui de l’innocence & de la justice en terre. La terre produisoit alors sans culture, & des fleuves de miel & de lait couloient de toutes parts. L’âge d’argent, sous lequel ces hommes commencerent à être moins justes & moins heureux. L’âge d’airain, où le bonheur des hommes diminua encore avec leur vertu ; & l’âge de fer, sous lequel, plus méchans que sous l’âge d’airain, ils furent plus malheureux. On trouvera tout ce système exposé plus au long dans l’ouvrage d’Hésiode, intitulé Opera & dies ; ce Poëte fait à son frere l’histoire des siecles écoulés, & lui montre le malheur constamment attaché à l’injustice, afin de le détourner d’être méchant. Cette allégorie des âges est très-philosophique & très-instructive ; elle étoit très-propre à apperendre aux peuples à estimer la vertu ce qu’elle vaut.

Les Historiens, ou plûtôt les Chronologistes, ont divisé l’age du Monde en six époques principales, entre lesquelles ils laissent plus ou moins d’intervalles, selon qu’ils font le monde plus ou moins vieux. Ceux qui placent la création six mille ans avant Jesus-Christ, comptent pour l’âge d’Adam jusqu’au déluge, 2262 ans ; depuis le déluge jusqu’au partage des Nations, 738 ; depuis le partage des Nations jusqu’à Abraham, 460 ; depuis Abraham jusqu’à la pâque des Israëlites, 645 ; depuis la pâque des Israëlites jusqu’à Saül, 774 ; depuis Saül jusqu’à Cyrus, 583 ; & depuis Cyrus jusqu’à Jesus-Christ, 538.

Ceux qui ne font le monde âgé que de quatre mille ans, comptent de la création au déluge, 1656 ; du déluge à la vocation d’Abraham, 426 ; depuis Abraham jusqu’à la sortie d’Egypte, 430 ; depuis la sortie d’Egypte jusqu’à la fondation du Temple, 480 ; depuis la fondation du Temple jusqu’à Cyrus, 476 ; depuis Cyrus jusqu’à Jesus-Christ, 532.

D’autres comptent de la création à la prise de Troie, 2830 ans ; & à la fondation de Rome, 3250 ; de Carthage vaincue par Scipion à Jesus-Christ, 200 ; de Jesus-Christ à Constantin, 312, & au rétablissement de l’Empire d’Occident, 808.

Age, en terme de Jurisprudence, se dit de certains périodes de la vie auxquels un citoyen devient habile à tels ou tels actes, à posséder telles ou telles dignités, tels ou tels emplois : mais ce qu’on appelle purement & simplement en Droit être en âge, c’est être majeur. Voyez Majeur & Majorité.

Dans la coûtume de Paris on est en âge, pour tester de ses meubles & acquêts, à vingt ans : mais on ne peut disposer de ses immeubles qu’à vingt-cinq.

On ne peut être reçû Conseiller ès Parlemens & Présidiaux, Maître, Correcteur ou Auditeur des Comptes, Avocat ou Procureur du Roi, Bailli, Sénéchal, Vicomte, Prevôt, Lieutenant Général, Civil, Criminel, ou Particulier ès Siéges qui ne ressortissent pas nûment au Parlement, ni Avocat ou Procureur du Roi èsdits Siéges, avant l’âge de vingt-sept ans accomplis ; ni Avocat ou Procureur Général, Bailli, Sénéchal, Lieutenant Général & Particulier, Civil ou Criminel, ou Président d’un Présidial, qu’on n’ait atteint l’âge de trente ans ; ni Maître des Requêtes de l’Hôtel avant trente-sept ans ; ni Président ès Cours Souveraines avant quarante : mais le Roi, quand il le juge à propos, accorde des dispenses, moyennant finance, à l’effet de rendre habiles à ces charges ceux qui n’ont pas atteint l’âge prescrit par les Edits. Voyez Dispense.

Et quant aux dignités Ecclésiastiques, on ne peut être promû à l’Episcopat avant vingt-sept ans ; à une Abbaye, aux Dignités, Personats, Cures & Prieurés claustraux, ayant charge d’ames, avant vingt-cinq ans : si cependant la Cure attachée au Prieuré claustral est exercée par un Vicaire perpétuel, vingt ans suffisent. On peut même en France posséder des Prieurés électifs à charge d’ames à vingt-trois ans, & ceux qui n’ont point charge d’ames, à vingt-deux commencés ; & c’est de cette maniere qu’il faut entendre l’âge requis pour tous les Bénéfices que nous venons de dire ; car c’est une maxime en Droit canonique, que l’année commencée se compte comme si elle étoit accomplie.

Pour les Bénéfices simples ou Bénéfices à simple tonsure, tels que les Chapelles ou Chapellenies, les Prieurés qu’on appelle ruraux, & qui n’ont rien qui tienne de ce qu’on appelle rectorerie, on les peut posséder à sept ans, mais accomplis. Il en faut quatorze aussi complets, pour posséder les Bénéfices simples, qui sont des especes de rectoreries, & pour les Canonicats des Cathédrales & des Métropoles, si ce n’est qu’ils vaquent en régale ; car alors sept ans suffisent. Mais le droit commun est qu’on ne puisse être pourvû d’aucun Bénéfice, même simple, avant quatorze ans.

Age (Lettres de Bénéfice d’) est synonyme à Lettres d’émancipation. Voyez Emancipation.

Age (dispense d’) est une permission que le Roi accorde, & qui s’expédie en Chancellerie, pour être reçu à exercer une charge avant l’âge requis par les Ordonnances.

Age du bois (en style d’Eaux & Forêts.) est le tems qu’il y a qu’un taillis n’a été coupé. Voyez Taillis.

Age nubile, (Jurisprud.) dans les Auteurs du Palais, est l’âge auquel une fille devient capable de mariage, lequel est fixé à douze ans. (H)

Age se prend, en Medecine, pour la division de la vie humaine. La vie se partage en plusieurs âges, savoir en enfance, qui dure depuis le moment de la naissance, jusqu’au tems où l’on commence à être susceptible de raison. Suit après l’âge de puberté, qui se termine à quatorze ans dans les hommes, & dans les filles à douze. L’adolescence succede depuis la quatorzieme année, jusqu’à vingt ou vingt-cinq ans, ou pour mieux dire, tant que la personne prend de l’accroissement. On passe ensuite à l’âge viril, dont on sort à quarante-cinq ou cinquante ans. Delà, l’on tombe dans la vieillesse, qui se subdivise en vieillesse proprement dite, en caducité & décrépitude, qui est la borne de la vie.

Chaque âge a ses maladies particulieres ; elles dépendent de la fluidité des liquides, & de la résistance que leur opposent les solides : dans les enfans, la délicatesse des fibres occasionne diverses maladies, comme le vomissement, la toux, les hernies, l’épaississement des liqueurs, d’où procedent les aphthes, les fluxions, les diarrhées, les convulsions, sur-tout lorsque les dents commencent à paroître, ce qu’on appelle vulgairement le germe des dents. A peine les enfans sont-ils quittes de ces accidens, qu’ils deviennent sujets aux inflammations des amygdales, au rachitis, aux éruptions vers la peau, comme la rougeole & la petite vérole, aux tumeurs des parotides, à l’épilepsie : dans l’âge de puberté ils sont attaqués de fievres aiguës, à quoi se joignent les hémorrhagies par le nez ; & dans les filles, les pâles couleurs. Cet âge est vraiment critique, selon Hippocrate : car si les maladies opiniâtres auxquelles les jeunes gens ont été sujets ne cessent alors, ou, selon Celse, lorsque les hommes connoissent pour la premiere fois les femmes, & dans le sexe féminin au tems de l’éruption des regles, elles deviennent presque incurables. Dans l’adolescence la tension des solides devenant plus considérable, les alimens étant d’une autre nature, les exercices plus violens, les humeurs sont plus atténuées, divisées, & exaltées : de-là résultent les fievres inflammatoires & putrides, les péripneumonies, les crachemens de sang, qui, lorsqu’on les néglige, dégénerent en phthisie, maladie si commune à cet âge, qu’on ne pensoit pas autrefois que l’on y fût sujet lorsque l’on avoit atteint l’âge viril, qui devient lui-même le regne de maladies très-considérables. L’homme étant alors dans toute sa force & sa vigueur, les fibres ayant obtenu toute leur élasticité, les fluides se trouvent pressés avec plus d’impétuosité ; de-là naissent les efforts qu’ils font pour se soustraire à la violence de la pression ; de-là l’origine d’une plus grande dissipation par la transpiration, des inflammations, des dyssenteries, des pleurésies, des flux hémorrhoidaux, des engorgemens du sang dans les vaisseaux du cerveau, qui produisent la phrénésie, la léthargie, & autres accidens de cette espece, auxquels se joignent les maladies qu’entraînent après elles la trop grande application au travail, la débauche dans la premiere jeunesse, les veilles, l’ambition demesurée, enfin les passions violentes & l’abus des choses non-naturelles ; telles sont l’affection hypochondriaque, les vapeurs, la consomption, la catalepsie, & plusieurs autres.

La vieillesse devient à son tour la source d’un nombre de maladies fâcheuses ; les fibres se dessechent & se raccornissent, elles perdent leur élasticité, les vaisseaux s’obstruent, les pores de la peau se resserrent, la transpiration devient moins abondante ; il se fait un reflux de cette matiere sur les autres parties : de-lâ naissent les apoplexies, les catharres, l’évacuation abondante des sérosités par le nez & par la voie des crachats, que l’on nomme vulgairement pituite ; l’épaississement de l’humeur contenue dans les articulations, les rhûmatismes, les diarrhées & les stranguries habituelles ; de l’affaissement des vaisseaux & du raccornissement des fibres proviennent les dysuries, la paralysie, la surdité, le glaucome, maladies si ordinaires aux vieillards, & dont la fin est le terme de la vie.

L’on a vû jusqu’ici la différence des maladies selon les âges : les remedes varient aussi selon l’état des fluides & des solides, auxquels on doit les proportionner. Les doux, & ceux qui sont légerement toniques, conviennent aux enfans ; les délayans & les aqueux doivent être employés pour ceux qui ont atteint l’âge de puberté, en qui l’on doit modérer l’activité du sang. Dans ceux qui sont parvenus à l’adolescence & à l’âge viril, la sobriété, l’exercice modéré, le bon usage des choses non-naturelles, deviennent autant de préservatifs contre les maladies auxquelles on est sujet ; alors les remedes délayans & incisifs sont d’un grand secours si, malgré le régime ci-dessus, l’on tombe en quelque maladie.

Une diete aromatique & atténuante soûtiendra les vieillards ; on peut avec succès leur accorder l’usage modéré du vin ; les diurétiques & les purgatifs légers & réitérés suppléront au défaut de transpiration. Toutes ces regles sont tirées d’Hoffman, & des plus fameux Praticiens en Medecine. (N)

Age, (Anat.) Les cartilages & les ligamens s’ossifiant, & le cerveau se durcissant avec l’âge, celui des vieillards est plus propre aux démonstrations Anatomiques. On concevra la callosité qui doit se former dans les vaisseaux les plus mous de la tête, si on fait attention à la mémoire incertaine par rapport aux nouvelles idées qu’on voudroit donner aux gens avancés en âge, eux qui ne se souviennent que trop fidelement de ce qu’ils ont vû jadis. Laudator temporis acti. (L)

Age de la Lune, (en Astronomie.) se dit du nombre de jours écoulés depuis la nouvelle Lune. Ainsi trouver l’age de la Lune, c’est trouver le nombre de jours écoulés depuis la nouvelle Lune. V. Lune. (O)

Age, (Jardinage.) On dit l’âge d’un bois, d’une graine, d’un arbre : ce bois à neuf ans demande à être coupé ; cette graine à deux ou trois ans, est trop vieille pour être bonne à semer : on en doit choisir de plus jeune. Cet arbre doit avoir tant d’années ; il y a tant d’années qu’il est planté. Voyez Arbre.

L’âge d’un arbre se compte par les cercles ligneux qu’on remarque sur son tronc coupé ou scié horisontalement. Chaque année le tronc & les branches d’un arbre reçoivent une augmentation qui se fait par un cercle ligneux, ou par une nouvelle enveloppe extérieure de fibres & de trachées. (K)

Age, en terme de Manége, se dit du tems qu’il y a qu’un cheval est né, & des signes qui l’indiquent. Voyez Cheval.

Il y a plusieurs marques qui font connoître l’âge du cheval dans sa jeunesse : telles sont les dents, le sabot, le poil, la queue, & les yeux. Voyez Dent, Sabot, &c.

La premiere année il a ses dents de lait, qui ne sont que ses mâchelieres & ses pinces ou dents de devant ; la seconde année ses pinces brunissent & grossissent ; la troisieme il lui tombe une partie de ses dents de lait, dont il ne lui reste plus que deux de chaque côté en haut & en bas ; la quatrieme, il lui tombe encore la moitié de ce qui lui restoit de dents de lait ; ensorte qu’il ne lui en reste plus qu’une de chaque côté en haut & en bas. A cinq ans toutes ses dents de devant sont renouvellées, & ses crochets complets des deux côtés. Celles qui ont remplacê les dernieres dents de lait, à savoir les coins, sont creuses, & ont une petite tache au milieu, qu’on appelle marque ou feve dans la bouche d’un cheval. Voyez Marque. A six ans il pousse de nouveaux crochets, qui sont entourés vers la racine d’un petit bourlet de chair, du reste blancs, menus, courts, & pointus. A sept ans ses dents sont au bout de leur croissance ; & c’est alors que la marque ou féve est la plus apparente. A huit ans toutes les dents sont pleines, unies & polies au-dessus, & la marque ne se distingue presque plus : ses crochets sont alors jaunâtres. A neuf ans les dents de devant ou les pinces paroissent plus longues, plus jaunes, & moins nettes qu’auparavant ; & la pointe de ses crochets est un peu émoussée. A dix ans on ne sent plus de creux en dedans des crochets supérieurs, comme on l’avoit senti jusqu’alors, & ses tempes commencent à se creuser & à s’enfoncer. A onze ans ses dents sont fort longues, jaunes, noires, & sales : mais celles de ses deux mâchoires se répondent encore, & portent les unes sur les autres. A douze ans les supérieures croisent sur les inférieures. A treize ans si le cheval a beaucoup travaillé, ses crochets sont presque perdus dans la gencive ; sinon ils en sortent noirs, sales, & longs.

2°. Quant au sabot, s’il est poli, humide, creux, & qu’il sonne, c’est un signe de jeunesse : si au contraire il a des aspérités, des avalures les unes sur les autres, s’il est sec, sale, & mat, c’est une marque de vieillesse.

3°. Quant à la queue ; en la tâtant vers le haut, si l’on sent l’endroit de la jointure plus gros & plus saillant que le reste, le cheval n’a pas dix ans : si au contraire les jointures sont unies & égales au reste, il faut que le cheval ait quinze ans.

4°. S’il a les yeux ronds, pleins, & assûrés, que la paupiere supérieure soit bien remplie, unie, & de niveau avec les tempes, & qu’il n’ait point de rides ni au-dessus de l’œil, ni au-dessous ; c’est une marque de jeunesse.

5°. Si lorsqu’on lui pince la peau, & qu’on la lâche ensuite, elle se rétablit aussi-tôt sans laisser de rides ; c’est une preuve que le cheval est jeune.

6°. Si à un cheval de poil brun, il pousse du poil grisâtre aux paupieres ou à la criniere ; ou qu’un cheval blanchâtre devienne ou tout blanc, ou tout brun, c’est une marque indubitable de vieillesse.

Enfin lorsqu’un cheval est jeune, les barres de la bouche sont tendres & élevées ; s’il est vieux, elles sont basses, & n’ont presque pas de sentiment. Voyez Barres.

Il y a une sorte de chevaux appellés bégaux, qui ont à tout âge du noir à la dent, ce qui peut tromper ceux qui ne s’y connoissent pas.

Age, ou discernement qu’on fait des bêtes noires, comme marcassins, bêtes de compagnies, ragot, sanglier en son tieran, sanglier en son quartan, vieux sanglier miré, & laie.

Age, ou discernement qu’on fait des cerfs ; on dit jeune cerf, cerf de dix cors jeunement, cerf de dix cors & vieil cerf.

Age, ou discernement qu’on fait des lievres ; on dit levrauts, lievres & hazês.

Age, ou discernement qu’on fait des chevreuils ; on dit fans, chevrotins, jeune chevreuil, vieil chevreuil & chevrette.

Age des loups ; on dit louveteaux, jeunes loups, vieux loup, & louve.

Age des renards ; on dit renardeaux, jeunes renards, vieux renards, & renardes.