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L’Encyclopédie/1re édition/ILIAQUE

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 552-554).
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ILIAQUE, adj. en Anatomie, se dit des parties relatives à l’ileon. Voyez Ileon.

L’artere iliaque est une des branches de la division de l’aorte inférieure. Voyez Aorte.

L’artere iliaque se porte obliquement vers la partie latérale & supérieure de l’os sacrum, là elle se divise en deux branches, l’une qu’on appelle artere iliaque interne, ou artere hypogastrique, qui se jette dans le bassin ; & l’autre artere iliaque externe, qui rampe le long des parties latérales & supérieures du bassin, sans jetter de branches considérables, & vient passer sous le ligament de Fallope, où elle fournit plusieurs branches, & prend le nom d’artere crurale. Voyez Hypogastrique & Crurale.

Le muscle iliaque vient de la face interne de l’os des îles de la crête, de ses épines antérieures, de leur intervalle ; en descendant sur la partie inférieure de ce même os, se joint au grand psoas, & s’insere avec lui au petit trochanter.

Iliaque passion, (Medecine.) ileus, εἰλεὸς ; ce nom est dérivé du mot grec εἰλεῖσθαι, qui signifie être replié, contourné ; circumvolvi, contorqueri, auxquels répondent les noms latins qu’on donne à cette maladie, de volvulus, passio volvulosa ; elle est décrite dans Cælius Aurelianus sous le nom de tormentum ; quelques auteurs grecs l’appellent aussi χορδαψός, pensant que les intestins sont alors tendus comme des cordes ; son nom vulgaire francisé est miserere, nom tiré sans doute de la compassion qu’arrache l’état affreux des personnes qui en sont attaquées. Le symptome qui caractérise cette maladie est un vomissement presque continuel avec constipation ; on vomit d’abord les matieres contenues dans l’estomac, peu après on rejette la bile, des matieres chileuses, même des excrémens ; quelquefois aussi les malades ont rendu par la bouche les lavemens, les suppositoires. S’il en faut croire quelques medecins observateurs, en même tems ils ressentent des douleurs aiguës dans le bas-ventre ; la soif est immodérée, la chaleur excessive, la foiblesse extrême, le pouls est dur, vibratil, serré, vîte, la respiration est difficile ; à ces accidens surviennent quelquefois, lorsque la maladie est à son dernier période, le hoquet, convulsion, délire, sueurs froides, défaillances, refroidissement des extrémités, &c. Cette maladie est quelquefois contagieuse, comme l’a observé Schenkhius, lib. III. observ. Amatus Lusitanus (Observ. cap. viij.) assure l’avoir vûe épidémique ; les malades qui en étoient attaqués rendoient beaucoup de vers par la bouche. Cette maladie est au rapport de Bartholin (Epistol. cap. iv. pag. 529.) endémique dans la Jamaïque, île d’Amérique. On lit dans Forestus une observation singuliere de Dodonée, touchant une passion iliaque périodique, dont les paroxysmes revenoient tous les trois jours. Lib. XXI. observ. 19.

Les causes de cette maladie sont extérieures ou internes ; on ne peut connoître celles-ci que par l’ouverture du cadavre, l’observation nous découvre les autres ; c’est par elle que nous savons que la passion iliaque est souvent excitée par les poisons, les champignons, les émétiques, les violens purgatifs. Un nommé Guilandius, au rapport de Prosper Alpin (Method. medend.), fut attaqué d’une passion iliaque mortelle, pour avoir pris des pilules & demi-once d’hiera picra ; un accès de colere, un exercice violent ont quelquefois produit le même effet ; Zacutus Lusitanus a observé une passion iliaque déterminée par un arrêt subit de la sueur & de la transpiration dans un jeune seigneur qui venoit de jouer à la paume ; l’abus & l’usage déplacé des astringens, a quelquefois occasionné cette maladie. Fernel raconte qu’une fille en fut atteinte pour avoir mangé trop abondamment des coings, & qu’on les trouva ramassés dans le cœcum, qui en avoit été resserré & retréci. On en a vu survenir à la suite d’une blessure dans le bas-ventre ; mais les causes les plus fréquentes sont les hernies. L’ouverture des cadavres nous fait souvent appercevoir les causes internes, c’est-à-dire les vices, les dérangemens qui produisent plus immédiatement cette maladie. Dans tous les cadavres de personnes mortes de passion iliaque, on voit le conduit intestinal fermé dans quelques endroits, tantôt par des excrémens durs, des vers, des tumeurs, des ulceres, par des concrétions pierreuses, crétacées, plâtreuses, &c. tantôt par des inflammations considérables, très-souvent par l’étranglement des intestins descendus dans le scrotum dans les hernies ; quelquefois par des entrelacemens, des nœuds, des replis, des déplacemens de quelque portion d’intestin. Quelques auteurs ont refusé de croire que cette cause eût lieu, par la singuliere & cependant très-ordinaire raison, qu’ils ne comprenoient pas comment les intestins attachés au mésentere, pouvoient ainsi se déranger ; mais ce raisonnement, quelque plausible qu’il puisse être, doit céder à une foule d’observations qui constatent ce fait : ces replis sont même quelquefois très-multipliés. Riviere en a observé trois dans l’intestin ileon ; Henri de Keers en a trouvé cinq, & Barbette dit en avoir vû jusqu’à sept. On peut ajouter à cela les observations de Plater, de Penarole, d’Hyppolitus Boscus, & de plusieurs autres. Le vice le plus fréquent qu’on apperçoit dans les intestins des personnes qui sont mortes de cette maladie, est l’intussusception ou invagination d’une portion d’intestin dans une autre ; on a vû quelquefois tout le cœcum rentré & caché dans l’ileum. Cette cause est attestée par beaucoup d’observations de Columbus, de Silvius de le Boë, de Plempius, de Frédéric Ruisch ; c’est celle qui produit le plus ordinairement l’ileus endémique de la Jamaïque. Voyez Barthol. Peyer a observé jusqu’à trois semblables invaginations dans le même sujet ; Patin traite aussi ce redoublement de chimérique, parce qu’il ne l’a jamais vû. Quelquefois ces duplicatures se rencontrent sans qu’il y ait passion iliaque, comme je l’ai observé dans un homme qui mourut subitement après avoir pris l’émétique, au premier effort qu’il fit pour vomir. Il n’est pas rare de trouver aussi dans les cadavres les intestins retrécis & étranglés dans certains endroits, comme s’ils fussent serrés par une corde. Le skirrhe du mésentere ou des parties environnantes est une des causes découvertes par les inspections anatomiques. Le pancreas grossi & obstrué en comprimant l’intestin, en a occasionné l’inflammation, l’ulcere & la passion iliaque. Kerkringius, observ. anatom. 42. On trouve souvent l’épiploon & les intestins gangrenés & sphacelés ; la corruption est quelquefois si grande, qu’elle empêche d’enlever les visceres & de pouvoir examiner la cause du mal. Baillou, liv. II. épidém. Hildan, de gangren. cap. iv. Il paroît pourtant par toutes ces observations, qu’il ne suffit pas que le conduit intestinal soit bouché, il faut encore qu’il y ait une irritation qui fasse sur les intestins le même effet que les émétiques font sur l’estomac. Ces causes peuvent agir dans les intestins greles ou dans les gros, ce qui produit quelque léger changement dans les symptomes ; lorsque les greles sont affectés, les douleurs sont plus vives, les vomissemens plus fréquens ; les matieres qu’on rend par le vomissement sont chimeuses ou chyleuses. Lorsque les gros intestins sont attaqués, les vomissemens sont plus lents, les douleurs moins aiguës ; elles se font sentir principalement aux hyppocondres & aux reins, le malade vomit les excrémens, &c.

Le diagnostic de cette maladie n’est pas difficile, elle est très-bien caractérisée par le vomissement joint à la constipation totale ; mais il est très-important d’en bien distinguer les causes, sur tout de reconnoître l’inflammation lorsqu’elle est présente ; alors les douleurs sont vives, la fievre est plus violente, l’altération & l’agitation du corps plus grandes, le pouls est dur & fréquent. La connoissance de ce qui a précéde peut aussi fournir des éclaircissemens ; on peut s’appercevoir facilement en examinant le malade si la maladie doit être attribuée à quelque hernie ; les autres causes sont trop cachées pour qu’on puisse même les soupçonner, on est obligé d’agir en aveugle, & ce n’est pas le seul cas où l’on soit réduit au tatonnement & à la divination souvent funestes, mais indispensables.

Prognostic. La passion iliaque est une maladie très dangereuse, fort aiguë, qui est bientôt terminée plûtôt en mal qu’en bien : lorsqu’elle dépend de l’inflammation, ou qu’elle en est accompagnée, il est rare qu’on en réchappe ; il y a plus à espérer si elle est la suite d’une hernie, parce qu’on peut rentrer l’intestin, ou du moins on a toujours le pis-aller de l’opération ; elle se guérit assez facilement lorsqu’elle est la suite d’une constipation opiniâtre, d’un rentrement d’intestin, &c. La guérison est prochaine lorsque le malade prend les lavemens & qu’il les rend facilement, que les douleurs ne sont point fixes ni continues ; il n’y a plus de danger lorsque les remedes laxatifs qu’on prend par la bouche, operent par les selles ; mais le péril est pressant, & il ne reste plus d’espérance, lorsque les douleurs qui étoient extrémement aiguës, viennent à cesser tout-à-coup sans que les autres symptomes diminuent, alors l’abbatement des forces est plus sensible, l’haleine est puante, la foiblesse & la vîtesse du pouls augmentent, les sincopes sont fréquentes, la gangrene est formée, & la mort est prochaine ; le hoquet, la convulsion, le délire survenans à la passion iliaque sont des signes d’un très-mauvais augure. Hippocr. aphor. 10. lib. VII.

Curation. Cette maladie est une de celles où la nature n’opere rien pour sa guérison ; elle exige les secours de l’art les plus prompts & les plus appropriés ; ils doivent être variés suivant les différentes causes : lorsqu’il y a inflammation ou qu’elle est à craindre, il est à propos de faire une ou deux saignées, de donner des lavemens émolliens, anodins, d’appliquer sur le bas-ventre des fomentations de la même nature ; intérieurement on doit avoir recours aux remedes rafraichissans, tempérans, anti-orgastiques, calmans ; tels sont les eaux de poulet, tisanes émulsionées, le nitre, la liqueur minérale anodine d’Hoffman ; si les douleurs sont trop vives, il faut donner les narcotiques, mais à petite dose ; on peut essayer quelques légers purgatifs en les associant aux calmans même narcotiques. S’il y a hernie, il faut en tenter la réduction, ou en venir de bonne heure à l’opération. Voyez Hernie. Lorsqu’on n’a à craindre ni l’inflammation ni l’hernie, on peut donner des lavemens plus actifs, plus stimulans ; la fumée du tabac injectée dans l’anus par l’instrument de Dekkers, est très-convenable ; Hippocrate conseille d’enfler les boyaux avec de l’air ; il y a des souflets propres à cette opération : Celse recommande avec raison les ventouses. Les Chinois guérissent cette maladie par le cautere actuel. On a vû quelquefois de bons effets de l’application des animaux tout chauds sur le ventre ; il ne faut pas trop perdre du tems à employer ces remedes ; pour peu qu’ils tardent à produire de bons effets, il faut recourir au remede de Vanhelmont, aux balles de plomb, d’argent ou d’or ; avec ce remede, dit-il, neminem volvulo perire sivi ; ou ce qui est encore mieux, au mercure, dont il faut faire avaler une ou deux livres, & agiter, promener en voiture, s’il est possible, le malade ; mille observations constatent l’efficacité de ce remede. Ne seroit-il pas à propos de faire marcher ces malades piés nuds sur un terrein froid & mouillé ? Les personnes saines à qui il arrive de faire pareille chose, sont punies de cette imprudence par la diarrhée. Enfin tous ces secours inutilement employés, quelques auteurs proposent d’ouvrir le ventre, de dénouer & raccommoder les intestins ; cette opération est cruelle, elle peut être inutile, dangereuse ; mais c’est une derniere ressource dans des cas absolument désespérés. Article de M. Menuret.