L’Encyclopédie/1re édition/HOTELLERIE

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 320).
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HOTELLERIE, s. f. (Grammaire.) bâtiment composé de logemens, chambres, écuries, cours & autres lieux nécessaires pour loger & nourrir les voyageurs, ou les personnes qui font quelque séjour dans une ville.

Hôtellerie de Turquie, (Hist. mod.) édifice public où l’on reçoit les voyageurs & les passans, pour les loger gratuitement. Il y en a quantité de fondations sur les grands chemins & dans les villes d’Asie.

Les hôtelleries qu’on trouve sur les grands chemins, dit M. Tournefort, sont de vastes édifices longs ou quarrés, qui ont l’apparence d’une grange. On ne voit en dedans qu’une banquette attachée aux murailles, & relevée d’environ trois piés, sur six de large ; le reste de la place est destiné pour les mulets & pour les chameaux ; la banquette sert de lit, de table & de cuisine aux hommes. On y trouve de petites cheminées à sept ou huit piés les unes des autres, ou chacun fait boüillir sa marmite. Quand la soupe est prête, on met la nape, & l’on se place autour de la banquette les piés croisés comme les tailleurs. Le lit est bien-tôt dressé après le souper, il n’y a qu’à étendre son tapis à côté de la cheminée, & ranger ses hardes tout-au-tour ; la selle du cheval tient lieu d’oreiller, & le capot supplée aux draps & à la couverture.

On trouve à acheter à la porte de ces hôtelleries, du pain, de la volaille, des œufs, des fruits, & quelquefois du vin, le tout à fort bon compte. On va se pourvoir au village prochain, si l’on manque de quelque chose. On ne paye rien pour le gîte : ces retraites publiques ont conservé en quelque maniere le droit d’hospitalité, si recommandable chez les anciens. Voyez Hospitalité.

Les hôtelleries des villes sont plus propres & mieux bâties ; elles ressemblent à des monasteres, car il y en a beaucoup avec de petites mosquées ; la fontaine est ordinairement au milieu de la cour, les cabinets pour les nécessités sont aux environs ; les chambres sont disposées le long d’une grande galerie, ou dans des dortoirs bien éclairés.

Dans les hôtelleries de fondation, on ne donne pour tout payement qu’une petite étrenne au concierge, & l’on vit à très-vil prix dans les autres. Si l’on veut y être à son aise, il suffit d’y avoir une chambre servant de cuisine ; l’on vend à la porte de l’hôtellerie viande, poisson, pain, fruits, beurre, huile, pipes, tabac, caffé, chandelle, jusqu’à du bois. Il faut s’adresser à des Juifs ou à des Chrétiens pour du vin, & pour peu de choses ils vous en fournissent en cachette.

Il y a de ces hôtelleries si bien rentées, que l’on vous donne aux dépens du fondateur, la paille, l’orge, le pain & le ris. Voilà les fruits de la charité qui fait un point essentiel de la religion mahométane ; & cet esprit de charité est si généralement répandu parmi les Turcs, qu’on voit de bons Musulmans qui se logent dans des especes de hutes sur les grands chemins, où ils ne s’occupent pendant les chaleurs qu’à faire reposer & rafraichir les passans qui sont fatigués. Nous louons ces sortes de sentimens d’humanité, mais nous ne les avons pas beaucoup dans le cœur ; nous sommes très-polis & très-durs. (D. J.)