L’Encyclopédie/1re édition/CURIE

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CURIE, s. f. (Hist. rom.) en latin curia ; portion d’une tribu chez les anciens Romains.

Romulus divisa le peuple Romain en trois tribus, qui formerent trente curies, parce que chaque tribu fut composée de dix curies, c’est-à-dire de mille hommes. Les cérémonies des fêtes se faisoient dans un lieu sacré destiné à chaque curie, dont le prêtre ou le sacrificateur s’appella curion, à sacris curandis, parce qu’il avoit soin des sacrifices. Le peuple s’assembloit par curies dans la place de Rome appellée comitium, pour y gérer toutes les affaires de la république. Il ne se prenoit aucune résolution, soit pour la paix, soit pour la guerre, que dans ces assemblées. C’est là qu’on créoit les rois, qu’on élisoit les magistrats & les prêtres, qu’on établissoit des lois, & qu’on administroit la justice. Le roi de concert avec le sénat, convoquoit ces assemblées, & décidoit par un sénatus-consulte du jour qu’on devoit les tenir, & des matieres qu’on y devoit traiter. Il falloit un second sénatus-consulte pour confirmer ce qui y avoit été arrêté. Le prince ou premier magistrat présidoit à ces assemblées, qui étoient toûjours précédées par des auspices & par des sacrifices, dont les patriciens étoient les seuls ministres.

Les curies subsisterent dans toutes leurs prérogatives jusqu’à Servius Tullius, qui ayant trouvé par son dénombrement la république accrue d’un très grand nombre de citoyens capables de porter les armes, les partagea en six classes générales, & composa chaque classe d’un nombre plus ou moins grand de centuries. Il établit en même tems, & du consentement de la nation, qu’on recueilleroit à l’avenir les suffrages par centuries, au lieu qu’ils se comptoient auparavant par têtes. Depuis lors les assemblées par curies ne se firent guere que pour élire les flamines, c’est-à-dire les prêtres de Jupiter, de Mars, de Romulus ; comme aussi pour l’élection du grand curion & de quelques magistrats subalternes. De cette maniere les affaires importantes de la république ne se déciderent plus d’ordinaire que par centuries. Nous en exposerons la maniere dans le supplément de cet Ouvrage au mot Centurie, parce que cette connoissance est indispensable pour entendre l’histoire romaine, qui de toutes les histoires est la plus intéressante. Cependant le peuple chercha toûjours à faire par curies les assemblées qu’on avoit coûtume de faire par centuries, & à faire par tribus, qui leur donnoient encore plus d’avantage, les assemblées qui se faisoient par curies. Ainsi quand l’on établit en faveur du peuple les nouvelles magistratures de tribuns & d’édiles, le peuple obtint qu’il s’assembleroit par curie pour les nommer ; & quand sa puissance fut affermie, il obtint qu’ils seroient nommés dans une assemblée par tribus. Voyez Tribu.

Varron dérive le mot curie du latin cura, soin, comme qui diroit une assemblée de gens chargés du soin des affaires publiques, ou qui se tient pour en prendre soin ; & cette étymologie me paroît la plus vraissemblable de toutes.

Quand les curies, curiæ, furent abolies, le nom curia passa au lieu où le sénat se tenoit ; & c’est peut-être de-là qu’est venu le mot de cour, que nous employons pour signifier tout corps de juges & de magistrats. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.