L’Encyclopédie/1re édition/GIBEL

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GIBEL, (le) Æthna, Geog. la plus haute montagne de la Sicile, & une des plus celebres de l’Europe. On sait assez que tous les anciens géographes & historiens en ont parlé sous le nom de mont Ethna. C’est sous cette montagne que les Poëtes ont feint que Jupiter écrasa le géant Typhon, & que Vulcain tenoit ses forges. Les Siciliens ont changé le nom latin en celui de Gibel, qu’ils ont vraissemblablement pris des Arabes, dans la langue desquels ce mot signifie une montagne ; il désigne en Sicile la montagne par excellence. Elle est proche de la côte orientale du val de Démona, entre le cap de Faro & le cap de Passaro, à quatre lieues des ruines de Catania vers le couchant. On lui donne deux grandes lieues de hauteur, & environ vingt de circonférence. Son pié est très-cultivé, tapissé de vignobles du côté du midi, & de forêts du côté du septentrion.

Son sommet, quoique toûjours couvert de neige, ne laisse pas de jetter souvent du feu, de la fumée, des flammes, & quelquefois des cailloux calcinés ; des pierres-ponces, des cendres brûlantes, & des laves de matiere bitumineuse, par une ouverture qui, du tems de Bembo, & selon son calcul, étoit large de 24 stades ; la stade contient 125 pas géométriques, & par consequent les 24 font trois milles d’Italie.

Si l’idée d’un si prodigieux gouffre fait frémir, les incendies que le Gibel vomit sont encore plus redoutables. Les fastes de la Sicile moderne ont sur-tout consacré les ravages causés par ce redoutable volcan dans les années 1537, 1554, 1556, 1579, 1669, & 1692. Lors de l’embrasement de cette montagne, arrivé en 1537, & décrit par Fazelli, les cendres furent portées par le vent à plus de cent lieues de distance. Quatre torrens de flammes sulphureuses découlerent du mont Gibel en 1669, & ruinerent quinze bourgs du territoire de Catania. Enfin le volcan de 1692 fut suivi d’un tremblement de terre qui se fit sentir en Sicile avec la plus grande violence, les 9, 10 & 11 Janvier 1693 ; renversa les villes de Catania & d’Agousto ; endommagea celle de Syracuse, plusieurs bourgs & villages, & écrasa sous les ruines plus de 40 mille ames. Il y eut alors sur le Gibel une nouvelle ouverture de deux milles de circuit.

Je n’entrerai pas dans d’autres détails ; j’en suis dispensé par la Pyrologie de Bottone Leontini, à laquelle je renvoye le lecteur. Cet intrépide naturaliste, curieux de connoître par ses propres yeux la constitution du mont Gibel, a eu la hardiesse de grimper sur son sommet jusqu’à trois différentes reprises ; savoir en 1533, 1540, & 1545 : ainsi nous devons à son courage la plus exacte topographie de cette montagne, & de ses volcans. Son livre, devenu très-rare, est imprimé en Sicile sous le titre de Æthnæ topographia, incendiorumque æthnæorum historia. (D. J.)