L’Encyclopédie/1re édition/FIEVRE

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FIEVRE en général, s. f. (Medec.) febris, πυρετὸς ; maladie universelle très-fréquente, qui en produit plusieurs autres, cause la mort par sa violence & ses complications, procure aussi très-souvent une heureuse guérison, & est quelquefois salutaire par elle-même.

Nature individuelle de la fievre. La nature de la fievre est si cachée, qu’on doit prendre garde de se tromper en la recherchant ; ce qui peut aisément arriver, à cause du grand nombre d’affections accidentelles dont elle est fréquemment accompagnée, & sans lesquelles cependant elle peut exister, & existe effectivement.

Pour éviter l’erreur, il faut envisager uniquement les symptomes qui sont inséparables de toutes especes de fievres, & pour lors on pourra parvenir à connoître la nature individuelle de la fievre. Aujourd’hui qu’on a saisi cette sage méthode, en écartant les hypothèses, fruits de l’intempérance de l’esprit, on est convaincu que c’est l’augmentation de la vîtesse du jeu des arteres qui constitue la fievre, & que la chaleur qui accompagne cette maladie, est l’effet de l’action accélérée des vaisseaux. La cause prochaine de la vélocité du pouls, est une plus fréquente contraction du cœur ; c’est donc l’effort que fait la vie, tant dans le froid que dans la chaleur, pour éloigner la mort.

Puisque la fievre consiste dans l’excès de l’action organique des arteres, c’est-à-dire dans cette action accélérée au-delà de l’état naturel, on peut, pour marquer toute l’étendue de son méchanisme, la définir avec M. Quesnay, une accélération spasmodique du mouvement organique des arteres, qui est excitée par une cause irritante, & qui augmente la chaleur du corps au-delà de celle de l’état naturel. Nous disons que dans la fievre l’accélération du mouvement des arteres est spasmodique, pour la distinguer de la simple accélération du pouls & de l’augmentation de chaleur excitées par des mouvemens véhémens du corps, qui s’exercent volontairement & sans altérer la santé.

Symptomes de la fievre. Les vrais symptomes ou les dépendances essentielles & inséparables dans toute fievre dont le méchanisme s’exerce librement, sont 1°. l’accélération de la vîtesse du pouls ; 2°. celle de la force du pouls ; 3°. le surcroît de chaleur ; 4°. l’augmentation du volume du pouls ; 5°. la respiration plus prompte ; 6°. le sentiment pénible de lassitude qui s’oppose aux mouvemens du corps.

Les trois premiers symptomes peuvent être regardés comme les symptomes primitifs de la fievre, desquels les trois autres résultent ; & quant au sentiment pénible de lassitude, il n’est sensible qu’aux malades même, le medecin ne le connoît que par leur récit. Ajoûtons que quoiqu’il n’y ait point de fievre dans lesquelles ces six symptomes ne se rencontrent, cependant la vîtesse du pouls est la seule chose qu’on observe en tout tems de la fievre, depuis le commencement jusqu’à la fin. Si le contraire arrive, c’est que la fievre n’est pas simple, & qu’elle est troublée par d’autres affections étrangeres, qui s’opposent à ses opérations salutaires.

Je n’ose mettre le frisson au rang des symptomes inséparables de la fievre, parce que cette maladie peut s’allumer & subsister indépendamment d’aucun frisson, sans qu’elle soit alors une maladie incomplete. Il est bien vrai que la fievre existe avec le frisson, & qu’elle naît pour ainsi dire avec lui, mais c’est qu’alors la fievre n’a pas encore acquis son état parfait, puisqu’elle est au contraire empêchée par une autre affection spasmodique toute opposée, qui subsiste jusqu’à ce qu’elle l’ait dominée & dissipée.

Cours de la fievre. Quoi qu’il en soit, voici le cours de presque toute fievre qui procede des causes internes. Elle commence d’abord par un sentiment de froid & d’horripilation, lequel est plus grand ou plus petit, a plus ou moins de durée, est interne ou externe, selon les divers sujets, les différentes causes & la différente nature de la fievre. Alors le pouls devient fréquent, petit, quelquefois intermittent ; la pâleur, la rigidité, le tremblement, le froid, l’insensibilité saisissent souvent les extrémités ; on voit succéder ensuite une chaleur plus ou moins grande, qui dure peu ou beaucoup de tems, interne, externe, universelle, locale, &c. enfin dans les fievres intermittentes, ces symptomes se calment & se terminent par une parfaite apyrexie.

Affections morbifiques accidentelles à la fievre. Plusieurs medecins ont entierement défiguré le caractere essentiel & individuel de la fievre, en y joignant diverses affections morbifiques qui se trouvent quelquefois, mais non toûjours, avec la fievre, & qui par conséquent ne constituent point son essence. Les affections morbifiques dont je veux parler, sont les contractions, la foiblesse, les irrégularités du pouls, les angoisses, la débilité, les agitations du corps, les douleurs vagues, la grande douleur de tête, le délire, la sueur, l’assoupissement, l’insomnie, le vertige, la surdité, les yeux fixes ou hagards, le vomissement, le hoquet, les convulsions, la tension du ventre, des hypochondres, l’oppression, les exanthèmes, les aphthes, la soif, le dégoût, les rots, le froid, le tremblement, l’ardeur, la sécheresse, la couleur pâle & plombée de la peau, les mauvaises qualités des urines, leur suppression, le diabetes, les sueurs immodérées, la diarrhée, les hémorrhagies, &c.

Mais quelque nombreuses, foibles ou considérables que soient ces affections morbifiques, elles ne naissent point de la fievre ; elles sont produites par différentes causes, qui sont même opposées au méchanisme de la fievre ; par conséquent on doit les regarder comme des symptomes étrangers à cette maladie. Les medecins qui ont voulu les établir comme des signes pathognomiques de la fievre, n’ont fait qu’introduire une multitude d’erreurs pernicieuses dans la pratique de la Medecine.

Causes de la fievre. La cause prochaine de la fievre reconnoît elle-même une infinité d’autres causes immédiates, qu’on peut néanmoins diviser en causes particulieres à chaque cas, & en causes communes à plusieurs. Les dernieres dépendent ordinairement de l’air, des alimens, d’un genre de vie commun, & on les nomme causes épidémiques.

Les causes particulieres peuvent se réduire à neuf ou dix classes capitales ; 1°. aux mixtes sensibles qui renferment naturellement des hétérogenes qui nous sont pernicieux ; je rapporte à cette classe les remedes actifs employés à contre tems ou à trop grande dose, car ils peuvent exciter ou augmenter la fievre, & produire d’autres accidens plus fâcheux ; ce sont même de véritables poisons entre les mains des medecins qui suivent de fausses routes dans la cure des maladies.

2°. Aux matieres acres prises en aliment, en boissons, en telle abondance qu’elles irritent, suffoquent, obstruent & se corrompent. Nos alimens sont même exposés à être dépravés, lorsqu’ils sont reçûs dans l’estomac & dans les intestins.

3°. A l’application extérieure de matieres acres qui piquent, corrodent, déchirent, brûlent, enflamment.

4°. Aux mauvaises qualités de l’air par son infection, son intempérie, sa pesanteur, sa legereté, ses variations subites, &c.

5°. Aux vices de régime, comme sont l’intempérance dans l’usage des alimens, les grandes abstinences, les exercices outrés, la vie trop sédentaire, le déreglement des passions, l’incontinence, les veilles immodérées, l’application excessive de l’esprit, &c. Le tempérament ou la complexion du corps peu capable de soûtenir les excès, occasionne aussi la fievre.

6°. A la contagion, qui dans certain cas produit par le contact, la respiration & les exhalaisons, des fievres putrides, rougeoliques, scorbutiques, hectiques, dyssentériques, &c.

7°. Aux défauts des excrétion, & des secrétions.

8°. A la suppression lente ou subite des excrétions ou évacuations accoûtumées, par quelque cause que ce soit.

9°. Aux maladies qui sont elles-mêmes des causes de maladies. Ainsi les inflammations des parties nerveuses procurent la fievre.

Enfin toutes les causes qui produisent en nous quelque lésion, & les lésions elles-mêmes, peuvent produire la fievre ; mais la puissance de l’art ne s’étend pas jusqu’aux hetérogenes fébriles, lorsqu’ils sont confondus avec nos humeurs ; la nature seule a le pouvoir de les dompter dans les fievres continues ; la Medecine n’est capable que de remédier quelquefois aux dérangemens ou aux obstacles qui s’opposent à la défense de la nature, & qui peuvent la faire succomber.

Effets généraux de la fievre. L’expulsion, la propulsion plus prompte des liqueurs, l’agitation des humeurs qui sont en stagnation, le mélange, la confusion de toutes ensemble, la résistance vaincue, la coction, la secrétion de l’humeur digérée, la crise de la matiere qui en irritant & en coagulant, avoit produit la fievre, le changement des humeurs saines en une nature propre à supporter ce à quoi le malade étoit le moins accoûtumé, l’expression du pus liquide, l’épaississement du reste, la soif, la chaleur, la douleur, l’anxiété, la foiblesse, un sentiment de lassitude, de pesanteur, l’anorexie, sont les effets de la fievre.

Périodes de la fievre. On en distingue quatre périodes : son commencement, son augmentation, son état & son déclin ; mais comme ce sont des choses fort connues, passons aux différentes manieres dont la fievre se termine.

Terminaison de la fievre. La fievre se termine de trois manieres différentes ; ou elle cause la mort, ou elle dégénere en une autre maladie, ou elle se guérit.

La fievre cause la mort, lorsque les solides se détruisent par la violence qu’ils souffrent, ou lorsque le sang est tellement vicié, qu’il bouche les vaisseaux vitaux, ou ceux qui doivent porter de quoi réparer la déperdition. C’est ainsi que la fievre produit dans les visceres nobles, tels que le cœur, le poumon & le cervelet, l’inflammation, la suppuration, la gangrene, ou des aphtes dans les premieres voies.

Elle dégénere en une autre maladie, quand elle cause une si grande agitation, que les vaisseaux en sont endommagés, & qu’à force de dissiper les parties les plus fluides des humeurs, elle épaissit le reste ; ou quand elle n’a pas la force de résoudre par elle-même la matiere coagulée ; ou lorsqu’elle dépose la matiere critique dans certains vaisseaux obstrués, dilatés ou rompus. De-là des taches rouges, des pustules, des phlegmons, des bubons, la parotide, la suppuration, la gangrene, le sphacele, &c.

La fievre se guérit, 1°. toutes les fois qu’elle peut d’elle même dompter sa cause matérielle, la rendre mobile, & l’expulser par les voies de l’insensible transpiration ; il faut en même tems que son mouvement se calme, & que la circulation se rétablisse dans toute sa liberté : 2°. lorsque la matiere morbifique, domptée & devenue mobile, n’est pas parfaitement saine, de sorte qu’elle empêche l’égale distribution des fluides, & irrite les vaisseaux, ce qui occasionne quelqu’évacuation sensible, avec laquelle cette matiere est expulsée hors du corps ; comme par des sueurs, des crachats, des vomissemens, des diarrhées, & des urines qui surviennent après la coction : 3°. la matiere de la maladie domptée, résolue, devenue mobile par l’action de la fievre même, assimilée de nouveau aux humeurs saines, circule avec elles sans produire aucune crise, ni d’autres maux.

Pour bien connoitre la terminaison des fievres, il faut observer leur nature, leur commencement, & leur progrès.

Prognostics. Plus une fievre s’écarte de son cours ordinaire, & moins le présage devient favorable : d’un autre côté, moins il faut de tems pour résoudre la lenteur, & pour calmer l’irritation de l’accéleration du pouls, plus la fievre est douce & salutaire, & réciproquement au contraire. Toute fievre qui a été mal gouvernée, devient plus opiniâtre & plus difficile à guérir, que si elle eût été abandonnée à elle-même. Le malade dont la fievre se dissipe naturellement, aisément & sans remede, joüit pour lors d’une meilleure santé qu’au paravant.

On tire aussi différens présages de toutes les affections morbifiques qui peuvent accompagner la fievre ; par exemple, du spasme & de ses especes, du coma, du délire, de la prostration des forces, de la déglutition, de la respiration, de l’état du bas-ventre, des hypochondres, des lassitudes, des angoisses, de la chaleur, du froid, des tremblemens, des urines, du vomissement, du flux de ventre, des déjections sanguines & putrides, des sueurs, des pustules inflammatoires, des douleurs locales, des aphthes, &c. mais nous n’entrerons point dans ce détail qui est immense, & qui a été savamment exposé par M. Quesnay ; le lecteur peut y avoir recours.

Cure. Pour parvenir à la meilleure méthode de traiter toutes les fievres, & à leur cure générale, 1°. il faut pourvoir à la vie & aux forces du malade : 2°. corriger & expulser l’acrimonie irritante : 3°. dissoudre la lenteur & l’évacuer : 4°. calmer les symptomes.

On ménage la vie & les forces du malade par des alimens & des boissons fluides, aisés à digérer, qui résistent à la putréfaction, & qui sont opposés à la cause connue de la fievre : on donne ces alimens dans le tems & la quantité nécessaire ; ce qu’on regle sur l’âge du malade, son habitude, le climat qu’il habite, l’état & la véhémence du mal.

On corrige l’acrimonie irritante par les remedes opposés à cette acrimonie ; on l’expulse par les vomitifs, les purgatifs, ou de simples laxatifs. Si le corps irritant qui donne la fievre étoit étranger, on l’ôtera promptement. & on fomentera la partie lésée par des matieres mucilagineuses, douces, anodynes, un peu apéritives.

On dissout la lenteur par divers remedes, dont le principal est la fievre même, modérée, de façon à pouvoir dissiper la viscosité. On y parvient aussi en diminuant le volume du sang par la saignée, ou en augmentant son mouvement par des irritans. Enfin l’on rend aux matieres visqueuses leur fluidité par les diluans, les sels, les fondans & les frictions.

Quand on a détruit la cause fébrile, les symptomes ou accidens qui accompagnent la fievre cessent avec elle ; s’ils peuvent subsister avec la fievre sans danger, ils demandent à peine une cure particuliere. Quand ils viennent des efforts de la nature qui se dispose à une crise, ou à évacuer la matiere critique, il ne faut point les interrompre ; mais si ces symptomes arrivent à contre-tems, ou qu’ils soient trop violens, il faut les calmer par les remedes qui leur soient propres, ayant toûjours égard à la cause & à l’état de la fievre subsistante.

Semblablement la fievre trop violente, demande à être réprimée par la saignée, par l’abstinence, par une nourriture legere, par des médicamens doux, aqueux, glutineux, rafraîchissans ; par des lavemens, par des anodyns, en respirant un air un peu froid, & en calmant les passions. Si la fievre au contraire paroît trop lente, on animera son action par l’usage d’alimens & de boissons cordiales, par un air un peu chaud, par des médicamens acres, volatils, aromatiques, & qui ont fermenté ; par des potions plus vives, par des frictions, par la chaleur, par le mouvement musculaire.

Après tout, comme la fievre n’est qu’un moyen dont la nature se sert pour se délivrer d’une cause qui l’opprime, l’office du medecin ne consiste qu’à prêter à cette nature une main secourable dans les efforts de la secrétion & de l’excrétion. Il peut bien tempérer quelquefois sa véhémence, mais il ne doit jamais troubler ses opérations. Ainsi ne croyons pas avec le vulgaire, que la fievre soit un de nos plus cruels ennemis ; cette idée est absolument contraire à l’expérience, puisque de tant de gens attaqués de la fievre qu’ils abandonnent à elle-même, il en est peu qui y succombent ; & quand elle est fatale, il faut plûtôt rejetter l’évenement sur les fautes, ou la mauvaise constitution du malade, que sur la cruauté de la fievre.

Il est cependant très-vrai que dans plusieurs conjonctures, la fievre emporte beaucoup de personnes d’un tempérament fort & vigoureux ; mais il faut remarquer que c’est seulement, lorsque les affections morbifiques violentes, malignes, ou nombreuses, viennent à la fois troubler le méchanisme de la fievre, le surmontant, & en empêchant les opérations salutaires. On doit, ou on peut dire alors, que ces gens là sont morts avec la fievre, mais non pas de la main de la fievre ; car ce sont deux choses fort différentes.

Observations générales sur les divisions des fievres. La plus simple distinction des fievres est de les diviser en deux classes générales ; celle des fievres continues, & celle des fievres intermittentes ; car on peut rapporter sous ces deux classes toutes les especes de fievres connues.

La distinction la plus utile pour la pratique, consiste à démêler les fievres qui se guérissent par coction, d’avec celles qui ne procurent pas de coction ; car par ce moyen, les praticiens se trouveront en état de pouvoir diriger leurs vûes pour le traitement des fievres.

Mais la distinction la plus contraire à la connoissance de ce qui constitue essentiellement la fievre, c’est d’avoir fait d’une infinité d’affections morbifiques, de symptomes violens étrangers à la fievre, ou de maladies qui l’accompagnent, tout autant de fievres particulieres. L’assoupissement dominant, les sueurs continuelles, le froid douloureux, le frissonnement fréquent, la syncope, le frisson qui persiste avec le sentiment de chaleur, &c. ont établi dans la Medecine la fievre comateuse, la fievre sudatoire, la fievre algide, la fievre horrifique, la fievre syncopale, la fievre épiole, &c.

C’est encore là l’origine de toutes les prétendues fievres nommées putrides, pourpreuses, miliaires, contagieuses, colliquatives, malignes, diarrhitiques, dyssentériques, pétéchiales, &c. car on a imputé à la fievre même, la pourriture, les taches pourprées, les éruptions miliaires, l’intection contagieuse, les colliquations, la malignité, les cours de ventre, le flux de sang, les pustules, &c.

Cependant l’usage de toutes ces fausses dénominations a tellement prévalu, que nous sommes obligés de nous y conformer dans un Dictionnaire encyclopédique, pour que les lecteurs y puissent trouver les articles de toutes les fievres qu’ils connoissent uniquement par leurs anciens noms consacrés d’âge en âge ; mais du moins en nous pliant à la coûtume, nous tâcherons d’être attentifs à déterminer le sens qu’on doit donner à chaque mot, pour éviter d’induire en erreur ; & si nous l’oublions dans l’occasion, nous avertissons ici une fois pour toutes, qu’il ne faut point confondre les symptômes étrangers à la fievre, ou les affections morbifiques & compliquées qui peuvent quelquefois l’accompagner, avec les symptomes inséparables qui constituent l’essence de la fievre, qui ont été mentionnés au commencement de cet article.

Auteurs recommandables sur la fievre. Ma liste sera courte. Si par hasard, & je ne puis l’imaginer, quelqu’un ignoroit le mérite de la doctrine & des présages d’Hipocrate sur les fievres, il l’apprendra par les commentaires de Friend de febribus, & par le petit ouvrage du docteur Glass.

Le petit livre de Lommius, qui parut pour la premiere fois en 1563 in-8o . sera toûjours loüé, goûté, & lû des praticiens avec fruit.

Sydenham est jusqu’à ce jour un auteur unique par la vérité & l’exactitude de ses observations sur les fievres dans les constitutions épidémiques.

Hoffman a donné sur les fievres un traité complet, & rempli d’excellentes choses puisées dans la pratique & dans la lecture des plus grands maîtres de l’art ; c’est dommage qu’il ait infecté son ouvrage d’opinions triviales, qui rendent sa théorie diffuse, & sa pratique très-défectueuse.

Boerhaave au contraire, toûjours sûr de sa marche, évitant toûjours les opinions & les raisonnemens hasardés, démêlant habilement le vrai du faux, le principal de l’accessoire, a sû le premier se frayer le chemin de la vérité ; c’est lui qui a découvert la cause réelle du méchanisme de la fievre, & par conséquent celle de la bonne méthode curative. Tenant d’une main les écrits d’Hippocrate, & portant de l’autre le flambeau du génie, il a démontré que ce méchanisme s’exécute par l’action accélérée des arteres, qui fait naître & entretient l’excès de chaleur qui constitue l’essence de la fievre. Lisez les aphorismes de ce grand homme, avec les beaux commentaires du docteur Vanswieten.

Enfin en 1754 M. Quesnay a prouvé, que puisque l’action accélérée des arteres & l’action de la chaleur constituent ensemble le méchanisme de la fievre, il faut considérer ensemble ces deux choses, pour comprendre toute la physique de cette maladie. Voyez son excellent traité des fievres en 2 vol. in-12.

Je me suis particulierement nourri des écrits que je viens de citer, & j’ai tâchai d’en saisir les vûes, les idées & les principes.

Fievre acritique. On entend par fievre acritique ou non critique, toute fievre continue qui ne se termine point par coction, ou par une crise remarquable. Il y a diverses especes de maladies aiguës accompagnées de fievres non critiques ; telles sont les fievres spasmodiques d’un mauvais caractere, les fievres compliquées d’inflammation, de sphacele, de gangrene, les fievres pestilentielles, & autres semblables.

Les fievres acritiques, comme toutes les autres fievres, reconnoissent différentes causes, entr’autres celle des matieres corrompues dans les premieres voies, & mélées dans la masse des humeurs circulantes.

Les prédictions sont très-infideles dans les fievres acritiques ; parce qu’il n’y a point de méthode réglée, distincte, & précise, pour en diriger le prognostic. Ce n’est pas ordinairement dans les maladies que la nature dompte elle même, que le ministere du medecin est fort nécessaire ; c’est dans celles qu’elle ne peut vaincre en aucune maniere, où des medecins suffisamment instruits seroient fort utiles, & où les ressources de l’art seroient essentielles : mais malheureusement de tels medecins n’ont été que trop rares dans tous les tems.

Fievre aigue, febris acuta, se dit de toute fievre qui s’étend rarement au-delà de 14 jours, mais dont les accidens viennent promptement, & sont accompagnées de dangers dans leur cours ; cette fievre est épidémique ou particuliere à tel homme.

La contraction du cœur plus fréquente, & la résistance augmentée vers les vaisseaux capillaires, donnent une idée absolue de la nature de toute fievre aiguë : or l’une & l’autre de ces deux choses peuvent être produites par des causes infinies en nombre & en variétés, & arriver ensemble ou l’une après l’autre.

Les symptomes de la fievre aiguë particuliere, sont le froid, le tremblement, l’anxiété, la soif, les nausées, les rots, le vomissement, la débilité, la chaleur, l’ardeur, la sécheresse, le délire, l’assoupissement, l’insomnie, les convulsions, les sueurs, la diarrhée, les pustules inflammatoires.

Si ces symptomes arrivent à contre-tems ; s’ils se trouvent en nombre ; s’ils sont si violens qu’il y ait lieu de craindre pour la vie du malade, ou qu’il ne puisse les supporter ; s’ils le menacent de quelque accident funeste, il faut les adoucir, les calmer chacun en particulier par les remedes qui leur sont propres, & conformément aux regles de l’art : mais comme les commencemens, les progrès, l’état, la diminution, la crise, le changement, varient extrèmement dans les fievres aiguës ; ils demandent par conséquent une méthode curative très-variée, toûjours relative aux différentes causes & à l’état de la maladie. En général, la saignée, les antiphlogistiques internes, conviennent. Voyez Fievre ardente.

Toutes les fievres aiguës qui affectent de produire une inflammation particuliere dans tel ou tel organe, & qui en lesent la fonction, forment la classe des maladies aiguës, dont chacune est traitée à son article particulier. Voyez Maladie aigue.

Fievre algide, febris algida ; ce n’est point une fievre particuliere, c’est simplement une affection morbifique qui se trouve quelquefois avec la fievre continue, & qui consiste dans un froid perpétuel & douloureux.

La fievre algide existe 1°. quand la matiere fébrile est tellement abondante qu’elle opprime les forces de la vie ; 2°. quand l’action vitale n’est pas capable de produire la chaleur qui devroit suivre le frisson ; 3°. quand les humeurs commencent à se corrompre.

Les remedes sont de diminuer l’abondance de la matiere fébrile, & de la détruire ; 2°. de ranimer les forces languissantes ; 3°. de corriger les humeurs : si elles sont putrides ; par exemple, on usera des anti-septiques échauffans ; en un mot, on opposera les contraires. Au reste, le froid douloureux & continuel d’une fievre aiguë présage le danger, ou du moins la longueur de la maladie. Voyez Fievre horrifique.

Fievre ardente, causus, καυστὸς de καίω, brûler ; fievre aiguë, continue, ou rémittente, ainsi nommée de la chaleur brûlante, & d’une soif insatiable qui l’accompagne : c’est l’idée générale qu’en donnent nos auteurs modernes.

Tous les anciens s’accordent également à regarder ces deux symptomes comme les causes pathognomiques du causus ; c’est pourquoi ils l’ont aussi appellé fievre chaude & brûlante. Voyez la maniere dont en parle Hippocrate dans son livre de affectionibus : voyez encore Arétée, liv. II. des maladies aiguës, chap. jv. mais voyez sur-tout la description étendue & détaillée de l’exact Lommius ; tout ce qu’il en dit dans ses observations est admirable : aussi la fievre ardente mérite-t-elle un examen très-particulier, parce qu’elle est fréquente, dangereuse, & difficile à guérir.

Symptomes. Ses symptomes principaux sont une chaleur presque brûlante au toucher, inégale en divers endroits, très-ardente aux parties vitales ; tandis qu’aux extrémités elle est souvent modérée, & que même quelquefois elles sont froides : cette chaleur du malade se communique à l’air qui sort par l’expiration. Il y a une sécheresse dans toute la peau, aux narines, à la bouche, à la langue, au gosier, aux poumons, & même quelquefois autour des yeux : le malade a une respiration serrée, laborieuse, fréquente ; une langue seche, jaune, noire, brûlée, âpre, ou raboteuse ; une soif qu’on ne peut éteindre & qui cesse souvent tout-à-coup ; un dégoût pour les alimens, des nausées, le vomissement, l’anxiété, l’inquiétude ; un accablement extreme, une petite toux, une voix claire & aiguë ; l’urine en petite quantité, acre, très-rouge ; la déglutition difficile, la constipation du ventre ; le délire, la phrénésie, l’insomnie, le coma, la convulsion, & des redoublemens aux jours impairs. Telle est la fievre ardente dans toute sa force.

Ses causes. Elle a pour causes un travail excessif, un long voyage, l’ardeur du soleil, la respiration d’un air sec & brûlant, la soif long-tems soufferte, l’abus des liqueurs fermentées, aromatiques, acres, échauffantes, celui des plaisirs de l’amour, des études poussées trop loin ; en un mot, tout excès qui tend à priver le sang de sa lymphe, à l’épaissir, & à l’enflammer. Cette même fievre peut être causée par des substances fort corrompues, telles que la bile dépravée dans la vésicule du fiel, & rendue très-acre. Enfin elle est produite par la constitution épidémique de l’air dans les pays chauds.

La fievre ardente symptomatique procede de l’inflammation du cerveau, des méninges, de la plevre, du poumon, du mésentere, &c.

Son cours & ses effets. On en meurt souvent le troisieme & le quatrieme jour ; on passe rarement le septieme, lorsque le causus est parfait. Il se termine quelquefois par une hémorrhagie abondante, & qui est annoncée par une douleur à la nuque, par la pesanteur & la tension des tempes, par l’obscurcissement des yeux, par la tension des parties précordiales sans douleurs, l’écoulement involontaire des larmes, sans autres signes mortels, la rougeur du visage, le prurit des narines. La fievre ardente se termine semblablement aux jours critiques par le vomissement, le cours de ventre, le flux des hémorroïdes, les urines abondantes avec sédiment, les sueurs, les crachats épais, une forte transpiration universelle.

Prognostics. C’est un fâcheux présage dans la fievre ardente, si l’hémorrhagie survient le troisieme ou quatrieme jour avec trop de médiocrité ; le redoublement qui arrive un jour pair avant le sixieme, est très mauvais. L’urine noire, tenue, & qui sort en petite quantité, menace la vie : le crachement & le pissement de sang sont mortels. La difficulté d’avaler est un très-mauvais signe : le froid aux extrémités est pernicieux. La rougeur du visage, & la sueur qui en sort, sont d’un sinistre présage : la parotide qui ne vient point à suppuration, est mortelle. La diarrhée trop abondante fait périr le malade : les mouvemens convulsifs annoncent le délire, & ensuite la mort. On peut former le même présage si les forces diminuent, si la respiration est continuellement embarrassée, s’il y a une douleur aiguë permanente à l’une des oreilles, si la soif vient à cesser, quoique la fievre continue dans toute sa violence, si le bas-ventre s’enfle, & s’il se fait une éruption de pustules gangréneuses par tout le corps. Voyez Lommius.

La fievre ardente qui dégenere en colliquation, produit une diarrhée fétide, le pissement de sang, la tympanite, la péripneumonie accompagnée de délire, des tremblemens, des frissons, des convulsions, & des sueurs froides qui emportent le malade.

Toutes ces choses bien examinées, on peut connoître la cause immédiate de la fievre chaude, qui n’est en effet qu’un sang dépouillé de ses parties les plus douces & les plus liquides : en un mot, une inflammation universelle produite par la trop grande force des solides & des fluides.

Cure. L’ardeur extrème du causus indique l’usage de la saignée au commencement de la maladie, & la répétition de ce remede, s’il y a des marques de pléthore, d’inflammation violente, d’une chaleur insupportable, d’une raréfaction excessive, & des symptomes pressans qui ne cedent point aux autres secours de l’art.

L’air doit être pur, froid, renouvellé, les couvertures legeres, le corps souvent élevé, la boisson abondante, aqueuse, chaude, adoucissante, antiphlogistique. Telles sont les aigrelets, l’esprit de soufre, le nitre, le crystal minéral, le petit-lait ; car il ne faut pas des réfrigérans qui ralentissent l’action organique des vaisseaux. Les lavemens seront anodyns, délayans, laxatifs, & anti-phlogistiques.

Il faut humecter tout le corps, déterminer dans les narines la vapeur de l’eau chaude, gargariser la bouche & le gosier, laver les piés & les mains dans l’eau tiede, fomenter avec des éponges trempées dans l’eau chaude, les parties où il y a plusieurs vaisseaux qui présentent bien leurs surfaces ; employer les médicamens aqueux, doux, nitrés, d’une agréable acidité, qui lâchent très-doucement le ventre, qui poussent par les urines & les réparent, qui servent de véhicule à la sueur par leur quantité, & non par aucune acrimonie, & qui enfin relâchent toute la contraction des fibres, dissolvent les liqueurs épaissies, les délayent & les corrigent.

Observations de pratique. 1o. Il est bon d’observer que les fievres ardentes, fort aiguës, & accompagnées de symptomes dangereux, sont souvent compliquées de quelque inflammation intérieure qui dégénere souvent en gangrene. Alors la cure ordinaire des inflammations réussit rarement ; & l’art a très peu de ressources contre une maladie si funeste.

2o. Il y a des fievres ardentes simples qui finissent au premier septenaire, & d’autres s’étendent jusqu’au second : les premieres n’ont pas besoin pour leur guérison d’une coction parfaitement purulente ; elles peuvent être terminées par une crise, qui est annoncée, comme le dit Hippocrate, par un nuage rouge dans les urines ; souvent aussi la maladie se termine alors par une hémorrhagie du nez. Il n’en est pas de même de la fievre ardente, qui s’étend jusqu’au quatorzieme jour, car elle cesse par une coction parfaitement purulente : dans ces dernieres, le tartre stibié délayé dans beaucoup d’eau, & distribué en plusieurs prises, est un des purgatifs les plus avantageux & les plus sûrs, parce qu’il ne laisse après lui aucune impression fâcheuse à l’estomac ni aux intestins ; mais il faut s’en abstenir lorsque les premieres voies sont évacuées.

3o. La connoissance des fievres ardentes & de leur traitement, répand un grand jour sur toutes les fievres aiguës particulieres ; car elles ne sont que des symptomes ou des effets d’une autre maladie aiguë.

Fievre asode, febris asodes, fievre continue ou remittente compliquée, accompagnée d’inquiétudes, d’agitations, d’anxiétés, de dégoûts, de nausées, & de vomissemens : ἀσώδεις πυρετοὶ désigne dans plusieurs endroits d’Hippocrate, toutes fievres accompagnées d’agitations & d’anxiétés extrèmes. Galien ajoûte que de tels malades sont nommés ἀσώδεις pour deux raisons ; la premiere, quand ils ont des mouvemens très-inquiets ; la seconde, quand leur estomac est picoté par des humeurs corrompues.

Causes. Les principales causes de la fievre asode sont la dépravation de la bile, la putridité des humeurs circulantes retenues dans les premieres voies, quelque inflammation ou autre maladie du ventricule & des visceres voisins.

Prognostic. Cette fievre est dangereuse, parce qu’elle trouble le repos & le sommeil, empêche l’usage des médicamens, intercepte celui des alimens, ou en corrompt la qualité, enflamme le sang, abbat les forces ; & dans une longue durée, produit nécessairement la sécheresse, l’atrophie, le dépérissement, les convulsions, la mort.

Cure. La méthode curative consiste à expulser les humeurs corrompues, en corriger la nature par des nitreux, des acides agréables legerement astringens ; dériver la matiere métastatique, appaiser les mouvemens troublés de l’estomac par des narcotiques, & appliquer sur la partie affectée des fomentations, des épithèmes, des cataplasmes relâchans, émolliens, anodyns.

Fievre bilieuse, fievre aiguë qui doit son origine, soit à la surabondance, soit aux dépravations de la bile dispersée contre nature dans la masse des humeurs circulantes, ou extravasée dans quelqu’un des visceres.

Les anciens appelloient bilieuse la fievre ardente, causum, parce qu’ils supposoient qu’elle étoit produite par une bile chaude & vicieuse ; mais les modernes ont sagement distingué ces deux fievres, parce qu’elles ont effectivement des différences caractéristiques, quoiqu’elles ayent des symptomes communs. Voyez Fievre ardente.

Ses signes. Les symptomes de la fievre purement bilieuse sont très-nombreux ; & ce qui est singulier, je les trouve presque rassemblés dans un seul passage d’Hippocrate, de medicina veteri. Les voici néanmoins encore plus exactement : le dégoût, la nausée, de fréquentes & vives anxiétés, l’oppression, la cardialgie, le gonflement de l’estomac & du bas-ventre, la constipation, des tranchées, des tiraillemens d’entrailles, une chaleur douloureuse par tout le corps, une soif intolérable, des urines claires & hautes en couleur, sans sédiment ; la sécheresse de la bouche & de la langue, avec un sentiment d’amertume ; des douleurs dans le dos, l’ardeur du gosier, le blanc des yeux & quelquefois tout le corps couvert de jaunisse. Ajoûtez à ces marques, des toux convulsives, le hoquet, des maux de tête insupportables, l’insomnie, le délire, une foiblesse extrème dans tous les membres, des tremblemens & des spasmes dans les jointures, des défaillances fréquentes.

Mais les symptomes caractéristiques de cette fievre, sont des efforts pour vomir, suivis de vomissemens d’une bile acre, caustique, qui en sortant ulcere le gosier, & qui en tombant sur la pierre, fait souvent une effervescence, comme l’eau-forte. Si le vomissement s’arrête, il lui succede une diarrhée bilieuse, avec tenesme, & quelquefois les déjections de la bile se font également par haut & par bas.

Causes. L’abus immodéré des alimens gras, putrescens, chauds, aromatisés, sur-tout dans les grandes chaleurs, & dans le tems que le sang est dans un mouvement excessif, sont les causes les plus fréquentes des fievres de cette nature ; de-là vient qu’elles attaquent les personnes sanguines-bilieuses, celles qui se nourrissent de mets fortement épicés, qui boivent une grande quantité de liqueurs mal fermentées, & qui tombent dans des passions violentes après de pareils excès. Le balancement d’un vaisseau suffit seul pour jetter tout-d’un-coup dans l’estomac une bile étrangere, porracée & érugineuse, sans qu’on ait guere pû jusqu’à ce jour expliquer ce phénomene. De plus, la jaunisse se répand dans tout le corps par la seule constriction des conduits biliaires qui aboutissent au duodenum ; & quelquefois de grands accès de colere suffisent pour former l’expulsion de la bile dans cet intestin, d’où elle passe dans la masse du sang, & y produit des symptomes terribles. La bile verdâtre épanchée aux environs du foie, dit Hippocrate, est la cause fréquente des fievres qui naissent dans l’intérieur du corps humain.

Enfin, comme la dépravation de la bile, les couleurs étrangeres de cette humeur, & la fievre qui en résulte, peuvent être produites par le spasme seul, qui est capable de pervertir en un moment les sucs bilieux les plus loüables, on doit être attentif à démêler si un tel état a causé le spasme, ou si le spasme a été la cause de cet état, afin de ne pas tirer de fausses inductions pour le prognostic, ou par rapport à la pratique.

Prognostics. Cette fievre, soit qu’elle procede du mouvement excessif, de la surabondance, ou de la qualité dépravée de la bile, menace la vie de péril, si l’on n’entreprend pas à tems d’y remédier par le secours de l’art ; car c’est ici que la nature en a un besoin indispensable, parce que la force & la durée de la fievre augmentent extrèmement les ravages de l’humeur bilieuse dont elle émane.

La plus heureuse tournure que cette fievre puisse prendre, est de se porter à une évacuation prompte & abondante de la matiere viciée, & d’y parvenir par le vomissement, plûtôt encore que par les selles. Quand les efforts pour vomir sont excessifs & avec peu d’effet, le malade ne manque guere d’éprouver un hoquet douloureux, des spasmes, & des défaillances qui en sont les suites. Quand au contraire les vomissemens sont aisés & abondans, que de plus la bile rejettée est d’une assez bonne qualité, on a raison d’espérer favorablement de l’issue de la maladie ; mais si le délire subsiste long-tems & avec violence, le péril est considérable ; il est extrème, si les douleurs, l’anxiété, l’oppression, la chaleur brûlante, sont tout-d’un-coup suivies de l’abattement des esprits, du froid & des convulsions.

Cure. La méthode curative doit tendre nécessairement à provoquer l’évacuation de la bile vicieuse, à adoucir son âcreté, à abattre la chaleur, & les symptomes qui en sont les effets.

On provoquera l’évacuation de la matiere morbifique par de doux vomitifs, tels que la camomille, le tartre stibié en petites doses souvent répetées, & l’on en continuera l’usage tant que l’on appercevra dans les évacuations une bile fort jaune, verte, brune ou sanguinolente. Si le flux de la bile se fait par la voie des selles, on l’aidera puissamment par les décoctions laxatives de pruneaux, ou autres, jusqu’à ce que l’évacuation de la bile morbifique ait été complete. Après les évacuations suffisantes par haut ou par bas, on calmera le mouvement antipéristaltique de l’estomac & des intestins, par des parégoriques ou des calmans.

On adoucira l’âcreté de la bile par les diluans nitrés, les sels neutres, les lubréfians, le petit-lait, les aigrelets, les émulsions legeres, acidulées, prises fréquemment, & modérément chaudes. Les absorbans qui ne sont pas astringens, mêlés avec le nitre, peuvent être quelquefois utiles.

On abattra la chaleur fébrile, & les symptomes qui en dépendent, par l’usage des mêmes remedes. On arrêtera les gonflemens du ventricule après les vomissemens, en appliquant sur le creux de l’estomac des linges trempés dans de l’esprit-de-vin camphré. Enfin dans les spasmes, qui procedent uniquement de la mobilité des esprits, on usera d’anti-spasmodiques convenables.

Observations de pratique. Suivant les observations des praticiens éclairés, les huileux, les acres, les volatils & tous les échauffans, changent une fievre bilieuse en inflammatoire. Les sudorifiques portent la matiere morbifique dans le sang, & le privent de sa lymphe. La saignée, faite même au commencement de la maladie, ne convient cependant que dans les constitutions sanguines-pléthoriques, & lorsqu’on voit une grande raréfaction du sang qui circule dans les vaisseaux.

Les fievres bilieuses regnent beaucoup plus fréquemment dans les pays chauds que dans les pays froids : celles qu’on voit si communément dans les armées, y sont d’ordinaire épidémiques, & l’on ne doit pas s’en étonner ; la même nourriture, les mêmes mouvemens, & le même air qu’on respire, expliquent ce phénomene. L’on comprend par les mêmes raisons, que parmi des troupes perpétuellement exposées au soleil, à des marches forcées, & à des campemens dans toutes sortes de terreins, la bile se trouvant alors nécessairement en plus grande quantité, & plus acre que de coûtume, doit produire ces fievres bilieuses ce l’automne, qui emportent plus de monde que les batailles les plus sanglantes. M. Pringle en a fait un chapitre particulier dans ses observations su-les maladies d’armées, j’y renvoye le lecteur.

Fievre cacochymique, febris cacochymica, fievre lente, legere, intermittente ou remittente, d’ordinaire erratique, rarement continue quand elle est simple.

Elle a pour cause principale une abondance d’humeurs crûes, qui se sont corrompues par leur stagnation suivie de la chaleur.

Ceux que cette fievre attaque, éprouvent de fréquens frissons, suent beaucoup, rendent des urines jaunes, chargées, lesquelles déposent un sédiment considérable qui présage la guérison.

Il faut donc aider l’atténuation des humeurs cruës, procurer leur expulsion par les apéritifs & les laxatifs ; enfin fortifier le corps par l’exercice, les stomachiques & les corroborans. Voyez Cachexie.

Fievre catarrheuse, fievre secondaire ou symptomatique, par le secours de laquelle la nature, en augmentant le mouvement des solides & des fluides, s’efforce de corriger la qualité viciée de la lymphe, de se débarrasser de la surabondance de cette lymphe, & de la chasser hors du corps d’une maniere critique & salutaire.

Ses symptomes. Cette fievre attaque ordinairement le soir avec continuité ou rémission. Ses symptomes, quand elle est très-grave, sont des frissonnemens suivis de chaleur, un pouls fréquent & petit, l’enrouement, la pesanteur de tête plus foible que douloureuse, la lassitude par tout le corps, la soif, la difficulté d’avaler, le dégoût, une chaleur dans la gorge, un picotement dans le larynx ; un sommeil interrompu, suivi le matin d’engourdissement ; l’augmentation du pouls ; les urines enflammées, troubles, couvertes au-dessus d’une pellicule blanchâtre, & déposant au fond du vaisseau un sédiment briqueté. A ces symptomes succedent l’oppression, des sueurs nocturnes abondantes, des douleurs dans les hypochondres & dans les reins ; la strangurie, qui se termine par une évacuation critique & copieuse d’urine ; quelquefois des nausées, des vomissemens, la constipation, les tranchées, & le cours de ventre salutaire qui les accompagne.

Quand l’acrimonie séreuse est seulement logée dans les organes de la respiration & de la membrane pituitaire, elle produit une fievre legere, avec alternative de frissons & de petites chaleurs plus mordicantes qu’ardentes ; l’enchiffrenement, la douleur de tête, les yeux larmoyans, gonflés ; les narines rouges, qui laissent écouler une sérosité acre & corrosive ; l’éternuement, l’enflure du nez & des levres, la respiration un peu difficile ; la toux, les crachats qui se cuisent insensiblement, se détachent, & annoncent la fin de la maladie.

Causes. La cause immédiate, est une lymphe abondante & acre qui, dispersée par tout le corps, ou logée dans les tuniques glanduleuses, suscite une inflammation accompagnée de douleur, de tumeur & de rougeur. Cette sérosité est principalement produite par le défaut ou par la suppression de transpiration, quelle qu’en soit la cause ; d’où il arrive que cette fievre se manifeste davantage dans les vicissitudes considérables de tems, & principalement aux équinoxes.

Il se trouve aussi quelquefois dans l’air une matiere subtile & caustique qui s’insinue par le moyen de l’inspiration dans le corps humain, où elle excite promptement une fievre catarrhale, qui est d’ordinaire épidémique, & quelquefois contagieuse.

Prognostics. Plus la quantité de lymphe acre est grande, plus les symptomes sont violens, & plus la maladie est longue. La simple fievre catarrhale s’en va communément d’elle-même, sans le secours de l’art ; mais elle peut devenir fâcheuse par de mauvais traitemens, & dans des constitutions particulieres. Plus elle s’éloigne de sa douceur naturelle, plus l’inflammation est considérable, & plus on doit craindre que les visceres n’en souffrent. Son meilleur signe est une résolution journaliere & une dissipation successive de la matiere morbifique.

Cette maladie se termine par une expectoration abondante des bronches pulmonaires par les sueurs, les selles, les urines, ou l’excrétion de sérosité muqueuse par le nez.

Cure. Il faut se proposer, 1°. de corriger & d’émousser l’acrimonie de la lymphe ; 2°. de rétablir la transpiration, dont l’interruption a produit la fievre ; 3°. d’évacuer les humeurs visqueuses, & d’en prévenir la formation pour l’avenir.

On corrigera l’acrimonie de la lymphe par les substances onctueuses, comme les émulsions, les bouillons de navets, les gruaux, les tisannes d’orge mondé, avec de la rapure de corne de cerf, des raisins, & de la réglisse. On divisera la sérosité glutineuse par les incisifs, tels que la racine d’aunée, de pimprenelle & de dompte-venin infusées ensemble, ou autres semblables ; par les sels neutres, tels que le nitre & le tartre vitriolé. On peut en particulier atténuer la lymphe qui est en stagnation dans les cavités des narines, par le sel volatil ammoniac sec, imprégné de quelques gouttes d’huile de marjolaine ; on seconde les excrétions par des infusions chaudes, & des poudres diaphorétiques. On procure l’évacuation de la lymphe visqueuse qui séjourne dans les glandes de la gorge, par les pectoraux.

On calmera la toux par des parégoriques, les pilules de styrax ou de cynoglosse. Le ventre doit être tenu ouvert par de fréquentes boissons de liqueurs émollientes, par des lavemens, par des décoctions de manne, de pruneaux & de raisins. Si l’on soupçonne quelqu’inflammation dans les parties internes, les émulsions seront nitrées. Un de nos modernes donne la cure de la fievre catarrhale en deux lignes : acre tenue concoquendum hypnoticis, condiendum resinosis, evacuandum diaphoreticis & diureticis.

Observation de pratique. Les Medecins ont observé de tout tems que les personnes d’un tempérament phlegmatique & sanguin, les enfans, les filles & les femmes, sont beaucoup plus sujets aux fievres catarrhales, que les hommes & les adultes d’un tempérament fort & sec. Hippocrate avoit dit autrefois (Epidem. liv. VI. sect. iij.) que l’enrouement, les maux de tête & les migraines, sont emportés par une fievre catarrhale qui leur succede : c’est aussi ce que l’expérience journaliere apprend tous les jours aux praticiens.

Pour ce qui regarde la fievre maligne catarrhale, comme elle est plus connue sous le nom de fievre pétéchiale, voyez Fievre pétéchiale.

Fievre cathartique ou diarrhétique : fievre continue, accompagnée de flux de ventre très-opiniâtre. Comme elle fait les plus grands ravages dans les villes & dans les camps, je me propose d’en parler avec toute l’étendue qu’elle mérite.

Causes. Il y a dans les fievres continues un grand nombre d’especes de flux de ventre, tant par rapport à la matiere & à la cause, que par rapport aux effets & à l’évenement, & par conséquent il en résulte, que le medecin y doit donner toute son attention pour bien traiter ce genre de maladies.

Le flux de ventre qui accompagne cette fievre, vient quelquefois d’un hétérogène qui agit sur les intestins par une forte irritation, & qui cause à-peu-près les mêmes effets que ceux que produisent de puissans purgatifs. Quelquefois cet hétérogène est répandu dans la masse des humeurs, & entretient un flux de ventre, en excitant continuellement l’action des excrétoires des intestins ; d’autres fois il réside, du moins en partie, dans les premieres voies, sur-tout dans la vésicule du fiel ; car la bile elle-même peut se dépraver & devenir purgative, & même un purgatif fort irritant : elle peut aussi recevoir de la masse des humeurs un suc vicieux & irritant, qui se mêle & séjourne avec elle, & qui lui communique ses mauvaises qualités, ensorte qu’il entretiendra le flux de ventre, en s’écoulant continuellement dans les intestins : si une telle bile est successivement refournie à la vésicule par la masse du sang, elle perpétuera la diarrhée : il paroît que de pareils flux de ventre sont toûjours accompagnés d’une sorte de dissolution des humeurs, & que c’est une acrimonie qui les produit par irritation, & qui est dans le cas présent la cause de la dissolution.

Ses effets. Si le flux de ventre fébrile dure longtems, il dispose de plus en plus les visceres de l’abdomen à la même maladie ; il les affoiblit, les excorie, les enflamme, vuide, épuise le reste des visceres & des vaisseaux : d’où naissent la maigreur, l’atrophie, la débilité, la dyssenterie, l’épaississement des fluides dans toute l’habitude du corps, le relâchement des solides, la perte des parties fluides, la leucophlegmatie, l’hydropisie, la consomption, & la mort.

Cure. La cure de ce mal en général consiste à adoucir l’acreté qui fait irritation ; à l’évacuer par des émétiques, des purgatifs, des lavemens ; à raffermir les parties lâches, à calmer l’impétuosité des liqueurs par des narcotiques, à déterminer la matiere morbifique d’un autre côté par les sueurs ou par les urines, à l’expulser après en avoir corrigé la premiere source.

Mais M. Vanswieten, mon ancien maître & mon ami (je supprime ses titres & ses qualités) a détaillé cette cure avec tant de savoir & d’intelligence dans ses comment. sur Boerhaave § 722, que je crois en devoir donner ici le précis, pour n’en pas faire un renvoi.

Lorsqu’on soupçonne qu’une diarrhée ou dyssenterie est entretenue par des matieres irritantes, retenues dans les premieres voies, les saignées proportionnées à l’irritation, les émétiques, les purgatifs, les lavemens, & une boisson délayante très-abondante, sont les remedes les plus prompts & les plus sûrs pour enlever la cause de cette maladie : souvent on est obligé de faire vomir & de purger plusieurs fois, pour détacher & évacuer totalement cette matiere, qui, quoiqu’en petite quantité, peut encore causer des irritations douloureuses ; ainsi, ce n’est pas uniquement par la quantité des matieres que les émétiques ou les purgatifs évacuent, qu’on doit juger de la nécessité de répéter les purgations ; c’est encore par l’irritation qui excite le flux de ventre, & qui marque la mauvaise qualité de la matiere irritante ; aussi arrive-t-il souvent, comme le dit Sydenham, que de très-petites évacuations, procurées par l’art, ont été suivies d’un soulagement remarquable.

Les lavemens à demi-dose de liquide, rendus purgatifs, en y doublant ou triplant la dose des purgatifs, à laquelle on prescrit ces purgatifs intérieurement, sont employées avec succès. On doit avoir recours aux narcotiques ou calmans, après chaque purgation ; sur-tout lorsque l’irritation est un peu remarquable : & quand elle fait craindre l’inflammation, on ne doit pas négliger les saignées. Lorsque la matiere irritante réside seulement dans les premieres voies, la méthode que nous venons d’exposer, a un succès plus prompt que dans le cas suivant.

Si c’est la bile retenue dans la vésicule qui est dépravée, & qui entretient le flux de ventre, on ne peut guere enlever cette cause que par le secours des émétiques, qui en excitant le vomissement, compriment la vésicule de la bile, & expulsent cette humeur dans les intestins, d’où elle est évacuée par le vomissement & par la voie des selles. On doit en différens jours répeter les émétiques, soit le tartre stibié, soit l’ipécacuanha, tant que l’on apperçoit dans les évacuations une bile fort jaune, ou verte, ou brune, ou sanguinolente ; car elle est par elle-même un signe manifeste de la véritable cause de l’irritation & de la diarrhée. Si elle est fort irritante, les lubréfians, le petit-lait, la décoction de pruneaux, les aigrelets, sont indiqués pour en corriger l’acrimonie, en attendant que l’on soit parvenu à l’évacuer totalement. On peut aussi. dans la même vûe, ordonner le petit-lait pour boisson ordinaire.

Les farineux & les absorbans qui ne sont pas astringens, telles que les poudres de coquilles d’œufs & d’yeux d’écrevisses, mêlés avec le nitre, peuvent être aussi de quelque utilité ; mais le principal objet de la cure consiste à obtenir, par les vomitifs, l’évacuation complette de la bile irritante, sur-tout de celle qui est dépravée dans la vésicule ; il ne faut pas négliger de prescrire, entre les purgations, l’usage des parégoriques, afin de modérer l’irritation de la cause de la maladie, & de s’opposer au spasme, qui peut être excité par les évacuations. Voyez Fievre bilieuse.

Les mauvaises déjections qu’on observe dans ces diarrhées fébriles, indiquent la nécessité de réitérer les purgations ; mais dans ce cas, il faut prendre garde si la diarrhée n’est point spasmodique, afin d’appaiser le spasme qui en est la cause ; quelquefois encore les inflammations des visceres du bas-ventre produisent de pareilles diarrhées, & il faut convenir que ces différentes causes sont difficiles à démêler sans beaucoup d’attention & de discernement.

Si le flux de ventre dans cette espece de fievre est procuré par une cause irritante, répandue dans la masse des humeurs qui se mêlent avec la bile filtrée par le foie, & avec les sucs qui passent par les couloirs de l’estomac & des intestins, les purgatifs & les vomitifs sont encore indiqués, parce que la bile de la vésicule du fiel est chargée de l’hétérogene qui entretient le flux de ventre, & que ce réservoir seroit une source intarissable qui perpétueroit la diarrhée fébrile : mais cette source seroit difficile à détruire, si on ne s’appliquoit pas à détourner vers d’autres voies l’hétérogène répandu dans la masse des humeurs : ainsi, outre les émétiques & les purgatifs, les diurétiques & les diaphorétiques peuvent être employés utilement avec les premieres purgations.

L’usage des narcotiques, mêlés aux diaphorétiques, est très-avantageux, parce que les narcotiques facilitent par eux-mêmes la transpiration, & moderent l’irritation des premieres voies ; ainsi ils contribuent beaucoup avec les diaphorétiques, à procurer une diversion favorable.

On redoute les astringens dans les premiers tems de ces diarrhées fébriles ; mais lorsqu’elles trainent en longueur, & qu’on a employé avec discernement les remedes dont nous venons de parler, ils ont souvent un très-bon succès, même dans les dyssenteries opiniâtres : le plus sûr, lorsqu’on a recours à ces remedes, est de prescrire d’abord les astringens absorbans, qui favorisent la transpiration ; tels sont le diaphorétique minéral, la corne de cerf préparée, &c. ces remedes adoucissent dans les premieres voies l’acrimonie des sucs qui y abordent, & y agissent par leur astriction : ainsi ils peuvent, par cette double propriété, modérer & même arrêter le flux de ventre : mais quand ils ne réussissent pas, on peut ensuite recourir à de plus forts astringens, comme à l’acacia nostras, le sumac, & les autres austeres ou acorbes du regne végétal.

Si la fievre diarrhétique persiste après que le flux de ventre est cessé, elle se termine ordinairement par une espece de coction, qui procure la dépuration de la masse des humeurs : cependant il faut être attentif au caractere de la maladie ; car si les symptomes manifestent une malignité ou une acrimonie capable de causer du desordre dans les solides, on doit être circonspect sur l’emploi des astringens ; il y a pour lors beaucoup plus de sûreté après l’usage des purgatifs & des vomitifs, de se fixer aux autres évacuans qui peuvent terminer le flux de ventre par diversion.

Observation de pratique. Les diarrhées fébriles causées par l’inflammation des visceres de l’abdomen, sont accompagnées d’une chaleur fort ardente : le flux de ventre & la puanteur des déjections peuvent se trouver ensemble ; mais un tel flux de ventre cesse ordinairement par l’évacuation des matieres corrompues, pourvû qu’il n’y ait point de colliquation putride : le flux de ventre causé par la bile dépravée, est ordinairement douloureux, & les évacuations moins fétides : ces évacuations sont fort séreuses & peu fétides dans les flux de ventre occasionnés par un hétérogène irritant. La diarrhée produite par une colliquation putride des humours, persiste pour l’ordinaire fort long-tems, malgré les purgations : on comprend donc assez par cette diversité de causes des fievres diarrhétiques, que dans ce genre de maladie, on ne peut juger du danger, ni tirer des indications sûres, qu’autant qu’on peut démêler & distinguer ces différentes causes : ainsi les présages des medecins, qui ne sont établis que sur les qualités des évacuations, doivent être fort incertains ; mais en les réunissant à d’autres signes plus instructifs, on découvre le cas où ils sont conformes aux décisions de ces maîtres. Voyez M. Quesnay dans son traité des fievres.

Fievre chronique, voyez Fievre lente.

Fievre colliquative ; fievre ainsi nommée quand elle est accompagnée de la colliquation des humeurs & de leur évacuation fréquente & abondante, par les selles, les urines, la peau, & autres émunctoires du corps humain.

Ses signes. Elle se manifeste par une petite sueur, une chaleur acre, un pouls serré, la lassitude, des urines ordinairement troubles, pâles, & blanchâtres : la partie rouge du sang tirée par la saignée nageante dans un fluide très-abondant.

Ses effets. Les effets de cette fievre sont des sueurs continuelles & excessives, ou des déjections abondantes de matieres ténues sans puanteur ; l’abattement des forces, la cachexie, l’hydropisie, l’émaciation du corps, le marasme, la corruption de toutes les humeurs saines, & la chaîne des autres maux qui en résultent.

Ses causes. Cette fievre reconnoît plusieurs causes, la transpiration empêchée après des exercices violens ; l’usage trop long-tems continué des fondans ; les poisons ; le virus scorbutique ; l’abondance de la bile qui refluant du foie, s’est mêlée dans le sang ; la foiblesse des vaisseaux ; la mauvaise qualité de l’air & des alimens Toutes ces causes peuvent produire la colliquation des humeurs, qui se trouve différente selon la différente nature du vice dominant de l’humeur qui tombe en fonte, acide, alkaline, acre, muriatique, huileuse, bilieuse, &c. Le sang est aussi susceptible de dissolutions glaireuses, putrides, occasionnées par des substances putrides, & des miasmes pernicieux.

Cure. La méthode curative consiste à opposer les remedes aux causes du mal. On corrigera les humeurs corrompues ; on les évacuera modérément par l’organe convenable ; on tâchera d’arrêter les progrès de la corruption par les anti-septiques ; on tempérera les sueurs excessives par les opiates ; on renforcera le corps par les stomachiques, les corroborans, l’exercice reglé, sans lequel l’usage de la diete blanche incrassante, ou autre régime contraire au caractere de la fievre colliquative, ne produiroit aucun effet.

Fievre colliquative putride, voyez Synoque putride.

Fievre comateuse, affection morbifique qui accompagne quelquefois la fievre, & qui consiste dans l’assoupissement, ou dans une envie continuelle de dormir, soit avec effet, soit sans effet.

Le comat fébrile suppose dans tout le cerveau certaine disposition qui empêche l’exercice des sens & des mouvemens animaux. Cet empêchement peut procéder de ce qu’il ne vient pas au cerveau une assez grande quantité de sang artériel, ou de ce qu’il n’y circule pas librement ; ou de ce que les esprits ne peuvent se séparer du sang dans les nerfs ; ou enfin de ce que leur flux & leur reflux par les nerfs ne peut se faire.

Causes. Plusieurs causes différentes & souvent contraires, telles que sont toutes les évacuations ou replétions considérables ; le trop grand épaississement du sang devenu gluant, gras, ou inflammatoire ; le défaut d’action des solides, la dépravation putride des alimens, la suppression de l’urine, une bile acre ou autre matiere retenue dans l’estomac ; enfin toutes les causes qui compriment la substance même du cerveau, quelles qu’elles soient, peuvent occasionner cette affection dans les fievres ; elle peut être aussi l’effet de la compression des nerfs. Enfin le spasme des membranes du cerveau est peut-être sa cause la plus commune.

Réflexions sur ces causes. On comprend par ce détail, qu’un medecin doit bien faire attention aux signes qui peuvent manifester la cause particuliere de ce mal, avant que de déterminer quels remedes conviennent, & comment il faut les employer ; car on est souvent obligé d’avoir recours à des choses contraires les unes aux autres ; & souvent un assoupissement long & opiniatre, après qu’on a tout tenté inutilement, cesse enfin de lui-même, quand le pépasme de la fievre est achevé.

Cure. Ainsi les remedes seront dirigés & variés suivant la différence des causes. Les fomentations appliquées à la tête & au cou, le bain tiede des piés, les épispastiques, les frictions aux parties inférieures, les boissons délayantes, les alimens legers, les lavemens simples, conviennent en général. Si l’on voit les signes d’une grande inflammation, on traitera cette affection comme la maladie principale.

Observations pratiques. Les fievres épidémiques érésypélateuses, malignes, pétechiales, pourprées, qui produisent la corruption des humeurs, en changeant la nature des esprits, & en opprimant le cerveau, causent assez communément des affections comateuses accompagnées de péril. Leur méthode curative demande souvent la saignée, les lavemens réfrigérans ou purgatifs, les vésicatoires appliqués à la nuque du cou, les antiphlogistiques internes legerement astringens, &c.

L’affection comateuse a encore un danger plus considérable dans la fievre aiguë, ardente, inflammatoire, s’il ne survient au commencement de la maladie une crise par l’hémorrhagie, le cours de ventre, des urines abondantes & qui déposent, ou des parotides qui suppurent.

Les humeurs crues qui sont dégénérées par leur corruption, & devenues insuffisantes à fournir les esprits nécessaires, causent quelquefois des affections soporeuses avec ou sans fievre, comme dans les scorbutiques, les cacochymiques, les valétudinaires, &c. Dans ce cas, la crudité doit être corrigée par les anti-scorbutiques, les stomachiques, les fortifians ; & l’on ranimera les esprits par la respiration des sels volatils.

Si l’affection comateuse est produite dans la fievre par une évacuation considérable des regles, des vuidanges, il faut reprimer cette évacuation, soûtenir le bas-ventre par des bandages, & réparer les forces par des alimens convenables. Quand au contraire la suppression des évacuations cause une fievre comateuse, on la traitera par la saignée, les purgatifs, les vomitifs, &c. Mais si des narcotiques imprudemment donnés ont produit cet accident ; il faut y remédier par des boissons acides.

On a remarqué que l’assoupissement arrive quelquefois dans le fort des redoublemens des fievres critiques, & qu’il est d’un présage fâcheux dans le tems du frisson : il est fort ordinaire dans les fievres malignes, la suette, & la peste.

Il faut toûjours bien distinguer l’assoupissement passager des assoupissemens opiniâtres dans les fievres : les premiers sont communs & ne présagent rien de fâcheux ; les autres, au contraire, sont souvent funestes, parce qu’ils dépendent de quelque dérangement grave de l’organe des fonctions de l’ame.

Fievre compliquée. On nomme ainsi toute fievre continue accompagnée de symptomes & de desordres considérables, qui troublent son méchanisme, & embarrassent extrèmement l’esprit du medecin, pour le traitement d’une telle fievre.

On impute presque toûjours à la fievre les funestes effets produits par la complication des accidens qui s’y joignent. Comme la fievre est le mal le plus apparent & le plus connu dans les complications des maladies aiguës, on lui attribue toutes les affections morbifiques qu’on y remarque : on fait plus ; car lorsque la fievre elle-même n’est pas remarquable, la prévention habituelle fait supposer à quelques medecins une fievre sourde, une fievre cachée & insidieuse, à laquelle ils imputent, sans aucune raison, toutes les mauvaises dispositions du malade.

Cependant dans les affections morbifiques compliquées, qui paroissent avec la fievre, ce n’est pas ordinairement elle qui est le plus dangereuse, ni qui présente les indications les plus essentielles, ou les plus pressantes à remplir pour le soulagement & pour la sûreté du malade. Pour se représenter sensiblement cette vérité, il suffit de se rappeller les effets des poisons & des venins. Dans la morsure d’une vipere, par exemple, le venin qui s’insinue dans la playe cause une douleur fort vive, un engorgement inflammatoire & gangréneux à la partie blessée, des tremblemens, des convulsions, la fievre, des angoisses avec cardialgie, des vomissemens, le hoquet, la difficulté de respirer, l’abbattement, des syncopes, des ébloüissemens, des sueurs froides, des urines sanguinolentes, la paralysie, des extravasations, des dissolutions de sang, des gangrenes en différente, parties : or, dans de telles complications, ce n’est pas la fievre, quoique souvent très-vive, qui est l’objet de l’attention du medecin ; ce n’est pas elle qui lui fournit les indications qu’il doit remplir : il ne pense pas à l’éteindre ; il songe à satisfaire à d’autres indications plus importantes.

Ainsi lorsque la fievre est compliquée avec d’autres affections très-dangereuses, il est essentiel de la distinguer de toutes les affections qui ont été produites avec elle par une même cause ; & c’est la destruction de cette cause qui demande seule les secours de l’art. Mais lorsque dans les fievres il se présente différens symptomes compliqués qui tendent à produire des effets différens, les uns avantageux & les autres desavantageux en apparence, quelle conduite doit tenir le medecin dans cette complication ? Je répons qu’il ne peut la prendre, cette conduite, que de son génie & de ses lumieres ; elles seules lui indiqueront à distinguer le caractere des symptomes que la maladie lui présente ; à saisir ses indications avec discernement ; à prévenir les effets funestes, & à faciliter les effets salutaires.

Fievre continente. On nomme fievre continente, toute fievre dont la durée s’étend au-delà de trente-six heures : c’est cette durée qui distingue la fievre continente de l’éphémere. Voyez Éphémere.

Fievre continue, est celle qui est sans interruption depuis son commencement jusqu’à sa fin ; elle reçoit quantité de noms d’après sa durée, ses complications, & les symptomes qui l’accompagnent : delà viennent tant de divers genres & especes de fievres établies par les medecins ; & pour nous conformer à leur langage, nous avons suivi dans ce Dictionnaire les dénominations qu’ils leur ont données : on en peut voir les articles ; car nous n’envisagerons dans celui ci que la cure de la fievre continue prise en général, simplement, & sans complications : ses causes & ses signes ont été exposés au mot Fievre.

Cure. La méthode curative des fievres continues simples consiste principalement dans l’administration de la saignée, de quelques remedes altérans, légerement apéritifs, & de la purgation. La diete austere & humectante qui y convient ordinairement, n’est pas même ignorée du vulgaire. Les tempérans légerement apéritifs, y sont continuellement indiqués, pour procurer, sur-tout par les urines, l’expulsion des sucs excrémenteux, produits en abondance par l’action accélérée des vaisseaux : aussi l’usage de ces remedes est-il assez généralement reconnu. La saignée est absolument nécessaire, pour peu que l’inflammation prédomine.

Les medecins ne s’accordent point sur l’administration de la purgation, dans la cure des fievres continues. Peut-être que ceux qui en bornent trop l’usage, & ceux qui l’etendent trop loin, ne réussissent pas moins bien les uns que les autres, parce qu’il se rencontre autant de fievres où un grand usage de la purgation est funeste, qu’il y en a où il est nécessaire. Mais quoique des méthodes si opposées puissent être également salutaires, & cependant également pernicieuses, ceux qui se fixent à l’une ou à l’autre, n’en sont pas moins de très-mauvais medecin. Ce n’est pas par les succès, par les observations, ou les simples récits des cures de ces praticiens, qui réduisent mal les maladies & les indications, que l’on doit ici déterminer l’usage de la purgation : c’est en réunissant aux connoissances évidentes de la théorie une expérience exacte, complette & étendue, qu’on acquerra des lumieres pour décider sûrement cette question importante de la Medecine.

Observations de pratique. Les fievres continues peuvent se diviser en fievres critiques, qui se terminent par coctions & par crises ; & en fievres non-critiques, qui se terminent sans coctions & sans crises remarquables.

Les fievres continues qui ont des redoublemens tous les jours, parviennent difficilement à la coction, tant que ces redoublemens journaliers persistent, à moins que la cause de ces fievres ne soit entraînée par la voie des excrétoires ; autrement elles durent d’ordinaire fort long-tems. Dans quelques pays, on a presque toûjours recours à l’usage du quinquina pour les guérir, quoique les habiles gens ayent remarqué que ce fébrifuge ne réussit point dans les fievres véritablement continues. Ceux qui employent ce remede lui attribuent par erreur des guérisons qui arrivent naturellement aux périodes critiques, & auxquelles il n’a aucune part : il peut à la vérité très-bien guérir les fievres intermittentes subintrantes ; mais il ne faut pas les confondre avec celles qui n’ont aucune intermission dans les tems du relâche.

La plus legere fievre continue est celle qui naît de crudités, ou de la transpiration arrêtée, dont la matiere est chassée par le mouvement fébrile. On la guérit par la boisson abondante, un peu échauffante & diaphorétique.

Les humeurs naturellement corrompues ou dégénérantes dans les gens foibles, âgés, cacochymes, scorbutiques, valétudinaires, produisent souvent chez eux une fievre continue, qui d’ordinaire devient rémittente : la cure exige de legers purgatifs, les anti-putrides, les stomachiques, & les corroborans.

Quelquefois au commencement de la constitution épidémique des intermittentes, il paroît des fievres continues qui ne doivent être considérées pour la méthode curative, que comme de vraies intermittentes. En général, toute fievre continue épidémique & endémique, veut être traitée d’après la connoissance de la constitution de l’air, de la saison, du climat, &c. mais la fievre continue qui procede d’une maladie particuliere aiguë ou chronique, comme du rhûmatisme, de la goutte, d’un abcès, d’une blessure, de la phthisie, de l’hydropisie, &c. doit être regardée comme symptomatique. Voyez Fievre symptomatique.

Le medecin qui voudra s’instruire complettement des fievres continues, étudiera sans cesse l’ouvrage de M. Quesnay.

Fievre continue rémittente, est celle qui sans discontinuer, donne de tems en tems quelque relâche, & ensuite quelques redoublemens : comme sa cure est la même que pour la fievre continue, voyez Fievre continue.

Fievre critique, est toute fievre continue qui se termine par coction purulente, & par crises.

On peut admettre trois sortes de fievres critiques, 1°. celles qui dépendent d’inflammations locales, dont la terminaison se fait par résolution ; 2°. les fievres humorales que les anciens appelloient synoques putrides, & qui se terminent par coction purulente. Voyez Synoque. 3°. Les fievres que les mêmes anciens nommoient bilieuses ou ardentes, parce qu’étant accompagnées de chaleur brûlante, & d’une soif intolérable, ils jugeoient qu’elles dépendoient plus d’une bile vicieuse que du sang corrompu. Voyez Fievre ardente.

Mais les fievres véritablement & régulierement critiques, sont celles qui procurent une coction purulente, dont les progrès sont marqués par des signes qui annoncent sûrement, & à jour préfix, des évacuations salubres. Toute fievre continue, qui ne se termine pas avant la quatrieme exacerbation, ou avant le septieme jour, dont la cause n’est pas indomtable, & qui n’est pas compliquée à d’autres maladies ou accidens, capables d’empêcher ses propres effets, se guérit par cette coction & par ces évacuations critiques.

Fievre dépuratoire, est celle dont la nature tempere tellement les symptomes, qu’elle chasse la matiere fébrile bien préparée dans un certain tems, soit par transpiration ou par coction.

On peut compter trois sortes de fievres dépuratoires, 1°. les fievres simples dépuratoires par elles-mêmes, comme la fievre éphémere, la fievre synoque sanguine ou non putride, &c. 2°. les fievres dépuratoires qui cessent heureusement par les évacuations sans coction ni crise ; 3°. les fievres dépuratoires dont la cause seroit indomtable par la coction, & incapable d’expulsion par les excrétoires naturels, & qui se guérissent par des dépôts, par des eruptions extérieures, où de telles causes trouvent des issues qui en procurent l’évacuation. Cette voie est même ordinaire dans plusieurs maladies qui se terminent par des éruptions à la peau ; telles sont les fievres scarlatines, la petite vérole discrete, la rougeole bénigne, &c. Mais dans d’autres maladies cette voie est fort incertaine, comme lorsque les dépôts ou les éruptions arrivent irrégulierement aux parties intérieures, ou aux parties extérieures, ou en même tems aux unes & aux autres ; telles sont les pustules ichoreuses, & les dépôts sanieux dans les petites véroles confluentes.

Fievre diarrhétique, voyez Fievre cathartique.

Fievre dyssentérique, febris dyssenterica : on nomme fievres dyssentériques, celles qui sont jointes à des tranchées douloureuses dans le bas-ventre, suivies de déjections muqueuses & sanglantes avec exulcération des intestins ; la dyssenterie est l’affection morbifique qui a donné le nom à cette fievre.

Cause prochaine. Une matiere active, acre, tenace, caustique, peut-être analogique dans ses effets, avec les parties sur lesquelles elle agit, transportée dans les couloirs des intestins qu’elle irrite & qu’elle ronge, produit ce genre de fievre qu’on voit fréquemment dans les constitutions épidémiques.

Ses signes. Alors la fievre dyssentérique se fait connoître par un frisson suivi de chaleur, de vives douleurs d’entrailles, de tenesme, de déjections glaireuses & sanguinolentes, de soif, de dégoût, de langueur, de défaillances, de sueurs froides, & de l’exolution des forces.

Prognostics. Les pellicules d’intestins qu’on trouve dans les selles, l’inflammation à la langue, les aphthes dans la gorge, les évacuations qu’on fait sans s’en appercevoir, le délire, les convulsions, le froid des extrémités, & le hoquet qui survient alors, annoncent une fin prochaine de cette fievre, par la destruction de la machine.

Cure. La méthode curative doit tendre à diminuer l’inflammation, corriger l’acrimonie de la matiere caustique, évacuer les humeurs morbifiques, adoucir les entrailles, consolider l’exulcération, & arrêter le flux de ventre invétéré.

On remplit ces indications par la saignée, les vomitifs, les purgatifs, entre lesquels l’ipécacuanha, la rhubarbe, & le simarouba sont les principaux ; il faut les donner à petites doses, & en calmer les effets par des parégoriques. Les lavemens seront composés de choses grasses & onctueuses, comme de décoctions de mauve, de guimauve, ou de bouillons de tripes : on se servira des mêmes décoctions en fomentations sur le bas-ventre ; on usera pour boisson & alimens d’eau de poulet, de ris, d’orge, ou de lait de chevre coupé ; les tisannes seront émulsionnées, & quelquefois acidulées. Enfin si les astringens deviennent nécessaires, on les employera prudemment, graduellement, & on y joindra le laudanum liquide. Consultez ici l’article Dyssenterie, & sur la dyssenterie, consultez Degnerus.

La meilleure cure pophylactique dans les épidémies qui produisent cette fievre d’une maniere fatale, est de fuir la contagion, se tenir le ventre libre, user de régime & d’alimens adoucissans, éviter de respirer les exhalaisons des excrémens.

Observation. La fievre dyssentérique est une des plus fréquentes & des plus cruelles épidémies des camps ; on en trouvera la diagnose, la prognose, & le traitement dans l’ouvrage anglois du docteur Pringle, sur les maladies d’armées. Je remarquerai seulement, que les principaux moyens pour en arrêter le progrès, sont de décharger les hôpitaux autant qu’il est possible, de renouveller continuellement l’air des infirmeries par un ventilateur, d’en balayer toutes les ordures avec grand soin, de remettre les malades dans des églises, dans des baraques, des maisons ruinées, où ils ne communiquent point ensemble, de ne point confiner au lit ceux qui en peuvent sortir, de tenir très-propres leurs chambres, leurs hardes, leurs bassins, & tous les ustensiles dont ils se servent ; enfin sur toutes choses, de couvrir chaque jour les privés d’une nouvelle terre ; car c’est principalement de l’exhalaison putride des latrines publiques des camps, que dépend la contagion & la propagation de ce mal funeste.

Fievre endémique, ainsi dite de ἐν, & δῆμος, peuple. Les fievres endémiques sont celles qui regnent tous les ans avec des symptomes assez semblables dans un même pays, & qui y sont plus fréquentes que dans un autre, à cause du climat, de l’air, de l’eau, de la situation du lieu, de la maniere de vivre des habitans. Voyez Endémies. Consultez Hippocrate de aëre, locis, & aquis ; & si vous voulez parmi les modernes, Wintringham’s (Clifton) a treatise of endemic diseases. London, 1718. 8°.

Fievre éphémere, ephemera, la plus simple des fievres continues, dont le commencement, l’état, & le déclin, se font ordinairement dans l’espace de 12, 24, ou au plus de 36 heures. Voyez Ephémere.

Fievre éphémere britannique, nom vulgaire qu’on a donné à la suette, espece de peste qui passa en Angleterre en 1485, & qui emportoit les malades en 24 heures. Voyez Suette.

Fievre épiale, epialis febris, ἠπίαλος, ἠπιαλώδεις, fievre, dit Galien, dans laquelle le malade ressent une chaleur extraordinaire, & frissonne en même tems. Les anciens latins lui donnent le nom de quercera, c’est-à-dire qui produit de violens frissons.

C’est, suivant nous, cette affection morbifique de la fievre qui consiste dans le frisson, lequel persiste avec le sentiment de chaleur. On en peut indiquer pour cause générale une acrimonie irritante que les forces vitales ne peuvent pas chasser.

L’acrimonie de la cause de la fievre produit souvent un genre de chaleur, ou plûtôt une sensation de chaleur, qu’il ne faut pas confondre avec la chaleur même de la fievre ; celle-ci dépend de l’augmentation de la circulation du sang. Celle-là est causée par l’impression que fait l’acrimonie de substances acres qui agissent rarement sur les filets nerveux ; telle est la chaleur brûlante que les malades ressentent intérieurement dans la fievre épiale.

Cette fievre est en même tems accompagnée d’un froid violent & douloureux dans les parties extérieures du corps ; ce froid est peut-être occasionné par la même acrimonie qui excite dans les muscles de ces parties un spasme capable de resserrer les vaisseaux, & de n’y laisser passer que fort peu de sang. Par-là, il prive non-seulement les parties extérieures de chaleur, mais il y cause une sorte d’horripilation, & d’érétisme douloureux, qui se joignent au sentiment de froid, & qui le rendent plus insupportable.

Quoi qu’il en soit, cette affection morbifique de la fievre demande la destruction du vice irritant, & requiert en même tems les antiseptiques cardiaques, propres à ranimer les forces & la circulation languissante du sang & des humeurs. Les frictions faites avec des liqueurs spiritueuses, chaudes, souvent répétées partout le corps, contribueront efficacement au même but. Voyez fievre horrifique.

Fievre épidémique, de ἐπὶ, sur, & δῆμος, peuple. On nomme fievres épidémiques, populaires, ou communes, les fievres de même espece, qui changent néanmoins souvent de caractere & de nature, attaquent indifféremment dans certains tems toutes sortes de personnes de l’un & de l’autre sexe, de tout âge, de tout ordre, & comme par une espece de contagion. Voyez Epidémies.

On re peut trop lire les auteurs qui ont traité ce sujet ; Hippocrate, epidemior. Baillou, Sydenham ; les observations des medecins de Breslaw, d’Edimbourg ; Roger, dans son essai on épidémical diseases ; Cleghorn, on épidemical diseases of minorca, &c. Et pour les fievres épidémiques des armées, des camps, des hôpitaux, fievres bien différentes de celles qui regnent ailleurs, voyez l’excellent livre du docteur Pringle, intitulé observations on the diseases of the army. London, 1753, in-8°.

Fievre érésypélateuse, est celle qui est accompagnée d’érésypele, ou qui en est l’effet. Voyez Erésypele.

La cause prochaine de l’érésypele est le passage des globules rouges du sang dans les vaisseaux lymphatiques de la peau, sur-tout dans ceux qui composent le lacis lymphatique.

Causes de cette fievre. Cette fievre procede ordinairement, 1°. d’un sang chargé d’une humeur acre & subtile de la bile, de l’humeur de la transpiration, ou de celle de la sueur, qui ont été arrêtées : 2°. de l’usage d’alimens gras, & de boissons échauffantes & spiritueuses : 3°. dans les personnes cacochymes, foibles, scorbutiques, ou dans celles-là même qui joüissent d’une bonne santé, de la corruption spontanée des humeurs excrémenteuses, mises en mouvement par quelque faute ou abus des choses non-naturelles : 4°. de la constitution particuliere du malade.

Effets. L’humeur érésypélateuse ne produit aucun signe critique dans les urines ; mais quand elle est dispersée dans la masse des humeurs par la circulation, elle excite une fievre plus ou moins forte, la nature tendant à se décharger de l’hétérogene morbifique par une éruption sur la peau.

Cure. Lorsque la fievre érésypélateuse est considérable, accompagnée de fâcheux symptomes, & que l’érésypele est malin, il faut recourir à la saignée, la répéter à proportion de la constitution du malade, & de la violence des symptomes. On doit joindre à ce remede les délayans, les calmans, les évacuans, & les diaphorétiques. Les délayans donnent aux humeurs plus de fluidité ; les calmans appaisent la douleur ; & les diaphorétiques conviennent lorsque la maladie est occasionnée par la suppression de la transpiration. Les purgatifs sont nécessaires dans les fievres érésypélateuses, produites par des humeurs qui ont enflammé le sang, & qui l’ont déterminé à passer dans les vaisseaux lymphatiques. On corrigera les humeurs pourrissantes par les anti-septiques, legerement astringens.

Quant à l’érésypele même qui produit cette fievre, on en peut tirer le prognostic de son espece, de sa cause, de la partie que l’érésypele attaque, & des accidens. L’érésypele qui est accompagné de douleurs violentes, de fievre considérable, de diarrhée, est beaucoup plus fâcheux que celui qui est sans aucun de ces accidens : mais l’érésypele qui est simple, benin, leger, se dissipe promptement, & cesse avec la fievre, avant, ou peu de tems après.

Fievre erratique, febris erratica, ἄταϰτος πυρετός. On nomme fievre erratique, vague, irréguliere, intercurrente, toute fievre intermittente ou rémittente, qui a ses vicissitudes, ses exacerbations, son cours, & sa durée dans des tems incertains.

De telles fievres se présentent souvent aux observations des Medecins, dans les commencemens des intermittentes, sur-tout des quartes de l’automne, & elles sont pour lors très-irrégulieres : de plus, l’on remarque que les intermittentes long-tems prolongées, deviennent fréquemment erratiques, & que quelquefois les erratiques se changent en intermittentes régulieres ; mais la méthode curative est constamment la même, ou doit l’être, pour les fievres erratiques, comme pour les diverses intermittentes. Aussi nous ne nous y arrêterons pas ici. Voyez l’article Fievre intermittente.

On nomme encore fievre erratique, celle qui survient aux femmes par la suppression du flux menstruel. La cure de cette espece de fievre erratique, consiste à procurer l’écoulement des regles par la saignée du pié, l’usage des vapeurs, des linimens, des fumigations, des purgatifs utérins, les emménagogues, les stomachiques, les corroborans, les chalybés, l’exercice.

Fievre étique : dans l’usage ordinaire on écrit étique, & on le prononce de même ; mais comme les Latins disent hectica febris, & les Grecs ἑϰτιϰὸς πυρετὸς, de ἑξὶς qui répond au mot habitus, qualité qu’on a peine à séparer du sujet ; il en résulte que laissant à part la prononciation, il faut toûjours écrire hectique dans un dictionnaire d’Arts, qui doit conserver l’origine des mots autant qu’il est possible. Voyez donc Fièvre hectique.

Fievre exanthémateuse, c’est une fievre accompagnée sur tout le corps, ou sur une partie du corps, de boutons inflammatoires nommés exanthemes.

On sait que ce sont de petites taches ou tubercules rouges, plus ou moins larges, avec ou sans élévation, d’une bonne ou d’une mauvaise qualité. Voyez Exantheme.

Causes. Ces taches ou tubercules inflammatoires ont le plus souvent 1°. pour matiere celle qui ne pouvant circuler dans les petits vaisseaux de la peau, s’y arrête ; & 2°. pour causes, la suppression de la transpiration, la dépravation des humeurs, la force de la circulation des secrétions, des excrétions, &c. De ces différentes causes proviennent bien des sortes de pustules, qui donnent aux fievres qui les accompagnent, les divers noms d’exanthémateuse, d’érésypélateuse, de scarlatine, de pétéchiale rouge, de pétéchiale pourpre, de miliaire blanche & rouge, de rougeole, & de petite vérole. Voyez tous ces mots.

Prognostiçs. La nature des exanthemes, leur caractere, & les symptomes qui les accompagnent dans cette fievre, prognostiquent le bien ou le mal qu’on en peut attendre. La plûpart des fievres exanthémateuses se terminent presque toûjours sûrement par des éruptions benignes à la peau, & de telles éruptions calment souvent les fâcheux symptomes des fievres aiguës ; mais les humeurs corrompues dans le corps, qui s’arrêtent sur les parties extérieures par un transport imparfait, & se déposent en même tems sur les parties intérieures, où elles produisent des oppressions, des anxiétés, & autres desordres, sont d’un fâcheux présage, surtout quand elles sont suivies de déjections putrides sans aucun soulagement. L’hétérogene qui forme une éruption imparfaite, menace les malades d’un plus grand danger dans les fievres pourpreuses, pétéchiales, & miliaires, que dans les exanthémateuses, scarlatines, & rougeoliques. Les fievres exanthémateuses épidémiques sont ordinairement contagieuses & d’une mauvaise espece.

Cure. La méthode curative exige en général les boissons legeres, diluantes, apéritives, pour donner de la mobilité à la matiere, & pour que la force de la vie persévere toûjours dans une juste modération ; car par ce moyen les exanthemes se dissipent, en faisant tomber l’épiderme par écailles. La cure particuliere doit se rapporter aux diverses causes de la fievre. Par exemple,

Les fievres exanthémateuses occasionnées par la transpiration ou par la sueur, dont la matiere retenue est devenue plus acre dans les gens foibles, valétudinaires, cacochymes, bilieux, demandent pour remedes de legers diaphorétiques internes, & quelques anti-putrides.

Lorsque les fievres exanthémateuses procedent de mauvaises humeurs, assemblées dans le ventricule & dans les intestins, de bile corrompue, de la nourriture de moules, ou autres crustacés vénimeux, il faut commencer par les purgatifs ou vomitifs, pour chasser du corps la matiere morbifique.

Dans les fievres exanthémateuses produites par de violens exercices ; l’abus des échauffans & des acres, on usera de diluans, de réfrigérans, & de relâchans, mais les fievres exanthémateuses épidémiques, qui ont été animées par des échauffans, ou par des cardiaques stimulans, veulent une diete legere, des laxatifs, & des anti-phlogistiques, pour éviter la métastase dans les parties internes.

Observations de pratique. Le préjugé trop reçu sur la maniere d’agir des remedes échauffans, a fait imaginer qu’ils poussoient l’hétérogene morbifique vers la peau, & qu’ils le détournoient des parties internes, parce qu’on a vû que quelquefois l’éruption est accélérée par leur secours, que les pustules sont fort vives, & qu’elles croissent promptement ; mais bien des raisons nous empêchent d’avoir une opinion avantageuse de ces sortes de remedes. En effet lorsque l’éruption extérieure est d’un mauvais caractere, que les accidens de la maladie sont formidables, les remedes échauffans augmentant la fievre & l’acrimonie des humeurs, portent la violence de l’éruption intérieurement comme extérieurement, & par conséquent aggravent la maladie : de plus ils n’ont aucune vertu pour dompter la malignité du venin & du délétere ; aussi les bons praticiens n’osent les prescrire que lorsqu’ils sont indiqués par l’abattement des forces & la débilité du pouls, que l’on ne peut attribuer à la pléthore sanguine : hors de ce cas, leur circonspection les engage à les supprimer entierement.

Il est vrai que la fievre précede & accompagne toûjours les éruptions les plus favorables ; il est vrai encore qu’elle n’est point suspecte aux grands maîtres, quand elle est simple ; mais le rapport des remedes échauffans avec celui de la fievre, n’est point le même, on ne doit pas les comparer ensemble, & leur attribuer les mêmes avantages. L’action que les remedes échauffans excitent, n’est pas comme la fievre, un effet du propre méchanisme de la maladie, c’est l’effet d’une cause étrangere à cette maladie : ainsi l’action des remedes échauffans peut altérer l’ordre de ce méchanisme, & produire quelques accidens spasmodiques, capables de s’opposer & à la dépuration & à l’éruption. Il faut donc les regarder presque toûjours ou comme nuisibles, ou du moins comme inutiles.

L’idée qu’on s’est formée de l’opération des grands diaphorétiques & des sudorifiques dans les éruptions cutanées, ne paroît pas moins chimérique. L’effet propre de ces remedes est d’exciter l’action des filtres de la peau, & de provoquer une plus grande excrétion par la voie de la transpiration ; mais ils ne poussent point, comme plusieurs medecins se l’imaginent, du centre à la circonférence (pour me servir des termes vulgaires), ils ne conduisent point à la peau les humeurs dont ils provoquent l’excrétion ; elles y sont entraînées par le cours ordinaire de la circulation, & ce n’est que là où les diaphorétiques & les sudorifiques agissent, en provoquant l’évacuation de ces humeurs : mais dans les éruptions, il ne s’agit nullement de cette évacuation ; ainsi ces remedes ne sont encore d’aucun avantage à cet égard ; ils ne peuvent pas même alors produire leur effet ordinaire, parce que les organes de la transpiration sont d’autant plus lésés, & leurs fonctions d’autant plus empêchées, que l’éruption est considérable, & qu’elle dérange le tissu de la peau. Enfin les éruptions se font par l’affinité du délétere ou du venin, avec la partie qui est plus susceptible que les autres de son impression.

Concluons, avec M. Quesnay, que les idées communes sur la dépuration des humeurs par l’évacuation, & sur la maniere de la procurer par les échauffans, les diaphorétiques & les sudorifiques, ne présentent à l’esprit que des erreurs, qui deviennent pernicieuses par les fausses indications qu’elles suggerent dans la pratique de la Medecine. Voyez aussi Huxnam, in Fevers.

Fievre hectique, febris tabida, & par les modernes hectica ; fievre chronique, continue, ou rémittente, qui dans la durée de son cours croît en violence & en nombre de fâcheux symptomes, mine peu-à-peu tout le corps, consume les sucs, détruit les forces, & conduit ordinairement le malade au tombeau.

Signes de cette fievre. Cette fievre se manifeste par un pouls foible, dur, petit, & fréquent ; la rougeur des levres, de la bouche, des joues, qui s’augmente dans le tems qu’il entre de nouveau chyle dans le sang ; une chaleur inquiétante, une aridité brûlante dans la peau, qui est sur-tout sensible aux mains après les repas ; une urine nidoreuse, écumeuse, qui dépose un sédiment & porte sur sa surface un nuage leger, gras, de couleur foncée ; le desir de toute nourriture froide, la sécheresse de la bouche, une soif continuelle, le sommeil de la nuit sans soulagement, & la langueur répandue par-tout le corps.

A cet état succedent des crachats glutineux & écumeux, un sentiment de poids & de douleur dans les hypochondres, une grande sensibilité aux moindres changemens de tems, un état qui empire dans les équinoxes, & principalement dans celui de l’automne ; une tête étourdie au reveil, des évacuations d’humeurs ténues & fétides par les sueurs, les urines, les selles ; l’abattement de toutes les forces, & cette émaciation universelle qu’on nomme marasme.

Le mal croissant toûjours, produit de nouveaux symptomes encore plus funestes, des tremblemens, des taches, des pustules, une couleur livide & plombée, le visage cadavéreux qui ne se voit dans aucune autre maladie aussi completement que dans celle-ci & dans la consomption.

Enfin la scene se termine par des aphthes de mauvais présages, le vertige, le délire, la suffocation, l’enflûre des piés, des sueurs perpétuelles & excessives, des diarrhées colliquatives, le hoquet, les convulsions, la mort.

Cause prochaine. La fievre hectique suppose la corruption dans la masse générale des humeurs ; corruption par laquelle les sucs albumineux, gélatineux, tombés en colliquation, fournissent un aliment perpétuel à cette maladie. C’est cette même putridité qui procure la chaleur dont cette fievre est accompagnée ; en même tems l’humeur putride nuit aux fluides nerveux & aux parties nerveuses, & les jette dans une violente contraction. Plus la quantité des humeurs corrompues produites par la maladie incurable des visceres est grande, plus aussi les symptomes de la fievre sont terribles.

Prognostics. Les jeunes gens sont promptement emportés, & plus exposés à la fievre hectique que les adultes. Dans le premier commencement de l’ulcération de quelque viscere, cette fievre suscitée par la nature, est quelquefois le remede du mal au moyen d’une heureuse crise : mais si la cause ne peut être détruite, la fievre hectique subsiste sans cesse. Le flux hémorrhoïdal ou autre quelconque, avance communément la mort dans le dernier période de la fievre hectique ; au lieu qu’au commencement il en produit quelquefois la cure. Une fievre hectique confirmée & parvenue à son dernier période, n’admet jamais de guérison ; tout l’art humain consiste à adoucir les symptomes de la maladie, & à éloigner son période fatal.

Méthode curative. La fievre hectique procede nécessairement des mêmes causes que la fievre lente ; ainsi voyez l’article Fievre lente.

Mais comme ici les mêmes causes ont déjà fait de plus grands ravages, les ressources de l’art & de la nature donnent de beaucoup plus foibles espérances ; les corps sont plus épuisés, & les sucs sont plus éloignés de leur homogénéité, le mouvement péristaltique de l’estomac & des intestins se trouvant plus affoibli, le chyle qui passe comme crud & épais dans la masse du sang, détruit par sa qualité hétérogene la crasse des fluides, & interrompt le mouvement uniforme des solides.

Si la fievre hectique paroît après la suppression des évacuations ordinaires d’un flux hémorrhoïdal, des menstrues, des vuidanges, du lait, ou après la suppression d’une gonorrhée arrêtée, de l’écoulement d’un ulcere, d’une fistule, d’un cautere, ou en conséquence de la rentrée de pustules cutanées, exanthémateuses, dartreuses, &c. on comprend sans peine qu’il faut ramener prudemment les évacuations supprimées, regénérer des sucs loüables, & garantir les humeurs d’une nouvelle éruption par le secours des anti-putrides & des doux balsamiques.

La fievre hectique qui se manifeste après l’hémoptysie, la pleurésie, la péripneumonie, & autres maladies aiguës, en conséquence de quelque ulcere dont le pus s’est porté dans la masse du sang, demande tous les soins possibles pour corriger cette infection, la diete analeptique, le lait de femme, d’ânesse, les tisanes préparées avec l’avoine, la racine de chicorée sauvage, les fleurs de pavot, & quelque peu de nitre antimonié ; les substances gélatineuses acidulées, les parégoriques après de douces évacuations, les balsamiques, les corroborans, dont le plus important est l’exercice modéré du cheval.

Lorsque cette fievre émane de sucs visqueux dans les premieres voies, le but de la cure doit tendre à atténuer ces sucs, les expulser par les sels neutres donnés en petites doses & souvent répétées ; ensuite à employer les analeptiques & les stomachiques, tels que sont l’essence de cascarilles, avec un peu d’esprit de nitre dulcifié.

Si l’on soupçonne que la fievre hectique vienne de l’obstruction des visceres, & sur-tout de l’obstruction du mésentere, ce qui arrive fréquemment, il faut lever ces obstructions par les remedes capables d’y parvenir, comme par exemple, par la teinture martiale jointe au suc de pomme, secondée des eaux minérales chaudes, & de l’exercice.

Les symptomes de la fievre hectique ne souffrent que de legers palliatifs. On adoucit la chaleur fébrile par la boisson des émulsions de semences froides, préparées avec une décoction de corne de cerf & d’eau-rose ; par les gouttes anodynes d’Hoffman, ou par celles d’esprit de soufre & de vitriol. L’acrimonie de la matiere ulcéreuse peut être émoussée par les incrassans, les adoucissans, & les balsamiques. On reprime la toux par les mêmes remedes, auxquels on joint les parégoriques prudemment employés, les pilules de storax, le laudanum liquide en petite dose, le blanc de baleine mêlé avec le sirop de pavot, &c. Dans la diarrhée, on peut joindre la conserve de rose au lait chalybé, & la gomme arabique aux émulsions calmantes. Les sueurs colliquatives ne doivent pas être supprimées violemment, mais modérées par les opiates, par l’écorce de cascarille mise en électuaire, avec le sirop de jus de citron & la conserve de rose. En général, plus la fievre hectique augmente, moins elle demande de remedes multipliés.

Pour ce qui regarde la fievre hectique des vieillards nommée marasme, voyez Marasme.

Observations. Hippocrate a décrit fort exactement la fievre hectique sous le nom de consomption du corps, tabes, dans son traité de internis affectionibus. L’ouverture des sujets morts de cette maladie offre tantôt des abcès dans quelqu’un des visceres, & tantôt des tumeurs skirrheuses ou stéatomateuses.

Fievre hémitritée. Voyez Hémitritée.

Fievre homotone : on nomme fievres homotones, toutes fievres continentes qui restent pendant leur durée à-peu-près dans le même degré de force, sans augmenter ni diminuer ; mais l’existence de ces prétendues fievres est fort douteuse, comme le remarque M. Quesnay. On en trouve très-peu d’exemples dans les observations des praticiens, & ces observations mêmes ne pourroient mériter de créance, qu’autant qu’elles seroient données par plusieurs observateurs véridiques, qui auroient passé assidument les nuits & les jours auprés des fébricitans.

Fievre hongroise, febris hungarica, espece de fievre endémique, maligne, contagieuse, & spécialement caractérisée par une douleur intolérable vers l’orifice de l’estomac ; mais comme on connoît davantage cette fievre sous le nom particulier de maladie hongroise, voyez Maladie hongroise.

Fievre d’Hôpital, espece de fievre continue, contagieuse & de mauvais caractere, qui regne dans les hôpitaux des villes & d’armées, dans les prisons, dans les vaisseaux de transport pleins de passagers, qui y ont été long-tems renfermés, en un mot dans tous les lieux sales, mal aérés, & exposés aux exhalaisons putrides animales, de gens mal-sains, blessés, malades, pressés ensemble, & retenus dans le même endroit.

Symptomes. Cette fievre commence lentement par des alternatives de froid & de chaud, de petits tremblemens, un engourdissement dans les bras & dans les jambes, le dégoût, une douleur de tête sourde, un pouls fréquent, la langue blanche & humide.

A ces symptomes succedent de grandes lassitudes, des nausées, des douleurs dans le dos, la stupeur dans la tête, l’altération dans la voix, l’inégalité de la fréquence du pouls, la sécheresse d’une peau brûlante, l’abattement des esprits, les tremblemens de mains, souvent des taches pétéchiales, quelquefois des sueurs froides & des diarrhées non critiques.

Enfin l’insomnie, le coma vigil arrivent, le visage devient blême, le regard sombre, les yeux sont enflammés & boüeux, le délire s’allume, l’oüie se perd, la langue tremble, les tendons sont attaqués de soubresauts, subsultibus, la vûe se trouble, les déjections sont colliquatives & d’une odeur cadavéreuse, le froid s’empare des extrémités, les convulsions emportent le malade.

La durée de cette scène est fort incertaine, car elle finit quelquefois en 5 ou 6 jours, d’autres fois en 14 ou 21 ; quelquefois cette fievre se transforme en hectique, & d’autres fois elle se termine en suppuration des parotides.

Prognostics. Ceux qui ont été affoiblis par des maladies précédentes, ou qui ont été guéris par la salivation, sont plus susceptibles d’infection que d’autres. Les femmes y sont moins exposées que les hommes, & en échappent plus aisément, mais la guérison ne préserve personne de la rechûte. Les plus mauvais signes sont ceux du troisieme période de cette maladie, ils annoncent presque toûjours la mort.

Cure. La cure demande d’être variée suivant l’état & les périodes de la fievre. On peut employer dans le commencement avec succès les atténuans, les sudorifiques & les anti-putrides ; la saignée devient seulement nécessaire si le malade est pléthorique. La transpiration veut être toûjours entretenue. Dans le second état, la saignée est pernicieuse, & les vomitifs inutiles. Les diaphorétiques legers sont toûjours convenables ; les tisanes doivent être acidulées d’esprit-de-soufre ou de vitriol ; le vin de Canarie mêlé dans du petit-lait, fournit une des meilleures boissons, & des plus propres à procurer une heureuse crise.

Dans le troisieme état, la medecine n’offre presque d’autre secours, que de tâcher de ranimer & de soûtenir les forces de la nature, ce qu’on peut essayer par des liquides visqueux, aromatiques ; l’esprit-de-corne de cerf donné de tems en tems, & par la poudre de contrayerva, réunie à une legere teinture de l’écorce du Pérou ; la diarrhée doit être modérée & non supprimée. Le délire demande l’application des vésicatoires & des sinapismes. Dans la suppuration des parotides, on ouvrira l’abcès aussi-tôt qu’il sera formé. En cas du rétablissement du malade, après avoir nettoyé les premieres voies, on employera les corroborans, les stomachiques, le quinquina, l’exercice, & sur-tout le changement d’air.

La partie fondamentale de la méthode curative, est d’éloigner le malade du mauvais air. Quand cela n’est pas possible, il faut purifier l’air qu’il respire par le feu, la fumée de vinaigre, les bayes de genievre, & autres semblables, ensuite renouveller cet air très souvent jour & nuit, tenir les rideaux des lits ouverts, & séparer les malades ; sans ces moyens préliminaires, il y a peu d’espérance de parvenir à leur rétablissement. Voyez l’excellent chapitre que M. Pringle a fait de cette fievre maligne, dans ses observations sur les maladies d’armées.

Fievre horrifique, phricodes febris, fievre accompagnée de frissons & de tremblemens plus ou moins longs, lesquels frissons & tremblemens sont une affection morbifique rarement séparée de la fievre.

Leur cause prochaine. Les frissons montrent qu’il y a une stagnation des fluides dans les extrémités, avec une moindre contraction du cœur ; le tremblement marque une alternative de tension & de relâchement dans les muscles en peu de tems & involontairement, de sorte que la circulation du liquide artériel & du suc nerveux est tantôt continuée & tantôt interrompue. Quelquefois ces deux symptomes sont causes par l’engorgement spasmodique du cerveau, qui porte le desordre dans tout le genre nerveux. Si le froid & le tremblement sont violens & de longue durée, ils forment des obstacles à la circulation des humeurs, & produisent les vices qui en sont les suites.

Cure. La méthode curative consiste à rétablir l’égalité de la circulation & celle de la pression du sang artériel & des esprits, de l’un contre les parois des arteres, & des autres sur les fibres motrices : c’est ce qu’on peut faire au commencement de la fievre dans laquelle ces deux symptomes de frissons & de tremblement se trouvent trop violens, en employant les remedes qui dissipent la lenteur, tels que sont des boissons d’eau chaude nitrée, avec un peu de miel & de vin, les lotions des liqueurs spiritueuses & nervines, les fomentations faites avec ces mêmes liqueurs, & les legeres frictions par tout le corps, On y joindra les corroborans & les fortifians.

Observations de pratique. On doit regarder en général les frissons, les horripulations, les tremblemens souvent répétés, comme des états convulsifs fort desavantageux dans le cours des fievres continues, parce qu’ils affectent beaucoup l’action du cœur & des arteres, & dérangent le méchanisme de la coction, comme on le remarque aisément par le changement qui arrive alors dans les urines. Les frissons & les tremblemens qui succedent à la sueur, sont d’autant plus dangereux, qu’ils marquent que la sueur elle-même n’est qu’un mauvais symptome de la maladie. Enfin les tremblemens convulsifs sont de mauvais présage dans le tems du frisson critique des fievres continues, lorsqu’ils sont suivis de chaleurs passageres qui s’entre-succedent alternativement. Voyez Hippocrate.

Fievre humorale, fievre causée & entretenue par une matiere hétérogene quelconque, dispersée dans la masse des humeurs circulantes.

On est porté à admettre ces sortes de fievres, si l’on considere qu’une matiere acre introduite dans nos humeurs, & qui circule avec elles dans les arteres, peut irriter immédiatement les membranes de ces vaisseaux, & y produire la fréquence de vibrations que nous nommons fievre.

La cause des fievres humorales est évidente par les effets mêmes des matieres irritantes qui passent dans les voies de la circulation. Les inspections anatomiques de cadavres où l’on ne découvre aucun vice des parties, donnent lieu de croire que la fievre & autres accidens qui pouvoient l’accompagner, ne survenoient pas d’une irritation locale ; d’où l’on juge qu’il faut les attribuer à une cause errante, dispersée dans la masse des humeurs. Le déletere de la petite vérole, ce principe de la fievre dans cette maladie, & souvent de beaucoup de desordres avant l’éruption, est certainement errant & dispersé ; l’éruption qui en résulte par tout le corps, & qui apporte ensuite le calme, en est une preuve manifeste.

Cet exemple, & plusieurs autres qu’il seroit inutile d’alléguer, ne permettent pas de douter de l’existence des causes humorales, qui, livrées au torrent de la circulation, peuvent susciter la fievre. C’est aussi ce qu’on voit arriver tous les jours dans les fievres qui commencent par des frissons & des tremblemens considérables, car alors le premier effet de l’hétérogene errant est d’exciter avec la fievre, un spasme qui domine sur elle, & qui en suspend presque tous les phénomenes.

Ce spasme mérite notre attention, 1°. parce qu’il dénote un caractere irritant ; 2°. parce qu’il s’oppose souvent aux opérations salutaires de la fievre, qui tend à la guérison du malade ; 3°. parce qu’il arrête les secrétions des sucs excrémenteux qui se forment continuellement, & qui doivent être chassés hors du corps.

Ainsi l’indication curative dans de telles fievres ; est de chercher à connoître le caractere de l’hétérogene irritant, pour le corriger & le détruire par les remedes convenables

Fievre inflammatoire, fievre aignë ou fievre ardente dont l’inflammation est répandue généralement sur tout le corps, lorsqu’elle n’est pas fixée particulierement dans tel ou tel organe. Elle consiste dans la vîtesse de la circulation rendue plus forte & plus fréquente par la contraction du cœur, en même tems que la résistance est augmentée vers les vaisseaux capillaires. Ainsi son siége est toute partie du corps où se distribuent des arteres sanguines, & où les lymphatiques prennent leur origine. Voyez Fievre aigue, Fievre ardente, Inflammation .

Fievre intermittente, febris intermittens, c’est celle dont l’intermission périodique produit toûjours une entiere apyrexie entre deux paroxysmes.

Ses distinctions en différentes classes sont faciles à faire, n’étant fondées que sur la seule différence du tems que ce mal dure ; & c’est d’après la différente durée de ces fievres, qu’on les nomme quotidienne, tierce, demi-tierce, quarte, double-quarte, &c. Il y en a quelquefois de quintes, πεμπταῖον, & même Boerhaave en a vû de septenaires exquises.

Distinction des fievres du printems & d’automne. Mais une distinction essentielle, c’est celle des fievres intermittentes de printems & d’automne. On appelle en général fievres intermittentes de printems, celles qui regnent depuis le mois de Février jusqu’à celui d’Août : & fievres intermittentes d’automne, celles qui commencent au mois d’Août & finissent en Février. Cette distinction est très-nécessaire à cause de la différence qui se trouve, tant dans la nature & les symptomes de ces deux sortes de fievres, que dans leur fin, leur durée & leur traitement ; d’ailleurs l’une se change en l’autre. Souvent même au commencement de l’automne, elles imitent exactement les fievres continues à cause de la longueur & du redoublement des accès ; cependant leur caractere & leur cure different extrèmement.

Cours & caracteres de la fievre intermittente. Elle commence avec des bâillemens, des alongemens, avec lassitude, débilité, froid, frisson, tremblement, pâleur aux extrémités, respiration difficile, anxiété, nausée, vomissement, célérité, foiblesse & petitesse de pouls. Plus ces accidens sont considérables & plus il s’en trouve de réunis ensemble, plus la fievre, la chaleur & les autres symptomes qui la suivent, sont mauvais ; tel est le premier état de la fievre intermitunte, & cet état qui répond à l’augment des fievres continues, est aussi le plus dangereux de tous : alors l’urine est ordinairement crûe & ténue.

Harvée en ouvrant des cadavres de gens morts dans ce premier degré de fievre intermittente, après des oppressions, des soûpirs, des anxiétés, des langueurs qu’ils avoient souffert, a trouvé le poumon farci de sang épais. Harv. exercit. anat. ch. xvj.

Au premier état il en succede un second, qui commence avec chaleur, rougeur, respiration forte, étendue, libre, moins d’anxiété, un pouls plus élevé plus fort, une grande soif, de la douleur aux articulations & à la tête, le plus souvent avec des urines rouges & enflammées.

Enfin 3°. la maladie finit d’ordinaire par des sueurs plus ou moins abondantes : tous les symptomes se calment, les urines sont épaisses, & déposent un sédiment ressemblant à de la brique broyée ; le sommeil, l’apyrexie & la lassitude surviennent.

Ses effets. La fievre intermittente qui est de longue durée, endommage les fibres des petits vaisseaux & des visceres par la stagnation, l’obstruction, la coagulation, l’atténuation qu’elle cause, de-la non-seulement les vaisseaux s’affoiblissent, mais les liquides dégénerent principalement, en ce que leurs parties sont moins homogenes & moins également mêlées ; de ces vices naît l’acrimonie des liqueurs, & de toutes ces choses ensemble, suit une disposition aux sueurs, qui débilite beaucoup par la perte de la viscosité même du sang qui sort avec elles ; l’urine est alors trouble, grasse & épaisse : telle est aussi la salive : ainsi le sang étant affoibli, dissous, privé de sa meilleure partie, celle qui reste devient acre & tenace ; c’est conséquemment par le relâchement des vaisseaux, l’épaississement & l’acreté des liqueurs, que ces fievres, lorsqu’elles durent long-tems, dégénerent quelquefois en maladies chroniques, telles que le scorbut, l’hydropisie, l’ictere, la leucophlegmatie, les tumeurs skirrheuses du bas-ventre, & autres maux qui en résultent.

Cause prochaine des fievres intermittentes. Après cette exacte discussion du cours des fievres intermittentes, on établit pour leur cause prochaine la viscosité du liquide artériel, & peut-être l’inaction des esprits, tant du cerveau que du cervelet, qui sont destinés pour le cœur, quand par quelque cause que ce soit, la contraction du cœur devient ensuite plus prompte & plus forte, & quand la résolution des humeurs qui sont en stagnation, vient à se faire. Par conséquent comme il n’est point de fievre intermittente qui ne garde cet ordre, il paroît que celui qui a pû surmonter le premier tems & la premiere cause, aura la force de supporter entierement le paroxysme.

Mais comme le premier état d’une fievre intermittente & sa cause prochaine peuvent venir d’une infinité de causes, même assez peu considérables, lesquelles peuvent plusieurs à la fois, prendre naissance au-dedans du corps, & y faire des progrès dans un état déterminé ; nos foibles lumieres ne sauroient distinguer cette cause actuelle d’une infinité d’autres possibles, encore moins donner la raison du retour périodique des fievres, suivant les lois de l’économie animale. Ce sont des secrets que la nature se plaît à cacher à l’intelligence humaine.

Cure. Dans le tems de l’apyrexie, ou même dans le premier état de la fievre intermittente, on doit avoir recours aux apéritifs salins, aux alkalis, aux aromatiques, aux sels minéraux, aux délayans, aux matieres douces & balsamiques ; la chaleur, le mouvement & les frictions conviennent aussi.

De plus, s’il s’est fait dans les premieres voies un grand amas de mauvaises humeurs, on les évacue par un purgatif ou souvent par un vomitif, pourvû qu’on le prenne dans un tems assez éloigné du paroxysme, pourvû qu’il fasse son effet avant son retour. Ce remede est indiqué par le régime qu’on a observé, par les maladies & les symptomes qui ont précédé, par les nausées, le vomissement, les rapports, le gonflement, par l’haleine, par les saletés qui paroissent sur la langue, au gosier, au palais, par l’anorexie, par l’amertume de la bouche, par le vertige ténébreux ; après l’opération du purgatif ou du vomitif, il faut avant le retour de l’accès suivant, appaiser le trouble qu’il a pû causer, par le secours d’un opiat, d’un calmant, d’un narcotique.

On dissipe aussi & le froid de la fievre, & la fievre même, par un sudorifique ; & voici comment. Quelques heures avant le retour de l’accès, on donne au malade une grande quantité de tisane apéritive, délayante, un peu narcotique : ensuite une heure avant le paroxysme, on le fait suer, & on ne cesse que deux heures après le tems que l’accès a recommencé, ou qu’il auroit dû reparoître.

Le second état de la fievre intermittente indique la nécessité d’une boisson aqueuse, chaude, nitrée, un peu acide, avec de la chicorée & de semblables apéritifs doux. Le malade doit d’ailleurs se tenir en repos, & dans une chaleur modérée.

Quand la crise met fin à l’accès, on répare les sueurs & les urines par des tisanes vineuses, des bouillons de viande, des décoctions tiedes ; ainsi loin d’exciter la sueur par la chaleur, par des médicamens ou à force de couvertures, il suffit de l’entretenir doucement, en augmentant seulement la quantité des fluides qui doivent lui servir de matiere. Enfin on remédie aux symptomes pressans, selon les regles de l’art.

La fievre étant tout-à-fait dissipée, on restaure le malade par un régime analeptique, par des corroborans : on le purge ensuite quand ses forces le permettent.

S’il s’agit d’une violente fievre d’automne, si le corps est affoibli par la maladie, si elle est déjà invétérée, s’il n’y a aucun signe d’inflammation, de suppuration interne, ni d’aucune obstruction considérable dans quelque viscere, c’est alors que le quinquina donné dans l’apyrexie est essentiel, en poudre, en infusion, en extrait, en décoction, en syrop, avec les remedes convenables, en observant la méthode, la dose & le régime nécessaire. De plus les épithèmes, l’onction de l’épine du dos, & les boissons astringentes sont de quelque utilité.

Observations de pratique. Pour traiter chaque fievre d’une maniere qui lui soit particuliere, il faut remarquer, 1°. que les fievres intermittentes, vraies, finissent d’autant plûtôt, qu’elles ont moins de remise, & réciproquement au contraire ; 2°. qu’alors elles approchent plus de la nature des fievres aiguës, & ont plus de disposition à se convertir en elles ; 3°. qu’elles naissent d’un plus grand nombre de causes, & peut-être de causes plus mobiles ; 4°. que conséquemment les fievres de printems se dissipent d’elles-mêmes par la chaleur qui survient ; 5°. qu’au contraire en automne le froid succédant au chaud, rend les fievres intermittentes plus violentes & plus opiniâtres ; 6°. que de-là il est facile de juger quelles sont les fievres qui demandent à être traitées, & comment elles le doivent être ; 7°. quelles sont au contraire les fievres dont il faut abandonner le traitement au régime, au tems, à la nature ; par exemple la plûpart des fievres intermittentes de printems, qui n’accablent ni ne débilitent point le malade, sont dans ce dernier cas. L’ancien proverbe anglois, an ague in the spring, is à physick for à king, la fievre du printems est un remede pour un roi ; ce proverbe, dis-je, est fondé en lumieres & en expériences, & M. Ray n’a pas dédaigné de prouver qu’on pouvoit le réduire à des principes incontestables d’une savante medecine.

En effet, la fievre bénigne intermittente est un des moyens dont se sert la nature pour se rétablir elle-même d’un état qui l’opprime, opérer la coction des crudités qui la surchargent, ouvrir les obstructions, tarir les humeurs surabondantes, dénoüer les articulations, & disposer les corps des jeunes gens à prendre tout l’accroissement, la force & la vigueur dont ils sont susceptibles. Voyez Fievre salubre.

J’ai lû quelque part (lettr. édif. tom. VII.) que l’empereur qui regnoit à la Chine en 1689, envoya trois de ses medecins en exil, pour ne lui avoir point donné de remedes dans une fievre intermittente. On diroit que quelques-uns de nos praticiens appréhendent d’éprouver le sort de ces trois medecins chinois, par l’attention qu’ils ont de ne les point imiter ; cependant la liberté de leur profession, nos mœurs & nos usages doivent les rassûrer : ils peuvent laisser passer le cours de la fievre intermittente d’un monarque, sans danger pour leurs personnes, & sans crainte pour la vie du malade.

Mais la fievre intermittente se change en remittente continue, aiguë, lente, hectique ; c’est alors sans doute qu’elle demande les secours de l’art. Il faut toûjours observer en même tems, si cette fievre est pure ou symptomatique, ce qu’on découvrira en considérant attentivement les divers symptomes qui l’accompagnent, la chaleur, le froid, la qualité du pouls, les déjections, les urines, les sueurs, la foiblesse, la durée, les redoublemens, les rechûtes. La fievre simple obéit naturellement aux remedes ordinaires ; mais la fievre symptomatique accompagne toûjours la cause dont elle émane, & ne cesse que par la destruction de cette cause.

Fievre lente, febris chronica, lenta. Febricula lenta, Cels. Fievre continue ou remittente, par laquelle la nature s’efforce lentement de se débarrasser de l’amas croupissant du sang ou des humeurs dans quelqu’un des principaux visceres, & de préserver cette partie du danger qui la menace.

Différence de la fievre lente & de la fievre hectique. La fievre lente proprement & distinctement ainsi nommée, differe à plusieurs égards de la fievre hectique, avec laquelle on la confond souvent. D’abord elle differe de la fievre hectique dans son origine ; car elle est assez généralement produite par la dégénération de fievres intermittentes mal traitées, ou violemment supprimées par des astringens ; mais la fievre hectique procede ordinairement de causes plus graves, & est liée aux terribles accidens des abcès, des vomiques & des empyemes. Dans la fievre lente les visceres ne sont point encore grievement attaqués ; mais dans la fievre hectique, ils le sont déjà par quelque ulcere, apostume, ou skirrhe.

Ces deux maladies different aussi beaucoup par le caractere de leurs symptomes ; dans la fievre lente, ils sont si legers, que les malades doutent au commencement de l’existence de leur fievre ; mais ils sont violens dans la fievre hectique. Ces mêmes symptomes diminuent quelquefois dans la continuité d’une fievre lente ; ils empirent dans la fievre hectique. Dans la fievre lente, les sueurs sont d’abord abondantes ; & dans la fievre hectique, les sueurs n’abondent que quand cette fievre est parvenue à son dernier période. La fievre lente est sujette à dégénérer en d’autres maladies ; la fievre hectique ne souffre aucun changement. Enfin la fievre lente se termine souvent & heureusement d’elle-même par les seuls sueurs de la nature ; la fievre hectique au contraire n’amende point, & devient presque toûjours fatale.

Signes de la fievre lente. La fievre lente se manifeste par une chaleur non naturelle, à peine sensible au tact & aux yeux du medecin ; le pouls foible, fréquent, inégal ; des urines troubles qui déposent en s’éclaircissant, un froid interne avec de legers tremblemens, de la pesanteur dans les membres, de la lassitude sans travail, une langue blanche, une bouche seche, le manque d’appétit : ces symptomes sont succédés par des sueurs abondantes pendant la nuit, une soif continuelle, l’abattement des forces, le dépérissement, la maigreur, la cacochymie, & autres maux qui en résultent.

Ses causes. La fievre lente se forme insensiblement dans la santé par la destruction de l’équilibre, par les passions tristes de l’ame, par l’habitation des pays marécageux, par la corruption spontanée des humeurs dans les scorbutiques & dans les femmes attaquées de fleurs blanches. Elle tire aussi son origine de l’obstruction des visceres, de quelque maladie aiguë qui a précédé, de fievres intermittentes de toute espece qui ont été mal gouvernées, de la suppression des évacuations accoûtumées, ou au contraire de L’épuisement des forces par de trop grandes évacuations, soit de sang, soit des humeurs.

Prognostics. Quand la fievre lente succede à une intermittente, & revient de nouveau dans son ancien état, elle n’est point dangereuse ; mais elle l’est beaucoup quand elle reste la même, ou qu’elle dégénere dans une maladie aiguë, & sur-tout dans une fievre hectique : on pourra la soupçonner vraiment hectique, si l’appétit reparoît, & que tous les mêmes symptomes continuent ; s’il s’y joint une petite toux, une respiration difficile, une pesanteur dans le bas-ventre, une douleur dans la maniere d’être couché, une chaleur seche, un pouls plus fréquent & plus agité.

Cure. On tâchera d’adoucir les passions tristes par les réflexions & les moyens les plus propres à y parvenir : on changera de demeure, s’il est possible. La corruption spontanée des humeurs doit être traitée par les antiseptiques, les infusions de quinquina & l’usage des corroborans. On tentera de lever les obstructions par les atténuans, les incisifs gommeux, ou les sels neutres ; ensuite on raffermira les visceres par les stomachiques & les chalybés les plus doux. Si la fievre lente provient d’une maladie aiguë, le tartre vitriolé & l’antimoine diaphorétique, avec de legers cathartiques dans les jours intermédiaires, peuvent opérer la guérison. Quand la fievre lente procede d’une intermittente, il faut tenter de la ramener à son ancien état. Stahl propose, pour y parvenir, une boisson habituelle d’une infusion d’aunée, de pimprenelle, de centaurée, d’écorce d’orange & de séné, avec une petite quantité de rhubarbe dans quelque liqueur appropriée. Les évacuations supprimées en demandent le cours pour la guérison de la fievre lente ; mais au contraire, si cette maladie est l’effet de trop grandes évacuations du sang ou des humeurs, il convient de recourir aux alimens analeptiques pour réparer les forces, aux legeres teintures d’acier pour rétablir le ton des visceres, & aux corroborans pour diminuer les sueurs nocturnes.

Observations de pratique. Les Medecins ont observé que les enfans sont sujets à une espece particuliere de fievre lente, qui est accompagnée d’une enflûre considérable de bas-ventre, de l’exténuation des parties supérieures, d’une chaleur vague, d’une toux seche, & d’une grande foiblesse. Cette espece de fievre lente provient d’ordinaire de la viscosité du chyle & de la lymphe, qui obstrue les glandes du mésentere. La méthode curative consiste dans les atténuans, les résolutifs, les fondans, les savonneux, & les apéritifs. Hoffman conseille ici les sels de tartre, de nitre, d’arcanum duplicatum en parties égales, avec du sel ammoniac par moitié, le tout dissous dans une liqueur convenable. Les bains, la chaleur, l’exercice, les frictions, les vesicatoires, méritent encore d’être recommandés.

C’est Celse qui a le premier indiqué la cure de la fievre lente, consultez-le.

Fievre lipyrie, lipyria. On nomme ainsi la fievre qui est accompagnée de froid extérieur du corps, & de l’ardeur intérieure des entrailles : c’est une espece de fievre épiale. Voyez Epiale & Lipyrie.

Fievre maligne, voyez Maligne.

Fievre miliaire ou vésiculaire, voyez Milaire.

Fievre pestilentielle, est celle qui est produite par une cause funeste, qui n’a aucune affinité avec nos excrétoires, qui est indomptable à la coction, & qui ordinairement ne souffre pas d’issues à l’extérieur.

Lorsque cette cause est extrèmement pernicieuse, spasmodique, colliquative, sphacélique, caustique, on donne le nom de peste à la maladie qu’elle procure. Voyez Peste.

Toute fievre qui se termine par la gangrene de quelque partie intérieure, a par-là le caractere des fievres qu’on appelle pestilentielles. Si la dissolution putride des humeurs est excessive, les actions organiques sont si déréglées, & la corruption qu’elle communique aux solides est si rapide, qu’elle cause promptement la mort ; espece de peste, & même de peste terrible & irremédiable.

L’acrimonie de la pourriture se manifeste dans les fievres pestilentielles par des tumeurs brûlantes, où les humeurs qui s’y fixent cautérisent, pour ainsi dire, les chairs de la même maniere que le font les caustiques. Cependant ces fievres ne se terminent pas toûjours sûrement & heureusement par les bubons, charbons, & gangrenes. Tous ces dépôts extérieurs sont insuffisans, quand il n’y a qu’une partie de la cause de la maladie qui se fixe au-dehors, & qu’il en reste assez dans la masse des humeurs, pour produire dans l’économie animale des desordres mortels. Il faut donc trouver le secret de procurer des ouvertures & des suppurations par lesquelles le délétere entier puisse être entraîné. Ainsi tant que les Medecins ne connoîtront pas d’antidote capable de dompter ces déléteres, ou de s’opposer à ses effets, ils manqueront la vraie cure des fievres pestilentielles.

Au reste, comme on a souvent caractérisé de fievres pestilentielles de simples maladies épidémiques putrides, d’un mauvais caractere, on a pareillement donné le nom de pure peste à des épidémiques pestilentielles ; c’est ce qui est arrivé à Plater ; mais comme il a eu occasion de voir dans le cours de sa vie, depuis 1539 jusqu’à 1611, les regnes différens de sept sortes de fievres pestilentielles, ses observations en ce genre méritent d’être lûes ; voyez aussi Riverius, de febribus pestilentialibus ; & Vander-Mye, de morbis popularibus bredanis tempore pestis, Antuerp. 1627, in- 4°. & sur-tout Diversus (Petrus Salius) dans son excellent traité de febre pestilenti, Bonon. 1584, in-4°. ed. prim. Amstel. 1681, in-8°. ed. opt.

Fievre pétéchiale, voyez Pétéchiale & Pétéchies.

Fievre pourprée, voyez Pourpre.

Fievre putride, est suivant les modernes cette fievre dont la colliquation putréfactive des humeurs, ferme le caractere distinctif. Voyez Pétéchiale & Pétéchies.

Je n’ajoûte ici qu’une seule remarque qui pourroit m’échapper dans le tems, & qui regarde une erreur très-commune & très-funeste dans la pratique de la Medecine. Lorsqu’une cause quelconque portant la corruption dans nos humeurs, vient à exciter la fievre, l’on ne manque guere d’imputer la putréfaction à la fievre qu’elle a suscitée, & l’on pense que cette fievre est réellement une fievre putride. Pareillement quand une cause maligne quelconque, produit outre la fievre d’autres accidens considérables qui l’accompagnent, on croit que c’est la fievre elle-même qui est maligne, & on la regarde comme le principe de toutes les fâcheuses affections morbifiques qui se trouvent avec elle. Dans cette idée, la fievre devient seule l’objet de l’attention du medecin, & pour lors il l’attaque avec tant de hâte & de violence, consécutivement par les vomitifs, les cathartiques, les saignées abondantes repétées coup-sur-coup, qu’en peu de jours il n’est plus question de la fievre ni du malade. Ædepol amice jugulasti febrem !

Fievre quarte, voyez Quarte.

Fievre quotidienne, voyez Quotidienne.

Fievre rémittente, est cette espece de fievre qui a son cours, de maniere que l’accès suivant commence avant que le précédent ait entierement cessé.

Observations sur les fievres rémittentes. 1°. Il n’est point de fievre intermittente qui ne soit exposée à dégénérer en rémittente, avec des redoublemens fixes ou inconstans, plus ou moins pressés, plus ou moins forts. 2°. De telles fievres deviennent ordinairement longues, dangereuses, & produisent rarement une bonne crise, parce que leurs causes inconnues sont difficiles à surmonter par les forces de la nature. 3°. Quelquefois les fievres endémiques, épidémiques, & pestilentielles, revêtent la nature des fievres rémittentes. 4°. La même chose arrive fréquemment aux maladies chroniques, dans la fonte de la graisse, dans la corruption accidentelle des sucs albumineux & gélatineux, ainsi que dans la suppuration de quelque abcès interne des divers ulceres du corps humain. 5°. La fievre inflammatoire, ardente, aiguë, continue, qui par ses exacerbations se change en fievre rémittente, en caractérise un des genres de la plus mauvaise espece.

Méthode curative. Cependant on ne connoît point de méthode curative particuliere pour le traitement des fievres rémittentes ; il faut se conduire ici suivant les regles prescrites pour la guérison des fievres en général ; & quand la fievre rémittente est symptomatique, sa cure dépend uniquement de la maladie dont elle émane.

Fievre salubre : les fievres salubres sont celles qui procurent la dépuration & l’expulsion de la cause qui les produit, & qui par ces heureux effets rétablissent parfaitement la santé.

On peut distinguer deux especes de fievres salubres ; celles qui sont simplement dépuratoires, & celles qui régulierement critiques, se guérissent à jour préfix, par coction ou par évacuation purulente. Voyez Fievre dépuratoire & Fievre critique.

Mais il y a, selon moi, des fievres salubres, ou pour mieux dire, salutaires, relativement à elles-mêmes & à leurs effets avantageux ; car quoique la fievre soit souvent funeste aux hommes, elle n’est pas toûjours le sergent de la mort, comme l’appelle un de nos poëtes, qui avoit puisé cette idée dans la doctrine des medecins de son tems & de son pays. Aujourd’hui on ne peut ignorer que plusieurs fievres intermittentes, & sur-tout la fievre tierce & la fievre quarte, ne soient des fievres plus communément salutaires que nuisibles : en effet, toutes les fois que ces sortes de fievres parcourent leurs périodes sans trop de violence ; toutes les fois qu’elles n’attaquent point des gens d’un âge décrépit & dont les forces soient épuisées, elles purifient merveilleusement le sang, résolvent puissamment les engorgemens des visceres, atténuent & mettent dehors les matieres morbifiques, dessechent les nerfs trop humectés, & raffermissent ceux qui sont trop relâchés.

C’est la seule action du mouvement fébrile, excité dans le genre musculaire, qui chasse par les excrétoires destinés à telles ou telles évacuations, la quantité surabondante de sérosité acre, circulante dans les humeurs ou dans quelque organe, comme on le voit dans les fievres catarrheuses & scarlatines.

La fievre est encore salutaire par elle-même dans des maux inaccessibles aux secrets de la Medecine. Elle appaise, par exemple, les douleurs des hypochondres, quand elles ne sont point accompagnées d’inflammation, & elle soulage la passion iliaque causée par la difficulté d’uriner.

Les maladies produites par des obstructions & par la viscosité des humeurs, se guérissent heureusement par le secours de la fievre, qui fait diviser & résoudre les liqueurs épaissies ou croupissantes, les préparer & les disposer à l’excrétion plus salutairement que ne le peut faire le plus habile praticien. Voilà pourquoi dans les obstructions considérables, c’est un mauvais signe, lorsque le mouvement fébrile n’est point proportionné à sa cause.

Si donc le génie du medecin consiste à arrêter une fievre pernicieuse, il ne consiste pas moins à soûtenir une fievre salutaire. Il doit faire plus, il doit l’allumer quand elle est trop lente, afin qu’elle travaille encore mieux à délivrer le corps des atteintes qui lui deviendroient funestes. Telle est la doctrine des anciens ; telle est celle des modernes véritablement éclairés. L’ordre que la divine Providence a établi dans le méchanisme des êtres corporels, est si beau, & ses vûes si bienfaisantes, que ce que le premier coup-d’œil présente comme nuisible, est souvent institué pour notre conservation. Nous mettons la fievre de ce nombre, puisque tout calculé, elle est en général plus salutaire que préjudiciable aux hommes. Sydenham, Boerhaave, MM. Vanswieten, Quesnay, Tronchin, & autres maîtres de l’art, la regardent comme un effort de la nature, & comme une arme dont elle se sert pour remporter la victoire dans plusieurs maladies qui menacent sa destruction.

Fievre scarlatine, affection morbifique consistante dans des taches d’un rouge d’écarlate qui accompagnent quelquefois la fievre, & qui lui ont donné le nom de scarlatine.

Ces taches, plus fréquentes dans l’âge tendre que dans aucun tems de la vie, ont coûtume de paroître sur le visage, & quelquefois même couvrent tout le corps. Elles commencent d’ordinaire le trois ou le quatrieme jour d’une petite fievre, deviennent insensiblement plus larges, subsistent peu de tems, & s’évanoüissent en ne laissant sur la peau que quelques écailles farineuses.

Cette maladie paroît avoir son siége dans les vaisseaux de la transpiration, & pour cause une dépravation bilieuse déposée sur la peau par un mouvement fébrile, en conséquence de la chaleur de la saison ou du tempérament. Alors cette matiere dispersée dans la circulation avant l’éruption, & portée au-dehors par le secours de la fievre, produit extérieurement sur la peau un leger sentiment de douleur & de chaleur, & intérieurement quelqu’anxiété, jointe à une petite toux assez fréquente. Si dans cet état l’on faisoit rentrer la matiere morbifique, le mal ne seroit pas sans danger ; mais la nature montre le chemin de la guérison : elle ne demande que les diluens, de legers diaphorétiques, un régime convenable, une chaleur moderée, & l’abstinence des remedes échauffans. Au reste, les fievres scarlatines sont les plus douces de toutes les fievres exanthémateuses ; il est très-rare qu’elles soient suivies de dépôts intérieurs.

Fievre scorbutique, fievre anomale, vague, périodique, communément intermittente, prenant toute la forme des autres fievres, mais qui est particuliere aux scorbutiques, & ne cede point à l’usage du quinquina.

Ses signes. Dans cette fievre les urines déposent un sédiment briqueté, dont les molécules rouges, adhérentes à l’urinal en forme de crystaux, y tiennent fortement, tandis qu’il se forme sur l’urine une pellicule qui s’attache au bord du vaisseau, quand on l’incline. C’est à cet indice & aux autres symptomes du scorbut, qu’on reconnoît l’espece de fievre dont il s’agit ici, laquelle est ordinairement plus fatigante que dangereuse.

Mais il y a néanmoins des fievres scorbutiques continues, malignes, contagieuses & cruelles. De telles fievres produisent des vomissemens, des diarrhées, des dyssenteries, des anxiétés, des taches noires, l’abattement des forces ; la putréfaction du foie, de la rate, du pancréas, du mésentere ; l’atrophie, la phthisie, la mort.

Cure. Cependant, quelle que soit la nature de ces sortes de fievres, on doit toûjours les traiter par les anti-scorbutiques opposés à l’espece particuliere de scorbut dont le malade est attaqué, & à l’acrimonie dominante, saline, muriatique, acide, alkaline, fétide, huileuse ou rancide. Voyez Scorbut.

Fievre septimane, c’est une fievre continue qui s’étend jusqu’au septieme jour, & que termine la simple défécation.

Par le secours de cette défécation, la fievre s’affoiblit à mesure que la dépuration se fait ; & cette dépuration se manifeste dans les urines, qui sont ici fort chargées, troubles & épaisses : car cette fievre n’a ni la violence ni le tems convenable pour produire d’autre coction. Il n’y a même ni jour indicatif ni jour confirmatif qui marque régulierement le tems où ces sortes de fievres doivent finir : quelquefois c’est à la premiere, d’autres fois à la seconde, & d’autres fois à la troisieme exacerbation ; rarement elles s’étendent jusqu’à la quatrieme, & par conséquent elles se terminent dans la semaine où elles ont commencé, ce qui leur a fait donner le nom de septimane.

Fievre spasmodique, febris spasmodica. Ce n’est point une fievre particuliere, c’est une affection symptomatique & très-effrayante, qui se rencontre quelquefois jointe à la fievre.

Cause prochaine. Elle est produite par un vice du cerveau, lequel provient ou d’une irritation qui se communique au cerveau par le moyen des nerfs ou du mouvement irrégulier & dérégle des liqueurs qui circulent dans ce viscere ; & cette irrégularité peut avoir pour causes toutes celles du délire, du coma, de l’insomnie.

Effets. Si le spasme dure long-tems, il affecte tout le genre nerveux, par la communication réciproque que les nerfs ont ensemble, d’où naissent tant de tristes maux.

Prognostics. L’affection fébrile convulsive est plus ou moins dangereuse, suivant sa violence, ses répétitions, & les causes dont elle émane. Les convulsions qui succedent dans la fievre à de grandes évacuations, sont pour l’ordinaire mortelles, ainsi que celles qui sont accompagnées d’un délire perpétuel.

Cure. On reglera toûjours la méthode curative sur la variété des causes. En général, on tentera d’adoucir l’acreté dominante, de résoudre la matiere engagée, de relâcher les parties qui sont en contraction, de fortifier celles qui sont foibles, de procurer une révulsion, &c. Si la fievre spasmodique est occasionnée par une irritation locale, on portera les remedes sur la partie irritée. En un mot, pour abreger ce vaste sujet selon les indications différentes, les causes, les parties affectées, les fonctions dérangées ou suspendues, on combattra le mal par des remedes différens ; par la saignée les purgatifs, les émétiques, les bains, les vésicatoires, les épispastiques, les fomentations, les frictions, les relâchans, les calmans, les cordiaux, les aromatiques, les nervins, les fétides, &c. d’où l’on voit assez combien sont ridicules les prétendus spécifiques anti-spasmodiques, auxquels le vulgaire, & principalement les grands seigneurs, donnent sottement leur confiance.

Fievre sporadique, ainsi dite de σπείρω, je disperse. Ce sont des fievres de différentes especes, semées çà & là sur certaines personnes seulement qu’elles attaquent en divers tems & lieux, parce qu’elles procedent d’une cause qui leur est propre & particuliere. Voyez Sporadique.

Je connois un ancien auteur qui a traité exprès ce sujet ; c’est Amicus (Diomedes), dont l’ouvrage écrit en latin, parut à Venise en 1605, in-4°. Mais l’ouvrage de Ramazzini, de morbis artificum, fournit encore plus de connoissances sur les maladies sporadiques particulieres.

Fievre stationnaire, voyez Fievre homotone. Mais Sydenham appelle fievres stationnaires, febres stationarias, les fievres continues épidémiques, qui dépendant d’une constitution particuliere & inconnue de l’air, regnent pendant tout le tems de la durée de cette constitution, & ne paroissent jamais autrement.

Fievre stercorale. Je donne, avec M. Quesnay, le nom de fievres stercorales à celles qui sont causées par des matieres viciées retenues dans les premieres voies, & qui se terminent par l’évacuation de ces matieres, lorsqu’on a recours à la purgation avant que ces mêmes matieres ayent infecté la masse des humeurs.

Nous comprenons ici sous le nom de matieres stercorales, non-seulement les matieres fécales dépravées dans les intestins, mais les matieres perverties contenues dans l’estomac, la bile dépravée qui est versée dans les intestins, les sucs vicieux qui séjournent dans les premieres voies, en un mot toutes les matieres qui sont immédiatement en prise à la purgation, & dont l’évacuation termine la maladie. Il faut par conséquent distinguer cette fievre de la fievre putride, qui dépend réellement de la dépravation putride des humeurs. Voyez Fievre putride.

Caractere de cette fievre. La fievre stercorale n’a aucun caractere distinct ; c’est une fievre plus ou moins compliquée, selon le degré d’érétisme que causent dans les premieres voies les matieres nuisibles qui y sont retenues ; ensorte que ce genre de maladie est susceptible de plusieurs symptomes spasmodiques plus ou moins considérables.

Signes. Les signes que peut fournir cette fievre, sont un grand dégoût, les rapports desagréables & de mauvaise odeur, l’amertume de la bouche, la langue chargée, la liberté du ventre, la fluidité & la puanteur des déjections, les angoisses ou le malaise des premieres voies, les borborygmes douloureux, les gonflemens, les contractions de l’abdomen, les débilités ou les défaillances qui précedent les évacuations. Quand ces signes manquent, & qu’on redoute néanmoins des matieres dépravées dans les premieres voies, on tentera d’exciter des évacuations par le moyen de lavemens un peu purgatifs, comme de crystal minéral, dans une décoction émolliente, afin de s’assûrer des qualités des déjections.

Causes. Parmi les causes qui occasionnent les fievres stercorales, souvent épidémiques, la mauvaise constitution de l’air est la plus imperceptible, mais la plus fréquente, & la plus capable de pervertir les alimens dans l’estomac.

Cure. L’essentiel de la cure consiste, comme il est aisé de le comprendre, dans l’évacuation des matieres dépravées, par le vomissement ou par la voie des selles, selon les dispositions favorables à l’un ou à l’autre genre d’évacuation. Les humectans, les relâchans sont nécessaires, & doivent y être joints pour faciliter l’effet des purgatifs, & prévenir l’irritation qu’ils peuvent causer. Si la fievre est violente, le pouls dur & fort, on commencera par la saignée ; on la répetera promptement, & on recourra aux lavemens adoucissans & laxatifs, au petit-lait pris en abondance, aux huileux, aux cataplasmes émolliens, pour pouvoir satisfaire au plûtôt à la principale indication par les purgatifs les plus convenables, administrés alternativement avec les parégoriques & les autres remedes relâchans. Si la fievre est accompagnée d’ardeur & de soif pressante, on doit donner au malade pour boisson ordinaire, & en quantité, le petit-lait chargé de creme de tartre, parce qu’il relâche, tempere & évacue sans irritation. On peut encore conseiller la décoction legere de tamarins, ou celle de pruneaux avec le crystal minéral. Voyez Ballonius, épid. lib. II. qui est excellent sur ce sujet.

Fievre subintrante, est celle dont l’intermission n’est point sensible : on la nomme autrement continue-rémittente Voyez Fievre rémittente, & Fievre continue-rémittente.

Fievre sudatoire, helodes febris. La fievre sudatoire est une affection morbifique, laquelle consiste en sueurs immoderées qui accompagnent les fievres aiguës.

Causes. La sueur fébrile est produite par le relâchement & la foiblesse des petits vaisseaux, par la violence de la circulation du sang, par la facilité avec laquelle l’eau se dégage des autres principes du sang, par la dépravation des humeurs, par leur dissolution putride. Enfin les sueurs continuelles sont quelquefois causées par une simple acrimonie ; car suivant que cette acrimonie a une affinité particuliere avec les organes de quelques-unes des voies excrétoires, elle excite, de même que celle des remedes évacuans, l’action de ces organes, & provoque les évacuations qui se font par ces mêmes organes.

Effets. La sueur fébrile qui dure long-tems & immodérément, prive le sang de son liquide délayant ; épaissit le reste, excepté dans les fievres colliquatives ; enleve la partie la plus subtile des humeurs, produit des obstructions, des foiblesses, l’exténuation du corps, l’abattement des forces.

Cure. Il ne faut ni provoquer la sueur, ni l’arrêter par le froid, mais la modérer en se couvrant moins, en s’abstenant de tout ce qui est échauffant, en réparant les pertes par des boissons douces & délayantes, en émoussant l’acreté, quelle qu’elle soit ; en corrigeant la colliquation des humeurs par les boissons anti-septiques & legerement astringentes : mais quand les sueurs colliquatives jettent les malades dans une foiblesse extrème, elles peuvent être supprimées avec succès. Il est facile de remarquer dans de telles maladies, que le sang ou la partie la plus grossiere des humeurs tombe en dissolution ; & que malgré les sueurs copieuses, la partie fluide domine encore dans le sang, comme il paroît par celui qu’on tire alors des veines.

Observations de pratique. Les praticiens observent, 1°. que les évacuations critiques se font souvent tout-à-coup par le secours des sueurs, sur-tout dans les crises des inflammations & des fievres aiguës ; mais les fievres qui durent plusieurs semaines, se terminent rarement par des sueurs critiques remarquables. 2°. Les sueurs critiques abondantes s’annoncent d’ordinaire par un pouls véhément, gros, souple, mou & ondulent. 3°. Une grande sueur termine communément les accès de fievres intermittentes ; mais les sueurs qui sont legeres, fréquentes ou continuelles, annoncent la lenteur de la coction, ou la longueur de la maladie. Voyez Hippocrate & ses commentateurs.

Fievre sympathique, fievre excitée par la communication & la correspondance des nerfs du corps humain avec la partie où la cause irritante se trouve fixée.

On a mille exemples de ces sortes de fievres ; car toutes celles qui sont occasionnées par des plaies, celles qui sont produites par une inflammation locale, celles qui sont causées par des douleurs ou des irritations dans une partie nerveuse, comme au bout du doigt lorsqu’il est attaqué d’un panaris, sont autant de fievres sympathiques, qui cesseront seulement par la guérison de la plaie, de l’inflammation & de l’irritation locale, ou par l’amputation de la partie malade.

Fievre symptomatique ; c’est ainsi qu’on appelle toute fievre excitée par quelque maladie générale ou particuliere, & qui loin d’adoucir ou de détruire cette premiere maladie, ne fait au contraire que l’aggraver.

Causes. Sa cause prochaine est donc toûjours une maladie précédente, qui par son accroissement ou sa fâcheuse métamorphose, excite envain les forces de la nature pour en opérer la guérison par le secours de la fievre.

Signes. On juge qu’une fievre est symptomatique, 1°. quand elle ne paroît qu’après une autre maladie qui a précédé ; 2°. quand cette premiere maladie venant à s’augmenter, la fievre s’allume aussi davantage ; 3°. quand le sédiment briqueté des urines ne marque plus les paroxysmes de la fievre précédente ; 4°. quand on sait par le tems de l’année ou de la constitution épidémique, que la même nature de fievre ne regne point ; 5°. quand cette fievre ne cede pas aux meilleurs fébrifuges.

Cure. Sa guérison dépend uniquement de celle des maladies aiguës ou chroniques dont elle est l’effet, comme, par exemple, quand elle survient à la goutte, au rhûmatisme, au scorbut, à l’hydropisie, &c. Il faut donc bien distinguer la fievre symptomatique de celle qui se guérit naturellement par coction ou par crise : autre chose est la fievre qui se manifeste avant l’éruption de la petite vérole, autre chose est celle qui paroît symptomatiquement après cette éruption.

Fievre syncopale, affection morbifique qui consiste dans de fréquentes syncopes, lesquelles surviennent au retour de l’accès ou du redoublement de la fievre. Voyez Syncope.

Comme ce symptome est effrayant par la pâleur qu’il produit, la petitesse du pouls, la collabescence des vaisseaux, la flaccidité des muscles ; que d’ailleurs il n’est pas sans danger, parce qu’il arrête le cours du suc nerveux, & suspend le mouvement de la circulation du sang, il faut tâcher d’en découvrir les diverses causes, pour y diriger les remedes.

Si la syncope survient dans la fievre, de la foiblesse de la circulation, on la ranimera par des alimens liquides, analogues, doux, gélatineux, artificiellement digérés, agréables, vineux, cardiaques, aromatiques, tirés du regne animal & végétal, donnés souvent en petite quantité, & aidés dans leurs effets par de legeres frictions aux parties extérieures du corps.

La syncope fébrile qui procede d’humeurs dépravées dans le ventricule, & quelquefois de vers qui s’y rencontrent, se dissipera par des vomitifs & par les vermifuges, & l’on en préviendra le retour par les stomachiques.

Quand la syncope procede de la mobilité des esprits, il faut les rappeller par les volatils portés fréquemment aux narines, les anti-hystériques, les cardiaques, les corroborans, & fortifier ensuite le corps par les stomachiques nervins.

La défaillance qui est occasionnée par des concrétions du sang qui commencent à se former, demande les délayans, les atténuans, les savonneux, l’action des muscles.

On connoît que la compression du cerveau & du cervelet est la cause des défaillances, par la lésion des fonctions qui dépendent de leurs bonnes dispositions, lorsque, par exemple, la syncope est accompagnée de délire, de vertiges, de tremblemens, &c. On relâchera les vaisseaux, en humectant par de douces fomentations la tête, le visage, les narines, la bouche, le cou, & en appliquant aux piés les épispastiques.

Fievre tierce, voyez Tierce.

Fievre tritæophie, Tritæophés, de τριταῖος, tierce, & φύω, être de même nature & de même origine. Cette fievre vient le troisieme jour, & arrive alors presqu’à son plus haut période ; ce qui la distingue de la tierce proprement dite, de la tierce alongée, & de la demi-tierce. Du reste son nom est une épithete commune à toutes les fievres qui ont leur accès ou leur retour périodique le troisieme jour ; elle ne forme jamais de crise parfaite par les urines ou par les sueurs, mais les évacuations bilieuses naturelles l’appaisent. Comme ses causes & son prognostic sont les mêmes que de la fievre tierce ou intermittente prolongée, elle demande le même traitement : voyez donc Fievre tierce.

Fievre tropique, tropica febris. Les anciens appelloient fievres tropiques, les colliquatives putrides qui s’étendent jusqu’au quarantieme jour : on leur a donné vraissemblablement ce nom, parce que le quarantieme jour est le terme des révolutions septenaires.

Les crises sont bien moins violentes & moins remarquables dans les fievres tropiques que dans les fievres aiguës de toute espece : apparemment que pendant un période si long, la coction qui se fait ne procure qu’une médiocre dépuration à chaque exacerbation ; c’est-à-dire que les crises s’operent seulement en détail & à différentes fois, jusqu’à ce que la maladie soit parfaitement terminée.

Il faut donc distinguer ces sortes de fievres chroniques des fievres hectiques, lesquelles dépendent d’une cause qui perpétue ou renouvelle continuellement celle qui les entretient, ensorte qu’elles ne peuvent produire ni coction ni crise qui les consume. Voyez Fievre hectique.

Toutes les fievres dont la durée passe quarante jours, sont envisagées comme des maladies entretenues d’ordinaire par quelque vice des organes, ou même encore par l’impéritie du medecin. Tous ces articles du mot Fievre, sont de M. le Chevalier de Jaucourt.

Fievre, (Mytholog.) nom propre d’une divinité payenne, Febris. Les Romains firent de la Fievre une deesse, & l’honorerent seulement pour l’engager à moins nuire, suivant la remarque de Valere-Maxime, liv. II. ch. v. n. 6.

Cette déesse avoit à Rome plusieurs temples ; & du tems de l’auteur que nous venons de citer, trois de ces temples subsistoient encore, l’un sur le mont Palatin, l’autre dans la place des monumens de Marius, & le troisieme au haut de la rue longue. On apportoit dans ces temples les remedes contre la Fievre, avant de les donner aux malades, & on les exposoit quelque tems sur l’autel de la divinité. Ce moyen servoit plus à guérir l’esprit que le corps, dit Valere-Maxime lui-même ; & les anciens Romains qui mirent la Fievre au rang des dieux, dûrent leur santé bien plus à leur frugalité qu’à la protection de la déesse.

Nous ignorons comment ils la représentoient ; mais nous avons la formule d’une priere ou d’un vœu qui lui a été fait, & qui s’est conservé dans une inscription trouvée en Transylvanie. Cette inscription publiée par Gruter, donne à la Fievre les noms de divine, de sainte, & de grande. La voici. Febri divæ, Febri sanctæ, Febri magnæ, Camilla Amata, pro filio male affecto, P. « Camilla Amata offre ses vœux pour son fils malade, à la divine Fievre, à la sainte Fievre, à la grande Fievre ».

Au reste les Romains avoient reçû cette divinité des Grecs, avec cette différence que ces derniers en faisoient un dieu, parce que le mot πυρετὸς, fievre, est masculin, & que febris est féminin ; mais c’est toûjours le même être qu’ils ont divinisé dans chaque pays, pour satisfaire aux préjugés du peuple. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Fievre, (Manege, Maréchall.) maladie commune à l’homme & à l’animal. Le medecin profond & éclairé en recherche encore la nature individuelle ; l’ignorant toûjours présomptueux se flate de l’avoir saisie : la sage timidité de l’un la précipitation hardie de l’autre, doivent inspirer la plus grande réserve. Je ne joindrai donc point témérairement ici mes foibles efforts à ceux du premier ; & je ne me livrerai pas d’une autre part, à l’inutile soin de reprimer le ton impérieux & décisif du second. Les divisions que suggerent les différences que l’on remarque dans les fievres dont le cheval est atteint ; les causes évidentes de ces fievres, leurs symptomes, les justes indications qui peuvent déterminer le maréchal dans le choix & dans l’application des remedes, sont les uniques points dans lesquels je me propose de me renfermer. Si je ne lui présente que les faits que j’ai scrupuleusement observés ; & si de ces faits présentés & certains je ne tente pas de m’élever par la voie des inductions & des conséquences, à la découverte d’un principe ou d’une cause prochaine jusqu’à présent ensevelie dans les ténebres de la nature, qu’il sache que la nuit profonde qui nous dérobe une foule innombrable d’objets & de vérités, est préférable aux vaines & fausses lueurs que nous ne prenons que trop souvent pour de véritables lumieres ; qu’il apprenne que les systèmes, les hypothèses, & toutes les bisarres productions d’une imagination ou d’un esprit qui se perd, peuvent d’autant plus aisément l’égarer, qu’elles ont fait de la Medecine des hommes, c’est-à-dire de l’art le plus utile & le plus salutaire, un art funeste & dangereux ; & que qui méconnoît le doute & ne craint point l’erreur, est inévitablement sujet à des écarts également indignes de la raison & du savoir, qui ne sauroient en être la source.

Toute fievre qui ne subsiste pas par elle-même, & qui n’est que l’effet d’une maladie quelconque qui affecte quelque partie du corps de l’animal, est dite fievre secondaire ou symptomatique.

Toute fievre qui forme principalement la maladie, & qui ne peut en être regardée comme une dépendance, un accident, ou une suite, est appellée fievre absolue, ou fievre idiopathique, ou fievre essentielle.

Celle-ci est intermittente ou continue.

On nomme fievres intermittentes celles qui cessent par intervalles, & qui reprennent par accès, soit que leurs périodes soient reglées, soit qu’elles se montrent erratiques ou confuses.

Dans la distinction que M. de la Guériniere a faite des fievres considérées par rapport à l’animal, il admet la fievre tierce & la fievre quarte. La définition triviale qu’il nous en donne, & à laquelle il se borne, ne dispose point à croire qu’il les ait réellement apperçûes dans le cheval : son témoignage ne peut donc être de quelque poids qu’autant qu’il se trouve appuyé de l’autorité de Ruini. Ce dernier est de tous les auteurs qui méritent quelque confiance & que j’ai consultés, le seul qui en fasse mention : il parle même d’une sorte de fievre intermittente subintrante qu’il appelle, d’après les Medecins, fievre quarte continue. Je ne nie point, relativement à l’animal dont il s’agit, la possibilité de leur existence, de leur retour, & de leurs redoublemens périodiques ; mais je me suis imposé la loi de ne rien avancer qui ne soit généralement avoüé, ou qui ne soit établi sur mes observations particulieres ; & cette même loi m’interdit toute discussion à cet égard.

Il n’en est pas ainsi des fievres continues, je veux dire de celles qui sont sans intermission : l’expérience m’a appris qu’il en est qui ne lui sont que trop souvent funestes.

Les unes m’ont paru simples, & les autres composées.

Celles-ci different essentiellement de celles qui sont simples, par les accès, les invasions, les redoublemens, l’augmentation des symptomes qui pendant leur durée, prouvent & annoncent de plus grands efforts de la part de la cause morbifique : j’ajoûterai que ces paroxysmes ou ces redoublemens n’ont jamais à mes yeux évidemment gardé aucun ordre.

De toutes les fievres continues, l’éphémere est la plus simple ; elle se termine ordinairement dans l’espace de vingt-quatre heures, quelquefois dans l’espace de trente-six. Si la durée s’étend au-delà de ce tems, elle est dite fievre éphémere étendue, ou, pour me servir du langage de l’école, fievre synoque simple : c’est cette même fievre dont le cours est plus ou moins long, que l’on ne suppose point fomentée par l’amas & la corruption des humeurs, qui est égale depuis son commencement jusque à sa fin, & qui tant qu’elle subsiste, ne laisse entrevoir aucune diminution & aucune augmentation sensibles.

On peut encore envisager les fievres continues par leur violence, par leur qualité, par leur constance, par leurs causes, & par leurs symptomes.

1°. Selon la rapidité de leurs progrès & selon la promptitude avec laquelle elles se terminent ; elles sont ou simplement aiguës, ou fort aiguës, ou extrèmement aiguës.

2°. La difficulté avec laquelle elles cedent aux remedes, leur constance, la lenteur de leurs mouvemens, dénotent des fievres chroniques, semblables à celles que suscitent des dépôts internes, & telles, par exemple, que la fievre colliquative qui accompagne la morve, quand elle est parvenue à un certain degré. Ces fievres lentes sont toûjours symptomatiques : on ne peut conséquemment en triompher qu’en attaquant & en domptant la maladie qui les occasionne. Il arrive aussi dans le cheval, comme dans l’homme, que des fievres aiguës dégénerent en fievres de ce caractere.

3°. Dès qu’on se croit en droit d’accuser de la maladie présente une matiere fébrile considérable, & que l’on suppose cachée dans le sang ou dans les premieres voies, la fievre continue ou synoque putride ; & si la perversion prétendue des humeurs est excessive ou entiere, elle est ardente ou maligne. Les maréchaux la nomment alors feu, mal de feu, mal d’Espagne ; & elle est directement opposée par sa qualité aux fievres synoques simples, & aux fievres éphémeres, qui sont des fievres bénignes.

4°. Enfin si à tous les signes de la fievre maligne se joignent une grande prostration des forces, des exanthèmes, des bubons, des anthrax, &c. la maladie se manifestera par des symptomes trop positifs pour qu’il soit permis d’y méconnoître la fievre pestilentielle.

Ces détails que je n’étendrai pas plus loin, suffisent à quiconque prétend se former une idée des fievres qui peuvent survenir à l’animal ; elles sont toutes renfermées dans les divisions que j’en ai faites : celles dont le traitement m’a été confié, se réduisent à des fievres continues, ou lentes, ou aiguës, ou éphémeres, ou non putrides, ou putrides, ou pestilentielles, ou malignes.

Un travail immodéré & trop violent, un refroidissement, un repos trop constant & trop long, un défaut dans le régime, une nourriture abondante capable de surcharger l’estomac, à la suite d’un exercice pénible & forcé ; la faim, la soif même ; des eaux croupies, corrompues, indigestes ; une boisson froide donnée à un cheval échauffé ou qui est en sueur ; des alimens trop chauds, des fourrages aigres, le foin vasé & qui a été mouillé, le foin nouveau, de mauvais grains ; les vicissitudes de l’air ambiant ; des chaleurs excessives, des froids demesurés, des transitions subites & répétées des premieres à ceux-ci ; des tems humides & pluvieux, des tems de sécheresse & d’aridité ; l’ardeur d’un soleil brûlant, des exhalaisons putrides qui infectent quelquefois tout un pays, tout un camp, &c. telles sont en général les causes évidentes des unes & des autres ; à l’exception de la fievre lente qui n’est point essentielle, ainsi que je l’ai déjà remarqué, qui n’est que le produit de la lésion de quelques visceres, ou d’une maladie chronique quelconque.

Les autres fievres symptomatiques que le cheval éprouve, & qui peuvent être placées au rang des fievres aiguës, procedent communément de la douleur plus ou moins vive que suscitent en lui de fortes tranchées, l’érésypele, l’étranguillon, la fourbure, des tumeurs phlegmoneuses, des abcès, des plaies, &c. Les médicamens propres à calmer & à détruire ces maux, sont aussi les seuls qu’il convient d’employer pour en abréger le cours.

Il est des signes généraux des fievres ; il en est de particuliers à chacune d’elles.

Les signes généraux sont une respiration plus ou moins difficile, plus ou moins laborieuse, plus ou moins fréquente, & une accélération plus ou moins considérable des mouvemens ordinaires du diaphragme & des muscles abdominaux ; mouvemens très-sensibles dans les flancs, & accélérés selon la fréquence des inspirations que l’animal est machinalement obligé de faire pour faciliter & pour subvenir au passage du sang que le cœur agité chasse dans les poumons avec plus d’impétuosité & en plus grande abondance que ces organes ne peuvent en admettre dans l’état naturel.

Dans la plus nombreuse partie des chevaux, vainement tenterions-nous de consulter le pouls, cette regle des grands medecins, cet oracle qui leur dévoile la force du cœur & des vaisseaux, la quantité du sang, sa rapidité, la liberté de son cours, les obstacles qui s’y opposent, l’activité de l’esprit vital, son inaction, le siege, les causes, le danger d’une foule de maladies ; mais qui cesse d’être intelligible, & qui devient ambigu, obscur, & captieux pour ces docteurs frivoles, fourbes, ou ignorans, qui, sans égard à l’inégalité de la force de ce muscle, des canaux & du fluide sanguin dans les divers sujets, & aux variétés de cette même force dans un même individu, & sans la plus legere connoissance de la constitution & du tempérament du malade, prononcent au premier abord, & tirent ensuite du tact & de l’examen le moins réfléchi, des indications & des conséquences fausses & souvent meurtrieres.

Il faut convenir néanmoins que ce signe ou cette mesure de l’action & des mouvemens qui constituent la vie, ne nous abandonne pas toûjours. J’ai vû quelques chevaux dont l’artere du larmier étoit assez superficielle & le cuir assez fin pour permettre de distinguer les pulsations, & même de juger de leur dureté, de leur mollesse, de leur fréquence, de leur rareté, de leur intermittence, de leur uniformité, de leur grandeur, de leur petitesse, de leur continuité, & de leur interruption. J’ai vérifié sur eux les observations rapportées dans l’Hæmastatique de M. Hales, en ce qui concerne le nombre des battemens, & j’en ai suivi la progression dans les divers âges : j’en ai compté quarante-deux par minute dans le cheval fait & tranquille ; soixante-cinq dans un poulain extrèmement jeune ; cinquante-cinq dans un poulain de trois ans ; quarante-huit dans un cheval de cinq ans, mais limosin, & par conséquent d’un pays où ces sortes d’animaux sont long-tems attendus ; trente dans un cheval qui présentoit des marques évidentes de vieillesse ; cinquante-cinq, soixante, & même cent dans le même cheval dont j’avois ouvert les arteres crurales, & que je sacrifiois à ma curiosité ; la fréquence des pulsations augmentant à mesure qu’il approchoit de sa fin : enfin dans des jumens faites j’en ai compté trente-quatre & trente-six ; ce qui prouve que dans les femelles des animaux, le pouls est plus lent que dans les mâles ; & ce qui démontre, lorsque cette différence nous frappe dans les personnes des deux sexes, que la marche, les lois & les opérations de la nature sont à-peu-près les mêmes dans le corps de l’homme & de l’animal. Du reste, si les battemens des arteres de la machine humaine sont en raison double de ceux des arteres du cheval, on ne doit point imaginer avec M. de Garsault que la consistence naturellement plus épaisse du sang de l’animal, soit en lui une des causes principales de l’éloignement des contractions du cœur ; elles sont toûjours moins distantes les unes des autres dans les grands animaux, & elles sont toûjours plus fréquentes dans les plus petits : on pourroit même s’en convaincre par leur variété dans un bidet & dans un grand cheval de carrosse ; non que la force du sang artériel ne l’emporte dans les animaux les plus grands, ainsi qu’on peut s’en assûrer dans les tables de Hales, en comparant les hauteurs perpendiculaires du sang dans les tubes fixés aux arteres, mais parce que ce liquide ayant en eux un plus grand nombre de ramifications, & des vaisseaux d’une bien plus grande étendue à parcourir, éprouve dans son cours beaucoup plus d’obstacle & de résistance.

Il est encore des chevaux dans lesquels les pulsations du tronc des carotides sont appercevables à la vûe, précisément à l’insertion de l’encolure dans le poitrail, quand ils sont atteints de la fievre : communément aussi dans la plûpart de ceux qui fébricitent, le battement du cœur n’est point obscur ; mais ceux de toutes les arteres sont absolument inaccessibles au tact : nous ne pouvons donc juger alors avec certitude de la liberté de l’action de ces canaux, de leur resserrement, de leur tension, de leur dureté, de leur sécheresse, &c. ni saisir avec précision une multitude de différences très-capables de guider des esprits éclairés ; & ces battemens ne nous apprennent rien de plus positif que ce dont nous instruisent les symptomes généraux dont j’ai parlé, c’est-à-dire la respiration fréquente, & l’accélération du mouvement des flancs.

Les signes particuliers à la fievre éphémere sont l’accès subit de cette fievre, qui n’est annoncée par aucun dégoût, & qui se montre tout-à-coup dans toute sa force, la chaleur modérément augmentée de l’animal, le défaut des accidens graves qui accompagnent les autres fievres, & la promptitude de sa terminaison.

Ceux qui sont propres à la fievre éphémere étendue, ou à la fievre continue simple, different de ceux-ci par leur durée, & par la tristesse plus grande du cheval.

Des frissons qui s’observent, sur-tout aux mouvemens convulsifs du dos & des reins ; la chaleur vive qui leur succede ; la véhémence du battement du flanc, sa tension, l’excessive difficulté de la respiration ; l’aridité de la bouche ; une soif ardente, l’enflure des parties de la génération ; la position basse de la tête ; beaucoup de peine à la relever ; la froideur extrème des oreilles & des extrémités ; des yeux mornes, troubles, & larmoyans ; une foiblesse considérable, une marche chancelante ; un dégoût constant ; la fétidité d’une fiente quelquefois dure, quelquefois peu liée, quelquefois graisseuse ; une urine crue & aqueuse ; la chûte du membre ; la couleur fanée du poil ; une sorte de strangurie, qui n’a lieu que quand l’animal chemine ; la persévérance avec laquelle il demeure debout & sans se coucher, sont autant de symptomes qui appartiennent à la fievre putride.

La plûpart de ces mêmes symptomes sont aussi communs aux fievres ardentes ; mais ils se présentent avec un appareil plus effrayant.

La chaleur d’ailleurs inégale en divers endroits, est telle qu’elle est brûlante, sur-tout au front, autour des yeux, à la bouche, à la langue qui est âpre & noire, raboteuse, & à laquelle il survient souvent des especes d’ulceres. L’air qui sort par l’expiration n’est pas plus tempéré ; l’accablement est encore plus grand ; la soif est inextinguible ; une toux seche se fait entendre ; la respiration est accompagnée d’un râlement ; la tête est basse & immobile ; l’haleine est puante ; une matiere jaunâtre, verdâtre, noirâtre, flue quelquefois des nasaux ; les excrémens sont desséchés, ou bien ils sont semblables à ceux qui caractérisent le flux dissentérique : si l’yschurie n’a pas lieu, l’urine qui coule est noire & très-souvent sanguinolente ; enfin le cheval peut à peine avaler la boisson qu’il prend & qu’il rend alors par les nasaux dans lesquels elle remonte par l’arriere-bouche.

Dans la fievre pestilentielle, tous ces signes d’une inflammation funeste s’offrent également ; les tumeurs critiques qui paroissent au-dehors, ainsi que je l’ai déjà dit, la désignent spécialement & d’une maniere non équivoque.

Quant à la fievre lente, dès que les lumieres que nous pourrions acquérir par le pouls nous sont en général & presque toûjours interdites, le seul symptome univoque qui nous reste est le marasme, la consomption, & un dépérissement insensible.

De toutes ces fievres, celles qui portent avec elles un caractere de putridité, de malignité, & de contagion, sont les seules qui soient vraiment dangereuses ; la fievre lente ne l’est pas par elle-même ; elle n’est que l’effet des progrès fâcheux d’une maladie chronique, qui conduit le cheval pas-à-pas à sa perte. Les suites de l’éphémere qui s’étend ou se prolonge ne sont redoutables qu’autant qu’elle dégénere en synoque putride : mais dans celle-ci comme dans les autres, la violence des signes que j’ai décrits, doit tout faire craindre : l’obscurcissement des yeux, leur immobilité, l’affaissement des paupieres, le larmoyement involontaire, la difficulté de la déglutition, la sueur froide des parties génitales, le relâchement de la peau des tempes, la sécheresse de celle du front, la froideur & la puanteur de l’haleine, le refus obstiné de toute boisson & de tout aliment, l’inquiétude continuelle de l’animal qui se couche, se jette à terre, se releve, retombe, se roidit, s’agite, & se débat ; ses plaintes, son insensibilité totale, la pâleur & la lividité de ses levres, le grincement de ses dents, l’augmentation du râlement, la disparition subite des bubons & des charbons qui s’étoient montrés & qui ne reparoissent plus, &c. tels sont les présages presque assûrés d’une mort plus ou moins prochaine.

La route des succès dans le traitement de ces maux seroit bien incertaine, si pour y parvenir il étoit question de remonter à la connoissance intime des degrés par lesquels les humeurs dégénerent, de tous les changemens & de tous les desordres que cette dégénération produit dans l’économie animale, des sources & de la transmission de toutes les impuretés qui les pervertissent, de la véritable action, des diverses combinaisons, de la forme, & des autres dispositions méchaniques de ces substances nuisibles, de leur affinité & de leurs rapports cachés avec les différentes parties qui composent la machine : pour moi, j’avoue que je n’aurai jamais assez d’audace & assez d’amour-propre pour entreprendre de pénétrer jusque à ces agens & à ces êtres imperceptibles & pernicieux ; content de m’opposer aux effets dont mes sens sont témoins, je n’ai garde de vouloir m’adresser à la cause efficiente qui m’est voilée.

Le soin de guérir la fievre éphémere doit être abandonné aux mouvemens spontanés des vaisseaux & du sang ; tout l’art consiste à ne point troubler l’ouvrage de la nature, le repos, la diette, l’eau blanche, l’usage des délayans concourront avec elles. Si cette fievre outre-passe le tems ordinaire de sa durée, on examinera attentivement les signes qui l’accompagnent, à l’effet de distinguer si elle sera continue, simple, ou continue putride : dans le premier cas, on saignera l’animal, on lui administrera des lavemens émolliens ; on jettera dans son eau blanchie quelques pintes de la décoction émolliente faite avec la mauve, la guimauve, la pariétaire ; on le tiendra au son, & on ne lui donnera point de fourage, pour éviter que des mauvais sucs formés dans les premieres voies, vû le trouble des fonctions des organes de la digestion dans cette circonstance, ne sollicitent des accidens plus graves : dans le second cas, les mêmes remedes seront salutaires ; les saignées seront réitérées selon la véhémence des signes, les lavemens émolliens multipliés ; on y ajoûtera le crystal minéral ; on en jettera dans sa boisson. Lorsque les principaux symptomes seront évanoüis ou calmés, on rendra purgatifs les lavemens émolliens, en y délayant du miel mercuriel de nymphéa ou de violettes, environ quatre onces, & deux onces de pulpe de casse : on fera enfin observer à l’animal un régime toûjours exact ; & s’il est encore besoin d’évacuer, on pourra terminer la cure par un purgatif : car ces sortes de médicamens ne sont funestes qu’autant qu’ils sont très-mal composés par les maréchaux, ou donnés avant que l’irritation soit appaisée.

Une écurie dans laquelle l’air sera pur, froid, & souvent renouvellé, sera très-convenable au cheval attaqué de la fievre ardente. Elle demande dans les commencemens, sur-tout si elle est avec toutes les marques d’inflammation que j’ai désignées, les secours de la saignée. La boisson de l’animal sera tiede, abondante ; on aura attention d’y jetter du crystal minéral. Si on peut lui faire avaler quelque chose avec la corne, on lui donnera de la décoction émolliente dans laquelle on aura ajoûté des gouttes d’eau de rabel, jusqu’à ce qu’elle ait acquis une certaine acidité. On coupera avec cette même décoction émolliente, le lait de vache écremé dont on composera des lavemens en y mêlant deux ou trois jaunes d’œufs : s’il en est besoin, on pourra employer en même tems le sirop de pavot blanc, à la dose de trois onces ; les indications devant nous diriger dans le choix des clysteres. La vapeur de l’eau chaude déterminée dans ses nasaux, des injections poussées par la même voie dans l’arriere-bouche, & faites avec une décoction de feuilles d’alléluya, & quelques gouttes d’esprit de soufre ou d’eau de rabel, seront encore très-utiles : il s’agira en un mot de mettre fin à la contraction des fibres, par tous les moyens possibles ; de délayer exactement les liqueurs, & d’évacuer insensiblement par les urines, par l’insensible transpiration, tout ce qui peut entretenir la maladie.

La saignée, les purgatifs doivent être proscrits dans la fievre pestilentielle : il en est de même de la boisson nitrée, attendu l’abattement considérable des forces. Si néanmoins l’animal n’est pas beaucoup affaissé, & si l’on remarque une agitation très-vive dans les solides & dans les fluides, ainsi que tous les symptomes qui l’annoncent, on pourra tenter avec la plus grande circonspection, de l’appaiser par des lavemens, & en lui ouvrant la veine. Cet objet rempli, on aura recours à des cordiaux tempérés, tels que les eaux de chardon benit, de scorsonere & de scabieuse, qu’on lui donnera avec la corne : peu-à-peu on passera de ces cordiaux tempérés à des cordiaux plus chauds & plus actifs, tels que le diaphorétique minéral, le bèzoard, la poudre de viperes, le sel volatil de corne de cerf, la thériaque, &c. dont l’effet est de chasser & de pousser à l’habitude du corps la matiere morbifique, & par lesquels il est à propos de débuter, lorsque le cheval est, pour ainsi dire, anéanti.

A l’égard des tumeurs critiques, notre but principal doit être d’attirer le venin au-dehors, en favorisant la suppuration, pour rendre la crise parfaite. On employera pour y parvenir le cataplasme maturatif fait avec le levain, l’oseille, le basilicum, la fiente de pigeon : mais on appliquera, s’il est nécessaire, les ventouses sur le bubon qui dès que nous appercevrons de la fluctuation, sera ouvert avec un bouton de feu. Nous entretiendrons la suppuration jusqu’à ce que toute la dureté soit consumée : après quoi nous détergerons l’ulcere, nous le mondifierons, & nous le conduirons à une parfaite cicatrice ; sauf à mettre ensuite en usage les purgatifs pour terminer entierement la cure. (e)