L’Encyclopédie/1re édition/FILIERES
FILIERES, s. f. terme d’ouvrier de bâtiment, veines à plomb, qui interrompent les bancs dans les carrieres, & par où l’eau distille de la terre. (P)
Filieres, terme d’usage dans les ardoiseries, voyez l’article Ardoise.
Filiere, terme d’Aiguilliers, est un morceau de fer plat, percé d’une grande quantité de trous, tous plus petits les uns que les autres, par lesquels les aiguilliers font passer successivement un cylindre d’acier, jusqu’à ce qu’il soit parvenu à former un fil de la grosseur qu’ils veulent donner à leurs aiguilles.
Filiere, outil d’Arquebusier : cette filiere ressemble à celle des horlogers, serruriers, &c. & sert aux arquebusiers pour former des vis sur des morceaux de fer rond ; ils en ont de plusieurs grandeurs, & percés de trous plus grands & plus petits.
Filiere double, outil d’Arquebusier, c’est une espece de compas plat & large d’environ trois pouces, dont chaque branche est coupée par en-bas, & se termine par deux petits manches ronds ; un peu au-dessus de ces petits manches en-dedans, est un tenon qui est retenu à demeure dans la branche droite, & qui entre dans un trou vis-à-vis le tenon & pratiqué dans la branche gauche ; le milieu de ce compas est percé de plusieurs trous vissés comme les trous de filiere, & plus larges d’un côté que de l’autre ; les arquebusiers s’en servent pour former des vis pointues.
Filiere, terme & outil de Chaînetier ; c’est un morceau d’acier de la longueur de sept ou huit pouces, qui est percé de plusieurs trous de différens calibres, & qui sert aux Chaînetiers à diminuer la grosseur du fil-de-fer, du cuivre & du laiton qu’ils veulent employer ; cela se fait en faisant passer leurs fils par les trous de cette filiere d’un plus petit calibre que n’est le fil ; pour y parvenir, ils commencent par limer environ un pouce de leur fil de la grosseur à-peu-près du trou de la filiere par où ils le veulent faire passer ; ils assujettissent leur filiere devant les coins du banc à tirer ; ils font sortir le petit bout limé & qui excede le trou de la filiere, par la pince qui est au bout de sa sangle, qui se roule sur le noyau du banc à tirer ; après quoi l’ouvrier fait tourner le moulinet dudit banc à tirer, ce qui force le reste du fil à passer par le trou de la filiere, & à diminuer de grosseur. Voyez Banc à tirer.
Filiere, outil de Charron ; cette filiere est un morceau d’acier plat, percé de plusieurs trous en vis de différente grosseur ; les Charrons s’en servent pour former des pas de vis sur un morceau de fer rond.
Filiere, en terme de Cirier, c’est une plaque de cuivre ronde ou quarrée, percée de plusieurs trous dont la grandeur va toûjours en augmentant de l’un à l’autre d’un degré seulement : ces trous sont plus larges-d’un côté que de l’autre, afin de vuider la matiere superflue du cirier.
Filiere, en terme d’épinglier, c’est une plaque de fer plus ou moins longue & large, percée de plusieurs trous, diminuant toûjours proportionnellement de grosseur. Cest dans la filiere qu’on réduit le fil à telle grosseur qu’on veut, en le faisant passer à force par chacun de ces trous successivement.
Filiere, outil de Luthier, représentée dans nos Planch. & fig. de Lutherie, est une machine qui sert à mettre d’épaisseur les petites planches de hêtre ou tillieul ou d’ivoire, avec lesquelles on fait les filets qui entourent & bordent les tables des instrumens, comme violons, basses, violes, &c. auxquels ces filets servent d’ornemens.
Pour former les filets, on prend de petites planches d’un pouce environ de large, & d’une longueur à discrétion, que l’on refend comme du bois de placage, & dont on égalise l’épaisseur en les passant plusieurs fois dans la filiere.
La filiere est composée de deux parties : l’inférieure, que l’on appelle base, & que l’on assujettit dans un étau par la partie A, lorsque l’on veut s’en servir, à une mortoise qui reçoit un fer de guillaume de la forme de la lettre T, que l’on serre dans la mortoise par le moyen d’un coin de bois, ensorte que le tranchant du fer n’excede que très-peu la surface supérieure de la base, dans laquelle est encore pratiquée une ouverture latérale, qui est la lumiere de cet outil, & par laquelle s’échappent les copeaux ou raclures que le fer emporte, en agissant sur les petites planches. Les extrémités CD de la base sont, l’une fendue pour recevoir l’œil d’une vis CX, qui traverse la piece supérieure FG, que l’on appelle la tête de la filiere : l’autre extrémité de la base est traversée par une vis à laquelle cette partie sert d’écrou, & dans laquelle cette vis peut être fixée par la contre-vis, & qui traverse une des faces latérales.
La tête de la filiere G F est traversée en F par la vis CX sur laquelle passe un écrou à oreille ; cette vis & la vis HK, terminée en K par un rivet à tête ronde, servent à approcher ou à éloigner les deux parties de la filiere l’une de l’autre ; toutes ces pieces sont de cuivre.
La partie KN de la filiere, & qui fait face au fer de guillaume, est doublée inférieurement d’une plaque d’acier, sur & entre laquelle & le fer, passent les lames de bois que l’on veut égaliser, & que l’on égalise en effet avec cette machine en les y passant plusieurs fois successivement ; & en resserrant la filiere, on les réduit au degré d’épaisseur convenable, qui est d’environ une demi-ligne ; réduction à laquelle on ne sauroit parvenir en se servant seulement d’une varlope, vû que des planches aussi minces plieroient sur l’établi ; & d’ailleurs la patte de l’établi n’auroit pas de prise sur leur petite épaisseur : c’est sans doute ce qui a rendu cette machine nécessaire ; on pourroit en faire une beaucoup plus simple, mais moins commode, & qui suffiroit cependant pour plusieurs usages ; telle est celle représentée dans nos Planches, qui ne consiste qu’en une simple fourchette de bois, dans un des fourchons de laquelle on adapte un fer de varloppe que l’on assujettit avec un coin : l’autre fourchon est revétu intérieurement d’une plaque de fer, qui oppose plus de résistance que ne feroit le bois aux planchettes que l’on veut égaliser, & que l’on passe à differentes reprises entre le fer de varlope & la plaque, comme dans la filiere précédente.
Après que les petites planches de bois sont égalisées, on les refend à deux ou trois lignes de largeur, avec un trusquin ; & on s’en sert pour former les filets, ainsi que nous allons expliquer.
L’instrument auquel on veut adapter cet ornement étant presque entierement achevé, on prend le trace-filet, fig. 43 ou 48, n°. 1. (Voyez Trace-filet ou Tire-filet) qui n’est autre chose qu’un petit trusquin, dont on applique la joue b ou G fig. 48. contre la circonférence de la table de l’instrument : on conduit ce trusquin, ensorte que le fer fourchu a ou ED trace sur la table deux lignes paralleles entrelles & au pour-tour de la table : cela fait, on évuide l’intervalle compris entre les deux traits paralleles avec de petits becs-d’âne & autres outils semblables aux pointes à graver des graveurs en bois :cette opération achevée, on reprend les petites regles de bois ou d’ivoire que l’on a passées à la filiere, on les colle sur le champ dans la rainure que l’on a pratiquée, en leur faisant suivre le contour de la table, à la forme de laquelle leur flexibilité fait qu’elles se prêtent aisément. On affleure ensuite ces reglettes à la table de l’instrument, & les filets sont achevés. (D)
Filiere, en termes d’Orfévrerie, est un morceau de fer d’un pié de long, de deux pouces de large, & de six à sept lignes d’épaisseur. Ce morceau est moitié fer & moitié acier, c’est-à-dire qu’il est composé de deux bandes de même longueur, largeur & épaisseur, que l’on soude ensemble l’une sur l’autre ; l’on y met du fer pour qu’elle soit moins sujette à se casser, parce qu’il faut que l’acier soit trempé dans toute sa force.
Les filieres sont de toutes les grandeurs que l’on a besoin ; elles sont percées de plusieurs rangs de trous plus larges d’un côté que de l’autre, pour donner une entrée plus libre. Le côté le plus large est dans le fer ; & le plus étroit, qui est celui qui travaille, est dans l’acier.
Les trous se suivent en diminuant graduellement, & sont numérotés sur la filiere en commençant par le plus grand, & finissant par le plus petit.
Lorsqu’il y a plusieurs rangs de trous dans une filiere, on observe de ne mettre point les grands au-dessous des grands, ce qui diminueroit trop la force de la filiere ; mais on les perce de maniere que les plus petits sont toûjours au-dessous ou au-dessus des plus grands.
Il y a des filieres rondes, demi-rondes, quarrées, plates-quarrées, étoilées, &c. selon la forme qu’on veut donner au fil en le tirant. Voyez les Planches.
On pourroit rendre la filiere beaucoup plus solide encore, en l’enfermant entre deux plaques de fer très-épaisses, auxquelles on pratiqueroit des ouvertures coniques, pour que le fil sortit sans résistance.
Filiere à vis, en terme d’Orfevre, est un morceau de fer revêtu d’acier, même quelquefois d’acier pur trempé, dans lequel sont pratiqués des trous ronds de diverses grandeurs, comme à une filiere ordinaire : ces trous sont dentelés en-dedans. Chacun de ces trous est garni d’un autre morceau d’acier rond aussi trempé, au bout duquel on a formé une vis en la faisant entrer un peu à force dans le trou qu’il garnit : ce morceau d’acier se nomme tarau. L’usage de cette filiere est de servir à faire les vis d’or ou d’argent dont on a besoin. Quand on a choisi la grosseur de la vis que l’on veut faire, on ôte du trou adopté le tarau ; on prépare la matiere, & on forme la vis dans le trou de la filiere ; ensuite on perce sur sa plaque d’or ou d’argent, un trou moins grand que le tarau d’acier qui étoit dans le trou où on a formé sa vis ; on élargit ensuite ce trou avec la pointe de ce tarau ; & par un mouvement orbiculaire on forme son écrou dans sa plaque : au moyen de cette opération, l’écrou & la vis se trouvent conformes l’un à l’autre. Voyez les figures.
Filiere, (Taillanderie.) est un outil qui sert aux Serruriers, Taillandiers, Horlogers, Orfevres, & à toutes sortes d’ouvriers qui sont obligés de faire des vis pour monter leurs ouvrages. Il y a des filieres de différentes façons, de doubles, de simples.
La filiere double est celle qui est composée des pieces suivantes, qu’on voit dans nos Planches de Taillanderie.
1°. 5, 6, 7, 8 & 9, est une filiere à charniere composée entre deux jumelles 6 & 7 ; la charniere 8, la bride 5, la vis qui fait fermer à mesure qu’on a besoin 9 ; 10 montre la bride séparée de la filiere ; 11 la vis qui est à filets ou par quarrés.
12, 13, 14, est une autre espece de filiere double qui a deux vis, qui sont aux extrémités des jumelles en 13 & 14 ; les jumelles 12 ; 15, 15, est la même filiere : on voit une des jumelles séparée de sa vis, comme la jumelle 16.
Autre filiere double 17, 18, 19 ; bras de la filiere 17, corps de la filiere 19, vis à filets quarrés & servant à serrer les jumelles lorsqu’on veut faire une vis 18 ; 20 entaille faite dans le côté du corps de la filiere, dans laquelle coulent les jumelles. 21, 21, jumelles ; les jumelles sont les pieces qui forment les filets de la vis. 22, 23, jumelles de la même filiere. 24 un des côtés de la même filiere, dont la cannelure est faite avant de la couder. 25 la même filiere, dont les cannelures & tenons sont prêts à être montés sur la piece 26. 27 mandrin qui sert à pratiquer l’espace qui est entre les deux côtés de la filiere. 28 la même filiere dont un des côtés est tourne, & l’autre droit. 29 tête de la filiere, dans laque le les bras ou côtés de la filiere s’assemblent à tenons & mortoises.
Autre espece de filiere double dite à l’angloise. 31 & 32 les jumelles, semblables à celles de l’espece précédente ; à cette différence près, que les côtés de la filiere précédente sont creusés en dos d’âne : au lieu que ceux de la filiere dont il s’agit, entrent dans les rainures ou cannelures qui sont dans les côtés. 33 vis qui serre les jumelles. 34, 35, bras de la filiere.
Filiere simple ; c’est une piece de fer plat, acerée dans le milieu, où sont plusieurs trous taraudés pour faire les vis. Cette sorte de filiere fait les vis du premier coup ; au lieu que les doubles ne les font qu’à plusieurs reprises. x, x, y, filiere simple ; x, x, trous filetés.
Filiere à vis, outil de Serrurerie, de Fabricateurs d’instrumens de Mathématiques, de Tourneurs, Doreurs, Horlogers, &c. & généralement de toutes les professions qui ont besoin de vis dans leurs ouvrages Il y en a de plusieurs sortes.
L’espece la plus simple (telle est celle qu’on voit représentée Pl. du Doreur) & qui sert également aux Horlogers, & que l’on nomme filiere simple, consiste en une plaque d’acier percée de différens trous gradués, taraudés intérieurement, c’est-à dire formés en écrous par des taraux convenables, & trempée ensuite au plus dur. Il y en a qui ont deux poignées ; d’autres n’en ont qu’une ; d’autres enfin n’en ont pas du tout, & ne sont que des plaques d’acier taraudées, ainsi qu’il a été dit. Ces sortes de filieres ne servent ordinairement que pour faire de très-petites vis, soit en fer, acier, ou cuivre.
L’autre espece de filiere, représentée dans nos Pl. de Taillanderie, consiste en un chassis ou parallélogramme de fer BCED, d’une grandeur & d’une épaisseur convenables. La largeur BC doit égaler au moins trois fois le diametre des plus grosses vis que l’on puisse fabriquer avec cet outil. A l’extrémité DE du chassis est un bossage K, percé d’un trou nommé œil, dans le même plan que le chassis : ce trou est taraudé pour recevoir la vis HF du manche HG. L’autre extrémité du chassis est terminée par le manche XA, de la même piece de fer que le chassis, ou rapporte dans un œil semblable à celui qui reçoit la vis FG, si on ne veut pas l’enlever de la même piece.
Chacun des longs côtés du chassis de la filiere est gravé d’une rainure d’un calibre convenable, & à-peu-près large du tiers de l’épaisseur du chassis : cette rainure reçoit les languettes ed, fg pratiquées aux coussinets, fig. 2. Ces coussinets sont des morceaux d’acier, aussi longs, sans y comprendre les languettes, que l’ouverture du chassis est large, & dans laquelle ils peuvent entrer au moyen des entailles a, o, pratiquées au chassis de la filiere. Ces coussinets sont entaillés à-peu-près semi-circulairement en ef, taraudés & trempés dur.
Pour faire une vis avec cet outil ; après avoir tourné le cylindre sur lequel on veut tracer ou former un filet, on le met verticalement entre les mâchoires d’un étau ; & après avoir choisi la paire de coussinets convenable (car une filiere doit être assortie d’un grand nombre de coussinets, pour pouvoir faire des vis de différentes sortes de pas, & sur différentes sortes de grosseurs de corps), on la place dans le chassis & par-dessus une piece plate de fer, pour recevoir la pression de la vis FH : en cet état on présente la filiere au cylindre qui est dans l’étau, ensorte que le cylindre passe entre les coussinets, que l’on serre contre ce cylindre en faisant tourner la vis FH par le moyen d’un levier placé dans le trou F, que l’on fait tourner jusqu’à ce que la pression soit suffisante : en cet état & après avoir arrosé d’huile le cylindre, on fait tourner le chassis de la filiere, en tirant & poussant alternativement les manches, jusqu’à ce qu’elle soit descendue jusqu’en-bas de la partie que l’on veut tarauder. Par cette premiere opération, la vis n’est guere que tracée sur le cylindre. On acheve de l’imprimer profondément, en réitérant cette opération autant de fois qu’il est nécessaire ; observant de mettre de l’huile à chaque fois, tant pour faciliter le mouvement, que pour faire sortir les copeaux que les angles saillans internes des coussinets enlevent, en formant les vuides ou intervalles qui séparent les filets de la vis. Il faut observer qu’au lieu d’huile on se sert de cire, lorsque l’on veut tarauder des pieces de cuivre. Un tarau, fig. 3. n’est autre chose qu’une vis d’acier trempé, un peu conique, dont les filets sont coupés, suivant la longueur, par trois ou quatre gravures. Ils servent à former les écrous & les coussinets qui sont un écrou brisé, & à leur tour les coussinets peuvent servir à former d’autres taraux. Le tourne-à-gauche, fig. 4. percé de divers trous quarrés, sert à tourner les taraux dans les trous que l’on veut former en écrous, en adaptant la tête du tarau dans un des trous du tourne-à-gauche, que l’on fait tourner, comme il a été dit des manches de la filiere.
Filiere à bois, ou pour faire des vis de bois, comme celles des presses de Relieurs, & autres. Cette sorte de filiere représentée dans les mêmes Planches, consiste en un morceau de bois CDEF, auquel on a reservé les deux manches ou poignées AC, BD. Le milieu est percé d’un trou taraudé avec un tarau semblable à ceux que l’on a décrits ci-dessus. On applique au corps de la filiere une planche de même grandeur, fig. 8. percée d’un trou qui sert de calibre au cylindre de bois que l’on veut façonner en vis Cette planche est fixée, non à demeure, au corps de la filiere, par trois cheviller r, s, t, qui entrent dans les trous marqués des mêmes lettres sur la figure 7. On adapte au corps de la filiere la piece d’acier, fig. 9 & 10, que l’on appelle l’V, à cause de sa ressemblance avec ce caractere V, & on l’y assujettit par le moyen de la bride, fig. 11. & de l’écrou, fig. 12. comme on voit en a m, fig. 7. & en q, fig. 6. ensorte que la pointe e des deux tranchans f e, g e, fig. 9 & 10. réponde exactement à l’arête saillante de l’hélice de la vis interne, ou de l’écrou de la filiere : en cet état elle est prête à servir.
Pour en faire usage ; après avoir arrondi la piece de bois dont la vis doit être faite, & l’avoir mise de calibre & placée verticalement dans un étau ou autre chose équivalente, on présente la filiere le plan en embas ; on la fait tourner en appuyant pour l’amorcer : aussi-tôt l’V coupe le bois, & forme par celui qu’il épargne le filet de la vis, qui s’engage dans le filet creux de la filiere, & sert par ce moyen de guide pour la continuation de la vis, sans qu’il soit besoin d’appuyer davantage. Les copeaux que l’V coupe, sortent par une ouverture latérale X, fig. 6. pratiquée au corps de la filiere vis-à-vis de la gorge de l’V ; comme on le voit en pm, fig. 7. En une seule opération la vis est achevée. Pour faire les écrous, on se sert de taraux d’acier, semblables à ceux dont on se sert pour le fer & le cuivre décrits ci-dessus, lorsque les écrous sont petits ou médiocres : mais lorsqu’ils excedent deux, trois ou quatre pouces en diametre, comme ceux des presses & pressoirs, dont quelques-uns ont jusqu’à dix-huit ou vingt pouces de diametre ; l’usage des taraux de fer est impossible, tant à cause du grand poids dont ils seroient, que de la longueur excessive des tourne-à-gauche, dont il faudroit alors se servir ; & aussi du danger qu’il y auroit d’éclater & faire fendre les pieces de bois les plus massives, en forçant les taraux dans les trous destinés à devenir des écrous. C’est un exemple entre mille autres, qui peut faire connoître combien on s’écarteroit de la vérité, en concluant qu’une opération qui réussit très bien dans le petit & le médiocre, devroit avoir le même succès en grand.
Pour réussir à faire les grands écrous, & parer les inconvéniens dont il est fait mention, on a inventé une sorte de taraux fort ingénieux, représentés dans la même Planche, qui consistent en un cylindre de bois, fig. 13. de même grosseur que le corps de la vis, non compris le filet, & dont la partie supérieure est gravée d’une hélice concave, formée par un trait de scie, & dont on trouve l’épure en divisant la circonférence du cylindre, en un grand nombre de parties égales, par des signes paralleles à l’axe, & la longueur, par des cercles paralleles aux bases, que l’on trace sur le tour à des distances égales entre eux, & égales à la distance des filets de la vis. On divise ensuite l’intervalle compris entre deux cercles paralleles, en autant de parties égales que l’on a tracé de lignes verticales ; & portant successivement, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, &c. parties sur les verticales, à compter toûjours d’un même cercle, on a les abscisses de l’hélice, auxquelles les portions de circonférence comprises entre les lignes verticales paralleles à l’axe, servent d’ordonnées : par ce moyen, on a un très-grand nombre de points de la courbe, que l’on grave ensuite par un trait de scie. On peut aussi tracer cette courbe par le moyen exposé à l’art. Etau.
On perce dans la partie inférieure une mortoise perpendiculaire à l’axe, dans laquelle on place un fer de grain d’orge, fig. 14. que l’on y assujettit avec un coin, comme les fers des outils des Menuisiers : ce fer doit être d’une telle longueur, qu’il n’y ait que sa pointe qui excede un peu la surface du cylindre ; & le tarau est achevé.
La figure 14. représente le guide, qui n’est autre chose qu’une planche quarrée, percée dans le milieu d’un trou, de calibre au cylindre, sur le bord duquel on a adapté un plan incliné de biais rstu, dont la hauteur vu est égale à la hauteur ou distance des filets de la vis. Ce plan incliné est recouvert d’une plaque de forte tole rst, assûrée avec des vis à bois, & dont l’arête interne saille en dedans du trou. Pour former cette plaque, on décrit deux cercles concentriques ; le diametre de l’extérieur est égal au diametre extérieur du plan incliné, & l’intérieur égal au diametre du tarau, figure 13. moins deux fois la profondeur du trait de scie qui forme l’hélice du tarau ; on perce ensuite cette plaque de tole, ne reservant que la couronne comprise entre les deux cercles concentriques, que l’on coupe suivant un rayon, afin de pouvoir élever une partie en v, & abaisser l’autre en t sur le plan incliné du guide où on la fixe, comme on a dit, par des vis. La planche ABCD est encore percée dans les quatre coins, pour laisser passer des clous qui servent à fixer le guide sur la piece de bois que l’on veut tarauder.
Pour se servir de ces taraux ; après avoir percé le trou qui doit devenir écrou, on fixe la piece de bois sur un établi de menuisier, par le moyen d’un valet, comme on peut voir fig. 16. & après avoir passé le tarau dans son guide, on attache ce dernier sur la piece de bois, au moyen de trois ou quatre clous ; & ayant adapté ensuite une manivelle ou un tourne-à-gauche, on fait tourner le tarau, dont le grain d’orge ou fer grate ou coupe le bois de la surface interne du trou, & commence à y former une hélice concave ; puisqu’à mesure que le tarau tourne, la plaque de fer du guide qui est engagée dans le trait de scie du tarau, le contraint de descendre. Par cette premiere opération, l’écrou n’est que tracé. Pour achever de le former entierement, on releve le tarau, auquel on donne plus de fer, c’est-à-dire que l’on fait sortir davantage le grain d’orge, qui en tournant le tarau, élargit & approfondit le filet concave de l’écrou, que l’on acheve par ce moyen, en réitérant cette opération autant de fois qu’il est nécessaire.
On peut, comme nous avons dit, avec cette machine faire de très-gros écrous sans y employer une force considérable, puisque l’on est maître de prendre plus ou moins de bois, en donnant plus ou moins de fer : d’ailleurs on ne court jamais de risque de fendre la piece de bois que l’on taraude, & dont on doit observer d’évaser un peu l’entrée avant d’y appliquer le guide. (D)
Filiere, terme de Tireur d’Or, morceau de fer ou d’acier, percé de plusieurs trous inégaux, par où l’on tire & fait passer l’or, l’argent, le fer, & le cuivre, pour le réduire en fils aussi déliés que l’on veut. Ces trous, qui vont toûjours en diminuant, se nomment pertuis ; leur entrée est appellée embouchure, & la sortie œil ; & selon leurs différens usages on nomme ces morceaux ou plaques de fer, calibre, ou filiere, ou ras, ou prégaton, ou fer-à-tirer. On fait passer le lingot par environ quarante pertuis de la filiere, jusqu’à ce qu’on l’ait réduit à la grosseur d’une plume à écrire ; après quoi on le rapporte chez le tireur-d’or pour le dégrossir, par le moyen d’un banc scellé en plâtre qui est en maniere d’orgue, que deux hommes font tourner : là on le réduit à la grosseur d’un ferret de lacet, en le faisant passer par vingt pertuis, ou environ, de la filiere, qu’on appelle ras. Cela fait, & le fil d’or ayant été tiré sur un banc, appellé banc à tirer, on le fait passer par environ vingt pertuis de la filiere appellée prégaton, jusqu’à ce qu’il soit en état d’être passé avec la petite filiere appellée fer à tirer. On ouvre alors un pertuis appellé neuf ou fer à tirer, & on y passe le fil d’or ; puis on retrécit ce même pertuis avec un petit marteau, sur un ras d’acier ; & ensuite non-seulement on le polit avec de petits poinçons d’acier fort fins, mais on le rabat & repolit de la même sorte, jusqu’à ce que le fil d’or ne soit pas plus gros qu’un cheveu, ensorte qu’on puisse le filer sur de la soie. Lorsqu’il est en cet état, on l’écache entre deux rouleaux d’un petit moulin. Ils sont d’acier fort polis, & fort serrés sur leur épaisseur qui est d’un bon pouce, & ils en ont trois de diametre. On met le fil d’or entre deux, & l’on en tourne un avec la manivelle. Ce rouleau fait tourner l’autre ; & c’est ainsi que le fil s’écache : après quoi il est en état d’être filé sur la soie, pour les différens ouvrages où l’on a dessein de l’employer. Voyez Ductilité. Chambers.
Filiere, terme de Fauconnerie ; c’est une ficelle d’environ dix toises, qu’on tient attachée au pié de l’oiseau pendant qu’on le reclame, jusqu’à ce qu’il soit assûré.
Filiere, terme de Blason, qui se dit quelquefois du diminutif de la bordure, lorsqu’elle ne contient que la troisieme partie de la longueur de la bordure ordinaire. Dict. de Trévoux.