L’Encyclopédie/1re édition/CARDIALGIE

La bibliothèque libre.
◄  CARDEUR
CARDIAQUE  ►

CARDIALGIE, s. f. (Medecine.) des mots Grecs καρδία, cœur, & de ἀλγέω, je souffre : douleur violente qui se fait sentir à l’orifice supérieur de l’estomac, que les anciens appelloient aussi le cœur. Cette fausse dénomination a donné occasion à une façon de parler très-commune & très-impropre, qui est de dire j’ai des maux de cœur, lorsque l’on a envie de vomir ; ce mouvement contre nature est absolument dépendant de l’estomac, & en aucune façon du cœur.

La cardialgie est essentielle ou symptomatique.

L’essentielle est occasionnée par l’irritation des fibres de l’estomac, leur trop grande contraction, ou leur foiblesse.

La symptomatique a des causes étrangeres à ce viscere ; telle qu’une inflammation ou obstruction du foie, ou quelque affection du cerveau ou de la matrice.

La cardialgie essentielle est ou inflammatoire ou venteuse. Un sang épais engorgé dans les vaisseaux du ventricule est cause de la premiere espece ; voyez l’article Inflammation : des vents occasionnés par l’air raréfié & échappé des alimens que l’on a pris, produisent la seconde ; celle-ci se distingue de l’autre par la difficulté qu’a le malade à respirer, par le gonflement de l’estomac, la douleur en cette partie, qui augmente lorsque l’on a mangé, enfin par les rots & les nausées fréquentes qui tourmentent le malade. Les remedes carminatifs sont très-indiqués dans ce cas, & cet accident cede aisément à leur usage.

Il y a encore une espece de cardialgie que l’on nomme spasmodique : celle-ci est plus cruelle que les autres, & est accompagnée de douleurs très-violentes, les nerfs de l’estomac se trouvant dans un érethisme & une tension des plus considérables, qui occupe les hypochondres & toute la région épigastrique. Elle est causée par un amas d’humeurs mordicantes, par un émétique donné à trop forte dose, ou par un poison : dans ces deux derniers cas, les symptomes sont très-effrayans. Le vertige, les maux de tête, la perte du sommeil, le délire, les convulsions, l’oppression de poitrine, les palpitations, la foiblesse, & l’intermittence du pouls, les syncopes, les tranchées, la constipation, la suppression des urines, le froid des extrémités, les sueurs froides, la lividité du visage, & sa pâleur, sont autant de symptomes de ce funeste accident, qui lorsque le Medecin n’est point promptement averti, cause en peu de tems la mort du malade.

Après cette description de la cardialgie, on conçoit aisément comment le lait caillé, ou les vers dans l’estomac des enfans occasionnent cette maladie ; pourquoi les hypochondriaques & les femmes hystériques y sont sujets ; la délicatesse des fibres de l’estomac dans les uns, les mauvaises digestions dans les autres, sont les causes de la maladie : enfin comment un accès de colere, de peur, ou de quelque passion violente, peut occasionner la cardialgie : un engorgement du sang dans les vaisseaux de l’estomac, & son peu de facilité à se dégorger dans la veine-porte, la produisent.

La cardialgie est un état fâcheux, & auquel on ne peut trop tôt remédier ; car les suites en sont très-funestes.

Le traitement varie selon les causes de la maladie ; rien en même tems n’est plus difficile que de placer les remedes dont on doit user : car les cordiaux que l’on employe assez fréquemment parmi le peuple, tels que la thériaque, la confection d’hyacinthe, & autres remedes de cette espece, ne sont pas toûjours indiqués. C’est aux lumieres d’un Medecin qu’il faut s’en rapporter pour en diriger l’usage. Rien de plus dangereux pour un malade attaqué de cardialgie inflammatoire, que l’administration de ces remedes. Quel effet doit-on en attendre dans une cardialgie spasmodique ? enfin quel succès auront-ils lorsqu’elle sera causée par des vers, ou des matieres bilieuses & glaireuses, amassées dans l’estomac ? Un Medecin expérimenté examinera les causes de la maladie ; il appliquera les remedes convenables, & vous épargnera les dangers que vous feroient courir par leur conseil, des gens qui n’ont nulle connoissance de l’économie animale, ni des maladies, ni de la façon de les traiter. (N)