L’Encyclopédie/1re édition/CONJURE

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CONJURE, s. f. (Jurispr.) dans quelques coûtumes signifie la semonce faite par le bailli, ou gouverneur, ou par son lieutenant, aux hommes de fief, ou cottiers, de venir juger une affaire qui est de leur compétence : ce qui n’a lieu que dans certaines coûtumes des Pays-bas, où l’exercice de la justice féodale appartient aux hommes de fief conjointement avec le juge du seigneur, & aux hommes cottiers ou roturiers, lorsque le seigneur n’a dans sa mouvance que des roturiers, comme dans les coûtumes d’Artois, de Saint-Omer, de Valenciennes, &c.

On prétend que l’étymologie de ce mot vient de ce que le seigneur ou son juge appelloit les hommes de fief ou cottiers en ces termes : voila une telle affaire, je vous conjure d’y faire droit ; que c’est de-là qu’on a dit, la conjure du seigneur, du bailli, du gouverneur, ou de son lieutenant ; que sans cette conjure, le pouvoir des hommes de fief ou cottiers est simplement habituel, & qu’il ne peut produire aucun effet : de sorte que les jugemens & actes judiciaires rendus sans légitime conjure préalable, sont nuls.

Anciennement le seigneur pouvoit lui-même conjurer ses hommes. C’est ainsi que le comte de Flandre conjura les siens pour prendre le parti du roi d’Angleterre contre la France, & Philippe-le-Bel conjura ses pairs pour faire jugement contre le roi d’Angleterre.

Présentement le seigneur ne peut pas lui-même conjurer ses hommes pour rendre la justice ; la conjure doit être faite par son bailli, ou par le lieutenant.

On pourroit aussi par le terme de conjure entendre que c’est l’assemblée de ceux qui ont preté ensemble serment de rendre la justice conformément à ce que l’on trouve dans les lois salique, ripuaires & autres lois anciennes, où les conjurés, conjuratores, sont ceux qui après avoir preté ensemble serment, rendoient témoignage en faveur de quelqu’un.

Cour de conjure, est la justice composée d’hommes de loi conjurés pour juger. C’est en ce sens qu’il est dit dans la somme rurale, faire droit entre les parties par conjure d’hommes ou d’échevins ; & que la coûtume de Lille, titre des plaintes à loi, dit : semondre & conjurer de loi les hommes de fief, échevins, & juges.

Conjure signifie aussi quelquefois dans ces coûtumes, demande & semonce, comme dans celle d’Hainaut, chap. lvj. Ainsi conjurer la cour ou le juge de la loi, c’est former une demande devant lui. Voyez le gloss. de M. de Lauriere au mot conjure, & Maillart en ses notes sur le titre j. de la coûtume d’Artois. (A)