L’Encyclopédie/1re édition/BULGARES
BULGARES, s. m. (Hist. ecclés.) hérétiques qui sembloient avoir ramassé diverses erreurs des autres hérésies pour en composer leur croyance, & dont la secte & le nom comprenoit les Patarins, les Cathares, les Joviniens, les Vaudois, les Albigeois, & encore d’autres hérétiques. Les Bulgares tiroient leur origine des Manichéens, & ils avoient emprunté leurs erreurs des Orientaux & des Grecs leurs voisins, sous l’empire de Basile le Macédonien, dans le ixe siecle. Ce mot de Bulgares qui n’étoit qu’un nom de nation, devint en ce tems-là un nom de secte, & ne signifia pourtant d’abord que ces hérétiques de Bulgarie : mais ensuite cette même hérésie s’étant répandue en plusieurs endroits, quoiqu’avec des circonstances qui y apportoient de la diversité, le nom de Bulgares devint commun à tous ceux qui en furent infectés. Les Pétrobrusiens, disciples de Pierre de Brüis, qui fût brûlé à S. Gilles en Provence ; les Vaudois, sectateurs de Valdo de Lyon ; un reste même des Manichéens qui s’étoient long-tems cachés en France ; les Henriciens, & tels autres novateurs, qui dans la différence de leurs dogmes s’accordoient tous à combattre l’autorité de l’Eglise Romaine, furent condamnés en 1176 dans un concile tenu à Lombez, dont les actes se lisent au long dans Roger de Hoveden, historien d’Angleterre : il rapporte les dogmes de ces hérétiques, qui tenoient entr’autres erreurs qu’il ne falloit croire que le nouveau-Testament ; que le baptême n’étoit point nécessaire aux petits enfans ; que les maris qui joüissoient de leurs femmes ne pouvoient être sauvés ; que les prêtres qui menoient une mauvaise vie ne consacroient point ; qu’on ne devoit point obéir ni aux évêques, ni aux autres ecclésiastiques qui ne vivoient pas selon les canons ; qu’il n’étoit point permis de jurer en aucun cas ; & quelques autres articles qui n’étoient pas moins pernicieux. Ces malheureux ne pouvant subsister sans union & sans chef, se firent un souverain pontife qu’ils appellerent pape, & qu’ils reconnurent pour leur premier supérieur, auquel tous les autres ministres étoient soûmis ; & ce faux pontife établit son siége dans la Bulgarie, sur les frontieres de Hongrie, de Croatie, de Dalmatie, où les Albigeois qui étoient en France alloient le consulter & recevoir ses décisions. Reyner ajoûte que ce pontife prenoit le titre d’évêque, & de fils aîné de l’église des Bulgares. Ce fut alors que ces hérétiques commencerent d’être nommés tous généralement du nom commun de Bulgares ; nom qui fut bientôt corrompu dans la langue Françoise qu’on parloit alors ; car au lieu de Bulgares, on dit d’abord Bougares & Bougueres, dont on lit le Latin Bugari & Bugeri ; & de-là un mot très-sale en notre langue, qu’on trouve dans les histoires anciennes, appliqué à ces hérétiques, entr’autres dans une histoire de France manuscrite qui se garde dans la bibliotheque du président de Mesmes, à l’année 1225, & dans les ordonnances de S. Louis, où l’on voit que ces hérétiques étoient brûlés vifs lorsqu’ils étoient convaincus de leurs erreurs. Comme ces misérables étoient fort adonnés à l’usure, on donna dans la suite le nom dont on les appelloit à tous les usuriers, comme le remarque du Cange. Marca, Hist. de Bearn. La Faille, Annales de la ville de Toulouse. Abregé de l’ancienne Hist. Du Cange, Gloss. Latin. (G)