L’Encyclopédie/1re édition/HÉRACLIDES
HÉRACLIDES, s. m. pl. (Hist. anc.) ce sont les descendans d’Hercule, qui régnerent dans le Péloponnèse, après plusieurs tentatives inutiles depuis leur expulsion par Eurysthée.
Les uns, avec le P. Pétau, ne parlent que de deux tentatives des Héraclides pour rentrer dans leurs anciennes possessions : d’autres, avec Scaliger, en distinguent trois : d’autres en reconnoissent un plus grand nombre. Mais comme ils ne sont point d’accord ensemble sur les époques de ces tentatives, nous allons tâcher de les fixer.
L’an 1323 avant J. C. & quarante-un ans avant la prise de Troie, les Héraclides chassés de la Grece par Eurysthée, l’implacable ennemi d’Hercule & de toute sa race, se réfugierent à Athènes où Thésée les prit sous sa protection & marcha contre ce prince. Hyllus fils d’Hercule & de Déjanire, qui étoit à la tête de l’armée, vainquit Eurysthée, le tua, & passa dans le Péloponnèse avec ses troupes. Mais il fut obligé de se retirer promptement, à cause de la contagion qui desoloit le pays : alors Atrée fils de Pélops régnoit à Argos & à Mycènes.
Hyllus étant revenu dans le Péloponnèse, la troisieme année après sa retraite, fut tué en combat singulier, par Echémus roi de Tégée, & les Héraclides se retirerent.
L’an 1257 avant J. C. & trente-cinq ans après la prise de Troie, ils firent une nouvelle entreprise sur le Péloponnèse sous la banniere de Cléodæus fils d’Hyllus. Cette entreprise ne réussit pas mieux que les deux précédentes ; Cléodæus fut repoussé par Oreste, établi sur le trône de son pere Agamemnon.
L’an 1222 avant J. C. & soixante ans après la prise de Troie, les descendans d’Hercule formerent sans se décourager une quatrieme tentative sur le Péloponnèse, ayant à leur tête Aristomachus fils de Cléodæus ; mais ils échouerent encore, & leur chef périt au passage de l’isthme.
Enfin 1202 ans avant J. C. & quatre-vingts ans après la prise de Troie, les Héraclides, sous la conduite des trois fils d’Aristomachus, firent une cinquieme entreprise, dans laquelle ils eurent la fortune aussi favorable qu’ils l’avoient jusqu’alors éprouvé contraire.
Ce ne fut néanmoins qu’au bout de plusieurs années qu’ils parvinrent à déposséder de divers royaumes les descendans de Pélops ; ils s’emparerent premierement de Lacédémone & y formerent deux branches de rois régnans conjointement. Ensuite ils se rendirent maîtres d’Argos, de Mycènes, de l’Elide & de Corinthe.
Leur droit sur les royaumes de Mycènes & d’Argos étoit incontestable. Amphytrion, pere d’Hercule & petit-fils de Persée roi de ces deux pays, ayant eu le malheur de tuer par mégarde Electrion son oncle & pere de sa femme Alcmène, fut obligé de s’enfuir à Thèbes. Sthénélus, maître des états de son neveu fugitif, les transmit à son fils Eurysthée : celui-ci n’eut point d’enfans & institua pour héritier son oncle maternel Atrée fils de Pélops & pere d’Agamemnon. C’est de cette maniere que la couronne étoit passée aux Pélopides, qui donnerent leur nom au Péloponnèse, appellé auparavant Apie.
La révolution produite par le succès des Héraclides, changea presque toute la face de la Grece. Jusques-là, dit M. Tourreil, les habitans du Péloponnèse se divisoient proprement en Achéens & en Ioniens ; les premiers possédoient les terres que les Héraclides assignerent aux Doriens & aux autres peuples qui les avoient accompagnés ; les derniers habitoient la partie du Péloponnèse nommée depuis l’Achaïe ; ceux des Achéens qui descendoient d’Æolus, & que l’on chassa de Lacédémone, se retirerent d’abord en Thrace, & allerent ensuite s’établir dans le canton de l’Asie mineure qu’ils appellerent Æolide, où ils fonderent Smyrne & onze autres colonies.
Les Achéens de Mycènes & d’Argos étant contraints d’abandonner leur pays, s’emparerent de celui des Ioniens. Ceux-ci, après s’être réfugiés à Athènes, vinrent au bout de quelques années occuper cette côte de l’Asie mineure, qui prit d’eux le nom d’Ionie. Ils bâtirent avec le tems Ephèse, Clazomène, Samos & plusieurs autres villes.
Le retour des Héraclides est le commencement de l’histoire de Grece, dont elle fait une des principales époques ; & ce qui précede leur rétablissement doit être regardé comme les tems fabuleux que les Poëtes ont embelli. (D. J.)