L’Encyclopédie/1re édition/ALLARME

La bibliothèque libre.
Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 277-278).
◄  ALLANTOIDE
ALLASSAC  ►

* ALLARME, terreur, effroi, frayeur, épouvante, crainte, peur, appréhension, termes qui désignent tous des mouvemens de l’ame, occasionnés par l’apparence ou par la vûe du danger. L’allarme naît de l’approche inattendue d’un danger apparent ou réel, qu’on croyoit d’abord éloigné : on dit l’allarme se répandit dans le camp : remettez-vous, c’est une fausse allarme.

La terreur naît de la présence d’un évenement ou d’un phénomene, que nous regardons comme le prognostic & l’avant-coureur d’une grande catastrophe ; la terreur suppose une vûe moins distincte du danger que l’allarme, & laisse plus de jeu à l’imagination, dont le prestige ordinaire est de grossir les objets. Aussi l’allarme fait-elle courir à la défense, & la terreur fait-elle jetter les armes : l’allarme semble encore plus intime que la terreur : les cris nous allarment ; les spectacles nous impriment de la terreur : on porte la terreur dans l’esprit, & l’allarme au cœur.

L’effroi & la terreur naissent l’un & l’autre d’un grand danger : mais la terreur peut être panique, & l’effroi ne l’est jamais. Il semble que l’effroi soit dans les organes, & que la terreur soit dans l’ame. La terreur a saisi les esprits ; les sens sont glacés d’effroi ; un prodige répand la terreur ; la tempête glace d’effroi.

La frayeur naît ordinairement d’un danger apparent & subit : vous m’avez fait frayeur : mais on peut être allarmé sur le compte d’un autre ; & la frayeur nous regarde toûjours en personne. Si l’on a dit à quelqu’un, le danger que vous alliez courir m’effrayoit, ou s’est mis alors à sa place. Vous m’avez effrayé, & vous m’avez fait frayeur, sont quelquefois des expressions bien différentes : la premiere peut s’entendre du danger que vous avez couru ; & la seconde du danger auquel je me suis cru exposé. La frayeur suppose un danger plus subit que l’effroi, plus voisin que l’allarme, moins grand que la terreur.

L’épouvante a son idée particuliere ; elle naît, je crois, de la vûe des difficultés à surmonter pour réussir, & de la vûe des suites terribles d’un mauvais succès. Son entreprise m’épouvante ; je crains son abord, & son arrivée me tient en appréhension. On craint un homme méchant ; on a peur d’une bête farouche : il faut craindre Dieu, mais il ne faut pas en avoir peur.

L’effroi naît de ce qu’on voit ; la terreur de ce qu’on imagine ; l’allarme de ce qu’on apprend ; la crainte de ce qu’on sait ; l’épouvante de ce qu’on présume ; la peur de l’opinion qu’on a ; & l’appréhension de ce qu’on attend.

La présence subite de l’ennemi donne l’allarme ; la vûe du combat cause l’effroi ; l’égalité des armes tient dans l’appréhension ; la perte de la bataille répand la terreur ; ses suites jettent l’épouvante parmi les peuples & dans les provinces ; chacun craint pour soi ; la vûe d’un soldat fait frayeur ; on a peur de son ombre.

Cene sont pas là toutes les manieres possibles d’envisager ces expressions : mais ce détail regarde plus particulierement l’Académie Françoise.