L’Encyclopédie/1re édition/MORTIER
Mortier, s. m. en Architecture, composition de chaux, de sable, &c. mélés avec de l’eau qui sert à lier les pierres, &c. dans les bâtimens. Voyez Batiment, Ciment.
Les anciens avoient une espece de mortier si dur & si liant, que, malgré le tems qu’il y a que les bâtimens qui nous restent d’eux durent, il est impossible de séparer les pierres du mortier de certains d’entr’eux ; il y a cependant des personnes qui attribuent cette force excessive au tems qui s’est écoulé depuis qu’ils sont construits, & à l’influence de quelques propriétés de l’air qui durcit en effet certains corps d’une maniere surprenante. Voyez Air.
On dit que les anciens se servoient, pour faire leur chaux, des pierres les plus dures, & même de fragmens de marbre. Voyez Chaux.
Delorme observe que le meilleur mortier est celui qui est fait de pozzolane au lieu de sable, ajoutant qu’il pénetre même les pierres à feu, & que de noires il les rend blanches. Voyez Pozzolane.
M. Worledge nous dit que le sable fin fait du mortier foible, & que le sable plus rond fait de meilleur mortier : il ordonne donc de laver le sable avant que de le méler ; il ajoute que l’eau salée affoiblit beaucoup le mortier. Voyez Sable.
Wolf remarque que le sable doit être sec & pointu, de façon qu’il pique les mains lorsqu’on s’en frotte ; & qu’il ne faut pas cependant qu’il soit terreux, de façon à rendre l’eau sale lorsqu’on l’y lave.
Nous apprenons de Vitruve que le sable fossile seche plus vîte que celui des rivieres, d’où il conclut que le premier est plus propre pour les dedans des bâtimens, & le dernier pour les dehors : il ajoute que le sable fossile exposé long-tems à l’air devient terreux. Palladio avertit que le sable le plus mauvais est le blanc, & qu’il en faut attribuer la raison à son manque d’aspérité.
La proportion de la chaux & du sable varie beaucoup dans notre mortier ordinaire. Vitruve prescrit trois parties de sable fossile & deux de rivieres contre une de chaux ; mais il paroît qu’il met trop de sable. A Londres & aux environs, la proportion du sable à la chaux vive est de 36 à 25 ; dans d’autres endroits, on met parties égales des deux.
Maniere de méler le mortier. Les anciens maçons, selon Felibien, étoient si attentifs à cet article, qu’ils employoient constamment pendant un long espace de tems dix hommes à chaque bassin, ce qui rendoit le mortier d’une dureté si prodigieuse, que Vitruve nous dit que les morceaux de plâtre qui tomboient des anciens bâtimens servoient à faire des tables : Felibien ajoute que les anciens maçons prescrivoient à leurs manœuvres comme une maxime de le délayer à la sueur de leurs sourcils, voulant dire par-là de le meler long tems au lieu de le noyer d’eau pour avoir plutôt fait.
Outre le mortier ordinaire dont on se sert pour placer des pierres, des briques, &c. il y a encore d’autres especes ce mortiers, comme :
Le mortier blanc dont on se sert pour plâtrer les murs & les platonds, & qui est composé de poil de bœuf melé avec de la chaux & de l’eau sans sable.
Le mortier dont on te sert pour faire les aqueducs, les citernes, &c. est très ferme & dure long tems. On le fait de chaux & de graisse de cochon qu’on mêle quelquefois avec du jus de figues, ou d’autres fois avec de la poix liquide : après qu’on l’a applique, on le lave avec de l’huile de lin. Voyez Citerne.
Le mortier pour les fourneaux se fait d’argille rouge, qu’on mêle dans de l’eau où on a fait tremper de la fiente de cheval & de la suie de cheminée. Voyez Fourneau.
On se plaint journellement du peu de solidité des bâtimens modernes ; cette plainte paroît très-bien fondée, & il est certain que ce défaut vient du peu de soin que l’on apporte à faire un mortier durable, tandis que les anciens ne négligeoient rien pour sa solidité. D’abord la bonté du mortier dépend de la qualité de la chaux que l’on y emploie ; plus la pierre à chaux que l’on a calcinée est dure & compacte, plus la chaux qui en résulte est bonne. Les Romains tentoient cette vérité, puisque, lorsqu’il s’agissoit de bâtir de grands édifices, ils n’employoient pour l’ordinaire que de la chaux de marbre. La bonté du mortier dépend encore de la qualité du sable que l’on mêle avec la chaux ; un sable fin paroît devoir s’incorporer beaucoup mieux avec la chaux qu’un sable grossier ou un gravier, vû que les pierres qui composent ce dernier doivent nuire à la liaison intime du mortier. Enfin, il paroît que le peu de solidité du mortier des modernes vient du peu de soin que l’on prend pour le gâcher, ce qui fait que le sable ne se mêle qu’imparfaitement à la chaux.
M. Shaw, célebre voyageur anglois, observe que les habitans de Tunis & des côtes de Barbarie bâtissent de nos jours avec la même solidité que les Carthaginois. Le mortier qu’ils emploient est composé d’une partie de sable, de deux parties de cendres de bois, & de trois parties de chaux. On passe ces trois substances au tamis, on les mêle bien exactement, on les humecte avec de l’eau, & on gâche ce melange pendant trois jours & trois nuits consécutives, sans interruption, pour que le tout s’incorpore parfaitement ; &, pendant ce tems, on humecte alternativement le mélange avec de l’eau & avec de l’huile : on continue à remuer le tout jusqu’à ce qu’il devienne parfaitement homogene & compacte. Voyez Shaw, Voyage en Afrique. (—)
Mortier, (Jurisprud.) est une espece de toque ou bonnet qui étoit autrefois l’habillement de tête commun, & dont on a fait une marque de dignité pour certaines personnes.
Le mortier a été porté par quelques empereurs de Constantinople, dans la ville de Ravene : l’empereur Justinien est représenté avec un mortier, enrichi de deux rangs de perle.
Nos rois de la premiere race ont aussi usé de cet ornement, ceux de la seconde & quelques-uns de la troisieme race s’en servirent aussi. Charlemagne & S. Louis sont représentés dans certaines vieilles peintures avec un mortier ; Charles VI. est représenté en la grand’chambre avec le mortier sur la tête.
Lorsque nos rois quitterent le palais de Paris pour en faire le siége de leur parlement, ils communiquerent l’usage du mortier & autres ornemens à ceux qui y devoient présider afin de leur attirer plus de respect ; le mortier des présidens au parlement est un reste de l’habit des chevaliers, parce qu’il est de velours & qu’il y a de l’or.
Le chancelier & le garde des sceaux portent un mortier de toile d’or, bordé & rebrassé d’hermine.
Le premier président du parlement porte le mortier de velours noir, bordé de deux galons d’or. Les autres présidens n’ont qu’un seul galon ; le greffier en chef porte aussi le mortier.
Autrefois le mortier se mettoit sur la tête dessous le chaperon, présentement ceux qui portent le mortier le tiennent à la main, il y a néanmoins quelques cérémonies où ils le mettent encore sur la tête comme aux entrées des rois & des reines, ils le portent aussi en cimier sur leurs armes.
Les barons le portent aussi au-dessus de leur écusson avec des filets de perles. Voyez le Traité des signes des pensées, par Costadan, tom. IV. (A)
Mortier, (Chimie) instrument fort connu & qui est commun à la Chimie & à plusieurs arts ; mais l’unique qualité requise dans cet instrument pour l’usage commun, c’est d’être plus dur que les matieres qu’on veut y piler, afin que ses parois ne soient pas égrugés & usés, & que la pulvérisation n’y soit pas lente, difficile ou impossible ; mais outre cette qualité qu’on peut appeller méchanique, & qui est nécessaire aussi pour les pulvérisations chimiques ; l’on a égard encore dans ces dernieres opérations à la nature chimique de la matiere dont le mortier est composé, & à ses rapports avec les substances qui doivent être traitées dedans, aussi les Chimistes se sont-ils faits des mortiers de beaucoup de différentes matieres pour y traiter sans inconvénient les différens sujets chimiques. Ils ont des mortiers de cuivre, de fer fondu, d’argent, de marbre, de granit, de verre, de bois. Les usages des mortiers de ces différentes matieres sont déterminés par la connoissance que l’artiste doit avoir de l’action des différentes substances chimiques sur chacune de ces matieres ; & quant aux préparations pharmaceutiques ou médicinales qu’on exécute au moyen de ces instrumens, l’espece en est ordinairement déterminée dans les pharmacopées, il y est dit, broyez dans un mortier d’airain, de marbre, &c. en général le grand mortier du laboratoire ou de la boutique doit plutôt être de fer fondu, que de cuivre ou de bronze. Ce dernier métal est attaqué par un très grand nombre de substances, & ses effets dangereux sur les corps humains sont assez connus, voyez Cuivre. Le petit mortier & la main des boutiques, celui dans lequel on prépare les potions, les juleps, les loochs, &c. doit être d’argent plutôt que de cuivre, par les raisons que nous venons d’alléguer pour la proscription de ce dernier métal, & parce que le mortier de fer nuiroit à l’élégance de la plûpart de ces préparations.
Tout ce que nous venons de dire du mortier convient également au pilon, instrument que tout le monde connoît aussi, & dont l’usage est nécessairement lié avec celui du mortier, ou même qui ne fait proprement avec, qu’un même & seul instrument.
Ces considérations conviennent aussi généralement à tout vaisseau, & à la plûpart des instrumens chimiques & pharmaceutiques. Voyez Instrument, Chimie & Vaisseau. (b)
Mortier de veille. (Lang. franç.) On appelle chez le roi de France, mortier de veille, un petit vaisseau d’argent qui a de la ressemblance au mortier à piler ; il est rempli d’eau sur laquelle surnage un morceau de cire jaune grosse comme le poing, pesant une demi-livre ; & ayant un petit lumignon au milieu ; ce morceau de cire se nomme aussi mortier. On l’allume quand le roi est couché, & il brûle toute la nuit dans un coin de sa chambre, conjointement avec une bougie qu’on allume en même tems dans un flambeau d’argent, au milieu d’un bassin d’argent qui est à terre. (D. J.)
Mortier, le, est dans l’Artillerie une espece de canon plus court que le canon ordinaire, & de même métal, qui sert à jetter des bombes & quelquefois des grenades. Voyez Bombe.
L’usage des mortiers est fort ancien. M. Blondel les croit du tems des plus vieux canons, & qu’ils ne servoient alors qu’à jetter des pierres & des boulets rouges. Les premieres bombes jettées avec le mortier furent employées au siége de Vaclhtendonek en 1588 ; ce fut Malthus, ingénieur anglois, qui a le premier introduit l’usage des bombes en France dans l’attaque des places, & qui s’en servit d’abord au premier siége de la Motte en 1634. Le roi Louis XIII. avoit fait venir cet ingénieur de Hollande.
Il y a plusieurs sortes de mortiers ; savoir, de 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, & même de 18 pouces de diametre à leur bouche ; ils contiennent dans leurs chambres 2, 3, 4, 5, 6 & 12 livres de poudre.
Explication d’un mortier de douze pouces, contenant six livres de poudre, Pl. VII. de fortification, fig. 4. A sa culasse, B la lumiere avec son bassinet, C les tourillons, D l’astragalle de la lumiere, E le premier renfort, F plate-bande de renfort chargé de son anse, & avec les moulures ; G la volée avec son ornement, H l’astragale du collet, I le collet, K le bourrelet, L l’embouchure ; l’ame, ce qui est ponctué depuis la bouche jusqu’au dessous de la plate-bande, la chambre ponctuée depuis le dessous de la plate-bande jusqu’à la lumiere. Voyez Pl. VII. fig. 5. la bombe de ce mortier, & fig. 6. la coupe de cette bombe avec sa fusée. Voyez Fusée de la bombe.
Il y a des mortiers dont la chambre est cylindrique, c’est-à-dire partout de même longueur, & le fond un peu arrondi. D’autres à chambre concave ou sphérique, parmi lesquelles chambres, il y en a à poire & à cone tronqué. Les chambres concaves & à poire n’ont pas le même inconvénient que dans le canon, parce que son peu de hauteur permet de l’écouvillonner exactement ; ainsi, nul inconvénient n’est à craindre à cet égard. Et comme ces chambres sont plus propres à l’inflammation de la poudre, que les cylindriques, il s’ensuit qu’elles sont les plus avantageuses pour le mortier.
Nous ajoutons ici ce que M. Belidor dit dans son Bombardier françois sur les differentes chambres des mortiers. « L’on a imaginé, dit cet auteur, quatre sortes de chambres pour les mortiers : la premiere est celle que l’on nomme cylindrique, parce qu’en effet elle a la figure d’un cylindre, dont la lumiere qui porte le feu à sa charge, répond au cercle du fond ; il y en a où ce fond se trouve un peu concave, afin qu’une partie de la poudre se trouvant au-dessous de la lumiere, toute la charge puisse s’enflammer plus promptement ; car les chambres cylindriques ont cela de défectueux, que lorsqu’on y met beaucoup de poudre, il n’y a guere que celle qui se trouve au fond qui contribue à chasser la bombe, l’autre ne s’enflammant que quand elle est déja partie ; & l’on a remarqué plusieurs fois que six livres de poudre ne chassoient la bombe guere plus loin, sous le même degré d’élévation que cinq livres, à cause que l’ame du mortier n’ayant que très-peu de longueur, la bombe ne parcourt pas un assez long espace avant que d’en sortir, pour recevoir l’impulsion de la poudre qui s’enflamme sur la fin, ce qui est un des plus grands défauts que puisse avoir une arme à feu ; dont la perfection se réduit à faire ensorte que toute la charge soit enflammée dans le moment que le corps qu’elle chasse est sur le point de partir.
» Un autre défaut des chambres cylindriques, c’est qu’elles sont rarement bien coulées, l’axe étant presque toujours oblique à celui du mortier, au lieu qu’il devroit être le même, ce qui fait que l’action de la poudre n’embrassant point le culot de la bombe, pour la chasser directement, imprime sa force au-dessus ou au-dessous, à droite ou à gauche, & écarte beaucoup la bombe de l’objet où on vouloit la jetter. Il arrive un inconvénient beaucoup plus pernicieux encore, c’est que la bombe avant que de sortir du mortier le choque quelquefois avec tant de violence, qu’elle se casse en morceaux.
» Plusieurs bombardiers assurent, que le plus grand nombre des mortiers cilindriques, dont on s’est servi dans la derniere guerre, étoient si sujets à casser les bombes, qu’ils avoient été obligés de les caler avec des éclisses afin qu’elles sortissent du mortier sans le toucher.
» Il y a long-tems qu’on s’est apperçu que les mortiers cylindriques ne chassoient pas les bombes à des distances proportionnées à la quantité de poudre dont on les chargeoit. C’est pourquoi on a inventé les chambres sphériques, où la poudre étant plus ramassée autour de la lumiere, le feu pût se porter plus promptement à toutes les parties de la poudre, pour s’enflammer à la ronde dans un instant, & non pas successivement comme dans les chambres cylindriques. Le diametre du cercle qui forme l’entrée de la chambre étant plus petit que celui de la chambre même, il arrive que la poudre qui s’est enflammée la premiere ne rencontrant point d’abord une issue libre pour s’échapper, choque les parois de la chambre, s’agite avec une extrême violence, se réflechit sur elle-même, & allume celle qui ne l’étoit pas. De sorte que devenue un fluide à ressort, elle réunit tous ses efforts contre la bombe qu’elle chasse avec toute la force dont elle est capable. Les chambres sphériques seroient sans doute préférables à toutes les autres pour les armes à feu en général, si elles n’avoient le sort de toutes les machines, qui est de ne pouvoir être perfectionnées au point de les rendre exemptes de défauts. Le diametre de l’entrée de cette chambre étant plus petit que celui de la chambre même, fait, comme on l’a déjà dit, que la poudre s’enflamme presque dans le même instant. Mais cet avantage est sujet à un inconvénient qui est que la difficulté que la poudre trouve d’abord à s’échapper, fait qu’elle tourmente extrèmement l’affut, la plate-forme & le mortier qu’il est presque impossible de maintenir sous l’angle où on l’avoit pointé. Ainsi la bombe portant sous une direction différente que celle qu’on lui avoit donnée, s’écarte beaucoup du but. (Nous avons vu que cet inconvénient joint à celui de ne pouvoir écouvillonner exactement le canon, les a fait abandonner entierement dans le canon).
» Quand on ne veut pas tirer loin, & qu’on ne met dans la chambre qu’une petite quantité de poudre, il y reste un grand vuide qui diminue beaucoup la charge, parce qu’elle n’est pas serrée, & l’on ne peut remplir ce vuide de terre par la difficulté de l’étendre également. C’est pourquoi on se sert peu de ces mortiers pour l’attaque des places, les reservant quand on est obligé de faire un bombardement de fort loin ; alors ils sont excellens. On a cherché à conserver ce que ces chambres ont de bon, en corrigeant ce qu’elles ont de défectueux. C’est ce qu’on a fait dans les chambres à poire. Le fond de ces chambres est à-peu-près une demi-sphere, dont le diametre du grand cercle détermine celui de la chambre De là les parois vont rencontrer l’entrée en adoucissant. Le diametre en est un peu plus petit que celui du fond. L’avantage de cette chambre est que deux livres de poudre y font plus d’effet que trois dans le mortier cylindrique, toutes choses étant égales d’ailleurs. Ces mortiers ne sont pas sujets à casser leurs bombes, & l’on y met aussi peu de poudre que l’on veut, sans que cela leur ôte rien de la propriété qui leur est essentielle, qui est que la poudre se trouvant plus ramassée, s’enflamme à la ronde pour réunir tous ses efforts. Alors la flamme pouvant-glisser, pour ainsi dire, contre les parois qui se trouvent depuis le milieu de la chambre jusqu’à l’entrée, sans être emprisonnée comme dans la chambre sphérique, elle s’échappe plus aisément, & ne tourmente point tant l’affut, & les machines dont on est obligé de se servir pour pointer.
» Enfin l’on s’est servi dans ces derniers tems de mortiers à cone tronqué. Comme cette chambre est extrèmement évasée, la poudre s’y enflamme assez facilement ; mais aussi elle a la liberté de se dilater, sans rencontrer d’autre obstacle que la bombe, ce qui fait que la même quantité ne chasse pas tout-à-fait si loin que dans les mortiers à poire ; mais elle les chasse au-delà des cylindriques. La figure de ce mortier est plus commode que toutes les autres pour l’appuyer solidement contre les coins de mire, lorsqu’on veut le pointer sous quelque angle que ce soit, à cause que le métal y est uni. M. Bélidor ajoûte que dans les différentes épreuves qu’il a faites, il n’a jamais tiré si juste qu’avec ce dernier mortier ».
Le mortier se place sur un affut, pour la facilité de son service. Voyez la description de celui qui lui est plus ordinaire, à la suite de celui du canon.
Pour faire connoître les principales dimensions du mortier, l’on joint ici la table suivante tirée de l’ordonnance du 7 Octobre 1732.
Mortier de 12 pouces de diametre, à chambre cylindrique. | Mortier de 8 pouces de diametre, à chambre cylindrique. | |||||||
Profondeur de l’ame, compris le fond de demi-rond, | Piés. | pouc. | lignes. | points. | Piés. | pouc. | lignes. | points. |
1 | 6 | 0 | 0 | 0 | 12 | 4 | 6 | |
Profondeur de la chambre, | 0 | 9 | 0 | 0 | 0 | 6 | 2 | 3 |
Ouverture de la chambre par le haut, | 0 | 4 | 0 | 0 | 0 | 2 | 9 | 0 |
Ouverture de la chambre par le bas, les angles du fond remplis d’un quart de diametre en portion de cercle, | 0 | 4 | 0 | 0 | 0 | 2 | 9 | 0 |
Epaisseur du métal à la volée, | 0 | 2 | 0 | 0 | 0 | 1 | 6 | 0 |
Epaisseur du métal au renfort, | 0 | 2 | 6 | 0 | 0 | 2 | 0 | 0 |
Hauteur du renfort, | 0 | 7 | 0 | 0 | 0 | 5 | 0 | 0 |
Epaisseur du métal autour de la chambre, | 0 | 4 | 0 | 0 | 0 | 2 | 9 | 0 |
La chambre est en-dedans les tourillons, | 0 | 1 | 0 | 0 | 1 | 0 | 8 | 0 |
Diametre des tourillons, | 0 | 7 | 3 | 0 | 0 | 4 | 8 | 0 |
Longueur des tourillons, | 2 | 4 | 0 | 0 | 1 | 6 | 8 | 0 |
Longueur des masses de lumieres, | 0 | 4 | 6 | 0 | 0 | 3 | 0 | 0 |
Diametre au gros bout, | 0 | 2 | 4 | 0 | 0 | 1 | 8 | 0 |
Diametre au petit bout, | 0 | 0 | 6 | 0 | 0 | 1 | 4 | 0 |
Poids desdits mortiers, | 1450 livres. | 500 livres. | ||||||
Poudre que contient la chambre, |
piés. | pouces. | lignes. | |
Profondeur de l’ame, compris le demi-rond, | 1 | 6 | 0 |
Profondeur de la chambre | 0 | 8 | 6 |
Ouverture du diametre de la chambre par le haut | 0 | 4 | 0 |
Ouverture du diametre de la chambre par le bas, dont le fond est demi-sphérique | 0 | 5 | 0 |
La lumiere percée raz le fond de la chambre | |||
Épaisseur du métal dessous la chambre | 0 | 7 | 10 |
Épaisseur du métal autour du plus grand diametre de la chambre | 0 | 5 | 0 |
Épaisseur du métal au haut de la chambre | 0 | 4 | 3 |
Hauteur du renfort dont le milieu répond au centre qui décrit le fond de l’ame | 0 | 7 | 0 |
Épaisseur du métal au renfort | 0 | 3 | 0 |
Épaisseur du métal à la volée | 0 | 2 | 3 |
Diametre des tourillons | 0 | 7 | 3 |
Longueur des tourillons | 2 | 4 | 0 |
Longueur de la masse de lumiere | 0 | 7 | 0 |
Diametre au gros bout | 0 | 2 | 4 |
Diametre au petit bout | 0 | 1 | 8 |
Poids de ce mortier, | 1700 livres. |
Pour le prix que le roi paye pour la façon de chaque mortier, voyez la table suivante.
Fonderies. | Mortier de 12 pouces. | Mortier de 12 pouces. | Mortier de 12 pouces. | Pierriers de 12 pouces & de 15 pouces. |
Paris, | 450 l. | 350 l. | 200 l. | 350 l. |
Douay, | 250 | 100 | 250 | |
Strasbourg, | 440 | 320 | 270 | |
Lyon, | 370 | 285 | 235 | |
Perpignan, | 300 | 250 | 200 | 200 |
Des instrumens nécessaires pour charger le mortier, & de la maniere de le charger. Pour charger un mortier, il faut plusieurs instrumens, comme pour charger le canon. Les principaux sont une dame ou une demoiselle du même calibre de la piece, pour battre, refouler la terre ou le fourrage dont on couvre la poudre ; une racloire de fer pour nettoyer l’ame & la chambre du mortier ; & une petite cuiller pour nettoyer plus particulierement la chambre de la poudre ; un couteau de bois d’un pié de long, pour serrer la terre autour de la bombe ; il est aussi besoin de dégorgeoirs, de coins de mire & de deux boutes-feu.
L’officier qui fait charger le mortier, ayant réglé la quantité de poudre dont il convient de le charger, fait mettre cette poudre dans la chambre du mortier ; après quoi il la fait couvrir de fourrage qu’il fait refouler avec la demoiselle. On recouvre ce fourrage de deux ou trois pelletées de terre qu’on refoule aussi ; après quoi on pose la bombe sur cette terre ; on la place le plus droit qu’il est possible au milieu du mortier, la fusée ou la lumiere en-haut. On rejette de la terre dans le mortier, & on entoure la bombe de tous côtés ; on refoule cette terre avec le couteau dont on a parlé ; ensorte que la bombe soit fixe dans la situation où on l’a mise. Tout cela étant fait, l’officier pointe le mortier, c’est-à-dire qu’il lui donne l’inclinaison nécessaire pour faire tomber là bombe dans le lieu où on veut la faire aller. Lorsque le mortier est placé dans la situation convenable pour cet effet, on gratte la fusée, c’est-à-dire qu’on la décoëffe ; on fait aussi entrer le dégorgeoir dans la lumiere pour la nettoyer. On la remplit de poudre très-fine ; & ensuite deux soldats prennent chacun l’un des deux boutefeux ; le premier met le feu à la fusée & le second au mortier. La bombe chassée par l’effort de la poudre va tomber vers le lieu où elle est destinée ; & la fusée qui doit se trouver à sa fin lors de l’instant où la bombe touche le lieu vers lequel elle est chassée, met dans ce même instant le feu à la poudre dont la bombe est chargée : cette poudre, en s’enflammant, brise & rompt la bombe en éclats qui se dispersent à peu-près circulairement autour du point de chute, & qui font des ravages considérables dans les environs.
Remarques. Si la fusée mettoit le feu à la bombe avant qu’elle fût dans le lieu où on veut la faire tomber, la bombe creveroit en l’air, & elle pourroit faire autant de mal à ceux qui l’auroient tirée qu’à ceux contre lesquels on auroit voulu la chasser. Pour éviter cet inconvénient, on fait ensorte que la fusée dont on connoit assez exactement la durée, ne mette le feu à la bombe que dans l’instant qu’elle vient de toucher le lieu sur lequel elle est chassée ou jettée. Pour cet effet, comme la fusée dure au moins le tems que la bombe peut employer pour aller dans l’endroit le plus éloigné où elle puisse tomber ; lorsqu’on veut faire aller la bombe fort loin, on met le feu à la fusée & au mortier & en même tems ; lorsque la bombe a peu de chemin à faire, on laisse bruler une partie de la fusée avant de mettre le feu au mortier.
De la position du mortier pour tirer une bombe, & de la ligne qu’elle décrit pendant la durée de son mouvement. Comme l’un des effets de la bombe résulte de sa pesanteur, on ne la chasse pas de la même maniere que le canon ; c’est-à-dire, le mortier dirigé, ou pointé vers un objet déterminé, on lui donne une inclinaison à l’horison, de maniere que la bombe étant chassée en haut obliquement, à peu-près de la même maniere qu’une balle de paume est chassée par la raquette, elle aille tomber sur l’endroit où on veut la faire porter. On voit par là que le mortier n’a point de portée de but-en-blanc, ou du moins qu’on n’en fait point d’usage.
Le mortier étant posé dans une situation oblique à l’horison, ensorte que la ligne AC (Pl. VIII. de la fortific. fig. 1.) qui passe par le milieu de sa cavité, étant prolongée, fasse un angle quelconque B & D avec la ligne horisontale A B ; la bombe chassée suivant le prolongement de cette ligne, s’en écarte dans toute la durée de son mouvement par sa pesanteur qui l’attire continuellement vers le centre ou la superficie de la terre : ce qui lui fait décrire une espece de ligne courbe AEB que les Géometres appellent parabole. Voyez Parabole & Jet de bombes.
Maniere de pointer le mortier. Pointer le mortier, c’est lui donner l’angle d’inclinaison convenable, pour que la bombe soit jettée dans un lieu déterminé.
Pour cet effet, on se sert d’un quart-de-cercle divisé en degrés, au centre duquel est attaché un fil qui soutient un plomb par son autre extrémité. On porte un des côtés de cet instrument sur les bords de la bouche du mortier, & le fil marque les degrés de l’inclinaison du mortier.
On se sert quelquefois pour le même usage d’un quart-de cercle brisé, tel qu’on le voit dans la figure N de la Pl. VII. de fortific. La fig. O de la même Pl. montre le même quart-de-cercle par derriere, où sont divisés les diametres des pieces & des boulets, & le poids & demi-diametre de sphere des poudres.
Comme ces sortes d’instrumens ne peuvent pas, à cause de leur petitesse, donner avec précision l’angle d’inclinaison du mortier ; que d’ailleurs on les pose indifféremment à tous les endroits du bord de la bouche du mortier : il arrive le plus souvent, dit M. Bélidor dans son Bombardier franç. « que le métal n’étant pas coulé également par-tout, & le pié de l’instrument ne posant, pour ainsi dire, que sur deux points, on trouve des angles différens chaque fois qu’on le change de situation. J’ai aussi remarqué, dit le même auteur, que lorsqu’on avoit pointé le mortier à une certaine élevation, si on appliquoit sur le bord de sa bouche plusieurs quarts-le-cercle, les uns après les autres, chacun donnoit un nombre de degrés différens, quoique posés au même endroit, parce que la plûpart sont mal-faits ou devenus défectueux, pour les avoir laissé tomber, ce qui en fausse le pié.
» Pour éviter ces inconvéniens, il faut avoir un grand quart-de cercle de bois, tel qu’on le voit sur le mortier A fig. 8. Pl. VII. de fortific. Il est accompagné d’une branche ou regle BC qu’on pose diamétralement sur le mortier, ensorte qu’elle en coupe l’ame parfaitement à angles droits. Au centre F du quart-de-cercle est attaché un pendule qui n’est autre chose qu’un fil de soie, au bout duquel est un plomb G qui va se loger dans une rainure, afin que la soie réponde immédiatement aux divisions de l’instrument. »
Il est évident que l’angle CFG est celui de l’inclinaison du mortier ; car si le mortier étoit pointé verticalement, le fil de soie tomberoit au point C ; mais il s’en écarte autant que la position du mortier s’écarte de la direction de la verticale. C’est pourquoi l’angle CFG est l’angle dont le mortier est incliné, ce qu’il falloit démontrer.
Pour ce qui concerne le service du mortier à un siege, voyez Batterie de Mortiers.
Mortier-plerrier. (Fortif.) Voyez Pierrier.
Mortier-perdreaux, ou à perdreaux (Fortif.) est un mortier accompagné de plusieurs autres petits mortiers pratiqués dans l’épaisseur de son métal. Chacun de ces petits mortiers a une lumiere percée à un pouce de son extrémité, laquelle répond à une pareille lumiere percée dans l’épaisseur du gros mortier, immédiatement au-dessous de la plinthe qui arrête les petits mortiers.
Ces petits mortiers sont propres à tirer des grenades, & on appelle ce mortier qui les contient à perdreaux, parce qu’en le tirant, sa bombe peut être regardée comme la perdrix accompagnée de grenades qui lui tiennent lieu de perdreaux. Les alliés ont fait beaucoup d’usage de cette sorte de mortiers dans la guerre de 1701 ; mais ils n’ont point eu une parfaite réussite dans les épreuves qui en ont été faites en France en 1693, & qui sont rapportées dans les Mémoires d’Artillerie de M. de Saint-Remy.
Mortier a la coehorn, (Fortificat.) ce sont de petits mortiers propres à jetter des grenades, & qui sont de l’invention du celebre ingénieur dont ils portent le nom.
Mortier aux pelotes. (Fonderie en sable.) Les fondeurs de menus ouvrages nomment ainsi un mortier de bois ou de pierre, & plus ordinairement de fonte, dans lequel ils forment avec un maillet des especes de boules ou de pelotes avec du cuivre en feuilles, qu’ils ont auparavant taillées en morceaux longs & étroits avec des cisailles. Voyez Fondeur en sable.