L’Encyclopédie/1re édition/CASSE

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 744-746).

CASSE, s. f. cassia, (Hist. nat. bot. & mat. med.) genre de plante dont la fleur est le plus souvent composée de cinq feuilles disposées en rond : le pistil devient dans la suite une silique cylindrique ou applatie, divisée en plusieurs loges par des cloisons transversales, enduite d’une sorte de moelle noirâtre pour l’ordinaire : cette silique renferme des semences arrondies & noires. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

* La casse solutive est une espece de gousse différente de la casse syrinx aromatique des Grecs, & de la casse ligneuse des modernes. Les Arabes ont connu les premiers les propriétés de la casse solutive : c’est un fruit exotique, qu’on reconnoîtra à la description qui précede. Il y en a de deux sortes dans les boutiques ; l’une qui vient d’Egypte, & qu’on appelle casse orientale ; & l’autre qui vient d’Amérique, & qu’on appelle casse occidentale : celle-ci n’est pas la meilleure ; son écorce est plus épaisse, plus rude, & plus ridée, & sa moelle acre & desagréable au goût : il faut lui préférer l’orientale, & prendre les gousses de celle-ci, qui sont pesantes, nouvelles, & pleines, dont les graines ne résonnent pas au-dedans, & qui a la moelle grasse, douce, & d’un noir vif ; c’est la seule partie dont on fasse usage : on la tire de la gousse, on la passe par un tamis, & on l’appelle fleur de casse, ou casse mondée. L’arbre qui la produit s’appelle cassia fistula alexandrina.

Le pere Plumier dit que cet arbre ressemble assez à notre noyer, quant à l’ordre de ses feuilles, & à l’arrangement de ses branches ; qu’il a l’écorce du tronc plus fine, plus polie, d’un gris cendré en-dehors, & de couleur de chair en-dedans ; que son bois est dur, noirâtre intérieurement, & environné d’un aubier pâle ; que les feuilles disposées deux à deux sur des côtes menues, vertes, longues d’environ un pié & demi, & plus grosses à leur origine, ont à peu-près la forme, la couleur, & la consistance de celles du noyer ; qu’il y a souvent cinq ou six conjugaisons de feuilles sur chaque côte, sans que cela empêche qu’elles soient terminées par une seule feuille ; que ces feuilles sont plus unies en dessus, à cause de la petitesse de leurs nervures ; qu’elles ont à peu près la figure d’un fer de lance de quatre à cinq pouces de long sur deux de large ; qu’elles ont la pointe aiguë, & la base arrondie ; que proche des côtes il sort trois ou quatre pédicules un peu plus longs, chargés de fleurs ; que chaque fleur a son pédicule long d’environ deux pouces, son calice concave, & formé de cinq petites feuilles presqu’ovales, d’un verd jaunâtre, & de la grandeur au plus de la moitié de l’ongle ; qu’il part de ce calice cinq pétales placés en rond, d’un beau jaune, creusés & arrondis en cuilliere ; que des cinq il y en a deux un peu plus grands que les autres ; qu’aucun n’excede la grandeur d’un pouce ; qu’ils sont veinés dans toute leur étendue ; qu’il s’éleve aussi du calice dix petites étamines, d’un jaune pâle, inégales, trois recourbées, & les autres droites ; qu’on voit au milieu d’elles un pistil long, cylindrique, verdâtre, & recourbé en crochet ; que ce pistil dégénere en une gousse cylindrique, droite, longue d’un pié & demi, & d’un peu moins d’un pouce d’épaisseur ; d’une substance ligneuse & mince, couverte d’une pellicule d’un noir châtain, ridée transversalement, excepté du côté du ventre & du dos, portant sur toute sa longueur une côte saillante, lisse & unie, divisée en plusieurs petites cellules séparées par des lames minces, ligneuses, orbiculaires, paralleles, & couvertes d’une pulpe moelleuse, douce, blanchâtre, jaune ensuite, puis noire ; que chaque cellule contient une graine dure, arrondie, plate, à peu-près en cœur, d’une couleur voisine du châtain, & attachée par un fil délié aux parois de chaque cellule ; que l’arbre fleurit en Mai & en Avril dans les îles de l’Amérique, & qu’il est sans feuilles quand il est en fleur.

On confit des bâtons de cette casse, quand ils sont encore jeunes & tendres ; on les appelle cannificium, cannefice. On en mange quand on veut se lâcher le ventre.

La moelle mondée s’aigrit quand on la garde : elle contient beaucoup de phlegme, de sel essentiel, & d’huile : elle purge doucement les humeurs bilieuses, & échauffe peu ; mais elle est venteuse, & donne des vapeurs à ceux qui y sont sujets. Pour lui ôter cette qualité, on l’atténue ave le sel végétal ou autre, & on la fait bouillir légerement : la dose est depuis demi-once jusqu’à une once & demie. Le quarteron en bâton équivaut à l’once en moelle. Geoffroy, Mat. med..

Préparations de casse officinale. L’extrait de casse se fait en passant la moelle à travers un tamis : après l’avoir dissous dans une liqueur convenable, on l’aromatise avec la fleur d’orange, le sucre, l’anis, le fenouil ; on le fait évaporer pour lui donner la consistance de bol, & l’on en donne dix gros.

La préparation appellée diacassia cum manna, quoique de peu d’usage, a son utilité en plusieurs cas.

Pour la faire, prenez prunes de damas deux onces ; fleurs de violette, une poignée & demie ; eau de fontaine, une livre & demie : faites bouillir le tout jusqu’à diminution de moitié, & dissolvez dans la colature, de la pulpe de casse, six onces ; du sirop violat, huit onces ; de la pulpe de tamarin, une once ; de sucre candi, une once & demie ; de la meilleure manne, deux onces : faites du tout un électuaire.

L’extrait de casse avec les feuilles de séné se prépare de la maniere suivante.

Prenez du diacassia cum manna, deux livres ; feuilles de séné pulvérisées, deux onces ; semence de carvi, une once ; sirop violat, quantité suffisante : faites un électuaire.

La pulpe de casse s’employe aussi à l’extérieur dans les cataplasmes résolutifs & émolliens. Quincy, Pharmacop.

La casse du Bresil est une gousse plus courte que celle de la casse d’Egypte, un peu plus applatie, & très-dure. L’arbre qui la porte s’appelle cassia fistula Brasiliana : il est grand & beau ; son tronc est droit, lisse, & cendré ; il étend ses branches au loin ; il est couvert de feuilles portées sur une côte de neuf pouces, & attachées à de petites queues fort courtes : elles sont d’un verd clair, velues, un peu inclinées, traversées longitudinalement d’une nervure rougeâtre, & transversalement de plusieurs autres qui s’étendent des deux côtés, se recourbant vers leurs extrémités, & se réunissant au bord de la feuille. Les fleurs naissent de l’aisselle des feuilles ; elles sont disposées en forme d’épi sur des pédicules qui ont près d’un palme & demi de long : chaque fleur a son pédicule propre, foible, velu, long d’un pouce. Les boutons de ces fleurs ressemblent à la capre, & les fleurs épanoüies sont plus petites que celles de la casse ordinaire : elles ont cinq pétales de couleur de chair ; le milieu en est occupé par dix étamines recourbées, garnies de longs sommets ; les trois inférieures en sont une fois plus longues que les supérieures : il se trouve parmi elles un style en croissant, long & velu ; ce style dégénere en une gousse verte, puis noire, ensuite brune, pendante quand elle est mûre, longue d’environ deux piés, épaisse de cinq doigts, un peu courbée, bordée d’un côté & dans toute sa longueur de deux côtes, & de l’autre, d’une seule côte qu’on prendroit pour une corde collée sous l’écorce. L’écorce en est rude en-dehors, ligneuse, & blanche en-dedans ; elle est si ferme, qu’on ne la peut casser qu’avec le marteau : l’intérieur en est séparé en loges, chacune de deux lignes ou environ d’épaisseur, & contenant une graine de la grandeur & figure d’une amande, d’un blanc jaunâtre, luisante, luisante, lisse, dure, & divisée d’un côté dans toute sa longueur par une ligne roussâtre, dont l’intérieur est blanc, & d’une substance de corne. Outre cela chaque cellule renferme une pulpe gluante, brune ou noirâtre, pareille à la casse ordinaire, mais amere & desagréable : cette pulpe est très-purgative, au jugement de Lobel & de Tournefort. Geoff. Mat. med.

La casse en bois, cassia lignea offic. est une écorce roulée en tuyau, tout-à-fait ressemblante par l’extérieur à la canelle, dont elle a la couleur, l’odeur & le goût, & dépouillée comme elle de sa pellicule extérieure. On la distingue de la canelle par la foiblesse de son goût aromatique, & par une glutinosité qu’on lui trouve en la mâchant : elle est tantôt jaune, tantôt jaune rougeâtre : la meilleure est celle qui décele les qualités les plus voisines de la canelle. L’arbre qui la donne s’appelle cinnamomum, ou canella Malabarica & Javensis : c’est la même espece de plante que celle qui donne la canelle de Ceylan. On fait peu d’usage de cette casse. Geoffroy présume qu’elle a été connue des anciens. Elle passe pour alexipharmaque & stomachique. On la préfere à la canelle quand il s’agit de resserrer. On la conseille dans l’asthme, la toux, les diarrhées, & les dyssenteries. On l’employe dans la thériaque, le mithridat, &c..

La casse giroflée, cassia caryophillate off. est aussi une écorce comme la canelle, dont l’odeur de girofle devient si vive & si forte, que la langue en est affectée comme d’un caustique léger ; du reste elle ressemble à la canelle : c’est l’arbre appellé caninga qui la donne : il est grand & haut ; son tronc est gros & brun ; ses feuilles, semblables par la forme à celles du canellier, sont plus grandes : il est commun dans l’île de Cuba, & dans les contrées méridionales de la Guyane. On attribue à l’écorce les propriétés du girofle, auquel on la substitue dans les assaisonnemens. Geoffroy prétend que les anciens Grecs & Arabes ne l’ont point connue. On la croit stomachique & alexipharmaque, mais dans un degré fort au-dessous du clou de girofle. Geoff. Mat. med.

* Casse, s. m. (Métallurgie.) on donne ce nom en général en plusieurs endroits à une grande poelle : mais il désigne particulierement à Sainte-Marie aux mines, & en différentes autres usines où l’on travaille les mines de cuivre, de plomb, & d’argent, une cavité préparée au-dehors des fourneaux d’affinage, dans laquelle le métal se rend au sortir du fourneau, par un trou pratiqué à sa partie inférieure. Voyez Cuivre.

Les Orfevres & les Monnoyeurs donnent aussi le nom de casse à un vaisseau fait de cendres de lessive & d’os de mouton calcinés, dont ils se servent dans l’affinage de l’or & de l’argent, ou lorsqu’il s’agit d’asseoir le cuivre en bain.

Casse des Rubaniers, espece de peigne qui se fait de la maniere suivante. On prend un morceau de corne long de quatre jusqu’à six pouces, large de cinq à six lignes, assez épais pour être coupé en deux ; ce morceau de corne se refend dans toute son épaisseur, mais non pas dans toute sa largeur, & cela à peu près comme les Tablettiers refendent leurs peignes ; il est ensuite scié en deux dans son épaisseur, ce qui donne deux parties dont les dentures sont parfaitement égales ; l’une forme le haut de la casse, & l’autre le bas : ces deux morceaux sont ensuite assemblés à queue d’aronde avec deux morceaux de bois de pareille épaisseur, & arrêtés & fixés ensemble par les angles avec de la petite ficelle : ainsi voilà un quarré dont toutes les dentures sont remplies chacune d’une dent d’acier qui trouve sa place en haut & en-bas dans chacun des interstices de cette denture. Quand toutes les dents sont ainsi placées, on couche sur le devant de la denture & à plat une de ces mêmes dents, que l’on lie par les bouts ; par ce moyen toutes les dents sont tenues dans leur situation : on garnit le dessus & le dessous d’une bande de papier ou de carton, pour empêcher les dents de s’échapper par les ouvertures des morceaux de corne. La casse sert ainsi de peigne dans les forts ouvrages, où les dents de canne seroient trop foibles, & ne résisteroient pas.

* Casses, s. f. (Commerce.) c’est ainsi qu’on appelle des mousselines ou des toiles de coton blanches & fines, qui viennent des Indes orientales, mais surtout de Bengale : c’est pour cette raison qu’on les appelle casses Bengales. Elles ont seize aunes de long, sur huit de large.