L’Encyclopédie/1re édition/ARCHONTES

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 619-620).
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ARCHONTES, s. m. pl. (Hist. anc.) magistrats, préteurs ou gouverneurs de l’ancienne Athenes. Ce nom vient du Grec ἄρχων, au plurier ἄρχοντες, commandans ou princes. Ils étoient au nombre de neuf, dont le premier étoit l’archonte qui donnoit son nom à l’année de son administration ; le second se nommoit le roi ; le troisieme, le polemarque ou généralissime, avec six thesmothetes. Ces magistrats élûs par le scrutin des feves, étoient obligés de faire preuve devant leur tribu comme ils étoient issus du côté paternel & maternel de trois ascendans citoyens d’Athenes : ils devoient prouver de même leur attachement au culte d’Apollon, protecteur de la patrie, & qu’ils avoient dans leur maison un autel consacré à Jupiter, & par leur respect pour leurs parens, faire espérer qu’ils en auroient pour leur patrie : il falloit aussi qu’ils eussent rempli le tems du service que chaque citoyen devoit à la république ; ce qui donnoit des officiers bien préparés, puisqu’on n’étoit licentié qu’à 40 ans : leur fortune même dont ils devoient instruire ceux qui étoient préposés à cette enquête, servoit de garant de leur fidélité. Après que les commissaires nommés pour cet examen en avoient fait leur rapport, les archontes prétoient serment de maintenir les lois, & s’engageoient en cas de contravention de leur part, à envoyer à Delphes une statue du poids de leur corps. Suivant une loi de Solon, si l’archonte se trouvoit pris de vin, il étoit condamné à une forte amende, & même puni de mort. De tels officiers méritoient d’être respectés ; aussi étoit-ce un crime d’état que de les insulter. L’information pour le second officier de ce tribunal qui étoit nommé le roi, devoit porter qu’il avoit épousé une vierge & fille d’un citoyen ; parce que dit Démosthenes, ces deux qualités étoient nécessaires pour rendre agréables aux dieux les sacrifices que ce magistrat & son épouse étoient obligés d’offrir au nom de toute la république. L’examen de la vie privée des archontes étoit très-sévere, & d’autant plus nécessaire, qu’au sortir de leur exercice & après avoir rendu compte de leur administration, ils entroient de droit dans l’Aréopage.

Ceci regarde principalement les archontes décennaux ; car cette sorte de magistrature eut ses révolutions. D’abord dans Athenes les archontes succéderent aux rois & furent perpétuels. Medon fut le premier, l’an du monde 2936, & eut douze successeurs de sa race, auxquels on substitua les archontes décennaux, qui ne durerent que 70 ans, & qui furent remplacés par des archontes annuels. Le premier de ces magistrats se nommoit proprement archonte ; on y ajoûtoit l’épithete d’éponyme, parce que dans l’année de son administration, toutes les affaires importantes se passoient en son nom. Il avoit soin des choses sacrées, présidoit à une espece de chambre ecclésiastique, où l’on décidoit de tous les démêlés des époux, des peres & des enfans, & les contestations formées sur les testamens, les legs, les dots, les successions. Il étoit chargé particulierement des mineurs, tuteurs, curateurs ; en général, toutes les affaires civiles étoient portées en premiere instance à son tribunal. Le deuxieme archonte avoit le surnom de roi ; le reste du culte public & des cérémonies lui étoit confié. Sa fonction principale étoit de présider à la célébration des fêtes ; de terminer les querelles des prêtres & des familles sacrées ; de punir les impiétés & les profanations des mysteres. On instruisoit encore devant lui quelques affaires criminelles & civiles, qu’il décidoit ou renvoyoit à d’autres cours. Le polemarque veilloit aussi à quelques pratiques de religion : mais son vrai département étoit le militaire, comme le porte son nom dérivé de πόλεμος, guerre, & de ἀρχεῖν, commander. Il étoit tout-puissant en tems de guerre, & joiüssoit pendant la paix de la même jurisdiction sur l’étranger que le premier archonte sur le citoyen d’Athenes. Les six autres qui portoient le nom commun de thesmothetes, qui vient de θεσμὸς, loi, & de τίθημι, établir, formoient un tribunal qui jugeoit des séductions, des calomnies, de toute fausse accusation ; les différends entre l’étranger & le citoyen, les faits de marchandises & de commerce, étoient encore de son ressort. Les thesmothetes avoient sur-tout l’œil à l’observation des lois, & le pouvoir de s’opposer à tout établissement qui leur paroissoit contraire aux intérêts de la société, en faisant une barriere élevée entre les autres magistrats & le peuple. Tel étoit le district de chaque archonte en particulier. Le corps seul avoit droit de vie & de mort. En récompense de leurs services, ces juges étoient exempts des impôts qu’on levoit pour l’entretien des armées, & cette immunité leur étoit particuliere. La succession des archontes fut réguliere ; & quelles que furent les révolutions que l’état souffrit par les factions ou par les usurpateurs, on en revint toûjours à cette forme de gouvernement, qui dura dans Athenes tant qu’il y eut un reste de liberté & de vie.

Sous les empereurs Romains plusieurs autres villes Greques eurent pour premiers magistrats deux archontes, qui avoient les mêmes fonctions que les duumvirs dans les colonies & les villes municipales. Quelques auteurs du bas Empire donnent le nom d’archontes à divers officiers soit laïques, soit ecclésiastiques, quelquefois aux évêques, & plus souvent aux seigneurs de la cour des empereurs de Constantinople. Ainsi archonte des archontes, ou grand archonte, signifie la premiere personne de l’état après l’empereur ; archonte des églises, archonte de l’évangile, un archevêque, un évêque ; archonte des murailles, le surintendant des fortifications, & ainsi des autres. Voyez Aréopage.