L’Encyclopédie/1re édition/EPINE

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EPINE, (Botan.) petite pointe aiguë qui part du bois ou de l’écorce des arbres. Les épines sont ou ligneuses comme celles de l’épine-vinette, ou corticales comme celles du framboisier : les premieres partent du bois, & les dernieres de l’écorce.

Les petits poils dont plusieurs plantes sont revêtues, ont dans leur forme tant d’analogie avec les épines, que dans quelques-unes les poils un peu roides se changent en épines comme dans la tige de la bourrache, & même dans la partie supérieure de ses feuilles.

La base de chaque épine est composée de petites trachées ou vaisseaux excrétoires oblongs, rouges dans les tiges tendres, & verdâtres dans les autres. La hampe de l’épine est un tube plein d’un liquide transparent, qui sort par l’extrémité de ce tube quand on en rompt le bout.

On ne manque pas de plantes garnies de piquans, & quelques-unes, comme la courge, le sont dans leurs tiges, leurs feuilles ; & leurs fleurs. Les branches de la bugrande, ou de l’atrête-bœuf, forment une palissade de pointes aiguës, qui percent l’endroit où sont posées les feuilles. L’ortie piquante, nommée par cette raison urtica aculeata, jette depuis sa tige quantité d’épines molles & foibles, entre lesquelles il en pousse d’autres plus fortes, plus grandes, droites, horisontales, courbes, diversement panchées tantôt en-haut, tantôt en-bas ; elles sont plantées dans une base solide & ligneuse, s’élevent ensuite, & finissent en forme de stilet. La bardane pousse aussi des feuilles garnies de longues épines crochues.

Je ne détaillerai point les noms des arbustes & des arbres armés d’épines ligneuses ou corticales ; ce sont des faits si connus, que plusieurs botanistes ont imaginé que le seul usage des épines étoit de servir de défense ou d’appui aux parties qu’elles avoisinent.

Le rosier, cet arbrisseau qui donne les plus belles & les plus odorantes fleurs du monde, est tout hérissé d’épines dans sa tige, ses fleurs, & ses feuilles. Les piquans de l’épine-vinette sortent de la tige d’une année, à l’origine de la feuille qui tombe, & se cachent sous l’apparence de boutons feuillus ; ils sont revêtus d’une écorce molle, formée de vaisseaux excrétoires rouges & diaphanes : la partie ligneuse de l’épine de cet arbrisseau s’endurcit ; & vient ensuite se terminer en pointe. A la base de cette épine, sous les petites feuilles de la tige, il se forme d’ordinaire une nouvelle épine, qui reçoit un pareil accroissement : enfin, pour abréger, toutes les especes de néflier, l’aubépine, & l’épine-jaune, sont si chargées d’aiguillons épineux, tournés en différens sens, qu’il n’est pas possible d’y porter la main sans se piquer.

Mais quel que soit le nombre des plantes épineuses, & la différente position de leurs épines, on remarque qu’en général elles naissent de la base des boutons, ou paroissent vers les nœuds des plantes. Est-ce que le suc nourricier qui doit servir à l’accroissement des boutons & des rejettons, n’ayant pas acquis dans les trachées la ténuité requise, & en conséquence ne pouvant être reçu dans les branches supérieures, perce nécessairement par la base des boutons, s’éleve ensuite en petit rejetton qui s’amenuise faute de nourriture, & devient finalement une pointe ligneuse, laquelle disparoît avec le tems à mesure que la plante s’éleve & prospere ? C’est le système du célebre Malpighi, qui nous paroît cependant plus ingénieux que solide.

Il vaut mieux avoüer ici deux choses : l’une, qu’on n’a point encore trouvé la vraie cause de l’origine des épines : l’autre, que leur utilité nous est également inconnue. Souvent les épines nous offrent dans leur distribution les mêmes variétés que les fleurs & les fruits ; souvent elles suivent le même arrangement que les feuilles ; souvent aussi le contraire se présente : en un mot, tout ce qui regarde cette matiere est un champ neuf à défricher. On a fait des recherches & des découvertes sur toutes les autres parties des plantes, le bois, l’écorce, la racine, les feuilles, les fleurs, les fruits, & les graines : mais on n’a jetté que de loin des regards sur les épines ; il semble qu’on ait craint d’en approcher. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Epine-jaune, scolimus, (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleur, composée de plusieurs demi-fleurons, portés chacun sur un embryon, dont le filet s’insere dans le trou qui est au-bas de chacun de ces demi-fleurons ; ils sont séparés les uns des autres par une petite feuille, & ils sont soûtenus par un calice écailleux. Lorsque la fleur est passée, chaque embryon devient une semence qui tient à une petite feuille, & qui est attachée à la couche. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Epine-Vinette, berberis, (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales disposés en rond. Il s’éleve du milieu de la fleur un pistil, qui devient dans la suite un fruit de figure cylindrique, qui est mou, plein de suc, & qui renferme une ou deux semences oblongues. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

L’épine-vinette est un arbrisseau épineux, qui croît naturellement en Europe dans les bois & dans les haies des pays plus froids que chauds, & plûtôt en montagnes, que dans les vallées. Il pousse du pié plusieurs tiges assez droites, dont l’écorce lisse, mince, grise en-dessus, est d’une belle couleur jaune en-dessous. Ses jeunes branches sont hérissées d’épines foibles, longues, & souvent doubles ou triples. Il fait de copieuses racines qui sont peu profondes, & dont l’écorce est d’un jaune encore plus vif que celles des tiges. Sa feuille est ovale, finement dentelée, d’un verd tendre, & d’un goût aigrelet. Au commencement de Mai l’arbrisseau donne ses fleurs, qui durent pendant trois semaines : elles sont jaunâtres & assez apparentes, mais d’une odeur forte & desagréable. Le fruit qui succede est cylindrique, d’une belle couleur rouge, disposé en grappe comme la groseille sans épines, & d’un goût fort aigre, mais rafraîchissant & très-sain. Il mûrit au mois de Septembre.

Cet arbrisseau s’éleve jusqu’à dix piés quand on le cultive, mais le plus souvent il n’en a que quatre ou cinq. Il vient à toute exposition, & dans tous les terreins ; cependant il se plaît davantage dans les terres fortes & humides. On peut le multiplier de graine, c’est la voie la plus longue ; de branches couchées, qui font de bonnes racines la même année ; de rejettons, que l’on trouve ordinairement au pié des vieux arbrisseaux, & c’est le plus court moyen ; enfin par les racines mêmes, qui reprennent & poussent aisément en les plantant de la longueur du doigt. Le meilleur service que l’on puisse tirer de cet arbrisseau, c’est d’en former des haies vives qui croissent promptement, qui font une bonne défense, & qui sont de longue durée. On fait quelqu’usage en Bourgogne du fruit de cet arbrisseau, qui y est fort commun ; on en fait des confitures, qui sont en réputation. L’écorce de ses racines a la propriété de teindre en jaune ; on s’en sert aussi pour donner du lustre aux cuirs corroyés.

On connoît six especes ou variétés de cet arbrisseau.

1. L’épine-vinette commune ; c’est principalement à cette espece qu’on doit appliquer ce qui vient d’être dit en général.

2. L’épine-vinette sans pepin ; c’est une variété accidentelle qui se rencontre dans quelques vieux piés de l’espece commune, qui ont été cultivés, & qui sont sur le déclin : encore se trouve-t-il souvent que tous les fruits du même arbrisseau ne sont pas sans pepin. Mais cette variété n’est pas constante : il n’est guere possible de la perpétuer par la transplantation des rejettons de l’arbrisseau dont le fruit est sans pepin ; parce que ces rejettons acquérant par ce déplacement de nouvelles forces, ils font des plants vigoureux, qui perfectionnent leur fruit & produisent des semences : quoiqu’il puisse encore arriver que ces rejettons transplantés donnent pendant un tems des fruits sans pepin, relativement au degré de culture & à la qualité du terrein. Ceci s’accorde avec l’observation que l’on a faite, que c’est sur les plus vieilles tiges de l’arbrisseau que l’on trouve des fruits sans pepin, & que c’est tout le contraire sur les jeunes rejettons qui sont sur le même pié.

3. L’épine-vinette à fruit blanc ; c’est une variété qui est fort rare, & qui ne differe de l’espece commune que par la couleur du fruit.

4. L’épine-vinette de Canada. Cet arbrisseau, qui se trouve dans la plûpart des pays septentrionaux de l’Amérique, est aussi robuste & s’éleve à la même hauteur que l’espece commune, dont il differe surtout par sa feuille qui est plus grande, & dont l’arbrisseau n’est pas si garni.

5. L’épine-vinette de Candie. Cet arbrisseau est si rare, que n’étant point encore connu en France, il faut s’en tenir à la description qui en a été faite par Bellus medecin de l’île de Candie, & qui a été donnée par J. Bauhin. « Il s’éleve à six ou sept piés ; il est hérissé d’une grande quantité d’épines qui ont trois pointes, comme celles de l’espece commune. Sa feuille est petite, legerement dentelée, & d’une forme approchante de celle du buis. Il donne beaucoup de fleurs jaunes, ressemblantes à celles du palivre, mais plus petites. Le fruit qui en provient contient une ou deux graines ; il est cylindrique comme celui de l’épine-vinette commune, mais il ne vient point en grappe ; il est de couleur noire, & il rend au goût un mêlange d’acide & de douceur. L’écorce du bois de cet arbrisseau loin d’être lisse, comme dans l’espece commune, est raboteuse & d’une couleur grisâtre. Son bois est jaune, ainsi que sa racine, dont on peut faire la plus belle teinture ».

6. L’épine-vinette du Levant. Cet arbrisseau qui a été découvert par Tournefort, dans son voyage au Levant, est aussi rare & aussi peu connu que le précédent. Tout ce que l’on en sait, c’est qu’il fait un plus grand arbrisseau que ceux dont on vient de parler, & qu’il produit un fruit noir très-agréable au goût. (c)

Epine-vinette, berberis, (Pharm. & Mat. méd.) Il n’y a que les fruits de cet arbrisseau qui soient usités en Pharmacie ; on en exprime le suc, dont on fait le sirop & le rob ; on nettoye les pepins, & on les fait sécher, pour s’en servir dans différentes compositions ; comme le suc exprimé entre aussi dans plusieurs préparations, on en conserve sous l’huile. On trouve chez les Confiseurs les grains d’épine-vinette confits avec le sucre, aussi-bien que la gelée des mêmes fruits.

Le suc de berberis étoit un des menstrues que les Chimistes cmployoient pour faire ce qu’ils appelloient teinture de corail, de perle, &c.

Sîmon Pauli préparoit un sel essentiel d’épine-vinette, qu’il appelloit tartre de berberis. Il prenoit deux livres de suc de ces fruits bien dépuré ; il y ajoûtoit deux onces de suc de citron, il faisoit évaporer à un petit feu jusqu’à ce que la liqueur fût réduite à moitié, & il la mettoit dans un endroit frais ; au bout de quelques jours, il la retiroit du vase, dont le fond se trouvoit couvert de quantité de crystaux ; il faisoit évaporer derechef le suc qui lui avoit fourni ces crystaux, & il en retiroit des nouveaux, &c.

Le suc d’épine-vinette occupe dans la classe des corps muqueux, l’extrème marqué par l’excès d’acide, avec le citron & les groseilles, auxquels il peut être substitué, & qui sont réciproquement ses succédanés propres. Voyez Muqueux & Citron.

La gelée, le rob, le sirop de berberis, sont des analeptiques rafraîchissans, qui ont toutes les propriétés des doux-aigrelets. Voyez Doux, Acide, Citron, Limonade.

Le suc de berberis entre dans le sirop magistral astringent ; ses pepins dans la poudre astringente, dans l’électuaire de psyllium, de diaprun, la confection hyacinthe, le diascordium, &c. (b)

Epine du Dos, (Anat.) colonne osseuse, composée de vingt-quatre pieces mobiles appellées vertebres, appuyées sur l’os sacrum. Le nom d’épine lui a été donné, parce qu’elle est munie à sa partie postérieure de plusieurs apophyses pointues en forme d’épines. Elle ressemble un peu à deux pyramides inégales, dont les bases font communes ou jointes ensemble : cependant l’épine, au lieu d’être droite, a quatre ou cinq courbures considérables ; mais nonobstant ces courbures, il se rencontre toûjours que son centre de gravité qui soûtient un grand poids, tombe sur le milieu de la base commune. Entrons dans un plus grand détail, dont nous tirerons les conséquences.

L’épine est articulée avec la tête, & prend depuis l’apophyse condyloïde de l’os occipital, jusqu’à l’extrémité du coccyx.

Comme le crane est composé de différentes pieces osseuses, qui contiennent, conservent, & défendent le cerveau, de même l’épine forme un canal osseux, qui contient, conserve, & défend des injures extérieures la moëlle spinale, qui est une continuité du cerveau dans toute la longue route qu’elle parcourt.

Cette colonne est le principal appui de la tête, des bras, & de la poitrine. Sa composition est formée de plusieurs pieces osseuses, articulées ensemble par des cartilages & des ligamens, qui lui donnent la facilité d’obéir aux mouvemens du corps. Ces pieces osseuses s’appellent vertebres, du verbe latin vertere, qui signifie tourner ; parce que le corps se tourne diversement par leur moyen. Voyez Vertebre.

Les plus grandes & les plus massives de ces vertebres constituent la base de l’épine du dos ; ce qui fait qu’elle est plus solidement appuyée & mieux soûtenue.

Les vertebres en montant perdent insensiblement quelque chose de leur volume ; de sorte que l’épine considérée dans sa totalité de bas en-haut, finit en maniere de pyramide. C’est à l’égard de cette figure pyramidale, que M. Winslow a remarqué que toute l’épine étant vûe de front & par-devant, la largeur de ce corps n’augmente d’abord que depuis la deuxieme vertebre du cou jusqu’a la septieme ; ensuite elle diminue de plus en plus jusqu’à la quatrieme ou cinquieme vertebre du dos ; de-là elle recommence son augmentation de suite jusqu’à l’os sacrum : cette disposition est ordinairement constante par rapport aux visceres du bas-ventre.

Ainsi lorsqu’on regarde l’épine par sa partie antérieure ou postérieure, elle paroît droite ; quand, au contraire, on la considere par une de ses parties latérales, on reconnoît qu’elle se jette tantôt en-dedans, tantôt en-dehors : mais il est impossible d’imiter cette figure en montant un squelette ; il la faut observer dans un cadavre, après avoir emporté les parties qui empêchent de s’en bien éclaircir.

Toute cette suite de pieces osseuses posées les unes sur les autres, & qui contiennent l’épine, se divise en vraies & en fausses vertebres : les vraies vertebres sont les vingt-quatre os supérieurs de l’épine, qui forment la longue pyramide supérieure avec sa base inférieure : les fausses vertebres composent l’os sacrum, & forment la courte pyramide inférieure avec sa base supérieure.

Les connexions de l’épine sont distinguées en communes & en propres. J’appelle connexions communes, celles qu’a l’épine avec les parties voisines, comme avec l’occipital, les côtes, & les os des îles : les propres sont celles que les différentes pieces qui les composent ont entre elles. Ces dernieres sont de deux sortes : la premiere est la connexion que l’os sacrum, le coccyx, & les vertebres ont ensemble par leur corps, & que l’on peut nommer syneuro-synchondrosiale, ou ligamenteuse mixte, puisque les ligamens n’y ont pas moins de part que les cartilages : la seconde est celle qu’elles ont par leurs apophyses obliques.

Les cartilages qui unissent les vertebres en recouvrant leur surface, ont plus d’épaisseur en-devant qu’en-arriere, & sont maintenus dans leur état par une espece de mucilage onctueux. Les ligamens qui affermissent ces mêmes vertebres, qui attachent étroitement leurs apophyses obliques, épineuses, & transverses, sont composés de fibres élastiques & très-fortes ; les uns de ces ligamens s’étendent extérieurement sur toute l’épine ; d’autres tapissent la surface interne du canal. Il y a encore quantité de petits ligamens, dont les uns attachent les bords de chaque vertebre, & recouvrent leurs cartilages ; d’autres sont attachés à la circonférence des apophyses, pour faciliter les mouvemens de l’épine, & s’opposer à l’écoulement de la synovie, qui humecte continuellement ces parties. Telle est en gros la structure de la colonne osseuse, dont les pieces sont en si grand nombre & si merveilleusement articulées ensemble, qu’on ne peut se lasser de l’admirer.

Il résulte de cette structure de l’épine plusieurs considérations très importantes : nous allons en exposer quelques-unes aux yeux des Physiciens.

1°. Il paroît de cette structure, que la premiere courbure de l’épine est formée par le poids de la tête, & pour la capacité de la poitrine. Comme la partie inférieure est chargée d’un très-pesant fardeau, on ne doit point être surpris que les vertebres des lombes s’avancent considérablement en-devant pour recevoir la ligne de direction de toute la masse qu’elle supporte, sans quoi nous ne saurions nous tenir debout. Il est aisé de remarquer cette méchanique dans les chiens qu’on a instruits à marcher sur deux piés ; leur épine dans cette attitude prend la courbure que nous observons dans celle des hommes, au lieu qu’elle est droite lorsqu’ils marchent sur leurs quatre jambes.

2°. Il suit de la structure de l’épine, que comme les jointures dont cette colonne est composée sont en très-grand nombre, la moëlle épiniere, les nerfs, & les vaisseaux sanguins, ne sont pas sujets à des compressions & à des tiraillemens lors des mouvemens du tronc ; & comme plusieurs vertebres sont employées à chaque mouvement de l’épine, il se fait toûjours alors une petite courbure à l’endroit où se joignent deux vertebres.

3°. Que l’attitude droite est la plus ferme & la plus assûrée ; parce que la surface de contact des points d’appui est plus large, & que le poids porte dessus plus perpendiculairement.

4°. Que les muscles qui meuvent l’épine ont plus de force pour amener le tronc à une attitude droite, que pour se prêter à aucune autre, car pour courber le tronc du corps en devant, en arriere, ou sur les côtés, il faut que les muscles qui concourent à ces actions, s’approchent des centres du mouvement ; & par conséquent leur levier est plus court que quand le centre du mouvement est sur la partie des vertebres, opposée à celle où ces muscles sont insérés, comme il arrive quand le tronc est droit.

En effet, à mesure que l’épine s’écarte de la position perpendiculaire, le poids du corps l’incline bien-tôt du côté que nous voulons ; au lieu que quand nous nous tenons droits, ce grand poids est plus que contre-balancé.

5°. Qu’en calculant la force qu’employent les muscles qui meuvent l’épine, il en faut distribuer une partie pour l’action des cartilages d’entre les vertebres, lesquels cartilages, dans tout mouvement qui s’écarte de l’attitude droite, sont tirés d’un côté, & comprimés de l’autre ; au lieu que le tronc étant dans une attitude droite, ces mêmes cartilages y concourent par leur force naturelle.

6°. Il est aisé de déduire, de la structure de l’épine, la raison du phénomène observé par M. Wasse, que notre taille est allongée le matin, & diminuée le soir : cette raison est que les cartilages intermédiaires des vertebres, pressés tout le jour par le poids de notre corps, sont le soir plus compactes ; mais après qu’ils ont été remis de cette pression, par le repos de la nuit, ils reprennent leur état naturel. Voyez le mot Accroissement.

7°. Les différentes articulations, soit des corps, soit des processus obliques des vertebres, & le plus ou moins de force des différens ligamens, montre que leur destination est plûtôt de faciliter le mouvement en devant, que celui du mouvement en arriere : ce dernier est de difficile exécution, & même sujets dans les adultes à rompre, par un tiraillement excessif, les vaisseaux sanguins qui sont contigus aux corps des vertebres.

C’est un fait si vrai, que les danseurs de corde & les voltigeurs, qui plient leur corps en tant de manieres différentes, ne le font que parce qu’ils y sont accoûtumés, & même façonnés dès la plus tendre enfance, cet âge de la vie où les apophyses & les bords des vertebres ne sont encore que des cartilages flexibles, & où les ligamens sont d’une extrème souplesse. Cette flexibilité & cette souplesse continuent de se maintenir par un exercice & une habitude perpétuellement répétée ; & c’est peut-être par cette raison que dans la dissection des cadavres de deux danseurs de corde, âgés d’environ vingt ans, Riolan observa que leurs épiphyses n’étoient pas encore devenues apophyses.

8°. Du méchanisme général de l’épine on peut déduire aisément toutes les différentes courbures contre nature dont l’épine est capable ; car si une ou plusieurs vertebres sont d’une épaisseur inégale à des côtés opposés, il faudra que l’épine panche sur le côté le plus mince, qui ne soûtenant que la moindre partie du poids du corps, sera de plus en plus comprimée, & par conséquent ne pourra pas s’étendre autant que l’autre côté, qui étant bien moins chargé, aura toute l’aisance propre à le laisser grossir excessivement.

Les causes d’où provient cette inégalité d’épaisseur dans différens côtés des vertebres sont différentes ; car l’inégalité peut procéder ou d’une distension trop forte des vaisseaux d’un côté, ou d’un accroissement contre nature de l’épaisseur de cette partie, ou, ce qui est encore plus commun, de l’obstruction des vaisseaux, qui empêche l’application de la substance alimentaire nécessaire à l’os. Cette obstruction dépend, 1°. de la disposition vicieuse des vaisseaux ou des fluides, 2°. d’une pression méchanique inégale, occasionnée par la foiblesse paralytique des muscles & des ligamens, 3°. de l’action spasmodique des muscles sur un côté de l’épine, 4°. d’une longue continuité, ou de la reprise fréquente d’une posture éloignée de la droite.

Dans tous ces cas il arrive également que les vertebres s’épaissiront du côté que les vaisseaux sont libres, & demeureront minces du côté où les vaisseaux sont obstrués. Toutes les fois qu’il arrive une pareille courbure contre nature, il en résulte presque infailliblement une autre, mais dans une direction opposée à la premiere, tant parce que les muscles du côté convexe de l’épine étant tiraillés, tirent avec plus de force les parties auxquelles leurs extrémités sont attachées, que parce que la personne incommodée fait ses efforts pour maintenir le centre de gravité de son corps dans une direction perpendiculaire à sa base.

Dès qu’on aura compris comment se forment ces courbures contre nature de l’épine, il sera plus aisé de faire un prognostic sur l’indisposition du malade, & d’imaginer la méthode propre à y remédier : mais une indication générale que le chirurgien doit suivre, c’est d’affoiblir la puissance courbante, en augmentant la compression sur la partie convexe de la courbure, & la diminuant sur la partie concave. Or la maniere de pratiquer cette méthode varie suivant la différence des cas, & demande qu’on fasse une attention particuliere aux diverses causes du déjettement de l’épine. Voyez Gibbosité. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Epine, s. f. en Anatomie, se dit de certaines éminences qui ont à-peu-près la figure d’une épine.

L’épine occipitale, voyez Occipital.

L’épine des os des isles, voyez Iléon.

L’épine nasale, voyez Maxillaire.

L’épine frontale ou coronale, voyez Coronale.

Epine, (Manége, Maréchall.) Faire tirer l’épine. pratique non moins digne de la sagacité de la plûpart des maréchaux, que celle de faire nager à sec dans la circonstance d’un écart. Quelques-uns d’entr’eux s’y livrent encore aujourd’hui dans le cas d’une luxation arrivée dans une des extrémités de l’animal : ils mettent un entravon à l’extrémité affectée, & ils le fixent au-dessous de la partie luxée ; ils passent ensuite une longe dans l’anneau de ce même entravon, l’y arrêtent par un bout, & attachent l’autre à un arbre quelconque : après quoi il assomment le cheval à coups de foüet, & l’obligent de fuir en avant, de maniere que l’extrémité malade, prise & retenue dans cette fuite précipitée, essuie une extension qui favorise, selon eux, la rentrée de l’os déplacé dans son lieu.

C’en est assez ; & que pourrois-je dire de plus ? Voyez Luxation, Fracture. (c)