L’Encyclopédie/1re édition/DAME

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DAME, f. f. (Hist. nat.) Voyez Pie.

Dame, s. f. (Hist. mod.) titre autrefois très-distingué, très-honorable parmi nous, & qu’on n’accordoit qu’aux personnes du premier rang. Nos rois ne le donnoient dans leurs lettres qu’aux femmes des chevaliers ; celles des écuyers les plus qualifiés étoient simplement nommées mademoiselle : c’est pourquoi Françoise d’Anjou étant demeurée veuve avant que son mari eût été fait chevalier, n’est appellée que mademoiselle. Brantome ne donnoit encore que le titre de mademoiselle à la sénéchale de Poitou sa grand-mere. Il parleroit différemment aujourd’hui que la qualification de madame est devenue si multipliée, qu’elle n’a plus d’éclat, & s’accorde même à de simples femmes de bourgeois. Tous les mots qui désignent des titres, des dignités, des charges, des prééminences, n’ont d’autre valeur que celle des lieux & des tems, & il n’est pas inutile de se le rappeller dans les lectures historiques. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Dame du Palais, (Hist. de France.) titre d’office chez la reine de France avec pension. François I. introduisit les femmes à la cour, & la reine Catherine de Médicis, les filles d’honneur qu’elle employa comme un moyen des plus propres à servir ses desseins, à amuser les grands, & à découvrir leurs secrets. Enfin en 1673 la triste aventure de mademoiselle de *****, une des filles d’honneur de la reine mere Anne d’Autriche, dont le malheur est connu par le sonnet de l’avorton, donna lieu à un nouvel établissement. « Les dangers attachés à l’état de fille dans une cour galante & voluptueuse », dit M. de Voltaire dans ses Anecdotes de Louis XIV. « déterminerent à substituer aux douze filles d’honneur qui embellissoient la cour de la reine, douze dames du palais ; & depuis, la maison des reines de France fut ainsi composée ». Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Dame, en Architecture : on appelle ainsi dans un canal qu’on creuse, les digues du terrein qu’on laisse d’espace en espace pour avoir de l’eau à discrétion, & empêcher qu’elle ne gagne les travailleurs.

On nomme aussi dames de petites langues de terre couvertes de leur gazon, qu’on pratique de distance en distance pour servir de témoins de la hauteur des terres qu’on a fouillées afin d’en toiser les cubes ; alors on les appelle témoins. (P)

Dame ou Demoiselle, (Fortification.) est une piece de bois ayant des bras, que l’on tient à deux mains, pour battre & refouler la terre ou le gazon qui se mettent dans le mortier. Voyez Mortier.

Les paveurs se servent du même instrument pour affermir les pavés des rues & des cours après qu’ils sont placés. Celui-ci est un gros bloc de bois dont l’extrémité est un peu allégie ; sa tête est ceinte d’une bande de fer, & armée en-dessous de gros clous de fer.

Dame est encore une partie de terre qui reste comme isolée entre les fourneaux des mines qui ont joüé. (Q)

Dame Jeanne, s. f. (Marine.) Les matelots appellent ainsi une grosse bouteille de verre couverte de nattes, qui sert à mesurer sur les vaisseaux marchands les rations de la boisson de l’équipage ; elle tient ordinairement la douzieme partie d’une barique, c’est-à-dire dix-sept à dix-huit pintes. (Z)

Dame Lopre, s. f. (Marine.) On donne ce nom en Hollande à une sorte de petit bâtiment dont on se sert dans ce pays pour naviguer sur les canaux & sur les autres eaux internes.

Cette sorte de bâtiment a ordinairement cinquante ou cinquante-cinq piés de long de l’étrave à l’étambord, sur une largeur de onze à douze piés. On lui donne quatre pieds de creux depuis les vaigres du fond jusqu’au bordage où les dalots sont percés, & cinq pieds derriere le côté du banc où le mât touche, qui regarde l’arriere.

A l’égard de la queste qu’on donne à ces sortes de bâtimens, le charpentier se regle à la vûe ; cependant le plus qu’on leur en peut donner est le meilleur.

On fait la quille d’une seule piece, d’un pié de large sur quatre à cinq pouces d’épais. (Z)

* Dame, s. f. (grosses forges.) c’est une piece d’environ un pié de hauteur, qui ferme la porte du creuset qui donne dans la chambre, à la réserve d’un espace d’environ sept à huit pouces, qu’on appelle la coulée & par lequel passe toute la fonte contenue dans le creuset.

* Dame (Jeu.) On donne ce nom à de petites tranches cylindriques de bois ou d’ivoire qui sont peu épaisses, qui ont à-peu-près pour diametre le côté d’un quarreau du damier, & dont on se sert pour joüer aux dames. Il y en a de deux couleurs ; un des joüeurs prend les dames d’une couleur, & l’autre joüeur les dames de l’autre couleur. Voyez Dames, (Jeu de) & Damier.

* Dames, (Jeu de) Le jeu de dames se joüe avec les dames. Voyez les art. Dame & Damier. Il y a deux sortes principales de jeu de dames ; on appelle l’un les dames françoises, & l’autre les dames polonoises. Aux dames françoises, chaque joüeur a douze dames ; aux dames polonoises, vingt. On commence le jeu par placer ses dames.

Aux dames françoises le joüeur A place ses douze dames sur les douze quarreaux ou cases a, b, c, d, &c. & le joüeur B, les douze siennes sur les douze cases 1, 2, 3, 4, 5, &c. fig. 1. Chaque joüeur joue alternativement. Lorsque le joüeur A a poussé une de ses dames, le joüeur B en pousse une des siennes. Les dames ne font qu’un pas ; elles vont de la case où elles sont, sur les cases vuides de même couleur qui leur sont immédiatement contigues par leurs angles, sur la bande qui est immédiatement au-dessus : d’où l’on voit qu’une dame quelconque ne peut jamais avoir que deux cases au plus à choisir. Au bout d’un certain nombre de coups, il arrive nécessairement à une des dames du joüeur A ou B, d’être immédiatement contigue à une des dames du joüeur B ou A. Si c’est au joüeur A à joüer, & que la dame M soit contigue à la dame N du joüeur B, ensorte que celle ci ait une case vuide par-derriere elle, la dame M se placera dans la case vuide, & la dame N sera enlevée de dessus le damier. S’il y a plusieurs dames de suite en avancant vers le fond du damier, placées de maniere qu’elles soient toutes séparées par une seule case vuide contigue, la même dame M les enlevera toutes, & se placera sur la derniere case vuide. Ainsi dans le cas qu’on voit ici, fig. 2. la dame M enlevera les dames 9, 7, 5, 3, & s’arrêtera sur la case δ. Quand une dame est arrivée sur la bande d’en-haut de l’adversaire, on dit qu’elle est arrivée à dame : pour la distinguer des autres on la couvre d’une autre dame, & elle s’appelle dame damée. La dame damée ne fait qu’un pas, non plus que les autres dames, mais les dames simples ne peuvent point reculer ; elles avancent toûjours ou s’arrêtent, & ne prennent qu’en avant : la dame damée au contraire avance, recule, prend en avant, en arriere, en tout sens, tout autant de dames qu’elle en rencontre séparées par des cases vuides, pourvu qu’elle puisse suivre l’ordre des cases sans interrompre sa marche. Que cet ordre soit ici en avançant, là en reculant, la dame damée prend toûjours ; au lieu que quand elle n’est pas damée, il faut que l’ordre des dames prises soit toûjours en avançant ; elles ne peuvent jamais faire un pas en arriere. Ainsi, fig. 3. la dame damée M prend les dames 1, 2, 3, 4, 5, &c. au lieu que la dame simple ne pourroit prendre que les dames 1, 2. Si on ne prend pas quand on a à prendre, & qu’on ne prenne pas tout ce qu’on avoit à prendre, on perd la dame avec laquelle on devoit prendre, soit simple, soit damée ; cela s’appelle souffler : votre adversaire vous souffle & joue, car souffler n’est pas joüer. Le jeu ne finit que quand l’un des joüeurs n’a plus de dame ; c’est celui à qui il en reste qui a gagné.

Les dames polonoises se joüent comme les dames françoises, mais sur un damier polonois, c’est-à-dire à cent cases, & chaque joüeur a vingt dames. Les dames polonoises simples avancent un pas seulement, comme les dames françoises simples ; mais elles prennent comme les dames damées françoises, & les dames damées polonoises marchent comme les fous aux échecs : elles prennent d’un bout d’une ligne à l’autre toutes les dames qui se trouvent séparées les unes des autres par une ou plusieurs cases vuides ; passent sans interrompre leur marche, d’un seul & même coup, sur toutes les lignes obliques, tant qu’elles rencontrent des dames à prendre, & ne s’arrêtent que quand elles n’en trouvent plus. On souffle aussi à ce jeu les dames simples & damées ; & on perd ou gagne, comme aux dames françoises, quand on manque de dames ou qu’on en garde le dernier.