L’Encyclopédie/1re édition/ESPALIER
ESPALIER, s. m. (Jardin.) c’est une suite d’arbres fruitiers régulierement plantés contre des murs, assujettis par un treillage, & conduits avec intelligence pour former une tapisserie de verdure naturelle qui donne de beaux fruits, & qui fait le principal ornement des jardins potagers. L’espalier a aussi l’avantage de préserver les arbres de plusieurs intempéries, & d’avancer la maturité du fruit. Mais il faut des soins suivis, une culture entendue, & beaucoup d’art pour conduire les arbres en espalier ; c’est le point qui décele ordinairement l’ignorance des mauvais jardiniers, & c’est le chef-d’œuvre de ceux qui ont assez d’habileté pour accorder la contrainte que l’on impose à l’arbre avec le rapport qu’on en attend. Tous les arbres à fruit ne sont pas propres à former un espalier : les fruits à pepin y conviennent moins que ceux à noyau, dont quelques especes y réussissent fort bien, & entr’autres le pêcher qui mérite sur-tout d’y être employé, quoiqu’il soit le plus difficile à conduire. La premiere & la principale attention, lorsqu’on veut planter un espalier, doit être de bien proportionner la distance des arbres, attendu que tout l’agrément & l’utilité qu’on peut se promettre d’un espalier, dépendront de ce premier arrangement. La distance des arbres, en pareil cas, doit se régler sur plusieurs circonstances auxquelles il faut avoir égard, comme à la hauteur des murs, à leur exposition, à la qualité du terrain, à la nature des arbres, &c. Les murs qui n’ont que huit à neuf piés, ne peuvent admettre que des arbres de basse tige, qu’il faut espacer à douze ou quinze piés. Si les murs ont environ douze piés d’élévation, on peut mettre alternativement entre chacun de ces arbres, d’autres fruitiers de six piés de tige pour garnir le haut des murailles. La bonne ou mauvaise qualité du sol doit décider du plus ou du moins de distance. L’exposition au nord, où les arbres poussent plus vigoureusement qu’au midi, en demande davantage : tout de même, quelques especes d’arbres occupent plus d’espace que d’autres ; il faut plus de place à l’abricotier qu’au pêcher, beaucoup plus au figuier, &c. La forme que l’on doit donner aux arbres en espaliers, n’est pas un objet indifférent : il semble d’abord qu’un espalier, dont tous les arbres en se réunissant garniroient entierement la muraille de verdure, devroit former le plus bel aspect ; mais cette uniformité n’est pas le but qu’on se doit proposer, parce qu’elle contrarieroit la production des fruits qui doivent faire le principal objet. Il faut au contraire que tous les arbres d’un espalier soient distinctement détachés les uns des autres, & qu’ils soient placés à une distance suffisante, pour permettre pendant toute leur durée d’étendre & d’arranger leurs branches, sans que la rencontre de celles des arbres voisins puisse y faire obstacle. Il a donc fallu leur approprier une forme particuliere qui, en se rapprochant le plus qu’il étoit possible de la façon dont les arbres prennent naturellement leur accroissement, fût autant agréable à l’œil que favorable à la production du fruit. La figure d’un main ouverte, ou d’un éventail déplié, a paru la plus propre à remplir ces deux objets. Cependant comme la séve se porte plus volontiers dans les branches de l’arbre qui approchent de la ligne droite, que dans celles qui s’en écartent beaucoup, on doit avoir attention de laisser prendre aux arbres en espalier plus de hauteur que de largeur : très-différens en cela des arbres en contrespalier, auxquels il est d’usage de donner plus d’étendue en largeur qu’en hauteur, par des raisons de convenance. Voy. Contrespalier. (c)