L’Encyclopédie/1re édition/CONSONNE

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CONSONNE, s. f. terme de Grammaire : on divise les lettres en voyelles & en consonnes. Les voyelles sont ainsi appellées du mot voix, parce qu’elles se font entendre par elles-mêmes : elles forment toutes seules un son, une voix. Les consonnes, au contraire, ne sont entendues qu’avec l’air qui fait la voix ou voyelle ; & c’est de-là que vient le nom de consonne, consonnans, c’est-à-dire, qui sonne avec une autre.

Il n’y a aucun être particulier qui soit voyelle, ni aucun qui soit consonne ; mais on a observé des différences dans les modifications que l’on donne à l’air qui sort des poumons, lorsqu’on en fait usage pour former les sons destinés à être les signes des pensées. Ce sont ces différentes considérations ou précisions de notre esprit à l’occasion des modifications de la voix ; ce sont, dis-je, ces précisions qui nous ont donné lieu de former les mots de voyelle, de consonne, d’articulation, & autres : ce qui distingue les différens points de vûe de notre esprit sur le méchanisme de la parole, & nous donne lieu d’en discourir avec plus de justesse. Voy. Abstraction.

Mais avant que d’entrer dans le détail des consonnes, & avant que d’examiner ce qui les distingue des voyelles, qu’il me soit permis de m’amuser un moment avec les réflexions suivantes.

La nature nous fait agir sans se mettre en peine de nous instruire ; je veux dire que nous venons au monde sans savoir comment : nous prenons la nourriture qu’on nous présente sans la connoître, & sans avoir aucune lumiere sur ce qu’elle doit opérer en nous, ni même sans nous en mettre en peine ; nous marchons, nous agissons, nous nous transportons d’un lieu à un autre, nous voyons, nous regardons, nous entendons, nous parlons, sans avoir aucune connoissance des causes physiques, ni des parties internes de nous-mêmes que nous mettons en œuvre pour ces différentes opérations : de plus, les organes des sens sont les portes & l’occasion de toutes ces connoissances, au point que nous n’en avons aucune qui ne suppose quelque impression sensible antérieure qui nous ait donné lieu de l’acquérir par la réflexion ; cependant combien peu de personnes ont quelques lumieres sur le méchanisme des organes des sens ? C’est bien dequoi on se met en peine, id populus curat scilicet ? Ter. And. act. II. sc. 2.

Après tout a-t-on besoin de ces connoissances pour sa propre conservation, & pour se procurer une sorte de bien être qui suffit ?

Je conviens que non : mais d’un autre côté si l’on veut agir avec lumiere & connoître les fondemens des Sciences & des Arts qui embellissent la société, & qui lui procurent des avantages si réels & si considérables, on doit acquérir les connoissances physiques qui sont la base de ces Sciences & de ces Arts, & qui donnent lieu de les perfectionner.

C’étoit en conséquence de pareilles observations, que vers la fin du dernier siecle un medecin nommé Amman qui résidoit en Hollande, apprenoit aux muets à parler, à lire, & à écrire. Voyez l’art de parler du P. Lamy, pag. 193. Et parmi nous M. Pereyre, par des recherches & par des pratiques encore plus exactes que celles d’Amman, opere ici [à Paris, quai des Augustins] les mêmes prodiges que ce medecin opéroit en la Hollande.

Mon dessein n’est pas d’entrer ici, comme ces deux philosophes, dans l’examen & dans le détail de la formation de chaque lettre particuliere, de peur de m’exposer aux railleries de madame Jourdain & à celles de Nicole. Voyez le Bourgeois gentilhomme de Moliere. Mais comme la méchanique de la voix est un sujet intéressant, que c’est principalement par la parole que nous vivons en société, que d’ailleurs un dictionnaire est fait pour toutes sortes de personnes, & qu’il y en a un assez grand nombre qui seront bien-aises de trouver ici sur ce point des connoissances qu’ils n’ont point acquises dans leur jeunesse ; j’ai cru devoir les dédommager de cette négligence, en leur donnant une idée générale de la méchanique de la voix, ce qui d’ailleurs fera entendre plus aisément la différence qu’il y a entre la consonne & la voyelle.

D’abord il faut observer que l’air qui sort des poumons est la matiere de la voix, c’est-à-dire du chant & de la parole. Lorsque la poitrine s’éleve par l’action de certains muscles, l’air extérieur entre dans les vésicules des poumons, comme il entre dans une pompe dont on éleve le piston.

Ce mouvement par lequel les poumons reçoivent l’air, est ce qu’on appelle inspiration.

Quand la poitrine s’affaisse, l’air sort des poumons ; c’est ce qu’on nomme espiration.

Le mot de respiration comprend l’un & l’autre de ces mouvemens ; ils en sont les deux especes.

Le peuple croit que le gosier sert de passage à l’air & aux alimens ; mais l’Anatomie nous apprend qu’au fond de la bouche commencent deux tuyaux ou conduits différens, entourés d’une tunique commune.

L’un est appellé ésophage, οἰσοφάγος, c’est-à-dire porte-manger, c’est par où les alimens passent de la bouche dans l’estomac ; c’est le gosier.

L’autre conduit, le seul dont la connoissance apapartienne à notre sujet, est situé à la partie antérieure du cou ; c’est le canal par où l’air extérieur entre dans les poumons & en sort : on l’appelle trachée-artere ; trachée, c’est-à-dire rude, à cause de ses cartilages ; τραχεῖα, féminin de τραχὺς, asper ; artere, d’un mot grec qui signifie receptacle, parce qu’en effet ce conduit reçoit & fournit l’air qui fait la voix : ἀρτηρία παρὰ τὸ ἀέρα τηρεῖν, garder l’air.

On confond communément l’un & l’autre de ces conduits sous le nom de gosier, guttur, quoique ce mot ne doive se dire que de l’ésophage ; les Grammairiens même donnent le nom de gutturales aux lettres que certains peuples prononcent avec une aspiration forte, & par un mouvement particulier de la trachée-artere.

Les cartilages & les muscles de la partie supérieure de la trachée-artere forment une espece de tête, ou une sorte de couronne oblongue qui donne passage à l’air que nous respirons ; c’est ce que le peuple appelle la pomme ou le morceau d’Adam. Les Anatomistes la nomment larynx, λάρυγξ, d’où vient λαρύζω, clamo, je crie. L’ouverture du larynx est appellée glotte, γλῶττα ; & suivant qu’elle est resserrée ou dilatée par le moyen de certains muscles, elle forme la voix ou plus grêle, ou plus pleine.

Il faut observer qu’au-dessus de la glotte il y a une espece de soûpape, qui dans le tems du passage des alimens couvre la glotte ; ce qui les empêche d’entrer dans la trachée-artere, on l’appelle épiglotte ; ἐπὶ, super, sur, & γλῶττα ou γλωττὶς.

M. Ferrein, célebre anatomiste, a observé à chaque levre de la glotte une espece de ruban large d’une ligne, tendu horisontalement ; l’action de l’air qui passe par la fente ou glotte, excite dans ces rubans des vibrations qui les font sonner comme les cordes d’un instrument de musique : M. Ferrein appelle ces rubans cordes vocales. Les muscles du larynx tendent ou relâchent plus ou moins ces cordes vocales ; ce qui fait la différence des tons dans le chant, dans les plaintes, & dans les cris. Voyez le Mémoire de M. Ferrein, Histoire de l’académie des Sciences, année 1741. pag. 409.

Les poumons, la trachée-artere, le larynx, la glotte, & ses cordes vocales, sont les premiers organes de la voix, auxquels il faut ajoûter le palais, c’est-à-dire la partie supérieure & intérieure de la bouche, les dents, les levres, la langue, & même ces deux ouvertures qui sont au fond du palais, & qui répondent aux narines ; elles donnent passage à l’air quand la bouche est fermée.

Tout air qui sort de la trachée-artere n’excite pas pour cela du son ; il faut pour produire cet effet que l’air soit poussé par une impulsion particuliere, & que dans le tems de son passage il soit rendu sonore par les organes de la parole : ce qui lui arrive par deux causes différentes.

Premierement, l’air étant poussé avec plus ou moins de violence par les poumons, il est rendu sonore par la seule situation où se trouvent les organes de la bouche. Tout air poussé qui se trouve resserré dans un passage dont les parties sont disposées d’une certaine maniere, rend un son ; c’est ce qui se passe dans les instruments à vent, tels que l’orgue, la flûte, &c.

En second lieu, l’air qui sort de la trachée-artere est rendu sonore dans son passage par l’action ou mouvement de quelqu’un des organes de la parole ; cette action donne à l’air sonore une agitation & un trémoussement momentanée, propre à faire entendre telle ou telle consonne : voilà deux causes qu’il faut bien distinguer ; 1°. simple situation d’organes ; 2°. action ou mouvement de quelque organe particulier sur l’air qui sort de la trachée-artere.

Je compare la premiere maniere à ces fentes qui rendent sonore le vent qui y passe, & je trouve qu’il en est à-peu-près de la seconde, comme de l’effet que produit l’action d’un corps solide qui en frappe un autre. C’est ainsi que la consonne n’est entendue que par l’action de quelqu’un des organes de la parole sur quelque autre organe, comme de la langue sur le palais ou sur les dents, d’où résulte une modification particuliere de l’air sonore.

Ainsi l’air poussé par les poumons, & qui sort par la trachée-artere, reçoit dans son passage différentes modifications & divers trémoussemens, soit par la situation, soit par l’action des autres organes de la parole de celui qui parle ; & ces trémoussemens parvenus jusqu’à l’organe de l’oüie de ceux qui écoutent, leur font entendre les différentes modulations de la voix & les divers sons des mots, qui sont les signes de la pensée qu’on veut exciter dans leur esprit.

Les différentes sortes de parties qui forment l’ensemble de l’organe de la voix, donnent lieu de comparer cet organe selon les différens effets de ces parties, tantôt à un instrument à vent, tel que l’orgue ou la flûte ; tantôt à un instrument à corde, tantôt enfin à quelqu’autre corps capable de faire entendre un son, comme une cloche frappée par son battant, ou une enclume sur laquelle on donne des coups de marteau.

Par exemple s’agit-il d’expliquer la voyelle, on aura recours à une comparaison tirée de quelque instrument à vent. Supposons un tuyau d’orgue ouvert, il est certain que tant que ce tuyau demeurera ouvert, & tant que le soufflet fournira de vent ou d’air, le tuyau rendra le son, qui est l’effet propre de l’état & de la situation où se trouvent les parties par lesquelles l’air passe. Il en est de même de la flûte ; tant que celui qui en joüe y souffle de l’air, on entend le son propre au trou que les doigts laissent ouvert : le tuyau d’orgue ni la flûte n’agissent point, ils ne font que se préter à l’air poussé, & demeurent dans l’état où cet air les trouve.

Voilà précisément la voyelle. Chaque voyelle exige que les organes de la bouche soient dans la situation requise pour faire prendre à l’air qui sort de la trachée-artere la modification propre à exciter le son de telle ou telle voyelle. La situation qui doit faire entendre l’a, n’est pas la même que celle qui doit exciter le son de l’i ; ainsi des autres.

Tant que la situation des organes subsiste dans le même état, on entend la même voyelle aussi long-tems que la respiration peut fournir d’air. Les poumons sont à cet égard ce que les soufflets sont à l’orgue.

Selon ce que nous venons d’observer, il fuit que le nombre des voyelles est bien plus grand qu’on ne le dit communément.

Tout son qui ne résulte que d’une situation d’organes sans exiger aucun battement ni mouvement qui survienne aux parties de la bouche, & qui peut être continué aussi long-tems que l’espiration peut fournir d’air ; un tel son est une voyelle. Ainsi a, â, é, è, ê, i, o, ô, u ou eu, & sa foible e muet, & les nazales an, en, &c. Tous ces sons-là sont autant de voyelles particulieres, tant celles qui ne sont écrites que par un seul caractere, telles que a, e, i, o, u, que celles qui, faute d’un caractere propre, sont écrites par plusieurs lettres, telles que ou, eu, oient, &c. Ce n’est pas la maniere d’écrire qui fait la voyelle, c’est la simplicité du son qui ne dépend que d’une situation d’organes, & qui peut être continué : ainsi au, eau, ou, eu, ayent, &c. quoiqu’écrits par plus d’une lettre, n’en sont pas moins de simples voyelles. Nous avons donc la voyelle u & la voyelle ou ; les Italiens n’ont que l’ou, qu’ils écrivent par le simple u, Nous avons de plus la voyelle eu, feu, lieu ; l’e muet en est la foible, & est aussi une voyelle particuliere.

Il n’en est pas de même de la consonne ; elle ne dépend pas comme la voyelle d’une situation d’organes, qui puisse être permanente, elle est l’effet d’une action passagere, d’un trémoussement, ou d’un mouvement momentanée [écrivez momentanée par deux ee, telle est l’analogie des mots françois, qui viennent de mots latins eu, eus. c’est ainsi que l’on dit les champs élisées, les monts pyrenées, le colisée, & non le colisé, le fleuve alphée, & non le fleuve alphé, fluvius alpheus. Voyez le dictionn. de l’Académie, celui de Trévoux, & celui de Joubert aux mots momentanée & spontanée] de quelque organe de la parole, comme de la langue, des levres, &c. ensorte que si j’ai comparé la voyelle au son qui résulte d’un tuyau d’orgue ou du trou d’une flûte, je croi pouvoir comparer la consonne à l’effet que produit le battant d’une cloche, ou le marteau sur l’enclume ; fournissez de l’air à un tuyau d’un orgue ou au trou d’une flûte, vous entendrez toûjours le même son, au lieu qu’il faut répéter les coups du battant de la cloche & ceux du marteau de l’enclume : pour avoir encore le son qu’on a entendu la premiere fois ; de même si vous cessez de répéter le mouvement des levres qui a fait entendre le be ou le pe ; si vous ne redoublez point le trémoussement de la langue qui a produit le re, on n’entendra plus ces consonnes. On n’entend de son que par les trémoussemens que les parties sonores de l’air reçoivent des divers corps qui les agitent : or l’action des levres ou les agitations de la langue, donnent à l’air qui sort de la bouche la modification propre à faire entendre telle ou telle consonne. Or si après une telle modification, l’émission de l’air qui l’a reçue dure encore, la bouche demeurant nécessairement ouverte pour donner passage à l’air, & les organes se trouvant dans la situation qui a fait entendre la voyelle, le son de cette voyelle pourra être continue aussi long-tems que l’émission de l’air durera ; au lieu que le son de la consonne n’est plus entendu après l’action de l’organe qui l’a produite.

L’union ou combinaison d’une consonne avec une voyelle, ne peut se faire que par une même émission de voix ; cette union est appellée articulation. Il y a des articulations simples, & d’autres qui sont plus ou moins composées : ce que M. Harduin secrétaire de la société litteraire d’Arras, a extrèmement bien développé dans un mémoire particulier. Cette combinaison se fait d’une maniere successive, & elle ne peut être que momentanée. L’oreille distingue l’effet du battement & celui de la situation : elle entend séparement l’un après l’autre : par exemple, dans la syllabe ba, l’oreille entend d’abord le b, ensuite l’a ; & l’on garde ce même ordre quand on écrit les lettres qui font les syllabes, & les syllabes qui font les mots.

Enfin cette union est de peu de durée, parce qu’il ne seroit pas possible que les organes de la parole fussent en même tems en deux états, qui ont chacun leur effet propre & différent. Ce que nous venons d’observer à l’égard de la consonne qui entre dans la composition d’une syllabe, arrive aussi par la même raison dans les deux voyelles qui font une diphtongue, comme ui, dans lui, nuit, bruit, &c. L’u est entendu le premier, & il n’y a que le son de l’i qui puisse être continué, parce que la situation des organes qui forme l’i, a succédé subitement à celle qui avoit fait entendre l’u.

L’articulation ou combinaison d’une consonne avec une voyelle fait une syllabe ; cependant une seule voyelle fait aussi fort souvent une syllabe. La syllabe est un son ou simple ou composé, prononcé par une seule impulsion de voix, a-jou-té, ré-u-ni, cré-é, cri-a, il-y-a.

Les syllabes qui sont terminées par des consonnes sont toûjours suivies d’un son foible, qui est regardé comme un e muet ; c’est le nom que l’on donne à l’effet de la derniere ondulation ou du dernier tremoussement de l’air sonore, c’est le dernier ébranlement que le nerf auditif reçoit de cet air : je veux dire que cet e muet foible n’est pas de même nature que l’e muet excité à dessein, tel que l’e de la fin des mots vu-e, vi-e, & tels que sont tous les e de nos rimes féminines. Ainsi il y a bien de la différence entre le son foible que l’on entend à la fin du mot Michel & le dernier du mot Michele, entre bel & belle, entre coq & coque, entre Job & robe ; bal ; & balle, cap & cape, Siam & ame, &c.

S’il y a dans un mot plusieurs consonnes de suite, il faut toûjours supposer entre chaque consonne cet e foible & fort bref, il est comme le son que l’on distingue entre chaque coup de marteau quand il y en a plusieurs qui se suivent d’aussi près qu’il est possible. Ces réflexions font voir que l’e muet foible est dans toutes les langues.

Recueillons de ce que nous avons dit, que la voyelle est le son qui résulte de la situation où les organes de la parole se trouvent dans le tems que l’air de la voix sort de la trachée-artere, & que la consonne est l’effet de la modification passagere que cet air reçoit de l’action momentanée de quelque organe particulier de la parole.

C’est relativement à chacun de ces organes, que dans toutes les langues on divise les lettres en certaines classes où elles sont nommées du nom de l’organe particulier, qui paroît contribuer le plus à leur formation. Ainsi les unes sont appellées labiales, d’autres linguales, ou bien palatiales, ou dentales, ou nazales, ou gutturales. Quelques-unes peuvent être dans l’une & dans l’autre de ces classes, lorsque divers organes concourent à leur formation.

1o . Labiales, b, p, f, v, m.

2o . Linguales, d, e, n, l, r.

3°. Palatiales, g, j, c fort, ou k, ou q ; le mouillé fort ille, & le mouillé foible ye.

4°. Dentales ou sifflantes, s ou c doux, tel que se si ; z, ch ; c’est à cause de ce sifflement que les anciens ont appellé ces consonnes, semivocales, demi-voyelles ; au lieu qu’ils appelloient les autres muettes.

5°. Nazales, m, n, gn.

6°. Gutturales ; c’est le nom qu’on donne à celles qui sont prononcées avec une aspiration forte, & par un mouvement du fond de la trachée-artere. Ces aspirations fortes sont fréquentes en Orient & au Midi : il y a des lettres gutturales parmi les peuples du Nord. Ces lettres paroissent rudes à ceux qui n’y sont pas accouttumés. Nous n’avons de son guttural que le , qu’on appelle communément ache aspirée : cette aspiration est l’effet d’un mouvement particulier des parties internes de la trachée-artere ; nous ne l’articulons qu’avec les voyelles, le héros, la hauteur.

Les Grecs prononçoient certaines consonnes avec cette aspiration. Les Espagnols aspirent aussi leur j, leur g & leur x.

Il y a des Grammairiens qui mettent le h au rang des consonnes ; d’autres au contraire soutiennent que ce signe ne marquant aucun son particulier, analogue aux sons des autres consonnes, il ne doit être consideré que comme un signe d’aspiration.

Ils ajoutent que les Grecs ne l’ont point regardé autrement ; qu’ils ne l’ont point mis dans leur alphabet entant que signe d’aspiration, & que dans l’écriture ordinaire ils ne le marquent que comme les accents au-dessus des lettres ; & que si dans la suite il a passé dans l’alphabet latin, & de-là dans ceux des langues modernes, cela n’est arrivé que par l’indolence des copistes qui ont suivi le mouvement des doigts, & écrit de suite ce signe avec les autres lettres du mot, plûtôt que d’interrompre ce mouvement pour marquer l’aspiration au-dessus de la lettre.

Pour moi, je crois que puisque les uns & les autres de ces Grammairiens conviennent de la valeur de ce signe ; ils doivent se permettre réciproquement de l’appeller ou consonne ou signe d’aspiration, selon le point de vûe qui les affecte le plus.

Les lettres d’une même classe se changent facilement l’une pour l’autre ; par exemple, le b se change facilement ou en p, ou en v, ou en f ; parce que ces lettres étant produites par les mêmes organes, il suffit d’appuyer un peu plus ou un peu moins pour faire entendre ou l’une ou l’autre.

Le nombre des lettres n’est pas le même partout. Les Hébreux & les Grecs n’avoient point le le mouillé, ni le son du gn. Les Hébreux avoient le son du che, ש, schin : mais les Grecs ni les Latins ne l’avoient point. La diversité des climats cause des différences dans la prononciation des langues.

Il y a des peuples qui mettent en action certains organes, & même certaines parties des organes, dont les autres ne font point d’usage. Il y a aussi une forme ou maniere particuliere de faire agir les organes. De plus, en chaque nation, en chaque province, & même en chaque ville, on s’énonce avec une sorte de modulation particuliere, c’est ce qu’on appelle accent national ou accent provincial. On en contracte l’habitude par l’éducation ; & quand les esprits animaux ont pris une certaine route, il est bien difficile, malgré l’empire de l’ame, de leur en faire prendre une nouvelle. De-là vient aussi qu’il y a des peuples qui ne sauroient prononcer certaines lettres ; les Chinois ne connoissent ni le b, ni le d, ni le r ; en revanche ils ont des consonnes particulieres que nous n’avons point. Tous leurs mots sont monosyllabes, & commencent par une consonne & jamais par une voyelle. Voyez la Grammaire Chinoise de M. Fourmont.

Les Allemans ne peuvent pas distinguer le z d’avec le s ; ils prononcent zele comme sel : ils ont de la peine à prononcer les l mouillés, ils disent file au lieu de fille. Ces l mouillés sont aussi fort difficiles à prononcer pour les personnes nées à Paris : elles le changent en un mouillé foible, & disent Versayes au lieu de Versailles, &c. Les Flamans ont bien de la peine à prononcer la consonne j. Il y a des peuples en Amérique qui ne peuvent point prononcer les lettres labiales b, p, f, m. La lettre th des Anglois est très-difficile à prononcer pour ceux qui ne sont point nés Anglois. Ces réflexions sont fort utiles pour rendre raison des changements arrivés à certains mots qui ont passé d’une langue dans une autre. Voyez la dissertation de M. Falconet, sur les principes de l’étymologie ; Histoire de l’Acad. des Belles-Lettres.

A l’égard du nombre de nos consonnes, si l’on ne compte que les sons & qu’on ne s’arrête point aux caracteres de notre alphabet, ni à l’usage souvent déraisonnable que l’on fait de ces caracteres, on trouvera que nous avons d’abord dix-huit consonnes, qui ont un son bien marqué, & auxquelles la qualification de consonne n’est point contestée.

Nous devrions donner un caractere propre, déterminé, unique & invariable à chacun de ces sons, ce que les Grecs ont fait exactement, conformément aux lumieres naturelles. Est-il en effet raisonnable que le même signe ait des destinations différentes dans le même genre, & que le même objet soit indiqué tantôt par un signe tantôt par un autre ?

Avant que d’entrer dans le compte de nos consonnes, je crois devoir faire une courte observation sur la maniere de les nommer.

Il y a cent ans que la Grammaire générale de P. R. proposa une maniere d’apprendre à lire facilement en toutes sortes de langues. I. part. chap. vj. Cette maniere consiste à nommer les consonnes par le son propre qu’elles ont dans les syllabes où elles se trouvent, en ajoûtant seulement à ce son propre celui de l’e muet, qui est l’effet de l’impulsion de l’air nécessaire pour faire entendre la consonne ; par exemple, si je veux nommer la lettre B que j’ai observée dans les mots Babylone, Bibus, &c. je l’appellerai be, comme on le prononce dans la derniere syllabe de tombe, ou dans la premiere de besoin.

Ainsi du d, que je nommerai de, comme on l’entend dans ronde ou dans demande.

Je ne dirai plus effe, je dirai fe, comme dans fera, étoffe ; je ne dirai plus elle, je dirai le ; enfin je ne dirai ni emme ni enne, je dirai me, comme dans aime, & ne, comme dans sone ou dans bonne, ainsi des autres.

Cette pratique facilite extrèmement la liaison des consonnes avec les voyelles pour en faire des syllabes, fe, a, fa, fe, re, i, fri, ensorte qu’épeler c’est lire. Cette méthode a été renouvellée de nos jours par MM. de Launay pere & fils, & par d’autres maîtres habiles : les mouvemens que M. Dumas s’est donnés pendant sa vie pour établir son bureau typographique, ont aussi beaucoup contribué à faire connoître cette dénomination, ensorte qu’elle est aujourd’hui pratiquée, même dans les petites écoles.

Voyons maintenant le nombre de nos consonnes ; je les joindrai, autant qu’il sera possible, à chacune de nos huit voyelles principales.

Figure de la Lettre. Nom de la Lettre. Exemples de chaque consonne avec chaque voyelle.
B, b, be. Babylone, béat, bi


Babylone, béat, biere,

Bonet, bule, bou


Bonet, bule, boule,

Beurre, be muet.


Beurre, bedeau.

C, c dur,


K, Q, q

que. Cadre ou quadre, karat ou carat, kalendes ou calendes, le Quénoi, qui, kiricle, coco, cure, le cou, queue, querir, querelle.

Comme je ne cherche que les sons propres de chaque lettre de notre langue, désignés par un seul caractere incommunicable à tout autre son, je ne donne ici au c que le son fort qu’il a dans les syllabes ca, co, cu. Le son doux ce, ci, appartient au s ; & le son ze, zi, appartient à la lettre z.

D, d. de. David, un dé, Diane, dodu, duché, douleur, deux, demander.
F, f, fe. Faveur, féminin, fini, forêt, funeste, le four, le feu, femelle.
G, g dur gue. Gaje, guérir, guide, à gogo, guttural, goulu, gueux, guedé.

Je ne donne ici à ce caractere que le son qu’il a devant a, o, u ; le son foible ge, gi, appartient au j.

J, j. je. Jamais, Jésuite, j’irai, joli, jupe, joue, jeu, jetter, jetton.

Le son du j devant i a été donné dans notre ortographe vulgaire au g doux, gibier ; gîte, giboulée, &c. & souvent malgré l’étymologie, comme dans ci gît, hic jacet. Les partisans de l’ortographe vulgaire ne respectent l’étymologie, que lorsqu’elle est favorable à leur préjugé.

L, l. le. La, légion, livre, loge, la lune, Louis, leurrer, leçon.
M, m, me. Machine, médisant, midi, morale, muse, moulin, meunier, mener.
N, n, ne. Nager, Néron, Nicole, novice, nuage, nourrice, neutre, mener.
P, p, pe. Pape, péril, pigeon, pommade, punition, poupée, peuple, pelé, pelote.
R, r, re. Ragoût, regle, rivage, Rome, rude, rouge, Reutlingen, ville de Suabe, revenir.
S, s, se. Sage, séjour, Sion, Solon, sucre, souvenir, seul, semaine.
T, t, te. Table, ténebres, tiarre, tonnerre, tuteur, Toulouse, l’ordre Teutonique en Allemagne, tenir.
V, v, ve. Valeur, vélin, ville, volonté, vulgaire, vouloir, je veux venir.
Z, z, ze. Zacharie, zéphire, zizanie, zone, Zurich, ville en Suisse.

Je ne mets pas ici la lettre x, parce qu’elle n’a pas de son qui lui soit propre. C’est une lettre double que les copistes ont mise en usage pour abréger. Elle fait quelquefois le service des deux lettres fortes cs, & quelquefois celui des deux foibles gz.

x pour cs. x pour gz.
Exemples. Prononcez. Exemples. Prononcez.
Axe, ac-se, Examen, eg-zamen.
Axiome, ac-siome. Exemple, eg-zemple.
Alexandre, Alec-sandre. Exaucer, eg-zaucer.
Fluxion, fluc-sion. Exarque, Eg-zarque.
Sexe, sec-se. Exercice, eg-zercice.
Taxe, tac-se, Exil, eg-zil.
Vexé, vec-sé. Exiger, eg-ziger.
Xavier, Csa-vier. Exode, eg-zode.
Xenophon, Cse-nophon. Exhorter, eg-zhorter.

A la fin des mots, l’x a en quelques noms propres le son de cs : Ajax, Pollux, Styx, on prononce Ajacs, Pollucs, Stycs. Il en est de même de l’adjectif préfix, on prononce préfics.

Mais dans les autres mots que les maîtres à écrire, pour donner plus de jeu à la plume, ont terminé par un x, ce x tient seulement la place du s, comme dans je veux, les cieux, les yeux, la voix, six, dix, chevaux, &c.

Le x est employé pour deux s dans soixante, Bruxelle, Auxone, Auxerre, on dit Ausserre, soissante, Brusselles, Aussone, à la maniere des Italiens qui n’ont point de x dans leur alphabet, & qui employent les deux ss à la place de cette lettre : Alessandro, Alessio.

On écrit aussi, par abus, le x au lieu du z, en ces mots sixieme, deuxieme, quoiqu’on prononce sizieme, deuzieme. Le x tient lieu du c dans excellent, prononcez eccellent.

Voilà déjà quinze sons consonnes désignés par quinze caracteres propres ; je rejette ici les caracteres auxquels un usage aveugle a donné le son de quelqu’un des quinze que nous venons de compter, tels sont le k & le q, puisque le c dur marque exactement le son de ces lettres. Je ne donne point ici au c le son du s, ni au s le son du z. C’est ainsi qu’en Grec le κ cappa est toûjours cappa, le σ sigma toûjours sigma ; de sorte que si en Grec la prononciation d’un mot vient à changer, ou par contraction, ou par la forme de la conjugaison, ou par la raison de quelque dialecte, l’ortographe de ce mot se conforme au nouveau son qu’on lui donne. On n’a égard en Grec qu’à la maniere de prononcer les mots, & non à la source d’où ils viennent, quand elle n’influe en rien sur la prononciation, qui est le seul but de l’ortographe. Elle ne doit que peindre la parole, qui est son original ; elle ne doit point en doubler les traits, ni lui en donner qu’il n’a pas, ni s’obstiner à le peindre à présent tel qu’il étoit il y a plusieurs années.

Au reste les réflexions que je fais ici n’ont d’autre but, que de tâcher de découvrir les sons de notre langue. Je ne cherche que le fait. D’ailleurs je respecte l’usage dans le tems même que j’en reconnois les écarts & la déraison, & je m’y conforme malgré la réflexion sage du célebre prote de Poitiers & de M. Restaut, qui nous disent qu’il est toûjours louable en fait d’ortographe de quitter une mauvaise habitude pour en contracter une meilleure, c’est-à-dire plus conforme aux lumieres naturelles & au but de l’art. Traité de l’ortographe en forme de dictionnaire, édit. de 1739, page 421. & IV. édition corrigée par M. Restaut, 1752, page 635.

Que si quelqu’un trouve qu’il y a de la contrariété dans cette conduite, je lui répons que tel est le procédé du genre humain. Agissons-nous toûjours conformément à nos lumieres & à nos principes ?

Aux quinze sons que nous venons de remarquer, on doit en ajoûter encore quatre autres qui devroient avoir un caractere particulier. Les Grecs n’auroient pas manqué de leur en donner un, comme ils firent à l’e long, à l’o long, & aux lettres aspirées. Les quatre sons dont je veux parler ici, sont le ch qu’on nomme che, le gn qu’on nomme gne, le ll ou lle qui est un son mouillé fort, & le y qu’on nomme qui est un son mouillé foible.

Figure. Nom. Exemples.
Ch, ch, che. Chapeau, chérit, chicane, chose, chûte, chou, chemin, cheval.
gn, gne.
Il ne s’agit pas de ces deux lettres, quand elles gardent leur son propre, comme dans gnomon, magnus, il s’agit du son mouillé qu’on leur donne dans Pays de Coca-gne.
Allema-gne.
Ma-gnanime.
Champa-gne.
Re-gne.
Li-gne.
Insi-gne.
Ma-gnifique.
Avi-gnon.
Oi-gnon.
Les Espagnols marquent ce son par un n surmonté d’une petite ligne, qu’ils appellent tilde, c’est-à-dire titre
Montaña, montagne.
España, Espagne.
ll, lle mouillé fort.

Nous devrions avoir aussi un caractere particulier destiné uniquement à marquer le son de l mouillé. Comme ce caractere nous manque, notre ortographe n’est pas uniforme dans la maniere de désigner ce son ; tantôt nous l’indiquons par un seul l, tantôt par deux ll, quelquefois par lh. On doit seulement observer que l mouillé est presque toûjours précédé d’un i ; mais cet i n’est pas pour cela la marque caractéristique du l mouillé, comme on le voit dans civil, Nil, exil, fil, file, vil, vile, où le l n’est point mouillé, non plus que dans Achille, pupille, tranquille, qu’on feroit mieux de n’écrire qu’avec un seul l.

Il faut observer qu’en plusieurs mots, l’i se fait entendre dans la syllabe avant le son mouillé, comme dans péril, on entend l’i, ensuite le son mouillé pé-ri-l.

Il y a au contraire plusieurs mots où l’i est muet, c’est-à-dire qu’il n’y est pas entendu séparément du son mouillé ; il est confondu avec ce son, ou plûtôt, ou il n’y est point quoiqu’on l’écrive, ou il y est bien foible.

Exemples où l’i est entendu.
Péri-l. Babi-lle.
Avri-l. Veti-lle.
Ba-bil. Fréti-lle.
Du mi-l. Chevi-lle.
Un genti-l-homme. Fami-lle.
Brési-l. Cédi-lle.
Fi-lle. Sévi-lle.
Exemples où l’i est muet & confondu avec le son mouillé.
De l’a-il, de l’ail. Ni sou ni ma-ille.
Qu’il s’en ai-lle. Sans pare-ille.
Bou-ill-on, bouillir. Il ra-ille.
Boute-ille. Le duc de Sulli.
Berca-il. Le seu-il de la porte.
Ema-il. Le somme-il, il somme-ille.
Evanta-il. Sou-iller.
Qu’il fou-ille. Trava-il, trava-iller.
Qu’il fa-ille. Qu’il veu-ille.
Le village de Julli. La ve-ille.
Merve-ille. Rien qui va-ille.
Mou-ille, mou-ill-er.

Le son mouillé du l est aussi marqué dans quelques noms propres par lh. Milhaud ville de Rouergue, M. Silhon, M. de Pardalhac.

On a observé que nous n’avons point de mots qui commencent par le son mouillé.

Du ou mouillé foible. Le peuple de Paris change le mouillé fort en mouillé foible ; il prononce fi-ye au lieu de fille, Versa-yes pour Versailles. Cette prononciation a donné lieu à quelques grammairiens modernes d’observer ce mouillé foible. En effet il y a bien de la différence dans la prononciation de ien dans mien, tien, &c. & de celle de moy-en, pa-yen, a-yeux, a-yant, Ba-yone, Ma-yance, Bla-ye ville de Guiene, fa-yance, em-plo-yons à l’indicatif, afin que nous emplo-i-yons, que vous a-i-yez, que vous so-i-yez au subjonctif. La ville de No-yon, le duc de Ma-yene, le chevalier Ba-yard, la Ca-yene, ca-yer, fo-yer, bo-yaux.

Ces grammairiens disent que ce son mouillé est une consonne. C’est ce que j’ai entendu soûtenir il y a long-tems par un habile grammairien, M. Faiguet qui nous a donné le mot Citation. M. du Mas qui a inventé le bureau typographique, dit que « dans les mots pa-yer, emplo-yer, &c. est une espece d’i mouillé consonne ou demi-consonne ». Bibliotheque des enfans, III. vol. page 209, Paris 1733.

M. de Launay dit que « cette lettre y est amphibie ; qu’elle est voyelle quand elle a la prononciation de i, mais qu’elle est consonne quand on l’employe avec les voyelles, comme dans les syllabes ya, yé, &c. & qu’alors il la met au rang des consonnes », Méthode de M. de Launay, p. 39 & 40. Paris 1741.

Pour moi, je ne dispute point sur le nom. L’essentiel est de bien distinguer & de bien prononcer cette lettre. Je regarde ce son dans les exemples ci-dessus, comme un son mixte, qui me paroît tenir de la voyelle & de la consonne, & faire une classe à part.

Ainsi, en ajoûtant le che & les deux sons mouillés gn & ll, aux quinze premieres consonnes, cela fait dix-huit consonnes, sans compter le h aspiré, ni le mouillé foible ou son mixte ye.

Je vais finir par une division remarquable entre les consonnes. Depuis M. l’abbé de Dangeau, nos Grammairiens les divisent en foibles & en fortes, c’est-à-dire que le même organe poussé par un mouvement doux produit une consonne foible, & que s’il a un mouvement plus fort & plus appuyé, il fait entendre une consonne forte. Ainsi B est la foible de P, & P est la forte de B. Je vais les opposer ici les unes aux autres.

Consonnes foibles. Consonnes fortes.
B P
Bacha. Pacha, terme d’honneur qu’on donne aux grands officiers chez les Turcs.
Baigner. Peigner.
Bain. Pain.
Bal. Pal, terme de blason.
Balle. Pâle.
Ban. Pan, dieu du paganisme.
Baquet. Pacquet.
Bar, duché en Lorraine. Par.
Bâté. Pâté.
Bâtard. Patard, petite monnoie.
Beau. Peau.
Bécher. Pécher.
Bercer. Percer.
Billard. Pillard.
Blanche. Planche.
Bois. Pois.
D T
Dactyle, terme de Poésie. Tactile, qui peut être touché ou qui concerne le sens du toucher, les qualités tactiles.
Danser. Tanser, réprimander.
Dard. Tard.
Dater. Tâter.
Déiste. Théiste.
Dette. Tete, il tete. Tête, caput.
Doge. Toge.
Doict. Toict.
Donner, il donne. Tonner, il tonne.
G, gue. C dur. K ou Q, que.
Gabaret, ville de Gascogne. Cabaret.
Gache. Cache.
Gage. Cage.
Gale. Cale, terme de Marine.
Gand. Can, qu’on écrit communément Caen. Quand, quando.
Glace. Classe.
Grace. Crasse.
Grand. Cran.
Greve. Creve.
Gris. Cri, cris.
Grosse. Crosse.
Grotte. Crotte.
J, je. Ch, che.
Japon. Chapon.
Jarretiere. Charretiere.
Jatte. Chatte.
V, ve. F, fe.
Vain. Fain.
Valoir. Falloir, il falloit.
Vaner. Faner.
Vendre, vendu. Fendre, fendu.
Z, ze. S, se.
Zele. Selle.
Zone. La Saone, riviere. Il sonne, de sonner.
Ye mouillé foible. L, ll mouillé fort.
Qu’il pai-ye. Pa-ille.
Pa-yen. Mai-lle.
Moi-yen. Va-ille.
La ville de Bla-ye, en Guyenne. Versa-illes.
Fi-lle.
Les îles Luca-yes en Amérique. Fami-lle.
La ville de Noyon en Picardie.
&c. &c.

Par ce détail des consonnes foibles & des fortes, il paroît qu’il n’y a que les deux lettres nazales m, n, & les deux liquides l, r, dont le son ne change point d’un plus foible en un plus fort, ni d’un plus fort en un plus foible ; & ce qu’il y a de remarquable à l’égard de ces quatre lettres, selon l’observation que M. Harduin a faite dans le mémoire dont j’ai parlé, c’est qu’elles peuvent se lier avec chaque espece de consonne, soit avec les foibles, soit avec les fortes, sans apporter aucune altération à ces lettres. Par exemple, imbibé, voilà le m devant une foible ; impitoyable, le voilà devant une forte. Je ne prétens pas dire que ces quatre consonnes soient immuables, elles se changent souvent, sur-tout entr’elles, je dis seulement qu’elles peuvent précéder ou suivre indifféremment ou une lettre foible ou une forte. C’est peut-être par cette raison que les anciens ont donné le nom de liquides à ces quatre consonnes m, n, l, r.

Au lieu qu’à l’égard des autres, si une foible vient à être suivie d’une forte, les organes prenant la disposition requise pour articuler cette lettre forte, font prendre le son fort à la foible qui précede, ensorte que celle qui doit être prononcée la derniere change celle qui est devant en une lettre de son espece, la forte change la foible en forte, & la foible fait que la forte devient foible.

C’est ainsi que nous avons vû que le x vaut tantôt cs, qui sont deux fortes, & tantôt gz, qui sont deux foibles. C’est par la même raison qu’au préterit le b de scribo se change en p, à cause d’une lettre forte qui doit suivre : ainsi on dit scribo, scripsi, scriptum. M. Harduin est entré à ce sujet dans un détail fort exact par rapport à la langue françoise ; & il observe que, quoique nous écrivions absent, si nous voulons y prendre garde, nous trouverons que nous prononçons apsent. (F)