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L’Encyclopédie/1re édition/COCYTE

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COCYTE, s. m. (Myth.) un des quatre fleuves des enfers ; fleuve d’Epyre, ou plûtôt de la Thesprotie qui en étoit une partie : il tomboit avec le Pyriphlégeton dans le marais Achérusia. Son étymologie & son voisinage de l’Achéron, l’ont fait mettre par les poëtes Grecs au nombre des fleuves des enfers. En effet cocyte veut dire pleurs, gémissemens, de κωκύειν, gémir. Il a donné son nom aux fêtes Cocytiennes qu’on célebroit en l’honneur de Proserpine.

Je crois que le Cocyte des poëtes Latins étoit le ruisseau de ce nom qui couloit en Italie près du lac d’Averne, & se déchargeoit dans le lac Lucrin, lequel fut enfin presque comblé par une nouvelle montagne de cendres qu’on vit s’élever du fond de ce lac dans un tremblement de terre arrivé le 29 Septembre 1538.

Ce n’est donc pas seulement de l’Epyre que les Poëtes ont tiré l’idée des fleuves de l’enfer ; le lac d’Averne d’Italie, & les fontaines d’eaux chaudes qui étoient aux environs, y ont également donné lieu. Tous ces endroits étoient si couverts de bois depuis Bayes & Pouzzol, que les eaux y croupissant, passoient pour être des plus mal-saines ; outre que la vapeur qui sortoit des mines de soufre & de bitume qui y sont en grand nombre, ne pouvoit pas s’exhaler aisément.

Agrippa favori d’Auguste, & rempli d’amour du bien public, fit couper ces bois & nettoyer si bien les lieux voisins, que depuis les eaux devinrent claires & nettes, au rapport de Strabon. Mais c’est pour cela même que les Poëtes ornerent leurs écrits des anciennes idées qu’on avoit du Cocyte. Horace, ode xjv. liv. II. v. 18. & Virgile, Ænéid. liv. VI. v. 323. n’y manquerent pas.

Le premier, dans cette ode à Posthume, où la morale est si bien cachée, où la versification est si belle, rappelle poétiquement à son ami la nécessité de mourir :

Visendus ater flumine languido
Cocytus errans.


Article de M. le Chevalier de Jaucourt.