L’Encyclopédie/1re édition/BIENS
BIENS, en termes de Jurisprudence, & sur-tout dans le Droit civil, sont toutes sortes d’effets, richesses, terres, possessions, &c. Voyez Effet.
1.o Il y a deux sortes de biens ; les meubles & les immeubles. Voyez Meuble & Immeuble.
Les droits incorporels qui en effet ne sont ni meubles ni immeubles, se rapportent eux-mêmes à l’une ou l’autre de ces deux classes, suivant les divers rapports qu’ils ont avec les meubles ou les immeubles corporels : ainsi la faculté de reméré est une action immobiliaire, parce qu’elle tend à l’acquisition d’un immeuble ; au lieu qu’un billet ou une obligation est réputée meuble, parce qu’elle a pour objet une somme de deniers qui est mobiliaire.
2.o Les biens se divisent encore en propres, paternels, héréditaires, ou de patrimoine ; en acquêts, ou biens acquis, & en conquêts. Voyez Propre, Acquêt & Conquêt
Les biens se divisent encore en corporels & incorporels (voyez Corporel & Incorporel) & enfin en biens nobles, & en roturiers. Voyez Noble, Roturier, &c.
Biens adventices, sont tous ceux qui procedent d’ailleurs que de succession de pere ou de mere, d’ayeul, ou d’ayeule. Voyez Adventice.
Biens dotaux, dotalia, sont ceux qui procedent de la dot, & dont l’aliénation n’est pas permise au mari. Voyez Dot.
Biens de fugitifs, sont les biens propres d’un homme qui se sauve pour crime, & qui aprés sa fuite dûement prouvée & constatée, appartiennent au roi, ou au seigneur du manoir. Voyez Fugitif.
Biens paraphernaux, sont ceux desquels la femme donne la joüissance à son mari, à condition de les retirer quand il lui plaît. Voyez Paraphernaux.
Biens profectices, sont ceux qui viennent de la succession directe. Voyez Profectice.
Biens vacans, sont ceux qui se trouvent abandonnés, soit parce que les héritiers y renoncent, ou que le défunt n’a point d’héritier. Voyez Vacant. (H)
* On distribue encore les biens en biens de ville & biens de campagne : les biens de ville sont les maisons de ville, les marchandises, les billets, l’argent, &c. Les biens de campagne sont les rentes seigneuriales, les champarts, les dixmes inféodées, les rentes foncieres, &c. les terres labourables, les vignes, les prés, les bois, & les plants. Voyez Maison, Marchandise, &c. Voyez Rente, Champart, &c. Voyez Terres labourables, Vignes, &c. (H)
* Bien, (homme de) homme d’honneur, honnête homme. (Gramm.) Il me semble que l’homme de bien est celui qui satisfait exactement aux préceptes de sa religion ; l’homme d’honneur, celui qui suit rigoureusement les lois & les usages de la société ; & l’honnête homme, celui qui ne perd de vûe dans aucune de ses actions les principes de l’équité naturelle : l’homme de bien fait des aumônes ; l’homme d’honneur ne manque point à sa promesse ; l’honnête homme rend la justice, même à son ennemi. L’honnête homme est de tout pays ; l’homme de bien & l’homme d’honneur ne doivent point faire des choses que l’honnête homme ne se permet pas.
* Bien, Très, Fort, (Gramm.) termes qu’on employe indistinctement en François, pour marquer le degré le plus haut des qualités des êtres, ou ce que les Grammairiens appellent le superlatif : mais ils ne désignent ce degré ni de la même maniere, ni avec la même énergie. Très me paroît affecté particulierement au superlatif, & le représenter comme idée principale ; comme on voit dans le Très-haut, pris pour l’Etre suprème. Fort, marque moins le superlatif, mais affirme davantage : ainsi quand on dit il est fort équitable, il semble qu’on fasse autant au moins d’attention à la certitude qu’on a de l’équité d’une personne, qu’au degré ou point auquel elle pousse cette vertu. Bien, marque encore moins le superlatif que très ou fort : mais il est souvent accompagné d’un sentiment d’admiration, il est bien hardi ! Dans cette phrase, on désigne moins peut-être le degré de la hardiesse, qu’on n’exprime l’étonnement qu’elle produit. Ces distinctions sont de M. l’abbé Girard. Il remarque de plus que très est toûjours positif ; mais que fort & bien peuvent être ironiques, comme dans : c’est être fort sage que de quitter ce qu’on a pour courir après ce qu’on ne sauroit avoir ; c’est être bien patient que de souffrir des coups de bâton sans en rendre : mais je croi que très n’est point du tout incompatible avec l’ironie, & qu’il est même préférable à bien & à fort en ce qu’il la marque moins. Lorsque fort & bien sont ironiques, il n’y a qu’une façon de les prononcer ; & cette façon étant ironique elle-même, elle ne laisse rien à deviner à celui à qui l’on parle. Très, au contraire pouvant se prononcer quand il est ironique, comme s’il ne l’étoit pas, enveloppe davantage la raillerie, & laisse dans l’embarras celui qu’on raille.