L’Encyclopédie/1re édition/CLIMACTÉRIQUE

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CLIMACTÉRIQUE, adj. (Année) Divination, année critique ou période de l’âge de l’homme, dans laquelle les astrologues prétendent qu’il se fait dans le corps une altération considérable qui conduit à des maladies, à la mort, ou qui signale cette année par des accidens funestes.

Nous ajoûtons cette derniere clause, parce que Evelius qui a fait un volume entier sous le titre de annus climactericus, y décrit la perte qu’il fit par le feu qui prit à son observatoire, & que cet accident lui arriva dans sa plus grande climactérique.

Ce mot vient du Grec κλιμακτὴρ ou κλιμακτηρικὸς, dérivé de κλῖμαξ, degré ou échelle ; parce qu’on monte de sept en sept ou de neuf en neuf ans, pour arriver à l’année qui s’appelle climactérique.

Ainsi la premiere année climactérique de la vie de l’homme, c’est, selon quelques-uns, la septieme ; les autres sont des multiples de celle-ci, savoir 14, 21, 28, 35, 42, 49, 56, 63, 70, 77, 84 : mais les années 63 & 84 sont nommées en particulier grandes climactériques, & l’on croit que le danger de mort y est beaucoup plus grand que dans les autres.

Selon d’autres auteurs, l’année climactérique se compte de neuf en neuf ; c’est pour cela, disent-ils, que la soixante-troisieme & la quatre-vingt-unieme sont les plus dangereuses ; parce que dans l’une le nombre de sept, & dans l’autre le nombre de neuf, se trouvent repétés neuf fois.

Cette opinion est fort ancienne. Aulugelle l’attribue aux Chaldéens, qui pouvoient l’avoir reçûe de Pythagore, si peut-être dans ses voyages ce philosophe ne l’emprunta pas d’eux ; car on sait que sa philosophie étoit fondée en grande partie sur les rapports & les propriétés des nombres, & qu’il attribuoit sur-tout au nombre sept une vertu particuliere.

Marsile Ficin pense en avoir trouvé le fondement, en disant qu’il a été assigné à chaque planete une année pour dominer sur le corps de l’homme chacune à son tour ; & que comme de toutes les planetes Saturne est la plus mal-faisante, toutes les septiemes années qui lui appartiennent, doivent être par cette raison très-dangereuses, & sur-tout les 49, 56, & 63 années où l’on est déjà avancé sur l’âge : mais peut-être eût-on fort embarrassé Marsile Ficin, en lui demandant pourquoi les planetes dominoient sur le corps de l’homme, & pourquoi les influences de Saturne étoient plus funestes que celles des autres planetes.

Cependant des hommes fort éclairés ont eû foi à ces influences. Auguste, si l’on en croit Suetone, se réjouissoit d’avoir passé sans danger sa grande climactérique, c’est-à-dire sa soixante & troisieme année ; car il mourut âgé de 76 ans. Quelques-uns ont prétendu que les années climactériques étoient aussi fatales au corps politique ; & on pourroit en convenir, s’il étoit prouvé qu’elles le sont au corps naturel.

On en étoit assez persuadé il n’y a pas deux siecles, c’est-à-dire du tems de la ligue ; car M. de Thou & Mezerai racontent que Jean Bodin, si connu par sa démonomanie, & qui étoit avocat du roi à Laon, voulant faire déclarer cette ville en faveur de la ligue & contre Henri III. fit un discours aux habitans assemblés, où il s’attacha à lever leurs scrupules ; & après s’être déchaîné contre le roi qu’il osa traiter de traitre & d’hypocrite, « il tira, dit M. de Thou, des circonstances présentes un présage assez funeste à la succession à la couronne : car il dit que l’année soixante & troisieme de l’homme étoit son année climactérique, & ne manquoit guere de lui être funeste ; qu’ainsi, comme on comptoit parmi nous soixante & trois rois depuis Pharamond jusqu’à Henri III. il sembloit que ce prince dût être fatal à la France, & que ce fût par lui que la couronne dût sortir de sa maison ». De Thou, hist. l. XCIV. Mezerai dit à-peu-près la même chose, dans son abregé chronologique, sous l’an 1589. De pareils raisonnemens ne surprennent pas de la part de Bodin, & les impressions qu’ils firent, ne doivent pas paroître étranges dans un siecle infatué de l’astrologie judiciaire.

Au reste plusieurs auteurs célebres ont écrit sur l’année climactérique ; entre autres Platon, Cicéron, Macrobe, Aulugelle, auxquels on peut ajoûter saint Augustin, S. Ambroise, le vénérable Bede, Boece, &c. & parmi les modernes, Argol, Magir, & Saumaise, de annis climactericis. (G)