L’Encyclopédie/1re édition/ENCANTHIS

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ENCANTHIS, s. m. (Medec. Chir.) terme grec, transmis dans notre langue parce qu’on ne peut le rendre que par une périphrase ; il est composé de la particule ἐν, dans, & κανθός, angle de l’œil.

L’encanthis est une excroissance charnue, ou si l’on veut un tubercule qui se forme dans l’angle interne de l’œil.

Pour connoître positivement le lieu de cette excroissance, il faut rappeller 1°. à sa mémoire la petite masse rougeâtre, grenue, & oblongue, nommée caroncule lacrymale, qui est située entre l’angle interne des paupieres, & le globe de l’œil. Cette espece de glande conglomerée, dont on doit la meilleure description à Morgagni, sépare une partie de l’humeur sébacée de Meibomius. 2°. Il faut encore se rappeller, que sur le globe de l’œil, à côté de ce petit corps glanduleux, se trouve une cuticule rouge, ou plûtôt un pli sémi-lunaire, formé par la conjonctive en maniere de croissant, dont la cavité regarde l’uvée, & la convexité le nez. Or c’est précisément ou dans la caroncule lacrymale, ou dans la cuticule rouge qui lui est contiguë, que l’encanthis a son siége.

Ce tubercule, quelle qu’en soit la cause, vice interne des humeurs ou accident externe, grossit quelquefois jusqu’à couvrir les points lacrymaux, & la plus grande partie de la prunelle : alors la vûe s’affoiblit, les yeux s’enflamment, défigurent le visage, & larmoyent continuellement.

Les gens de l’art distinguent avec raison deux especes d’encanthïs ; l’une douce, bénigne, fongueuse, rougeâtre, n’est accompagnée ni de douleur, ni de dureté ; l’autre dure, blanchâtre ou plombée, cause une douleur piquante, & tient de la nature du cancer.

Pour guérir l’encanthis, on tâche de consumer & dessécher cette excroissance fongueuse, en mettant dessus trois ou quatre fois par jour une poudre très-subtile, faite avec quinze grains de verdet brûlé, dix grains d’alun calciné, un scrupule d’iris, &c une dragme de sucre candi, lavant l’œil une demi-heure après avec quelqu’eau ophthalmique.

Quelques auteurs conseillent de se servir du verdet ou de l’alun, d’autres du précipité rouge, quelques autres ne craignent point de toucher cette excroissance avec l’esprit de vitriol ; mais l’usage de tous ces catherétiques est dangereux, parce que l’application n’en peut pas être assez juste pour ne pas s’étendre un peu aux environs, ce qui peut occasionner des accidens ; il est plus-prudent de les étendre avec d’autres remedes plus doux, pour affoiblir leur action. L’encanthis résiste souvent à tous les remedes ; il faut alors en faire l’extirpation de la maniere suivante. On passe à-travers de l’excroissance une aiguille courbe, enfilée d’un fil ciré, avec lequel on fait une anse que le chirurgien tient avec sa main gauche, tandis qu’avec la droite il tient une lancette ou un petit bistouri dont il cerne la base de la tumeur, ou bien il la coupe avec la pointe des ciseaux. On met ensuite un peu de poudre de sucre candi dans l’œil, & par-dessus des compresses trempées dans un collyre rafraîchissant. S’il survenoit inflammation, on saigneroit le malade, & on y remédieroit par les moyens convenables. Voy. Ophthalmie. (Y)