L’Encyclopédie/1re édition/CENTON
CENTON, s. m. en Poësie, piece de vers composée on entier de vers ou de passages pris de côtés & d’autres, soit dans le même auteur, soit dans différens écrivains, & disposés seulement dans une nouvelle forme ou un nouvel ordre qui compose un ouvrage, & donne à ces lambeaux un sens tout différent de celui qu’ils ont dans l’original.
Ce mot est Latin, cento, & signifie à la lettre un manteau fait de pieces rapportées : il vient du Grec {{lang[grc|κέντρον}}, qui veut dire la même chose. Les soldats Romains dans les siéges se servoient de centons, ou de vieilles étoffes rapetassées, pour se garantir des traits de l’ennemi ; & l’on couvroit aussi au même dessein les machines de guerre, les galeries, & autres choses nécessaires aux approches, de peaux de bêtes fraîchement écorchées, que les auteurs appellent centons. Voyez Centonaires.
Ausone a donné des regles de la composition des centons ; & lui-même en a fait un très-obscene tiré des vers de Virgile : il faut prendre, dit-il, des morceaux détachés du même poëte, ou de plusieurs : en peut prendre les vers entiers, ou les partager en deux, & lier une moitié empruntée d’un poëte à la moitié qu’un autre aura fournie : mais il n’est pas permis d’insérer deux vers de suite, ni d’en prendre moins que la moitié d’un.
Proba Falconia a écrit la vie de Jesus-Christ en centons tirés de Virgile, aussi bien qu’Alexandre Rosso, & Etienne de Pleurre chanoine régulier de Saint-Victor de Paris. Voici un exemple de ces centons dans l’adoration des Mages. V. Chamb. & le Dict. de Trév.
Adoratio Magorum. Matth. 2. | ||||
VI. | Æneïd. v. 255. | Ecce autem primi sub lumina solis, & ortus, | ||
II. | Æneïd. v. 694. | Stella facem ducens, multà cum luce cucurrit. | ||
V. | Æneïd. v. 526. | Signavitque viam * coeli in regione serenâ : | VIII. | Æneïd. v. 528. |
VIII. | Æneïd. v. 330. | Tum reges * (credo quiæ sit divinitus illis | I. | Georg. v. 415. |
I. | Georg. v. 416. | Ingenium & rerum fato prudentia major) | ||
VII. | Æneïd. v. 98. | Externi veniunt * quæ cuique est copia, coeti, | V. | Æneïd. v. 100. |
II. | Æneïd. v. 333. | Munera portantes * molles sua thura Sabœi | I. | Georg. v. 57. |
III. | Æneïd. v. 464. | Dona dehinc auro gravia * myrrhaque madentes, | XII. | Æneïd. v. 100. |
IX. | Æneïd. v. 659. | Agnovere Deum regem * regumque parentem. | VI. | Æneïd. v. 548. |
I. | Georg. v. 418. | Mutavere vias * ; perfectisque ordine votis, | X. | Æneïd. v. 548. |
VI. | Æneïd. v. 16. | Insuetum per iter * spatia in sua quisque recessit. | XII. | Æneïd. v. 126. |