L’Encyclopédie/1re édition/COUR SOUVERAINE

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Cour Souveraine, est un tribunal supérieur & du premier ordre, qui connoît souverainement & sans appel des matieres dont la connoissance lui est attribuée par le Roi, & dont les jugemens ne peuvent être cassés que par le Roi ou par son conseil : tels sont les parlemens, le grand-conseil, les chambres des comptes, les cours des aides, les cours des monnoies, les conseils supérieurs, établis dans certaines provinces.

Si ces cours ou compagnies de justice sont appellées souveraines, ce n’est pas qu’elles ayent aucune autorité qui leur soit propre, car elles tiennent leur autorité du Roi, & c’est en son nom qu’elles rendent la justice ; c’est parce qu’elles représentent la personne du Roi plus particulierement que dans les autres tribunaux, attendu que leurs jugemens sont intitulés de son nom & qu’il est censé y être présent & il vient en effet quelquefois au parlement tenir son lit de justice ; enfin toutes ces cours en général jugent souverainement & sans appel ; & hors le cas de cassation, leurs jugemens ont autant de force que si c’étoit une loi faite par le Prince même.

Les cours souveraines sont composées de magistrats, savoir de présidens & de conseillers pour rendre la justice, d’avocats & procureurs généraux pour faire les réquisitoires convenables ; & de greffiers, secrétaires, huissiers, & autres officiers, pour remplir les différentes fonctions qui ont rapport à l’administration de la justice.

L’autorité des cours souveraines ne s’étend pas au-delà de leur ressort, ni des matieres dont la connoissance leur est attribuée ; elles sont indépendantes les unes des autres, & ont chacune un pouvoir égal pour ce qui est de leur ressort.

S’il arrive un conflit entre deux cours souveraines, elles tâchent de se concilier par la médiation de quelques-uns de leurs officiers ; s’ils ne s’accordent pas, il faut se pourvoir au conseil du Roi en reglement de juges, pour savoir où l’on procédera. Voy. Conflit.

Le pouvoir des cours souveraines est plus grand que celui des autres juges : 1°. en ce que les cours souveraines ne sont pas astraintes à juger toûjours selon la rigueur de la loi ; elles peuvent juger selon l’équité, pourvû que leur jugement ne soit point contraire à la loi : 2°. il n’appartient qu’aux cours souveraines de rendre des arrêts de réglemens qui s’observent dans leur ressort sous le bon plaisir du Roi, jusqu’à ce qu’il plaise à sa Majesté d’en ordonner autrement : 3°. les cours souveraines ont seules droit de bannir hors du royaume ; les autres juges ne peuvent bannir chacun que hors de leur ressort.

Les officiers de cour souveraine joüissent de plusieurs priviléges ; quelques-uns sont réputés commensaux de la maison du Roi. Voyez aux articles des différentes cours, & aux mots Présidens, Conseillers &c. (A)