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L’Encyclopédie/1re édition/HÉMITRITÉE

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 114-115).

HÉMITRITÉE, (Maladie.) c’est une épithete que les Grecs ont donnée à une sorte de fievre, qui étant de sa nature continue, exacerbante, c’est-à-dire avec redoublement, tient cependant du caractere de la fievre intermittente tierce, par le type ou l’ordre de ses redoublemens : c’est l’ἡμιτριταῖος πυρετὸς, febris hemitritæa seu semi-tertiana, de Galien, de Sennert.

La fievre hémitritée, ou l’hémitritée, ce mot étant souvent employé substantivement, ou ce qui est la même chose, la demi-tierce, est donc cette espece de fievre dans laquelle, outre les redoublemens de la fievre continue quotidienne, dont les retours sont reglés, il survient encore de deux en deux jours un redoublement plus considérable qui se fait sentir à la même heure, & correspond aux accès de l’espece de fievre intermittente, appellée tierce : en sorte que chaque troisieme jour, à compter du premier accès, il y a deux redoublemens, c’est-à-dire, celui de la fievre quotidienne & celui de la fievre tierce, intermittente, qui est comme antée sur la continue ; & le jour intermédiaire n’a qu’un redoublement, qui est de celle-ci : ainsi la fievre ne cesse point, ne diminue point jusqu’à l’apyrexie, jusqu’à l’intermittence complette ; mais dans la diminution de tous les symptomes, dans la rémission surviennent tous les jours des redoublemens de quotidienne continue & de plus de deux jours en deux jours, des paroxysmes tiercenaires, qui sont encore plus forts que les autres, & tels qu’ils paroissent dans la véritable fievre intermittente tierce.

On doit cependant observer qu’il y a trois sortes de fievres, auxquelles les anciens ont donné le nom d’hémitritée ; savoir, 1°. la fievre tierce intermittente, dont les accès deviennent si longs, que celui qui doit suivre, commence avant que le précédent soit bien fini ; en sorte qu’il n’y a plus d’intermittence marquée. Telle étoit l’hémitritée de Celse, à laquelle on peut rapporter celle qui de double tierce devient par l’extension de ses paroxysmes, fievre continue-remittente. 2°. L’hémitritée de Galien, qui est une complication de la fievre continue avec des redoublemens, de la quotidienne, & de la fievre tierce intermittente, telle qu’elle a été caractérisée ci-devant. 3°. Enfin, l’hémitritée, qui est formée de l’union de la fievre continue sans redoublemens, avec la continue qui a des redoublemens tiercenaires.

C’est l’hémitritée de Galien, qui est la plus connue des auteurs, & dont il est le plus fait mention dans les observations de pratique : c’est aussi de celle-là que l’on trouve la description la plus circonstanciée ; Lommius l’a fait ainsi, medic. Observ. lib. I.

Tous les accès ou redoublemens de cette fievre commencent par le froid, & finissent par la sueur : mais dans les accès tiercenaires, le froid est plus fort avec tremblement, suivi d’une chaleur plus ardente, d’une grande soif, & à la fin d’une sueur plus abondante ; au lieu que dans les accès qui appartiennent à la quotidienne, le froid est moins considérable, sans tremblement ; la chaleur qui suit est plus douce & sans soif ; le poulx est moins élevé, & ce n’est qu’une moiteur qui survient à la fin des paroxysmes : mais dans les uns & dans les autres, le malade n’est jamais sans fievre.

Une telle complication de fievre continue & de fievre intermittente a de quoi paroître singuliere ; mais quoiqu’elle soit très-rare, elle a été observée par un grand nombre d’auteurs dignes de foi. Le célebre Wanswieten dit (Comment. Boerrhaav. §. 738.) avoir vû un homme sujet à la fievre quarte, qui, ayant été attaqué d’une pleurésie, n’en eut pas moins les accès bien marqués de cette fievre intermittente, malgré la fievre continue inflammatoire & les remedes qui furent employés pour la combattre.

La fievre hémitritée est trop compliquée pour n’être pas dangereuse : aussi a-t-on observé qu’elle est très-souvent incurable, & devient en peu de jours mortelle, à la suite des symptomes violens qui affectent principalement l’estomac & les parties nerveuses ; ce qui dépend des humeurs bilieuses qui dominent dans la masse du sang, d’où suivent aussi les affections soporeuses, spasmodiques, les insomnies, avec délire & syncope ; en un mot, tout ce qui peut caractériser une fievre de mauvaise nature.

Mais le prognostic est en général plus ou moins fâcheux, à proportion que les paroxysmes tiercenaires sont plus ou moins violens. On doit en conséquence, tirer les indications du caractere le plus dominant de la fievre quotidienne ou de la fievre tierce continue, & satisfaire à ce qui est indiqué, en suivant ce qui est prescrit dans la cure de ces différentes sortes de fievre. Voyez Fievre, Fievre quotidienne, tierce, continue & internmittente.