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L’Encyclopédie/1re édition/FUMIGATION

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FUMIGATION, s. f. (Chimie.) est l’action par laquelle une vapeur corrode, dissout, ou pénetre un corps métallique dans la cémentation. V. cet art. On la distingue en seche & en humide ; & quelques auteurs, comme Cramer, donnent strictement le nom de fumigation à celle-là, & de vaporation à celle-ci. La fumigation proprement dite ou fumigation seche, est donc l’action d’exposer à une fumée ou vapeur, comme menstrue capable de devenir concrete par elle-même, le corps auquel on veut faire subir quelque changement ; comme quand on stratifie des lames de fer avec des matieres contenant du phlogistique (Voyez Fer & Acier, & Trempe en Paquet) ; du cuivre avec de la calamine ou ses produits (Voyez Cuivre & Laiton) ; du soufre & de l’arsenic au fer & au cuivre. Voyez Vaporation.

Fumigation, en latin moderne fumigatio, fumigium, (Medec. thérap.) medicament externe, appliqué sous la forme de vapeur ou de fumée, à diverses parties du corps humain, pour la guérison des maladies. Il résulte de-là, qu’on peut distinguer deux sortes de fumigations, les unes humides, & les autres seches.

Les fumigations humides se font en exposant toute la surface du corps, ou seulement la partie malade, aux vapeurs d’un médicament qu’on fait bouillir sur le feu ; telle est la vapeur des décoctions émollientes anodynes, que les Medecins conseillent de recevoir sur une chaise de commodité, pour appaiser les douleurs hémorrhoïdales. Telles sont encore les vapeurs du vinaigre que l’on tient sur le feu, & qui se répandent dans l’air, pour en purifier l’atmosphere dans les maladies contagieuses & pestilentielles.

On conçoit déjà que la matiere des fumigations humides est toute liqueur qui peut par l’action du feu se résoudre en vapeurs ; par exemple, l’eau, le lait, le petit-lait, le vin, le vinaigre, l’esprit-de-vin, l’urine, les préparations officinales, comme les eaux distillées, les teintures, les essences, les esprits, les infusions, les décoctions, &c. Les vapeurs humides se tirent de toutes ces choses, ou en les enflammant, ou ce qui est le plus ordinaire, en les faisant bouillir sur le feu. Ce seroit sans doute une chose ridicule, que d’employer pour fumigations humides, des mixtes dont la vertu ne pourroit se volatiliser par la chaleur de la liqueur bouillante. Par conséquent, les astringens, les extraits épaissis par la coction, les parties fixes des animaux & des fossiles, ne sauroient convenir.

S’il faut appliquer de fort près la vapeur humide sur le corps, on a inventé pour y parvenir des loges, des siéges, des coffres, des machines voûtées, où le malade debout, assis, couché, ayant la tête en-dehors, étant nud, ou simplement couvert d’un linge fin, reçoit la vapeur qui s’éleve de la liqueur bouillante ou enflammée. S’il s’agit de diriger les vapeurs dans quelque cavité du corps, par exemple, dans l’oreille, les narines, le pharynx, les bronches, le vagin. l’uterus, le fondement ; on se sert d’entonnoirs faits exprès.

Enfin, comme les vapeurs élevées par le feu sont d’une extrème pénétrabilité, & que le medecin n’a d’autre but que le soulagement & la guérison de son malade ; c’est à lui bien instruit, qu’il appartient dans chaque cas particulier de prescrire combien de tems doit durer la fumigation humide, combien de fois il faut la répéter, ce qu’il convient de faire avant, pendant, & après le remede.

Les fumigations seches, connues par quelques-uns sous le nom de parfums, se pratiquent en exposant la partie malade à la fumée de quelque médicament externe sec, inflammable, ou volatil, qu’on brûle sur des charbons ardens, & dont on introduit la fumée par artifice dans les ouvertures extérieures du corps humain. C’est ainsi qu’on employe la fumigation de l’ambre, du castoréum, du jayet, dans les suffocations de matrice ; la fumigation du soufre dans les maladies cutanées, & quelquefois les fumigations mercurielles dans les maux vénériens. Voyez Fumigation mercurielle.

On employe les fumigations seches dans la cure prophylactique & thérapeutique, pour fortifier, échauffer, résoudre, dessécher : en conséquence, on expose aux fumigations seches des morceaux de flanelle ou de toile, avec lesquels on peut frotter les parties malades, & de telles frictions méritent de n’être pas négligées. Voyez Friction.

Mais il faut remarquer que dans les fumigations seches, ainsi que dans les fumigations humides, le medecin doit toûjours faire attention à la porosité de toute l’habitude du corps, à la sensibilité, à la délicatesse des parties internes, enfin à cette force étonnante du feu, qui sépare le principe des corps concrets, & qui les change entierement. Ces sortes d’attentions sont nécessaires, afin de choisir les matieres qui conviennent au but qu’on se propose, & qui peuvent soulager les parties malades, sans nuire à celles qui sont saines. (D. J.)

Fumigation mercurielle, (Chirurgie.) espece particuliere de subfumigation employée par quelques personnes au traitement des maladies vénériennes, en faisant recevoir la vapeur du cinnabre, ou de quelque autre préparation mercurielle, pour exciter le flux de bouche dans la vérole.

Thierry de Hery, célebre chirurgien de Paris, qui a apporté vers le milieu du xv. siecle, d’Italie en France, la méthode des frictions, propose les fumigations mercurielles comme un moyen subsidiaire dans plusieurs cas. On a voulu depuis peu en faire une méthode universelle, & donner cette fumigation en couvrant entierement le malade d’un drap ou d’une couverture, les yeux & la bouche bandés, afin qu’il puisse recevoir la vapeur mercurielle par le nez. Les épreuves de cette méthode ont été faites aux Invalides & à l’hopital de Bicêtre, sous l’autorité des ministres & des magistrats ; elles ont trouvé pour protecteurs une partie des personnes chargées d’en examiner les effets. Les Chirurgiens guidés par l’expérience qu’ils ont acquise dans le traitement de cette maladie, n’ont point été les partisans de quelques réussites apparentes de ces tentatives ; elles ont eu en peu de tems le sort de presque toutes les nouveautés qui s’introduisent dans la pratique de l’art de guérir, & qu’on voit tomber peu-après dans l’oubli, jusqu’à ce que quelque homme entreprenant & avide tâche d’en tirer parti & d’en imposer au public, qui se laisse aisément séduire par ceux qui lui promettent guérison par des voies extraordinaires.

M. Col de Villars approuve dans son petit dictionnaire des termes de Medecine & de Chirurgie, l’usage des fumigations mercurielles. Elles réusissent sans inconvénient, dit cet auteur, pourvû que la dose du remede soit petite, & que la fumigation ne dure que deux ou trois minutes. De cette maniere le mercure ne cause point de salivation : quand elle paroît, continue M. de Villars, on cesse la fumigation, & on purge le malade.

Instruits par l’exercice & la pratique de l’Art, les Chirurgiens n’admettent point les fumigations, comme une méthode générale, complette, & qu’on puisse substituer aux frictions dont elles n’ont pas les avantages ; nous ne devons cependant pas les rejetter absolument : quoiqu’elles ayent été dans tous les tems la méthode de quelques empyriques, des mains habiles pourront quelquefois trouver des ressources dans leur usage. Les fumigations peuvent seconder efficacement & faciliter l’opération des frictions : celles-ci sont quelquefois insuffisantes pour déraciner entierement les maux vénériens. Lorsqu’on a emporté les principaux accidens, s’il y a des parties affligées de quelque reste de vérole, on peut les exposer aux fumigations. Hery, notre premier maître en cette partie, a traité des malades qui en ont éprouvé les plus heureux succès ; elles ont emporté des caries qui rongeoient les os du nez : voyez Ozene. Elles ont soulagé des affections même du poumon. Par quelle autre voie auroit-on pû appliquer le mercure immédiatement sur ces vices locaux ?

Lorsque le virus vénérien n’a point déconcerté toute l’économie animale, & que quelques parties en sont seulement infectées, leurs accidens peuvent être soûmis à l’administration locale du spécifique anti-vénérien par le moyen des fumigations. M. Bruyere de l’académie royale de Chirurgie, lut à la séance publique de cette compagnie le 7 Juin 1746, une observation sur une tumeur au genou, dont les douleurs étoient si violentes, que la personne ne pouvoit supporter l’application d’une simple compresse trempée dans une décoction anodyne. M. Bruyere après les préparations générales, jugea que l’administration du mercure étoit nécessaire : mais comme la méthode ordinaire lui étoit interdite, parce que la malade s’obstinoit à ne lui point faire l’aveu de la vraie cause de son mal ; entre plusieurs autres moyens accessoires, quoique moins sûrs, & souvent inefficaces, il se détermina en faveur des fumigations faites sur la partie malade ; elles procurerent une salivation très-médiocre, mais beaucoup d’évacuations par les selles, les sueurs, & les urines ; la tumeur & la douleur diminuerent de jour en jour, & enfin la malade fut parfaitement rétablie au bout de deux mois au moyen de vingt fumigations, des purgatifs, & de l’usage du lait. On peut lire le détail de cette cure dans le mercure de France, mois de Décembre 1746.

La fig. 12. Pl. VII. chirur. représente un entonnoir pour recevoir les fumigations dans le vagin. (Y)