L’Encyclopédie/1re édition/DESTIN

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DESTIN, s. m. (Morale & Métaphysique.) est proprement l’ordre, la disposition ou l’enchaînement des causes secondes, ordonné par la Providence, qui emporte l’infaillibilité de l’évenement. V. Fatalité

Selon quelques philosophes payens, le destin étoit une vertu secrete & invisible, qui conduit avec une sagesse incompréhensible ce qui nous paroît fortuit & déréglé ; & c’est ce que nous appellons Dieu. Voyez Dieu.

Les Stoïciens entendoient par la destinée, un certain enchaînement de toutes choses qui se suivent nécessairement & de toute éternité, sans que rien puisse interrompre la liaison qu’elles ont entr’elles. Cette idée confond le nécessaire avec l’infaillible. Voyez Providence & Nécessité.

Ils soûmettoient les dieux mêmes à la nécessité de cette destinée ; mais ils définissent plûtôt ce que le mot de destinée devoit signifier, que ce qu’il signifie dans le langage commun : car les Stoïciens n’avoient nulle idée distincte de cette puissance à qui ils attribuoient ces évenemens. Ils n’avoient qu’une idée vague & confuse d’un je ne sai quoi chimérique, & d’une cause inconnue à laquelle ils rapportoient cette disposition invariable & cet enchaînement éternel de toutes choses. Il ne peut y avoir aucun être réel qui soit le destin des Stoïciens. Les philosophes payens qui en avoient fabriqué l’idée, supposoient qu’elle existoit, sans savoir pourtant précisément ce qu’ils entendoient par cette fatalité inévitable. Les hommes n’osant d’un côté imputer à la Providence les malheurs qu’ils prétendoient leur arriver injustement, & de l’autre ne voulant point reconnoître que c’étoit leur faute, formerent le phantôme du destin pour le charger de tout le mal. V. Fortune. Chambers.