L’Encyclopédie/1re édition/CLIGNEMENT

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CLIGNEMENT, s. m. (Anat. Physiol.) froncement des deux paupieres, qu’on tient volontairement à demi-rapprochées l’une de l’autre, soit pour regarder un objet plus fixément en tenant un œil fermé, soit pour empêcher l’œil à demi-fermé qui regarde, d’être blessé par un trop grand nombre de rayons.

Cette action de clignement s’exécute par la contraction volontaire de toutes les portions du muscle orbiculaire, dont je suppose ici l’attache, la distribution, & la terminaison connues ; car ses fibres demi-circulaires se distribuant aux deux paupieres jusqu’à leur cartilage, peuvent les fermer à moitié, ou entierement. Dans cette action, les sourcils se baissent aussi avec la paupiere supérieure ; parce que diverses portions du muscle orbiculaire sont adhérentes à la peau, & se portent depuis le sourcil jusqu’au haut de la joue. Voilà la raison des plis de toutes ces parties qui paroissent dans le clignement, & qui sont différens selon la différence de la direction des fibres du muscle orbiculaire. On en voit comme rayonnés autour de l’angle temporal : il y en a peu entre le sourcil & la paupiere supérieure. Il y en a plusieurs au-dessous de la paupiere inférieure, lesquels descendent très-obliquement de devant en arriere.

On cligne les paupieres pour regarder un objet éloigné, en comprimant l’hémisphere antérieur du globe de l’œil, & l’on dilate les paupieres pour voir un objet de près ; non pas que ces deux états des paupieres soient absolument nécessaires pour donner au globe les figures qu’il doit prendre dans les deux cas proposés : ces figures du globe ont d’autres causes plus puissantes ; & l’on peut, sans déranger leurs effets, cligner les paupieres dans l’un & l’autre cas : on le fait effectivement toutes les fois qu’on double d’efforts pour mieux voir, soit de loin, soit de près ; mais cette espece de clignement n’a aucun rapport à la figure du globe ; tout son méchanisme aboutit à retrécir les paupieres, pour empêcher les rayons de tomber en trop grande quantité sur la surface polie de la cornée, d’où ils se refléchissent, s’éparpillent à la ronde, & nuisent à la pureté des rayons qui entrent dans l’œil : c’est pourquoi, machinalement, nous clignons les yeux, afin de ne laisser presque que le passage du cone de lumiere qui porte l’image, & afin que cette image ne soit point troublée, salie, si l’on peut le dire, par des rayons étrangers. C’est ainsi qu’on voit mieux un objet par un tuyau, qu’on ne le voit en plein air.

Quoique les paupieres, suivant la remarque judicieuse de M. le Cat, servent comme l’iris, à conserver le cone lumineux, qui entre dans l’œil, plus pur, & à rendre les images plus nettes, cependant si on regarde une chandelle en clignant & en approchant les paupieres si près l’une de l’autre, qu’elles ferment en partie la prunelle & qu’elles interceptent une portion du corps lumineux qui y doit entrer, alors on ne voit plus la lumiere nettement, mais avec de grands traits lumineux dirigés vers le haut & le bas de cette lumineux, & ces grands traits sont les portions du cone refléchies par chaque paupiere ; mais les paupieres ne troublent ainsi la vûe que quand on les ferme exprès, & encore l’objet n’a ces grands traits de lumiere qu’en-dessus & en-dessous, parce que les paupieres dans cet état de clignement, interceptent les rayons du cone lumineux de la chandelle. La vûe est un sens qui se trompe lui-même, & qu’on trompe perpétuellement. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.