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L’Encyclopédie/1re édition/FINI, FINIE

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FINI, FINIE, ce mot est participe & adjectif ; comme participe, il a toutes les significations de son verbe : ainsi on dit qu’un ouvrage est fini, c’est-à-dire achevé, terminé, mis à fin. Telle est la premiere signification de ce mot, & en ce sens fini est opposé à commencé.

Fini se dit aussi par extension dans le sens de perfectionné, bien travaillé : c’est ainsi qu’on dit d’un tableau, que c’est un ouvrage fini ; que le peintre y a mis la derniere main ; on le dit aussi d’une gravure, d’une statue, des ouvrages à polir : lorsqu’il s’agit de ces sortes d’ouvrages, bien fini signifie bien poli ; on le dit aussi par figure des ouvrages d’esprit.

Fini, en Grammaire est un adjectif qui signifie déterminé, appliqué. On divise les modes des verbes en deux especes, en mode infinitif & en modes finis. L’infinitif énonce la signification du verbe dans un sens abstrait, sans en faire une application individuelle, comme aimer, lire, écouter, ensorte que l’infinitif par lui-même ne dit point qu’aucun individu fasse l’action qu’il signifie. Au contraire, les modes finis appliquent l’action par rapport à la personne, au nombre & au tems. Pierre lit, a lû, lira, &c.

On dit aussi sens fini, c’est-à-dire déterminé ; on oppose alors sens fini à sens vague ou indéterminé.

Sens fini signifie aussi sens achevé, sens complet ; ce qui arrive quand l’esprit n’attend plus d’autre mot pour comprendre le sens de la phrase. On met un point à la fin de la période, quand le sens est fini ou complet : alors l’esprit n’attend plus d’autre mot par rapport à la construction de la phrase particuliere.

Fini, e, adjectif qui signifie déterminé, borné, limité, & qui se dit sur-tout des êtres physiques. Les partisans des idées innées se sont si fort écartés de la voie simple de la nature & de la droite raison, qu’ils soûtiennent que nous ne connoissons le fini que par l’idée innée que nous avons, disent-ils, de l’infini ; le fini, selon eux, suppose l’infini, & n’est qu’une limitation de l’idée que nous avons de l’infini. Ils prétendent que nous ne connoissons les êtres particuliers, que parce que nous avons l’idée de l’être en général.

Perceptio rei singularis nihil aliud esse videtur quam limitatio quædam luminis naturalis, quo ens ipsum universè, seu Deum novimus. Inst. Phil. Edmundi Purchotii Metap. sect. iij. c. v. p. 585.

Prius cognoscimus quid sit ens seu esse generatim quam sensibus nostris utamur. Id ib. p. 567.

Prius est cognoscere ens simpliciter quam ens tale aut entis differentias. Id. ib. p. 568.

Plus on refléchit sur cette étrange hypothèse, plus on la trouve contraire à l’expérience & aux lumieres du bon sens. Quand nous venons au monde, & que nos sens ont acquis une certaine consistance, nous sommes affectés par les objets particuliers ; & ce sont ces différentes affections qui nous donnent les idées des êtres particuliers. Nous voyons ces êtres bornés par leurs propres limites & par l’étendue ultérieure qui les environne. A la vérité, je ne puis bien entendre qu’un objet est fini, que je n’en connoisse les bornes, & que je n’aye acquis par l’usage de la vie, l’idée d’une étendue ultérieure ; mais ces deux points me suffisent pour savoir qu’un tel corps est fini, sans que l’idée de l’infini me soit nécessaire, puisque ce corps singulier n’est point une partie intégrante de l’infini, & que je puis entendre qu’on me parle de l’un, sans être obligé de penser à l’autre. Si l’observe une île dans la mer, je vois qu’elle a une étendue circonscrite par les eaux. Aussi S. Paul, au lieu de nous dire que l’idée innée de l’infini nous fait connoître les créatures, nous enseigne au contraire que « les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle & sa divinité, sont devenues visibles depuis la création du monde, par la connoissance que ses créatures nous en donnent ». Ad rom. c. j. v. 20.

Ainsi on est beaucoup plus conforme à la pensée de S. Paul & au langage du S. Esprit, en soûtenant que les idées particulieres des êtres finis dont nous pouvons toûjours écarter les limites, nous menent enfin à l’idée de l’infini, qu’en voulant que l’idée de l’infini soit nécessaire pour connoître un être fini : c’est comme si l’on disoit qu’il faut avoir vû la mer pour connoître une riviere que l’on voit couler dans son lit, & qu’il faut avoir idée d’un royaume, pour voir une ville renfermée dans ses remparts.

En un mot, c’est par les idées singulieres que nous nous élevons aux idées générales ; ce sont les divers objets blancs dont j’ai été affecté, qui m’ont donné l’idée de la blancheur ; ce sont les différens animaux particuliers que j’ai vûs des mon enfance, qui m’ont donné l’idée générale d’animal, &c. Ce n’est que de ce principe bien developpé & bien entendu, que peut naitre un jour une bonne logique. Voyez Abstraction, Adjectif. (F)

Fini, (Philos. & Géom.) on appelle grandeur finie, celle qui a des bornes ; nombre fini, tout nombre dont on peut assigner & exprimer la valeur ; progression finie, celle qui n’a qu’un certain nombre de tems, par opposition à la progression infinie, dont le nombre de termes peut être si grand que l’on voudra.

Nous n’avons d’idées distinctes & directes, que des grandeurs finies ; nous ne connoissons l’infini que par une abstraction négative & par une opération pour ainsi dire négative de notre esprit, qui ne fait point attention aux bornes de la chose que nous considérons comme infinie. Il est si vrai que l’idée que nous avons de l’infini, n’est point directe & qu’elle est purement négative, que la dénomination même d’infini le prouve. Cette dénomination qui signifie négation de fini, fait voir que nous concevons d’abord le fini, & que nous concevons l’infini en niant les bornes du fini. Cependant il y a eu des philosophes qui ont prétendu que nous avions une idée directe & primitive de l’infini, & que nous ne concevions le fini que par l’infini ; mais cette idée si extraordinaire, pour ne pas dire si extravagante, n’a plus guere aujourd’hui de partisans ; encore sont-ce des partisans honteux, si on peut parler ainsi, qui ne soûtiennent cette opinion que relativement à leur système des idées innées, parce que ce système les conduit à une si étrange conséquence. En effet, si nous avons une idée innée de Dieu, comme le veulent ces philosophes, nous avons donc une idée innée primitive & directe de l’infini ; nous connoissons Dieu avant les créatures, & nous ne connoissons les créatures que par l’idée que nous avons de Dieu, en passant de l’infini au fini. Cette conséquence si absurde suffiroit, ce me semble, pour renverser le système des idées innées, si ce système n’étoit pas aujourd’hui presqu’entierement proscrit. Voy. Idée. Voyez aussi Infini, & l’article précédent.

M. Musschenbroek dans le second chapitre de ses essais de Physique, dit & entreprend de prouver que le fini peut être égal à l’infini ; c’est tout au moins une mauvaise maniere de s’énoncer ; il falloit dire seulement, qu’un espace fini en tout sens, peut être égal à un espace infini en un sens. C’est une vérité que les Géometres prouvent dans une infinité de cas ; témoin la logarithmique & une infinité d’autres courbes. Voyez Logarithmique. M. Musschenbroek, parmi les preuves de son assertion, apporte l’hyperbole : en quoi il se trompe, du moins s’il veut parler de l’hyperbole ordinaire ; car on prouve que l’espace renfermé entre l’hyperbole ordinaire & ses asymptotes, est non-seulement de longueur infinie, mais aussi infini en surface. Voyez Asymptote. (O)