L’Encyclopédie/1re édition/COCTION

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COCTION, s. f. l’action de cuire ; ce terme a différentes acceptions : on dit la coction des humeurs ; celle des alimens, &c. Voyez les articles suivans.

Coction, (Medecine.) ce terme a été transmis de la théorie des anciens medecins à celle des modernes, pour signifier la même chose quant à l’effet, mais non pas absolument quant à la cause ; c’est-à-dire, pour exprimer l’altération utile à l’œconomie animale qu’éprouvent les matieres nourrissantes & les humeurs dans les différentes parties du corps humain.

Les anciens attribuoient cet effet à ce qu’ils appelloient calidum innatum, le chaud inné, dont Galien établissoit le principal foyer dans le cœur ; ils composoient le chaud inné de l’action du feu unie à l’humide radical, sans en connoître mieux la nature. Un illustre parmi ceux qui ont écrit sur ce sujet, Montanus, avoue ingénuement, qu’après s’être crû pendant long tems un grand docteur, il étoit parvenu à un âge très-avancé sans avoir rien entendu à ce que c’est que la chaleur innée ; elle étoit cependant regardée comme le premier mobile de l’action de tous les organes, & on croyoit par cette raison que l’activité de ces organes doit être proportionnée à la chaleur naturelle de l’animal, comme un effet doit être proportionné à sa cause ; en un mot la chaleur étoit, selon les anciens, le principe de la vie. Voyez Chaleur animale.

C’est d’après cette idée qu’ils ont donné le nom de coction, à coquendo, à toutes les élaborations opérées dans le corps humain, soit en santé soit en maladie, parce qu’ils ne reconnoissoient pas d’autre cause efficiente de ces élaborations que l’action du feu, dont les parties élémentaires pénetrent tous les corps. Ils entendoient par coction en général, tout changement produit dans une substance par la force de la chaleur, qui rend cette substance d’une nature plus parfaite : ils admettoient trois especes de coction, savoir, la maturation, l’assation, & l’élixation ; c’est à cette derniere espece qu’ils rapportoient toute coction, qui se fait naturellement dans le corps humain, parce qu’il ne s’en opere aucune sans le concours du chaud & de l’humide.

Ils faisoient consister la principale coction animale dans l’assimilation des sucs alimentaires, produite par chacune des parties qui les reçoit ; ensorte qu’ils acquierent par cette opération toutes les qualités nécessaires pour entrer dans leur composition. Ils distinguoient la coction de la nutrition, en ce que par celle-ci les sucs nourriciers sont attirés & unis à la partie, en réparant ou en augmentant sa substance, au lieu que par celle-là ils acquierent la disposition nécessaire pour cet usage. Ils établissoient trois sortes de concoctions de ce genre dans l’œconomie animale ; savoir, la chylification, la sanguification, & l’élaboration de toutes les humeurs nourricieres & récrémenticielles ; & comme la matiere de ces différentes coctions est toûjours hétérogene, ils leur attribuoient un double effet, c’est-à-dire qu’ils en faisoient dépendre aussi la séparation des parties qui ne sont pas susceptibles d’être converties en bons sucs : ainsi les matieres fécales sont les excrémens de la premiere coction, parce qu’ils sont le résidu grossier des alimens qui n’ont pû être convertis en chyle ; pendant que celui-ci se change en sang, il s’en sépare aussi des parties hétérogenes qui forment le fiel & l’urine ; ce sont-là les excrémens de la seconde coction : & ceux de la troisieme, c’est-à-dire de celle qui perfectionne les humeurs utiles que fournit le sang, en les faisant passer par différens degrés d’élaboration, sont principalement la crasse de la peau & la matiere de la transpiration sensible & insensible. Voyez Chylification, Sanguification, Secrétions.

Ces différentes coctions ainsi conçues dans le sens des anciens, telles qu’ils pensoient qu’elles s’operent dans l’état de santé, concourent toutes à la conservation de la vie saine lorsqu’elles se font convenablement aux lois de l’œconomie animale : c’est à l’effet qui en résulte qu’ils ont donné le nom de πέψις, pepsie, & celui de ἀπεψία, apepsie, crudité, par opposition à ces mêmes coctions lorsqu’elles sont viciées & qu’elles se font d’une maniere contraire à l’état naturel, ensorte qu’il en résulte un effet tout différent ; ils attribuoient ces défauts de coction principalement au défaut de chaleur innée, qu’ils regardoient, ainsi qu’il a été dit ci-devant, comme la cause efficiente de toute digestion.

C’est dans cette idée qu’ils appelloient crud, en fait d’humeurs alimentaires & autres, tout ce qui n’a pas acquis les degrés de perfection qu’il doit avoir par rapport aux qualités & au tempérament propres dans l’état de santé, & tout ce qui n’est pas susceptible d’acquérir cette perfection.

Toute matiere crue contenue dans les differentes parties du corps humain, étoit traitée par les anciens comme peccante, parce qu’elle étoit regardée comme y etant étrangere & comme n’ayant pas acquis la disposition qui la doit rendre utile à l’œconomie animale ; c’est cette matiere peccante qu’ils voyoient dans toutes les maladies, dont ils composoient l’humeur morbifique, à laquelle ils attribuoient plus ou moins les desordres de l’œconomie animale, selon qu’elle leur paroissoit plus ou moins abondante, plus ou moins nuisible au principe vital.

Et comme ils s’appercevoient que plusieurs maladies se terminoient d’une maniere salutaire, sans aucun secours, par de copieuses évacuations, ils s’imaginerent que le même agent qui convertit les alimens en bons sucs pour la conservation de l’animal, pouvoit bien être aussi l’auteur des opérations qui changent les qualités des humeurs viciées, dont l’effet tend à sa destruction ; ensorte que ne pouvant pas leur en donner d’assez bonnes pour les convertir en la substance du corps, ou les rendre propres à d’autres fins utiles, il les sépare des humeurs de bonne qualité, & leur donne une consistance qui les dispose à être évacuées par l’action de la vie hors des parties dont elles empêchent les fonctions. Cette opération fut donc aussi attribuée à la chaleur innée comme une sorte de coction, qu’ils regarderent bien-tôt comme une condition essentielle pour détruire la cause des maladies ; ils en tirerent le fondement de la méthode de les traiter : c’est à cette coction des matieres morbifiques qu’ils donnerent le nom de πεπασμὸς, pepasme, pour la distinguer de celle des sucs alimentaires & récrémenticiels qu’ils avoient nommée πέψις, pepsis.

On trouve une distinction très-juste de ces deux especes de coction dans les définitions de Medecine de Gorrée : il dit que la coction proprement dite, c’est-à-dire la digestion dans les premieres, les secondes & les troisiemes voies, concerne les choses qui entrent dans le corps, & la coction des matieres morbifiques celles qui en sortent ou qui sont préparées pour en être évacuées.

Les premiers maîtres de l’art ayant fait l’importante découverte du moyen le plus efficace que la nature met en usage pour détruire les causes morbifiques, s’appliquerent soigneusement à observer les differens signes qui annoncent le pepasme, ou son défaut qui est la crudité ; parce qu’ils jugeoient par les premiers, que la nature devenoit supérieure à la cause de la maladie, & par les seconds au contraire, que les effets de celle-ci étoient toûjours dominans. Ils apprirent à chercher ces signes principalement dans les excrémens, parce qu’étant le résidu des différentes coctions, soit dans l’état de santé soit dans celui de maladie, on peut inférer des qualités de ces matieres la maniere plus ou moins parfaite dont elles ont été séparées. Ainsi Hippocrate (aphor. xij. sect. v.) avoit particulierement indiqué les urines & les matieres fécales, comme pouvant fournir les signes les plus sûrs, communs aux coctions de matiere morbifique faites dans quelque partie du corps que ce soit ; les crachats, comme propres à faire connoître particulierement l’état des poumons dans les maladies de poitrine ; la mucosité des narines, celui de leurs cavités affectées de catarrhe, &c. Galien établit aussi la même chose, lib. II. de crisib. cap. vij. en disant que dans toutes les fievres, attendu que le vice qui les cause est principalement dans le système des vaisseaux sanguins, on doit avoir principalement attention aux urines ; que dans les maladies qui affectent le bas-ventre, on doit avoir égard aux excrémens des premieres voies, sans négliger les urines, s’il y a fievre ; & que de même dans les maladies de poitrine, il faut examiner les crachats & joindre à cela toûjours l’inspection des urines, si ces maladies sont accompagnées de fievre.

Rien ne signifie plus sûrement une heureuse terminaison, que de voir les marques de coction dans les excrémens en général ; c’est ce qu’enseigne Hippocrate in epidem. lib. I. sect. ij. text. 45. lorsqu’il dit que toutes les maturations d’excrémens sont toûjours de saison & salutaires : & ensuite il ajoûte que les promptes coctions annoncent toûjours la prompte terminaison des maladies, & sont une assurance de guérison. Galien a confirmé toutes ces observations du pere de la Medecine par les siennes : il dit, lib. I. de crisib. cap. xviij. que les coctions ne sont jamais de mauvais signe ; & il témoigne en être si assûré, qu’il ne craint pas de donner pour regle infaillible, lib. de constit. art. medic. qu’aucune maladie ne se termine d’une maniere salutaire, sans qu’il ait précédé des signes de coction ; & Prosper Alpin de prasag. vita & mort. agr. lib. VI. cap. j. ajoûte à tout ce qui vient d’être dit en leur faveur, que non-seulement la coction accompagnée de bons signes est une preuve assûrée que la terminaison de la maladie sera heureuse, mais même lorsque la coction ne se trouve jointe qu’à de mauvais signes ; car alors les insomnies, les délires, les vertiges, les anxiétés, les douleurs, les tremblemens, les convulsions, la difficulté de respirer, & autres semblables symptomes, qui sont tous pernicieux par eux-mêmes, sont presque toûjours les indices d’une crise salutaire qui doit suivre.

Toutes sortes d’évacuations qui arrivent après la coction, sont toûjours salutaires ; c’est l’effet de la nature qui s’est rendue supérieure à la cause de la maladie : mais la sûreté du succès qui est annoncée par les signes de la coction, n’exclut pas cependant absolument toute incertitude ; il faut au moins que les signes marquent une coction bien parfaite & bien complete ; que ces signes perseverent jusqu’au moment de la crise, pepasmi & cruditatis vicissitudo pessima, dit Duret, in coæcas 54. cap. xvj. & qu’il ne survienne de la part du medecin, ou de celle du malade, & de ceux qui le gouvernent, aucun accident qui trouble la coction & qui s’oppose à la crise.

Les grands maitres qui nous ont transmis leurs importantes observations à ce sujet, ne s’en sont pas tenus à ce qui vient d’être rapporté ; ils ont cherché tous les signes de coction relatifs aux différentes parties du corps, qu’il seroit trop long d’exposer ici ; ils ont de plus indiqué le tems où ils paroissoient dans les différentes maladies : ils ont trouvé qu’ils ne se montrent jamais au commencement, parce qu’alors les matieres morbifiques sont absolument crues, ni pendant leur accroissement, parce qu’alors les coctions ne peuvent encore être qu’imparfaites ; c’est au tems où la maladie cesse d’augmenter & de produire de nouveaux symptomes, que l’on doit chercher à s’assurer si la coction est faite ou non, lorsque la chaleur naturelle a pû travailler suffisamment pour la préparer.

Autant il y a à compter sur les signes de coction, comme présages salutaires, autant doit-on craindre lorsqu’ils manquent & qu’il n’y a que des signes de crudité, lors même qu’ils sont joints aux meilleurs signes, ou que la maladie paroît terminée ; parce qu’on doit s’attendre à ce que le mal ait des suites fâcheuses ou de longue durée, s’il subsiste encore, & à ce qu’il y ait rechûte s’il paroît fini : c’est sur ce fondement que Galien a dit, in primo aphorismo, qu’une maladie dans laquelle il se fait quelque crise avec des signes de crudité subsistante, doit faire craindre une fin funeste, ou au moins un long cours dans la maladie : au reste les signes de crudité & de coction des différens excrémens sont rapportés dans chacun des articles qui les concerne, ainsi voyez Déjection, Urine, Crachat, Sueur, &c.

Après s’être assurés par l’observation des moyens de connoître dans les maladies la crudité & la coction ; après avoir étudié ce que la nature fait en conséquence de l’une ou de l’autre, les changemens utiles qu’elle opere : les anciens Medecins en conclurent, que pour imiter la conduite qu’elle tient dans le cours des maladies laissées à elles-mêmes, il ne falloit jamais entreprendre de procurer des évacuations dans le commencement des maladies ; parce qu’alors la matiere morbifique étant encore crue, n’ayant pas pû être encore préparée, rendue susceptible d’être portée par l’action de la vie hors des parties dont elle empêche les fonctions, résiste à son expulsion, pendant que les humeurs saines, s’il y en a, sont emportées ; ou elle ne cede (souvent même seulement en partie) qu’aux grands efforts qu’excite le moyen employé pour en procurer l’évacuation ; ce qui diminue considérablement les forces du malade, & le jette dans l’abattement : d’où il suit très-souvent, que la nature réduite à rester presque sans action, ne travaille plus à séparer le pur d’avec l’impur, à surmonter le mal, à rétablir l’ordre dans l’œconomie animale ; elle succombe, & le malade périt. Ce sont ces considérations qui avoient engagé le pere de la Medecine dogmatique, le confident de la nature, le grand Hippocrate, à établir comme une regle fondamentale de pratique, la précaution de ne pas placer au commencement des maladies des remedes évacuans, & par conséquent de ne pas les employer pour enlever du corps des matieres crues, mais seulement celles qui sont préparées, digérées par la coction : c’est ce que déclare expressément ce législateur de la Medecine, dans son aphorisme 22e. section j. lorsqu’il dit : concocta medicamentis aggredi oportet, & movere non cruda neque in principiis. L’expérience constante prouva tellement dans la suite la justice de cette loi, que selon Aristote (lib. III. pol. c. xj.), il n’étoit pas permis aux Medecins d’Egypte de produire aucun changement dans les maladies, par le moyen des remedes, avant le quatrieme jour de leur durée ; & s’ils anticipoient ce tems, ils étoient comptables, sur leur vie, de l’évenement. Galien regardoit comme un oracle la sentence qui vient d’être citée, tant il étoit convaincu qu’il est nécessaire dans la pratique de la Medecine, de se conformer à ce qu’elle prescrit. Il est cependant un cas excepté par Hippocrate lui-même, à qui rien n’a échappé, & qui a tant prévû en ce genre ; c’est celui auquel la matiere morbifique est si abondante dès le commencement des maladies, qu’elle excite la nature à en favoriser l’évacuation : c’est en effet par cette considération que le divin auteur de l’aphorisme, qui vient d’être rapporté, le termine en disant à l’égard des crudités, qu’elles ne doivent pas être évacuées : si non turgeant, raro autem turgent. Ainsi il établit, que le cas est rare ; mais qu’il arrive cependant que le medecin doit être plus porté à suivre l’indication qui se présente, de procurer l’évacuation de la matiere morbifique, lorsque la maladie commence avec des signes qui annoncent la surabondance de cette matiere, qu’à attendre que la coction en soit faite ; parce qu’il y a lieu de craindre qu’en la laissant dans le corps, les forces de la nature ne suffisent pas pour la préparer, & qu’il ne s’en fasse un dépôt sur quelque partie importante : ce qui seroit un plus mauvais effet que celui qui résulteroit d’en procurer l’évacuation avant la coction ; vû que dans cette supposition, la matiere morbifique a par elle-même de la disposition à être portée hors des parties qu’elle affecte, qui est tout ce que la coction. pourroit lui donner. C’est en pesant les raisons pour & contre, & en se décidant toûjours pour le plus grand bien ou le moindre détriment du malade, que l’on prend le bon parti dans cette conjoncture : c’est ce qu’insinue aussi Hippocrate dans le second aphorisme, après celui ci-dessus mentionné ; il s’exprime ainsi (aphor.xxjv. sect. 1.) in acutis affectionibus raro, & in principiis uti medicamentis oportet, atque hoc facere diligenti prius estimatione factâ.

Il suit de tout ce qui vient d’être dit de la théorie des anciens sur la coction, considérée dans l’état de santé & dans celui de maladie, que l’exposition de ce qu’ils ont pensé à ce sujet est presque tout ce qu’on peut en dire de mieux, ou au moins de plus utile, attendu que leur doctrine est principalement fondée sur l’observation de ce qui s’opere dans l’œconomie animale ; elle n’a par conséquent pas pû être renversée & oubliée, comme tant d’autres opinions, qui n’étant que la production de l’imagination, ont été successivement détruites les unes par les autres, tandis que celle-ci s’est conservée dans son entier, pour ce qui est des principes établis d’après les faits, & des conséquences qui peuvent en être tirées. En effet, elle n’a éprouvé de changemens que par rapport à l’explication de l’opération dont il s’agit ; ce qui n’a même eu lieu que dans le siecle dernier.

Car depuis Hippocrate & Galien jusqu’à ce tems-là, tous les Medecins (en adoptant les sentimens de ces grands maîtres qui s’étoient bornés à indiquer la chaleur naturelle comme cause immédiate de tous les changemens qui se font dans les humeurs animales, tant saines que morbifiques) attribuoient la digestion des alimens dans le ventricule, à une coction faite dans ce viscere, semblable à celle qui se fait dans les cuisines. Ils comparoient l’estomac à une marmite ; ils se le représontoient comme exposé à l’action du feu, fourni & entretenu par le cœur, le foie, la rate, & autres parties voisines ; ils pensoient que les matieres renfermées dans ce principal organe de la digestion des alimens, étant comme détrempées, macérées par les fluides qui s’y répandent, devenoient susceptibles d’une veritable élixation par l’effet de la chaleur, ce qui sembloit leur être prouvé par les vents qui s’élevent de l’estomac pendant la digestion ; ils les comparoient aux bulles qui se forment sur la surface d’un fluide qui boût : ensorte qu’ils n’admettoient d’autre agent que le feu, pour la préparation des matieres alibiles qui se fait dans ce viscere ; celle qui est continuée dans les autres parties des premieres voies, étoit aussi attribuée à l’action continuée de cette cause, qu’ils rendoient commune à toutes les autres élaborations d’humeurs dans le système des vaisseaux sanguins, & de tous les autres vaisseaux du corps.

Pierre Castellus, professeur de l’école de Messine, commença à réfuter cette opinion, dans une lettre écrite à Severinus ; il lui disoit entr’autres choses à ce sujet, que si la chaleur seule suffisoit pour la confection du chyle, on devroit aussi pouvoir en faire dans une marmite : mais comme on ne le peut pas, ajoûte-t-il, il faut donc avoir recours à la fermentation pour cette opération, &c. Bientôt après Vanhelmont attaqua avec bien plus de force sentiment de la coction des alimens opérée par la seule chaleur, dans une dissertation intitulée, calor efficaciter non digerit, sed excitativè. Son principal argument étoit, que les poissons ne laissent pas de digérer les alimens qui leur sont propres, quoique le sang des plus voraces même d’entre ces animaux, ne soit guere plus chaud que l’eau dans laquelle ils vivent : on trouve même établi, que le sang des tortues est plus froid que l’eau (Stubas, journ. in trans. phil. xxvij.). Vanhelmont objectoit d’ailleurs, que si la chaleur seule pouvoit opérer la coction des alimens, la fievre devroit la faciliter ultérieurement, bien loin de la troubler & de causer du dégoût, comme il arrive qu’elle le fait ordinairement. Il opposoit au système des anciens, bien d’autres choses de cette nature ; & il ne négligeoit rien pour détruire leur erreur, mais pour tomber dans une autre, qui consistoit à établir que la digestion des alimens ne peut se faire que par l’efficacité d’un ferment acide spécifique. Galien sembloit bien avoir conjecturé, que l’acide pouvoit contribuer à la digestion. De usu part. lib. IV. cap. viij. Riolan paroît aussi avoir eu la même idée. Antropograph. lib. II. cap. x. Cependant ni l’un ni l’autre n’avoient imaginé que l’acide pût agir comme dissolvant, mais seulement en irritant les fibres des organes de la digestion. Le ferment acide fit bientôt fortune ; il fut adopté par Sylvius Deleboé, & par toute la secte chimique Cartésienne : mais son regne n’a pas été bien long, l’expérience a bientôt détruit le fruit de l’imagination ; il n’a pas été possible de prouver la fermentation dans l’estomac, on n’y a jamais trouvé de véritable acide ; au contraire, Musgrave (Trans. phil.) y a démontré des matieres alkalescentes : Peyer a prouvé, qu’on trouve constamment des matieres pourries dans l’estomac des bœufs, à Rome ; c’est ce qui est cause que l’on n’y mange pas de la viande de ces animaux. Les personnes qui ont des rapports aigres, ont moins d’appétit ; les acides ne contribuent que rarement à le rétablir. On n’a jamais trouvé d’acides dans le sang ; d’ailleurs, en supposant même que le prétendu acide puisse exciter quelque fermentation dans les premieres voies, l’humeur toûjours renouvellée qui se mêleroit avec les matieres fermentantes, en arrêteroit bientôt le mouvement intestin, & sur-tout la bile qui est la plus contraire à toute sorte de fermentation. Ces faits sont plus que suffisans pour en détruire toute idée, tant pour les premieres que pour les secondes voies. Voyez Digestion, Chylification, Sanguification.

Il a fallu rendre à la chaleur naturelle la part qu’on lui avoit presque ôtée, pour la préparation du chyle & des autres humeurs ; mais non pas en entier. La machine de Papin démontre l’efficacité de la chaleur dans un vase fermé, pour dissoudre les corps les plus durs, qui puissent servir à la nourriture : un œuf se résout en une espece de substance muqueuse sans consistance, in putrilaginem, par une chaleur de 92 ou 93 degrés du thermometre de Farenheit ; la chaleur de notre estomac est à-peu-près au même degré. Mais la chaleur naturelle ne peut pas seule suffire à l’ouvrage de la chylification & de l’élaboration des humeurs, comme le pensoient les anciens, puisqu’il ne s’opere pas de la même maniere dans tous les animaux, qui ont cependant à-peu-près la même chaleur. Les excrémens d’un chien, d’un chat, qui se nourrissent des mêmes alimens que l’homme, sont bien différens de ceux qui résultent de la nourriture de celui-ci. Il en est de même du sang & des autres humeurs, qui ont aussi des qualités particulieres dans chaque espece d’animal, qui n’a cependant rien de particulier par rapport à la chaleur naturelle : elle doit donc être reconnue en général, comme une des puissances auxiliaires, qui sert à la digestion & à l’élaboration des humeurs communes à la plûpart des animaux ; mais elle ne joüe le rôle principal, encore moins unique, dans aucun.

Le défaut dominant dans tous les systèmes sur ce sujet, depuis les premiers Medecins jusqu’à ceux de ce siecle, est que l’on a toûjours cherché dans les fluides les agens principaux différemment combinés, pour convertir les alimens en chyle, celui-ci en sang ; pour rendre le sang travaillé au point de fournir toutes les autres humeurs, & pour séparer de tous les bons sucs les parties excrémenteuses qui s’y trouvent mêlées.

On a enfin de nos jours ôté aux fluides le pouvoir exclusif, qui leur avoit été attribué pendant environ deux mille ans, de tout opérer dans l’œconomie animale ; après l’avoir cédé pour peu de tems à des puissances étrangeres, à des légions de vers, on est enfin parvenu à faire joüer un rôle aux solides ; & comme il est rare qu’on ne soit pas extrème en faveur des nouveautés, on a d’abord voulu venger les parties organisées de ce qu’elles avoient été si long-tems laissées dans l’inaction, à l’égard des changemens qui se font dans les différens sucs alibiles & autres. On a été porté à croire qu’elles seules par leur action méchanique, y produisoient toutes les altérations nécessaires : on a tout attribué à la trituration ; mais on a ensuite bientôt senti, qu’il y avoit eu jusque-là de l’excès à faire dépendre toute l’œconomie animale des facultés d’une seule espece de parties : on a attribué à chacune le droit que la nature lui donne, & que les connoissances physiques & anatomiques lui ont justement adjugé. La doctrine du célebre Boerhaave sur les effets de l’action des vaisseaux & sur-tout des arteres (dit M. Quesnay dans son nouveau traité des fievres continues), nous a enfin assùré que cette action, comme quelques Medecins l’avoient déjà auguré, est la véritable cause de notre chaleur naturelle. Cette importante découverte, en nous élevant au-dessus des anciens, nous a rapprochés de leur doctrine ; elle a répandu un plus grand jour sur le méchanisme du corps humain & des maladies, que n’avoit fait la découverte de la circulation du sang. Nous savons en effet que c’est de cette action que dépendent le cours des humeurs & tous les différens degrés de l’élaboration dont elles sont susceptibles : mais on ne peut disconvenir qu’elle ne soit insuffisante pour produire les changemens qui arrivent à leurs parties intégrantes ; l’action de la chaleur peut seule pénétrer jusqu’à elles, & y causer une sorte de mouvement intestin, qui les développe & les met en disposition d’être aussi exposées à l’action des solides, qui en fait ensuite des combinaisons, d’où résulte la perfection & l’imperfection de toutes les humeurs du corps animal.

Cependant cette coopération de la chaleur naturelle dans la digestion des alimens & l’élaboration des humeurs, ne constitue pas une vraie coction, & ce nom convient encore moins au résultat de plusieurs especes d’actions différentes de la coction, qui conjointement avec elle, operent toutes les altérations nécessaires à l’œconomie animale. Néanmoins comme il est employé en Medecine sans être restraint à son véritable sens, & qu’on lui en donne un plus étendu qui renferme l’action des vaisseaux & de la chaleur naturelle qui en dépend, il est bon de retenir ce nom, ne fût-ce que pour éviter de se livrer à une inconstance ridicule, en changeant le langage consacré de tout tems à désigner des connoissances anciennes, que nous devons exprimer d’une maniere à faire comprendre que nous parlons des mêmes choses que les anciens, & que nous en avons au fond presque la même idée. Car quoique leur doctrine sur les coctions (dit le célebre auteur du nouveau traité des fievres continues, déjà cité) soit établie sur une physique obscure, la vérité y domine cependant assez pour se concilier convenablement avec l’observation, & pour qu’on puisse en tirer des regles & des préceptes bien fondés, accessibles aux sens, telles que sont les qualités sensibles & générales qui agissent sur les corps : ainsi elle sera toûjours la vraie science, qui renferme presque toutes les connoissances pratiques que l’on a pû acquérir dans l’exercice de la Medecine, & qui mérite seule d’être étudiée, approfondie, & perfectionnée.

Il paroît convenable de ne pas finir cet article, sans placer ici les réflexions suivantes sur le même sujet ; elles doivent être d’autant mieux accueillies, qu’elles sont extraites des commentaires sur les institutions & les aphorismes du célebre Boerhaave.

Hippocrate a considéré, & nous n’en faisons pas plus que lui, que l’on ne peut rien savoir de ce qui se passe dans le corps d’un homme vivant, soit qu’il soit en santé, soit qu’il soit malade, & que l’on ne peut connoître que les changemens qui paroissent dans les maladies, différens des phénomenes qui accompagnent la santé : ces changemens sont les effets de l’action de la vie qui subsiste encore ; & la cause occasionnelle de ces effets qui caractérisent la maladie, est un principe caché dans le corps, que nous appellons la matiere de la maladie ; tant que cette matiere retient le volume, la figure, la cohésion, la mobilité, l’inertie, qui la rendent susceptible de produire la maladie & de l’augmenter, elle est dite crue ; & tant que les changemens produits par la cause de la maladie subsistent, cet état est appellé celui de la crudité.

Ainsi il suit de là, que la crudité est d’autant plus considérable dans la maladie, que les qualités de la maladie sont plus différentes de celles de la santé. La crudité ne signifie pas une nature singuliere d’affection morbifique ; bien loin de-là, il peut y avoir une infinité d’especes de crudités, telles que les fluides âcres, épais, aqueux, &c. ou comme dit Hippocrate, le trop doux, le trop amer, le trop salé, le trop acide. On ne peut déterminer la nature de la crudité, qu’en ce qu’elle est propre à engendrer la maladie. Le sang de la meilleure qualité nuit dans la plethore ; son abondance lui donne un caractere de crudité : il peut aussi produire de mauvais effets dans le corps d’un homme foible, si on l’injecte dans ses vaisseaux, quoique seulement en quantité convenable. Ainsi on ne doit pas seulement entendre par matiere cuite, celle qui se mûrit par l’action de la vie, mais celle qui doit être regardée comme telle, respectivement à la fonction qui étoit viciée, lorsque cette fonction se rétablit dans l’état naturel. Hippocrate n’a vraissemblablement entendu autre chose sur la nature de la coction, si ce n’est que ce qui est crud dans le corps humain passe à l’état de maturation, lorsqu’il cesse d’avoir les qualités nuisibles qui le faisoient appeller crud, & qui constituoient la maladie.

Par conséquent la concoction n’est autre chose que l’assimilation, le changement des matieres crues & dont les qualités ne conviennent pas à la santé, en matieres susceptibles d’être converties en la propre substance du corps, si elle ne sont pas d’une nature qui répugne à cet usage, ou d’être rendues moins nuisibles & disposées à être évacuées. La premiere de ces opérations de la nature peut être rapportée à celle que les anciens ont appellée pepsis, qui est la plus parfaite ; telle est la résolution dans les inflammations : la seconde est celle qu’ils ont nommée pepasmus, qui a lieu dans toutes les maladies où il se fait des évacuations de matiere morbifique par la seule action de la vie ; la suppuration dans les maladies inflammatoires est de ce genre.

On peut rendre la chose plus sensible par des exemples plus détaillés : celui d’une coction de la premiere espece, de laquelle on vient de donner une idée, est marqué par ce qui se passe dans les personnes qui ont une espece d’accès de fievre, causée par une trop grande quantité de chyle mêlée avec le sang ; cette agitation fébrile supérieure à l’action ordinaire des vaisseaux procure à ce chyle une élaboration ultérieure, que cette action n’auroit pas pû lui donner ; il se fait par-là une assimilation des parties crues de ces sens encore étrangers, ils se convertissent en bonnes humeurs, d’où peuvent être formés le sang & les autres liqueurs animales : ce changement étant opéré, la fievre cesse sans aucune évacuation sensible de la matiere qui avoit causé la fievre. Mais un tel effet ne peut être produit que dans le cas où la matiere crue ne differe guere des matieres susceptibles d’être converties en bons sucs, ou des humeurs saines ; & lorsque les efforts extraordinaires que la nature doit faire pour produite ce changement ne sont pas bien considérables, ou durent si peu qu’il n’en puisse pas résulter une altération pernicieuse dans les humeurs saines ; laquelle ayant lieu, rendroit nécessaire une évacuation sensible de celles qui seroient viciées.

C’est ce qui arrive dans tous les cas où se fait la coction de la seconde espece, qui est aussi toûjours l’effet de la fievre, c’est-à-dire de l’action de la vie plus forte que dans l’état de santé : dans cette derniere coction les suites ne sont pas aussi salutaires que dans la précédente ; le changement en quoi elle consiste est borné à donner à la cause matérielle de la maladie des qualités moins nuisibles à l’œconomie animale, en détruisant celles qui lui étoient plus contraires ; mais il ne rend jamais cette matiere assez différente d’elle-même pour qu’elle puisse devenir utile : toute la perfection dont elle est susceptible ne fait que la rendre disposée à être évacuée hors de la cavité des vaisseaux de la partie dont elle trouble les fonctions.

C’est ainsi, par exemple, que dans les maladies inflammatoires de la poitrine, les molécules des fluides qui engorgent les extrémités des vaisseaux artériels des poumons, éprouvent un tel changement par l’action de la fievre, qu’elles sont séparées de la masse des humeurs saines avec la portion des solides, qui les contient par l’effort de la colonne des liquides qui est poussée contre la matiere engorgée, & par la force de pression collatérale des vaisseaux voisins ; & il se forme de ce mêlange de fluides & de parties consistantes broyées, rompues par l’effet de toutes ces puissances combinées, une matiere qui ne tient plus rien de celles dont elle est composée ; qui est blanche, homogene, onctueuse ; qui venant à se répandre dans les cellules pulmonaires & à se mêler avec la matiere des crachats, est évacuée avec elle par l’expectoration, qui est si souvent le moyen par lequel la nature termine heureusement les maladies de la partie dont il s’agit.

Il résulte de tout ce qui vient d’être dit, que c’est toûjours la fievre, ou l’action de la vie rendue plus forte en général ou en particulier, qui produit la coction de quelqu’espece qu’elle soit ; c’est elle qui est l’instrument dont la nature se sert, comme dit Sydenham, sect. 1. c. jv. pour séparer dans les humeurs les parties impures des pures, pour évacuer les matieres hétérogenes nuisibles à l’œconomie animale. C’est de ce principe qu’il infere avec les plus grands medecins, que la principale chose que l’on doit faire dans la cure des maladies, est de regler l’action de la vie, les agitations de la fievre, de les tenir dans une juste modération, pour empêcher que par de trop grands efforts les vaisseaux du cerveau & des poumons, qui sont les plus délicats, ou ceux de toute autre partie importante affoiblie par quelle cause que ce soit, ne se rompent ou ne se s’engorgent d’une maniere irrésoluble ; ou qu’au contraire par trop peu d’efforts, la matiere morbifique ne soit mal digérée, & sa coction imparfaite : & dans le cas où l’action de la vie est convenablement animée & excitée, l’agitation fébrile suffisant pour opérer une bonne coction, sans que l’on ait rien à craindre de ses effets, de laisser à la nature le soin de la guérison.

Hippocrate a donné l’exemple d’une pareille conduite dans le traitement de plusieurs maladies, à l’égard desquelles il lui arrivoit souvent de se tenir dans l’inaction, & d’être spectateur des opérations de la nature lorsqu’elle n’avoit pas besoin d’être aidée. Un des plus fideles & des plus prudens imitateurs du pere de la Medecine, Sydenham, avoue ingénuement s’être aussi très-bien trouvé d’avoir pris le parti de ne rien faire dans certains cas, pour se conformer aux préceptes de son maître, qui dit expressément, dans son traité de articulis : Interdum enim optima medicina est medicinam non facere. C’est aussi sur ce fondement que Galien, de dieb. crit. lib. I. s’éleve contre les Medecins, qui ne croyoient pas exercer leur art selon les regles, s’ils ne prescrivoient toûjours quelques remedes à leurs malades, tels que la saignée, les ventouses, ou quelques lavemens, purgations, &c. & il dit que de pareils Medecins ne s’approchent des malades que pour commettre des fautes aussi répetées que leurs visites ; qu’il est conséquemment impossible que la nature si souvent interrompue & troublée dans son ouvrage, puisse corriger la matiere morbifique, & parvenir à la guérison de la maladie : l’humeur viciée dont il faut que la coction se fasse pour la procurer, demande plus ou moins d’action fébrile, selon qu’elle est d’une nature plus ou moins tenace, rébelle.

Ainsi dans les fievres éphemeres, & autres maladies legeres, la nature n’a souvent pas besoin de procurer le pépasme, comme dans l’exemple allégué ci-dessus, où le vice ne consiste que dans une trop grande abondance de chyle : la coction qui s’en fait est semblable à celle de la digestion ordinaire dans les secondes voies ; elle n’est qu’un peu plus laborieuse ; c’est le vrai pepsis ; ou s’il faut quelque chose de plus, & que la coction doive procurer quelque évacuation, elle est très-peu considérable ; ce n’est qu’une transpiration plus forte, une petite sueur, ou tout au plus un leger cours de ventre. Dans les fievres putrides, dans les inflammatoires, la coction demande plus de travail ; la nature a souvent besoin d’être aidée, pour qu’elle puisse venir à bout de préparer la matiere morbifique, & la disposer à l’évacuation, qui souvent doit être très-copieuse & à plusieurs reprises : c’est le cas où l’on employe avec succès les moyens qui peuvent détrempe, diviser, atténuer les humeurs viciées, relâcher les solides, afin qu’ils cedent plus aisément, ou leur donner du ressort, s’ils en manquent, afin que les voies soient plus libres pour favoriser l’évacuation. Tels sont sur-tout les lavages en boisson, en lavement, qui étant administrés avec prudence, selon les indications qui se présentent, peuvent satisfaire à ce que recommande Hippocrate, lorsqu’il dit, aphor. jx. sect. 2. Corpora cum quis purgare voluerit, ea fluxilia faciat oportet : c’est de cette maniere qu’il convient de faciliter la coction, & la crise qui doit toûjours en être précédée.

Dans les fievres qu’on appelle malignes, il y a une si grande lésion de fonctions, & un vice si difficile à corriger dans la matiere morbifique, que la nature succombe bientôt si elle n’est puissamment secourue, parce qu’il ne faut pas moins que la coction la plus forte pour détruire la cause du mal. Dans les fievres pestilentielles & la peste, les secours les plus appropriés & les plus grands efforts de la nature sont le plus souvent insuffisans pour opérer la coction, parce que les forces de la vie sont trop peu actives à proportion de la résistance des déléteres, & que les mauvais effets de ceux-ci sont si prompts, qu’ils ne laissent ni à la nature ni à l’art le tems d’y apporter remede, ou au moins d’en tenter quelqu’un.

Il résulte de ce qui a été dit jusqu’ici de la coction dans les maladies, qu’elle ne peut avoir lieu proprement que dans celles qui sont avec matiere, selon le langage de l’école, c’est-à-dire qui sont causées par un vice dans les humeurs ; dans toute autre il ne peut y avoir ni coction ni crise. Voyez Crise, Fievre. Cet article est de M. d’Aumont, premier professeur de Medecine en l’université de Valence.

Coction, (Pharmac.) met générique exprimant l’altération opérée sur un corps solide par l’action d’un liquide, excitée ou augmentée par le feu.

Dans la coction on n’a en vûe que le changement opéré sur le corps qui en est le sujet, sans s’embarrasser de ce que le liquide qu’on lui applique en peut extraire ; & c’est en cela précisément que la coction pharmaceutique differe de la décoction, dans laquelle c’est cette seule extraction qu’on se propose. Voyez Décoction.

On fait la coction des racines d’enula campana, pour les ramollir & les rendre propres à être réduites en pulpe, afin d’en former ensuite une conserve ; & on fait la décoction des mêmes racines pour charger l’eau qu’on y employe de leurs parties extractives, qu’on rapproche ensuite ou qu’on réduit en consistance d’extrait. Voyez Extrait.

Les oignons de lis, de scylles, & quelques autres corps très-aqueux qu’on fait ramollir sous la cendre chaude, doivent être rangés parmi les sujets de la coction pharmaceutique ; ils ne different des autres dont nous venons de parler, qu’en ce qu’ils portent avec eux-mêmes le liquide qu’on est obligé d’appliquer aux corps qui sont plus durs & plus secs.

Le mot cuite n’est pas synonyme en Pharmacie au mot coction. Voyez Cuite. (b)

Coction, (Alchim.) ce mot est employé communément dans le langage des Alchimistes, pour exprimer la longue digestion à laquelle ils exposent la précieuse matiere du grand œuvre, dans le dessein de lui faire éprouver cette altération graduée & insensible qui doit la conduire enfin à la maturation ou à la perfection. (b)