L’Encyclopédie/1re édition/ANGUILLE

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 466-467).

ANGUILLE, anguilla, (Hist. nat.) poisson fort allongé en forme de serpent, glissant, sans écailles, revêtu d’une peau dont on le dépouille aisément ; les oüies des anguilles sont petites & recouvertes d’une peau ; c’est pourquoi elles s’étouffent dans les eaux troubles, & elles peuvent vivre assez long-tems hors de l’eau ; elles se meuvent en contournant leur corps ; car elles ont seulement au lieu de nageoires une sorte de rebord ou de pli dans la peau, qui commence au milieu du dos par-dessus, & par-dessous à l’ouverture par où sortent les excrémens, & qui se continue de part & d’autre jusqu’à l’extrémité du corps. On a cru que les anguilles naissoient de la pourriture. Ce qui a donné lieu à cette erreur, c’est que le conduit de la matrice dans les femelles, & de la semence dans les mâles, sont peu apparens & couverts de graisse, de même que les œufs ; on ne les apperçoit pas aisément. Rondelet avoue qu’il en a vû frayer, quoiqu’il soit encore prévenu pour l’ancien préjugé par rapport à certaines anguilles. Ces poissons vivent dans l’eau douce & claire ; l’eau trouble leur est nuisible, & même mortelle ; ainsi il faut que l’eau des étangs où l’on veut avoir des anguilles soit pure. Ce poisson vit dans l’eau douce & dans l’eau salée ; il faut choisir le tems où l’eau des rivieres est trouble après les pluies, ou la troubler exprès, pour pêcher l’anguille : elle ne s’éleve pas au-dessus de l’eau comme les autres poissons. Il y en a dans le Gange qui ont trente piés de longueur : la chair de l’anguille est visqueuse & fort nourrissante ; celles de la mer sont les meilleures. On sale la chair de ce poisson pour la conserver lorsqu’on en prend beaucoup à la fois, ou pour corriger par le sel la mauvaise qualité qui lui vient de sa viscosité. On donne en Languedoc le nom de margaignon à l’anguille mâle ; elle a la tête plus courte, plus grosse, & plus large que la femelle, que l’on appelle anguille fine. Rondelet. Voyez Poisson. (I)

* L’anguille se pêche ou aux hameçons dormans, ou à l’épinette, ou à la foüine, ou à la nasse. A l’hameçon dormant, en attachant de deux piés en deux piés de distance, des ficelles sur une corde fixée par un bout à un pieu au bord d’une riviere : ces ficelles doivent être armées par le bout d’un hameçon long d’un pouce, & l’hameçon amorcé soit avec des achées, soit avec des chantouilles, ou autrement. Pl. de Pesch. fig. 1, AB est la corde, CD, CD, CD, sont les ficelles ; elles ont un pié & demi, ou deux piés de long : attachez un plomb à l’autre bout de la corde, & lancez dans la riviere ce plomb, le plus loin que vous pourrez. Choisissez pour cette pêche un endroit où il n’y ait point d’herbes ni autre chose à quoi votre ligne dormante puisse s’embarrasser.

A l’épinette, en substituant des épines à ces hameçons : ces épines sont liées par le milieu avec la ficelle, & amorcées comme les hameçons.

A la foüine, en se pourvoyant d’un instrument fait comme on voit fig. 2. il est emmanché par une douille A dans une perche forte & légere AB, longue de 15 à 18 piés. Le reste de l’instrument est en trident, dont chaque dent CD, CF, CG, a environ neuf pouces de longueur. Les deux dents de côté CD, & CG, sont recourbées ; celle du milieu est pointue ; toutes trois sont dentées & tenues si serrées par un lien de fer HI, que l’anguille la plus petite ne puisse passer entr’elles. On tient cet instrument, & on le fiche fortement dans les endroits où l’on croit qu’il y a des anguilles. S’il s’en rencontre sous le coup, il ne leur est pas possible de s’échapper ; elles restent dans la foüine.

A la nasse, en faisant à une des vannes d’un moulin à eau un trou, & y appliquant bien exactement le filet appellé nasse. Voyez Nasse.

Anguille de sable, anguilla de arena, poisson de l’océan septentrional qui est fort fréquent sur les côtes d’Angleterre, où il est connu sous le nom de sandilz ; on l’appelle anguille de sable, parce qu’il est fort allongé, & qu’il se cache sous le sable. Il a la tête mince & ronde, les mâchoires allongées & pointues, la bouche petite ; il n’est pas plus gros que le pouce, & n’a que la longueur d’un palme ; son dos est bleu, & le ventre de couleur argentine ; il a une nageoire sur le milieu du dos, & une autre auprès de la queue ; deux de chaque côté sous le ventre, & une autre au-delà de l’anus Ald. de piscibus, lib. XI. cap. xlix. Voyez Poisson. (I)

Anguille, s. f. animalcule que l’on ne découvre qu’à l’aide du microscope dans certaines liqueurs, telles que le vinaigre, l’infusion de la poussiere noire du blé gâté par la nielle, &c. dans la colle de farine, &c. On a donné à ces animalcules, le nom d’anguille, parce qu’ils ressemblent à cet animal par la forme de leur corps qui paroît fort mince & fort allongé. Les anguilles de la colle de farine sont les plus singulieres ; on a observé qu’elles sont vivipares. M. Sherwood & M. Needham, de la Société royale de Londres, ont fait sortir du corps de ces petites anguilles d’autres anguillesvivantes ; la multiplication d’une seule est allée jusqu’à cent six. Nouv. observ. micros. par M. Needham, pag. 180. Voyez Microscope, Microscopique. (I)

Anguille, s. f. c’est ainsi qu’on appelle les bourrelets ou faux plis qui se font aux draps sous les piles des moulins à foulon, lorsque les foulons ne sont pas assez attentifs à les faire frapper comme il faut. Voyez Foulon, Fouler, & surtout l’article Draperie.

* Anguille, (l’) Géog. mod. île de l’Amérique, une des Antilles Angloises.