Aller au contenu

L’Encyclopédie/1re édition/CENTON

La bibliothèque libre.
Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 821).

CENTON, s. m. en Poësie, piece de vers composée on entier de vers ou de passages pris de côtés & d’autres, soit dans le même auteur, soit dans différens écrivains, & disposés seulement dans une nouvelle forme ou un nouvel ordre qui compose un ouvrage, & donne à ces lambeaux un sens tout différent de celui qu’ils ont dans l’original.

Ce mot est Latin, cento, & signifie à la lettre un manteau fait de pieces rapportées : il vient du Grec {{lang[grc|κέντρον}}, qui veut dire la même chose. Les soldats Romains dans les siéges se servoient de centons, ou de vieilles étoffes rapetassées, pour se garantir des traits de l’ennemi ; & l’on couvroit aussi au même dessein les machines de guerre, les galeries, & autres choses nécessaires aux approches, de peaux de bêtes fraîchement écorchées, que les auteurs appellent centons. Voyez Centonaires.

Ausone a donné des regles de la composition des centons ; & lui-même en a fait un très-obscene tiré des vers de Virgile : il faut prendre, dit-il, des morceaux détachés du même poëte, ou de plusieurs : en peut prendre les vers entiers, ou les partager en deux, & lier une moitié empruntée d’un poëte à la moitié qu’un autre aura fournie : mais il n’est pas permis d’insérer deux vers de suite, ni d’en prendre moins que la moitié d’un.

Proba Falconia a écrit la vie de Jesus-Christ en centons tirés de Virgile, aussi bien qu’Alexandre Rosso, & Etienne de Pleurre chanoine régulier de Saint-Victor de Paris. Voici un exemple de ces centons dans l’adoration des Mages. V. Chamb. & le Dict. de Trév.

Adoratio Magorum. Matth. 2.
VI. Æneïd. v. 255. Ecce autem primi sub lumina solis, & ortus,
II. Æneïd. v. 694. Stella facem ducens, multà cum luce cucurrit.
V. Æneïd. v. 526. Signavitque viam * coeli in regione serenâ : VIII. Æneïd. v. 528.
VIII. Æneïd. v. 330. Tum reges * (credo quiæ sit divinitus illis I. Georg. v. 415.
I. Georg. v. 416. Ingenium & rerum fato prudentia major)
VII. Æneïd. v. 98. Externi veniunt * quæ cuique est copia, coeti, V. Æneïd. v. 100.
II. Æneïd. v. 333. Munera portantes * molles sua thura Sabœi I. Georg. v. 57.
III. Æneïd. v. 464. Dona dehinc auro gravia * myrrhaque madentes, XII. Æneïd. v. 100.
IX. Æneïd. v. 659. Agnovere Deum regem * regumque parentem. VI. Æneïd. v. 548.
I. Georg. v. 418. Mutavere vias * ; perfectisque ordine votis, X. Æneïd. v. 548.
VI. Æneïd. v. 16. Insuetum per iter * spatia in sua quisque recessit. XII. Æneïd. v. 126.