L’Encyclopédie/1re édition/ENTRE-COURS

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ENTRE-COURS, s. m. (Jurisp.) étoit anciennement une société contractée entre deux seigneurs, au moyen de laquelle les sujets d’un seigneur, qui alloient demeurer ou se marier dans la terre d’un autre seigneur, devenoient eux & leurs enfans sujets de ce dernier seigneur. C’est ainsi que le terme d’entre-cours est entendu dans quelques anciennes chartres, dont le glossaire de Ducange fait mention au mot inter-cursus : à quoi se rapporte encore le chap. 45 des coûtumes de Beauvoisis, par Beaumanoir.

Il arrivoit souvent par-là qu’un roturier qui étoit franc dans un lieu, devenoit serf dans un autre, parce qu’en transférant son domicile dans un lieu où les sujets du seigneur étoient serfs, & y demeurant par an & jour, le seigneur du lieu en acquéroit la saisine, & l’homme franc devenoit de même condition que les autres sujets serfs. Pour parer à cet inconvénient, quelques seigneurs faisoient entr’eux des sociétés par rapport à leurs sujets, suivant lesquelles les sujets de l’un pouvoient librement & sans danger de perdre leur franchise, aller demeurer dans la seigneurie de l’autre seigneur, & même s’y marier avec une personne serve ou sujete de ce seigneur. Ces sociétés furent aussi nommées entre cours, & le droit qui en résultoit en faveur des sujets, fut appellé droit d’entre-cours.

Au moyen de cet entre-cours, l’homme franc ou bourgeois qui passoit d’une seigneurie dans une autre, devenoit bien l’homme ou sujet du dernier seigneur, mais il conservoit sa franchise.

Il y avoit un pareil entre-cours entre les comtes de Champagne & les comtes de Bar, comme il se voit dans les articles 78 & 79 de la coûtume de Vitry.

Le premier de ces articles porte que par l’entre-cours gardé & observé entre les pays de Champagne & Barrois, quand aucun homme ou femme né du Barrois, vient demeurer au bailliage de Vitry, il est acquis de ce même fait au roi, & lui doit sa jurée, comme les autres hommes & femmes de jurée demeurans audit bailliage ; que le roi est en possession & saisine de la lever ainsi sur eux ; & que quand tels hommes ou femmes nés en Barrois, & demeurans au bailliage de Vitry, vont de vie à trépas sans héritier légitime demeurant avec eux audit pays, & qui soit regnicole à l’heure de leur trépas, le roi représente l’héritier absent, leur succede, & prend leurs biens au moyen dudit entre-cours.

L’article suivant porte que pareillement si quelqu’un du comté de Champagne va demeurer au duché de Bar, il est acquis au seigneur duc, au moyen dudit entre-cours ; que s’il y décede, ses enfans nés avec lui audit pays & duché au jour de son trépas, ne succedent en ses biens assis & situés audit bailliage, mais qu’ils appartiennent au roi par droit d’attrayere, qui représente lesdits enfans absens ; mais s’il y avoit des héritiers prochains, demeurans au bailliage de Vermandois, tels héritiers lui succéderoient.

Les seigneurs dérogeoient aussi au droit de mainmorte, par rapport au mariage de leurs serfs ; & par les traités d’entre-cours qu’ils faisoient entr’eux à ce sujet, le serf de l’un pouvoit librement, & sans peine de for-mariage, se marier avec une personne serve d’un autre seigneur. Voyez le glossaire de Lauriere, au mot entre-cours.

On trouve des exemples de ces entre-cours, tant par rapport au domicile que pour les mariages, dans l’histoire de Verdun, aux preuves, pag. 13 & 14.

Le droit d’entre-cours est quelquefois appellé parcours, quoique ce dernier terme s’applique plus ordinairement aux conventions qui ont trait à la réciprocité du pâturage entre deux seigneuries. Voyez Parcours. (A)