L’Encyclopédie/1re édition/DAMOISEAU, DAMOISEL, DAMOISELLE

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DAMOISEAU, DAMOISEL, DAMOISELLE, (Hist. mod.) Ce terme a souffert, comme bien d’autres, beaucoup de révolutions. C’étoit anciennement un nom d’espérance, & qui marquoit quelque sorte de grandeur & de seigneurie : aujourd’hui dans le langage ordinaire il ressent moins le titre d’un guerrier que d’un petit-maître. Sous la seconde race de nos Rois, & même sous la troisieme ; dans l’onzieme & douzieme siecle, le titre de damoiseau étoit propre aux enfans des rois & des grands princes. Les François & les peuples de la Grande-Bretagne, soit Anglois, soit Ecossois, qualifioient ainsi les présomptifs héritiers des couronnes : à leur imitation les Allemans en ont usé de même. On trouve dans l’histoire damoisel Pepin, damoisel Louis le Gros, damoisel Richard prince de Galles ; & un ancien écrivain de notre histoire (c’est Philippe de Monkes) appelle le roi S. Louis damoiseau de Flandres, parce qu’il en étoit seigneur souverain ; ainsi ce terme signifie encore seigneur suzerain. Il est même demeuré par excellence aux seigneurs de Commercy sur la Meuse, entre Toul & Bar-le-Duc, parce que c’est un franc-alleu, qui en quelque sorte imite la souveraineté.

Dans la suite ce nom fut donné aux jeunes personnes nobles de l’un & de l’autre sexe, aux fils & filles de chevaliers & de barons, & enfin aux fils de gentilshommes qui n’avoient pas encore mérité le grade de chevalerie.

Pasquier prétend que damoisel ou damoiseau est le diminutif de dam, comme son féminin, damoiselle, l’est de dame ; & que le mot dam d’où il dérive, signifie seigneur, comme on le voit effectivement dans plusieurs anciens auteurs, qui disent dam Dieu pour seigneur Dieu ; dam chevalier, &c. D’autres le font venir de domicellus ou domnicellus, diminutif de domnus, quasi parvus dominus ; nom auquel répond celui de dominger, qui, comme l’observe Ducange, se prenoit aussi dans ce sens-là.

M. de Marca remarque que la noblesse de Béarn se divise encore aujourd’hui en trois corps ; les barons, les cavers ou chevaliers, & les damoiseaux, domicellos, qu’on appelle encore domingers en langage du pays.

Les fils de rois de Danemark & ceux de Suede ont aussi porté ce titre, comme il paroît par l’histoire de Danemark de Pontanus, l. VII. & VIII. & par celle de Suede d’Henri d’Upsal, liv. III.

Ces noms ne sont plus d’usage aujourd’hui ; mais nous avons celui de demoiselle, qui se dit présentement de toutes les filles qui ne sont point encore mariées, pourvû qu’elles ne soient point de la lie du peuple. Le nouveau Ducange, au mot domicellus, comprend quelques curiosités utiles.

Demoiselle signifie encore un ustensile que l’on met dans le lit pour échauffer les piés d’un vieillard. C’est un fer chaud que l’on renferme dans un cylindre creux que l’on enveloppe dans des linges, & qui entretient long-tems sa chaleur. Quelques-uns l’appellent moine ; & les Anglois, d’un nom qui dans leur langue signifie une none, une religieuse. Voyez Moine. (G) (a)