L’Encyclopédie/1re édition/GROSSE
GROSSE, s. f. (Jurisprud.) est une expédition d’un acte public, comme d’un contrat, d’une requête, d’une sentence ou arrêt. Dans les contrats, inventaires, procès-verbaux & jugemens, la grosse est la premiere expédition tirée sur la minute qui est l’original ; au contraire pour les requêtes, inventaires de production, & autres écritures, la grosse est l’original, & la copie est ordinairement plus minutée.
On appelle grosse ces sortes d’expéditions, parce qu’elles sont ordinairement écrites en plus gros caracteres que la minute ou copie. Voyez ce caractere dans les Planches de l’écrivain.
En fait de contrats & de jugemens on n’appelle grosse que la premiere expédition qui est en forme exécutoire.
Dans un ordre il faut rapporter la premiere grosse de l’obligation dont on demande le payement, si la premiere est perdue on en peut faire lever une seconde, en le faisant ordonner avec les parties intéressées ; mais en ce cas on n’est colloqué que du jour de la seconde grosse, parce que l’on présume que la premiere pourroit être quitancée : au parlement de Normandie, le créancier ne laisse pas d’être colloqué du jour de l’obligation. Voyez l’art. 119. du reglement de 1660.
Dans quelques pays on ne connoît point de forme particuliere pour les grosses des contrats & sentences : on dit premiere & seconde expédition. (A)
Grosse, (Commerce.) c’est un compte de douze douzaines, c’est-à-dire de douze fois douze, qui font cent quarante-quatre, une demi-grosse est six douzaines ou la moitié d’une grosse.
Il y a quantité de marchandises que les marchands grossiers manufacturiers & ouvriers vendent à la grosse, comme les boutons de soie, fil & poil, les couteaux de table, & ceux à ressort, les ciseaux à lingeres & à tailleurs, les limes, les vrilles, les écritoires, les peignes, dez à coudre, & plusieurs autres ouvrages de quincaillerie & de mercerie : comme aussi le fil à marquer, les rubans de fil, &c. Dictionn. du Comm. & de Trévoux. (G)
Grosse-Avanture, s. f. (Jurisprud.) qu’on appelle aussi contrat à la grosse, ou contrat à retour de voyage, & que les Jurisconsultes appellent trajectitia pecunia, est un prêt que l’on fait d’une somme d’argent à gros intérêt, comme au denier quatre, cinq, six, ou autres qui excede le taux de l’ordonnance, à quelqu’un qui va trafiquer au-delà des mers, à condition que si le vaisseau vient à périr, la dette sera perdue.
Ces contrats sont admis en France nonobstant le chapitre dernier aux décrétales de usuris, dont la décision n’a point été suivie par nos théologiens. Ils sont aussi autorisés par l’ordonnance de la Marine, liv. III. tit. v. La raison qui fait qu’on ne les regarde pas comme usuraires, est tant par rapport aux gains considérables, que peut faire celui qui emprunte pour le commerce maritime, qu’à cause du risque que court le créancier de perdre son argent : c’est d’ailleurs une espece de société dans laquelle le créancier entre avec celui auquel il prête.
Les contrats à grosse-avanture peuvent être faits devant notaire ou sous seing-privé.
L’argent peut être prêté sur le corps & quille du vaisseau, sur agrêts & apparaux, armement & victuailles, conjointement & séparément, & sur le tout ou partie de son chargement pour un voyage entier, ou pour un tems limité.
Il n’est pas permis d’emprunter sur le navire ou sur le chargement au-delà de leur valeur, à peine d’être contraint en cas de fraude au payement des sommes entieres, nonobstant la perte ou prise du vaisseau.
Il est aussi défendu sous même peine, de prendre des deniers sur le fret à faire par le vaisseau & sur le profit espéré des marchandises, même sur les loyers des matelots, si ce n’est en présence & du consentement du maitre, & au-dessous de la moitié du loyer.
On ne peut pareillement donner de l’argent à la grosse, aux matelots sur leurs loyers ou voyages, sinon en présence & du consentement du maître, à peine de confiscation du prêt & de 50 liv. d’amende.
Les maîtres sont responsables en leur nom du total des sommes prises de leur consentement par les matelots si elles excedent la moitié de leurs loyers, & ce nonobstant la perte ou prise du vaisseau.
Le navire, ses agrêts & apparaux, armement & victuailles, même le fret, sont affectés par privilége au principal & intérêt de l’argent prêté sur le corps & quille du vaisseau pour les nécessités un voyage, & le chargement au payement des deniers pris pour le faire.
Ceux qui prêteront à la grosse au maître dans le lieu de la demeure des propriétaires, sans leur consentement, n’auront hypotheque ni privilége que sur la portion que le maître pourra avoir au vaisseau & au fret, quoique les contrats fussent causés pour radoub ou victuailles de bâtiment.
Mais les parts & portions des portions des propriétaires qui auroient refusé de contribuer pour mettre le bâtiment en état, sont affectées aux deniers pris par les maîtres pour radoub & victuailles.
Les deniers laissés pour renouvellement ou continuation, n’entrent point en concurrence avec ceux qui sont actuellement fournis pour le même voyage.
Tous contrats à la grosse demeurent nuls par la perte entiere des effets sur lesquels on a prêté, pourvû qu’elle arrive par cas fortuit dans le tems & dans les lieux des risques.
Les prêteurs à la grosse contribuent à la décharge des preneurs aux grosses avaries, comme rachats, compositions, jets, mâts & cordages coupés pour le salut commun du navire & des marchandises, & non aux simples avaries ou dommages particuliers qui leur pourroient arriver, s’il n’y a convention contraire.
En cas de naufrage les contrats à la grosse sont réduits à la valeur des effets sauvés.
Lorsqu’il y a contrat à la grosse, & assûrance sur un même chargement, le donneur à la grosse est préféré aux assureurs sur les effets sauvés du naufrage pour son capital seûlement.
Il y a encore plusieurs regles pour ces contrats, que l’on peut voir dans l’ordonnance. Voyez aussi la loi 4. ff. de nautico fœnore, & la loi 1. cod. codem. (A)