Aller au contenu

L’Encyclopédie/1re édition/FUSION

La bibliothèque libre.
◄  FUSILIERS
FUST  ►

Fusion, s. f. (Chim.) c’est le changement qui arrive dans un corps solide, en conséquence de l’action du feu qui le rend fluide.

Dans cette opération, le feu diminue tellement la cohésion des parties intégrantes de ce même corps, qu’il les meut & les fait rouler les unes sur les autres à la façon des liquides.

On doit faire cette différence entre fonte & fusion, que fonte s’entend seulement de l’état d’un corps qui a perdu la cohésion de ses molécules aggrégatives, en conséquence de l’action du feu ; au lieu que fusion s’entend de l’action qui produit ce changement, de ce changement, de ses causes, & des phénomenes qui l’accompagnent. La fusion est un phénomene difficile à expliquer ; mais il n’est personne qui ne distingue la fonte d’un corps de son état de solidité. La fonte d’un métal qui doit passer à-travers un vaisseau, doit être bien liquide. Voyez Coupelle & Affinage.

Quoique la plûpart des auteurs employent le mot de liquéfaction ou de liquification dans le même sens que fusion, il faut pourtant ne l’appliquer qu’aux sels qui prennent de la fluidité sur le feu, par la grande quantité de leur eau de crystallisation, comme il arrive aux vitriols, au borax, &c. On peut encore les dire des métaux qui sont soûmis à la liquation.

Quand la fusion n’est que partielle, c’est-à-dire qu’elle n’a lieu qu’à l’égard des parties similaires d’une mine ou d’un alliage métallique, elle prend le nom de liquation. Voyez cet article.

On donne le nom de précipitation par la voie seche ou par la fonte, à cette espece de fusion où il arrive que la matiere fondue forme deux couches distinctes ; l’une pesante qui occupe le fond du vaisseau, & c’est le régule ; l’autre legere & qui surnage la premiere, qu’on appelle les scories.

On appelle vitrification, l’espece de fusion qui change tellement un corps, ou en combine plusieurs ensemble, de façon qu’il en résulte une matiere diaphane qui reste constamment dans le même état, quoique exposée de nouveau au feu de fonte.

Il ne faut pourtant pas croire qu’on n’employe pas aussi le mot de fonte dans bien des cas pour l’action du feu qui desunit les parties aggrégatives d’un corps : on dit aussi la fonte de la cire, de la graisse, &c. ensorte que le mot de fusion est plus particulierement employé pour les métaux.

Cette opération est une des plus fréquentes de la partie métallurgique de la Chimie.

Elle s’étend sur tous les corps fixes de la nature, avec toutefois cette restriction, qu’il y en a qui sont très-aisés, d’autres très difficiles à fondre, & d’autres qui ne prennent l’état de fonte qu’à l’aide d’un ou de plusieurs autres corps fixes aussi. Ces corps prennent le nom de fondans ou de menstrues secs. Voyez la section des fondans à l’article Flux, qu’il faut joindre avec celui-ci. On peut encore cependant comparer leur action à celle des menstrues humides. Ceux-ci n’ont besoin que d’une très-médiocre chaleur pour être dans l’état de fluidité, & joüir conséquemment de l’exercice de leurs propriétés. Les fondans en exigent une plus forte, les uns plus, les autres moins. Il est vrai qu’il s’en trouve qui demandent le même degré de feu que le corps à fondre, comme nous l’avons dit du mélange de deux corps infusibles par eux-mêmes ; mais ceux ci se trouvent dans l’extrème, qui fait exception non-seulement avec les menstrues humides qui dissolvent & ne sont point dissous, quoique leurs parties soient divisées par la même raison qu’elles divisent, mais encore avec les fondans mêmes, qui doivent être plus fusibles que le corps qu’on veut fondre par leur intermede.

Les corps volatils en sont aussi susceptibles, mais quelques-uns seulement, & ils se dissipent sitôt qu’ils ont éprouvé cet état.

Il y a des métaux qui se calcinent au degré du feu qui les met en fonte.

Quelle que soit l’intention de l’artiste, il faut toûjours que le corps auquel il fait subir la fusion, devienne le plus fluide qu’il est possible : mais si cette condition est nécessaire à l’égard d’un corps simple, à plus forte raison l’est-elle quand c’en est un composé, comme quand il s’agit de faire un alliage ou une nouvelle matiere. Ceux dont le génie est assez pénétrant & l’imagination assez forte pour atteindre aux points physiques du tems, concevront aisément que dans l’espace d’un quart-d’heure chaque molécule intégrante ou principe d’un corps tenu en fonte bien liquide, subit un nombre infini de mouvemens qui méritent considération. Il est souvent indispensable de soûtenir long-tems cette fluidité, pour desunir d’abord les differens principes métalliques, & pour les combiner ensuite entr’eux. C’est pour lors que se font, ainsi qu’au milieu du fluide aqueux, qui est le véhicule des corps fermentatifs, ces nombres prodigieux de courses rapides de la part des molécules solitaires ou réunies, de chocs, de frottemens, qui produisent enfin ce nouvel arrangement de parties qui existe dans chaque molécule intégrante du nouveau résultat. La desunion préalable qui se fait des principes du corps primitif, arrive en conséquence de leur mouvement, tant spontané que forcé. C’est à ces différens phénomenes que nous avons donné le nom d’attraction à l’article Flux. Il est à souhaiter qu’il naisse un nouveau Newton qui en pénetre la nature, & en développe le méchanisme. Si la raison inverse du quarré des distances a lieu dans la circonstance présente, l’application en paroît difficile à démontrer.

C’est pour les raisons mentionnées, que les expériences qu’on n’obtient qu’à la faveur de la fusion, sont sujettes à tant de variétés. Si l’on ne connoît ni le pouvoir de la fonte liquide, ni les avantages de la forme des vaisseaux, ni la mesure du tems qu’exige une expérience, & si l’on ne sait bien entremêler & combiner ces différentes conditions, on manque d’ordinaire tout succès. On peut citer pour exemple la mine perpétuelle de Beccher, toutes les autres vitrifications graduées, les fusions & réductions répétées, par lesquelles Isaac le hollandois retiroit toûjours quelque peu de métal précieux, & le départ par la voie seche, ou séparation de l’or d’avec l’argent. C’est dans ces sortes de cas particulierement que bon nombre d’artistes n’ont que trop éprouvé que quand ils manquoient aux conditions nécessaires, ils n’obtenoient rien de ce qu’ils pouvoient & devoient obtenir. Ce n’est pas que la réussite manque absolument parce qu’on n’a pas choisi les vaisseaux de la forme la plus avantageuse, mais ce défaut est au-moins capable de porter des imperfections dans l’expérience.

Mais il faut encore être bien convaincu que la quantité des matieres apporte une différence dans l’opération, & c’est un article de conséquence qui mérite l’examen le plus réflechi. Les opérations en petit donnent des phénomenes qu’on n’a point dans les travaux en grand. Il est vrai que souvent on ne fait pas attention à la différence essentielle qu’il y a entre une fusion faite dans les vaisseaux fermés, & celle où le métal a le contact immédiat des charbons qui leur fournissent la matiere corporelle du feu. Mais il n’en est pas moins positif que la différence infinie qui se trouve entre les produits de deux opérations, l’une en petit & l’autre en grand dans les vaisseaux fermés, résulte de la réciprocité, de la mesure du tems, de la fluidité du bain, de la grandeur du vaisseau, & de la masse du corps qui y est contenu.

Il est encore évident, par ce que nous avons dit, que la fusion veut être faite dans les vaisseaux fermés, quand on lui soûmet les métaux imparfaits & les demi métaux. Sans cette précaution le mouvement qui leur est imprimé, leur enleve tout-au-moins le principe du feu ; Voyez Calcination. C’est ce mouvement qui constitue la fluidité ; & c’est ici que l’art l’emporte sur la nature. Ce n’est pas qu’elle n’ait bien la puissance de produire une fusion ou quelque chose d’approchant, & même une réduction, c’est-à-dire d’unir le principe matériel du feu à la terre, qui constitue un métal avec lui. C’est une vérité que personne, je crois, ne révoquera en doute ; mais d’imprimer à une grande masse métallique le mouvement le plus rapide, & dans un très-petit espace de tems, c’est ce qu’elle n’a jamais fait ; sans compter que l’art sait aussi combiner la matiere du feu dans moins de tems encore. Voyez Réduction & Principe.

Nous avons dit à l’article Flux, que ce mouvement étoit excité par les particules ignées qui pénétroient la masse du corps qu’elles embrasoient & sondoient ; mais Stahl dit précisément tout le contraire. Après avoir accordé que quoiqu’on ne pût pas donner des phénomenes du tonnerre une explication qui satisfît à tout, il n’en étoit pas moins vrai qu’ils étoient l’effet d’un mouvement dont on n’a point coûtume de constater la vérité par ses propres réflexions, bien loin d’en pénétrer la nature, & dans lequel on ne savoit point assez démêler ce qui étoit en quelque façon à la portée de l’entendement humain, il continue ainsi : Unde tanto magis commendari meretur, pensitatio atque contemplatio, quid motus, motus inquam, quatenus talis, & possit & soleat, non solum in diversas, certas atque speciales materias, quam etiam vel quaslibet, si in illas impellatur.

Cujus rei duo ante oculos habemus exempla, veluti quotidiana, ignitionem, imo colligationem, lapidum, vitrorum, metallorum, quibus particulas igneas corporales irrepere, & in illis actum ignitionis perpetrare, vulgus interpretatur : cum nihil sit, nisi motus nudus illis materiis per minima incussus. Id quod vel à notissimis illis allegatis exemplis elucet, quomodo solo citatissimo motu, metalla talia graviter incalescant, imo incandescant, & ligna tornabili motu in flammam concitentur, &c. secundum est, &c. experim. § 189. Il s’ensuit qu’on ne sauroit trop recommander à ceux qui étudient la nature, de refléchir profondément sur le mouvement, afin de savoir ce que ce même mouvement considéré comme tel, peut produire & produit en effet sur les différentes especes de substances en général, & sur chacune de celles en particulier auxquelles il est appliqué.

Nous en citerons deux exemples qui nous sont très-familiers. Le premier est l’ignition & la fusion des pierres, des verres, & des métaux. On pense communément que ce sont les molécules ignées qui s’insinuant corporellement à-travers les parties de ces sortes de corps, produisent ce phénomene : mais il est aisé de voir qu’il ne vient que d’un mouvement purement & simplement imprimé à leurs plus petites molécules. Ce qu’on avance est prouvé par les expériences connues que nous avons citées, où l’on voit qu’un mouvement rapide suffit pour échauffer & rougir les métaux dont il y est question, & embraser le bois sur le tout, &c. le second, &c.

Voilà qui est clairement énoncé. Ce n’est plus le feu élémentaire (nous n’entendons par cette distinction que le feu qui n’est point combiné aux corps) jouant dans les pores des corps, qui entrant en agitation par la vibration de leurs parties frottées, leur communique son mouvement, ou bien à la matiere du feu qui leur est combinée, pour les échauffer & les embraser ; ce n’est plus ce même feu élémentaire qui met un corps solide au ton de chaleur de l’atmosphere, à-peu-près en le traversant avec la quantité du mouvement qu’il a reçu du soleil, &c. ce n’est plus le phlogistique du charbon, qui devenant feu élémentaire par son dégagement, pénetre la masse des corps. C’est le mouvement seul appliqué à la surface d’un corps, & se communiquant de proche en proche à toutes ses parties. Mais il seroit à souhaiter que Stahl eût un peu plus étendu son assertion, & nous eût prouvé que le feu élémentaire & la matiere de la lumiere ne pénetrent point les corps, ce qui répugne, & est démontré faux par les phénomenes de l’électricité ; ou que celui qui y est contenu n’entre pour rien dans leur échauffement ; ce qui ne paroît pas croyable par la même raison. Il auroit encore dû prouver que la mixtion du phlogistique n’est point rompue par ce mouvement, & qu’il ne concourt en rien à l’embrasement des corps frottés ; ce qui est aussi dénué de vraissemblance ; & que ce même phlogistique ne pénetre point l’aggrégation d’un corps ; ce qui est démenti par l’expérience qui convertit en acier une barre de fer, qui ne prend ce nouvel état que par une surabondance de ce principe, & par Stahl lui-même. En attendant que ces difficultés soient levées, il n’en restera pas moins pour constant que la fusion est ce changement qui arrive à un solide : en conséquence de l’action du feu qui pénetre son aggrégation, la rompt, & imprime son mouvement à ses molécules intégrantes qu’il fait rouler les unes sur les autres. Voyez les ouvrages de Stahl.

Fusion, (Chimie.) se dit de l’espece de détonation particuliere au nitre. Voyez Fuser & Nitre.

Fusion, (Chimie & Métallurgie.) c’est une opération par laquelle des corps solides & durs, tels que les métaux, les pierres, les sels, &c. sont mis dans un état de fluidité par le moyen du feu qu’on leur applique médiatement ou immédiatement.

Il y a des corps qui ont la propriété d’entrer en fusion par la seule application du feu ; les métaux, les demi-métaux, le verre, les seuls alkalis fixes, la plupart des sels neutres, les soufres, les résines, & quelques pierres, sont dans ce cas : d’autres corps n’ont point la même propriété ; & il faut leur joindre d’autres substances pour les faire entrer en fusion. Voyez l’article Fondant.

Les métaux & demi-métaux exigent différens degrés de feu pour être mis en fusion, & présentent des phénomenes tout différens.

Le plomb & l’étain entrent très-promptement en fusion, & même avant d’avoir rougi ; l’or & l’argent y entrent en même tems qu’ils rougissent ; le cuivre & le fer veulent avoir été rougis pendant long-tems & vivement, sur-tout le dernier, avant que de se fondre.

Si l’on a fait fondre ou de l’or, ou de l’argent, ou du cuivre, ou du plomb, ou de l’étain, ou du zinc ; & lorsque l’une de ces substances métalliques sera fondue, qu’on y jette un morceau de métal de la même espece, il tombera au fond ; ou bien il restera au fond, si on verse du même métal fondu par-dessus. Ces mêmes métaux mis en fusion, occupent un plus grand espace que lorsqu’ils sont refroidis : d’où l’on voit que la fusion augmente leur volume & diminue leur pesanteur spécifique. Il n’en est pas de même du fer, du bismuth, de l’antimoine, & du soufre ; si on fait fondre une de ces substances en y jettant un morceau froid de la même substance, il surnagera à la matiere fondue ; ce qui prouve que ces dernieres substances acquierent par la fusion une pesanteur spécifique plus grande qu’elles n’avoient étant solides.

La fusion opere encore des phénomenes très-singuliers sur les métaux que l’on allie les uns avec les autres : il y en a qui par son moyen deviennent d’un plus grand volume qu’ils n’étoient avant que d’avoir été fondus ensemble, tandis que d’autres deviennent d’un volume moins considérable. Outre cela, il y a des métaux qui s’unissent parfaitement par la fusion ; tels sont l’or & l’argent, l’or & le cuivre, &c. D’autres métaux, au contraire, ne peuvent aucunement s’unir ; le zinc & le bismuth, l’argent & le fer, le cuivre & le fer, le plomb & le fer, sont dans ce dernier cas.

Le but qu’on se propose dans la fusion, est fondé sur la pesanteur spécifique des métaux, qui fait qu’ils ont la propriété de tomber au fond du vaisseau dans lequel on les traite, lorsque la matiere qui les environne a été mise en fusion ou dans l’état d’un verre fluide, à l’aide des fondans. Voyez l’article Fondant. Dans cette opération, les particules métalliques éparses & répandues quelquefois dans un volume considérable de matieres pierreuses, terreuses, étrangeres, se rapprochent & se réunissent ensemble. On voit par-là que la fusion du minerai est nécessaire pour que la partie métallique se dégage de celle qui ne l’est pas ; & par conséquent, on doit la regarder comme la principale opération de la métallurgie. Voyez Fondant, Métal, Métallurgie, Docismastique, &c. (—)