L’Encyclopédie/1re édition/IMPAIR

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 582-583).
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1. IMPAIR, adj. (Arith.) c’est ainsi qu’on nomme par opposition à pair, un nombre qui ne se peut exactement diviser par 2.

2. Tout nombre impair est essentiellement terminé vers la droite par un chiffre impair, & c’est de ce chiffre seul qu’il prend son nom ; car ceux qui précedent étant tous des multiples de 10 = 2 × 5, sont conséquemment divisibles par 2 ; & jusques-là le nombre reste pair.

3. Il est évident que l’obstacle qui se rencontre à la division exacte d’un chiffre simple par 2, ne réside que dans une unité qui s’y trouve de trop ou de trop peu. Tout chiffre impair devient donc pair par l’addition ou la soustraction de l’unité, & par une suite (n°. 2.) le nombre même qu’il termine.

4. Un impair étant combiné avec un autre nombre quelconque b.

Si c’est par addition ou par soustraction, la somme ou la différence sont d’un nom différent de celui de b.

Si c’est par multiplication ou par division (on suppose celle-ci exacte), le produit ou le quotient sont de même nom que b.

S’il s’agit d’exaltation ou d’extraction, une racine exprimée par un nombre impair donne une puissance de même nom, & réciproquement.

5. Telles sont les principales propriétés du nombre impair pris en général ; mais le caprice & la superstition lui en ont attribué d’autres bien plus importantes. Il fut en grande vénération dans l’antiquité payenne. On le croyoit par préférence agréable à la divinité : numero Deus impare gaudet. C’est en nombre impair que le rituel magique prescrivoit ses plus mystérieuses opérations ; necte tribus nodis ternos, &c. Il n’étoit pas non plus indifférent dans l’art de la Divination ni des augures. Ne s’est-il pas assujetti jusqu’à la Medecine ? L’année climactérique est dans la vie humaine une année impaire ; entre les jours critiques d’une maladie (voyez Crise), les impairs sont les jours dominans, soit par leur nombre, soit par leur énergie. Au reste, en rejettant ce qu’il y a de chimérique dans la plûpart de ces attributions, nous ne laissons pas de reconnoître en certains impairs des propriétés très-réelles, mais numériques, c’est-à-dire du genre qui leur convient ; & nous en ferons mention dans leur article particulier. Voyez entre autres Neuf & Onze.

6. Si l’on conçoit les nombres impairs rangés par ordre à la suite l’un de l’autre, il résulte une progression arithmétique indéfinie, dont le premier terme est 1, & la différence 2 : c’est ce qu’on nomme la suite des impairs.

Cette suite a une propriété remarquable relative à la formation des puissances ; mais qui n’a jusque ici, du-moins que nous sachions, été connue ni développée qu’en partie. La voici dans toute son étendue.

7. A toute puissance numérique d’une racine r & d’un exposant e quelconques, répond dans la suite générale des impairs une suite subalterne des termes consécutifs, dont la somme est cette puissance même.

Il s’agit d’en déterminer généralement le premier terme p, & le nombre des termes n.

8. A l’égard des puissances d’un exposant pair, la chose a déjà été exécutée. On s’est apperçu que le premier terme de la progression subalterne ne differe point de celui de la suite principale, & que le nombre des termes est exprimé par la racine seconde de la puissance cherchée ; c’est-à-dire que pour ce cas-là

.
Faut-il élever 5 à la quatrieme puissance, on a
. dernier terme 49, somme des extrèmes 50 ;
somme totale .

9. Quant aux puissances d’un exposant impair, il n’a jusqu’ici rien été déterminé. Le premier terme de la progression subalterne dont elles sont la somme, est enfoncé plus ou moins dans la profondeur de la suite principale : mais il en sera toûjours tiré & comme montré au doigt par cette formule,

.
& le nombre des termes par cet autre

S’agit-il d’élever 3 à la septieme puissance ; on trouve

=55 dernier terme 107 ; somme des extr. 162 ; somme totale n =27

10. Les choses considérées sous ce point de vûe ; élever une racine quelconque à une puissance donnée, ce n’est que chercher la somme d’une progression arithmétique, dont, avec la différence constante 2, on connoît le premier terme & le nombre des termes (variables l’un & l’autre, mais déterminés par les formules.)

Pour faciliter l’opération ; comme en toute progression arithmétique qui a 2 pour différence (Voyez Progression arithmétique.), la somme est  ; en substituant au lieu de p & de n leurs valeurs indiquées par les formules, le résultat sera la puissance demandée.

Si p = 1, se réduit à  : mais (n°. 8.) quand l’exposant est pair, on a p = 1. Donc quand l’exposant est pair, la somme de la progression subalterne (égale à la puissance cherchée) est le quarré du nombre même de ses termes,

En effet, dans le premier exemple ci-dessus, .

11. Il n’est pas besoin de faire observer que quand ou (qui expriment le nombre des termes), sont des puissances elles-mêmes trop élevées, on peut les former par la même méthode, & rabaisser tant qu’on voudra de l’un en l’autre l’exposant de r, jusqu’à le réduire à l’unité.

12. Au reste il est facile de rappeller les puissances de l’une & de l’autre classe à une formule commune, qui aura même sur celles qu’on vient de voir, cet avantage, qu’outre la solution de tous les cas possibles, elle donnera de plus toutes les solutions possibles de chaque cas. (Car dès que e > 3, le problème devient indéterminé ; c’est-à-dire qu’il y a dans la suite générale des impairs plusieurs suites subalternes, dont la somme est la puissance cherchée).

m, dans la nouvelle formule ci-au-dessous, est un nombre quelconque < e pair, dans les puissances d’un exposant pair, où il peut même être 0, & impair dans celles d’un exposant impair. Autant que m aura de valeurs, autant le problème aura de solutions ; & m aura autant de valeurs que (pour les puissances de la premiere classe), ou (pour celles de la seconde), expriment d’unités.

On pourroit même absolument supprimer la formule de n, dont la valeur se produit toûjours dans la formule de p, où elle est le second facteur du premier terme.

13. Plus simplement encore & sans l’attirail d’aucune formule, partagez e en deux parties à volonté, & donnez à r chacune de ces deux parties pour exposant ; vous aurez deux puissances de r. Leur différence augmentée de l’unité sera la valeur de p ; celle des deux qu’on soustrait de l’autre sera la valeur de n.

14. Si les deux parties dans lesquelles e se trouve partagé sont le moins inégales qu’il se puisse ; ou (ce qui revient au même) si faisant usage de la formule, on y donne à m la plus petite valeur qu’elle puisse avoir ; ensorte qu’elle soit 0 pour les puissances d’un exposant pair, & 1 pour celles d’un exposant impair : on verra naître les formules des numéros 8 & 9.

15. Reprenant les exemples que nous avons donnés sous ces deux articles, pour former la quatrieme puissance de 5.

m = 0 donne la solution qui se trouve à l’endroit cité.
m = 2 donne d’où
n . . . . . . . . . . . = 5.
Pour former la septieme puissance de 3.
m = 1 donne la solution qui se trouve à l’endroit cité.
m = 3 donne d’où
n . . . . . . . . . . . = 9.
m = 5 donne d’où
n . . . . . . . . . . . = 3.

16. Si l’on vouloit une démonstration, on peut s’en procurer une fort simple. Pour cela, qu’on prenne dans celle qu’on voudra des formules l’expression de p & de n pour le premier terme & pour le nombre des termes d’une progression arithmétique dont la différence soit 2, & qu’on se donne la peine d’en faire la somme ; on trouvera pour dernier résultat , c’est-à-dire la puissance cherchée.

17. Ce qu’on connoissoit jusqu’à-présent de cette propriété de la suite des impairs ne pouvoit être d’un grand secours, & ne dispensoit pas de recourir à la pratique usitée pour former les puissances même d’un exposant pair, toutes les fois que exprimoit un nombre impair. Ayant à former par exemple la dixieme puissance de 7, il falloit préalablement trouver , qui indique le nombre des termes dont la somme est . En un mot on ne pouvois se passer de la méthode ordinaire que dans le seul cas (assez rare) où e est une puissance de 2.

De plus, on ne soupçonnoit pas que la progression subalterne, dont la somme est la puissance d’un exposant pair cherchée, se trouvât ailleurs qu’à l’origine de la suite principale. On tenoit, il est vrai, une solution de cette partie la plus exposée en vûe du problème ; mais on ne s’avisoit pas qu’il y en eût d’autres : or il y en a, comme on l’a vû, autant que exprime d’unités.

18. Nommant s le nombre des termes qui précedent p dans la suite générale des impairs, & qu’il faut sauter vers l’origine pour monter jusqu’à lui ; on aura (par la nature des progressions) 25 + 1 = p : & substituant cette valeur dans , on trouvera la somme de la progression ou . Mais on a aussi, comme il est évident,  ; & d’ailleurs (n°. 12.)  : donc . C’est-à-dire que

« Si au nombre des termes de la suite subalterne dont la somme est une puissance quelconque , on ajoûte le double du nombre de ceux qui en précédent le premier dans la suite générale ; il en résulte une puissance complette de r, dont l’exposant est invariablement  ».

Théorême assez singulier ! car il ne s’agit nullement ici de la valeur même des termes, mais simplement de leur nombre.

Dans l’exemple du n°. 9 n = . . . . . . . . . . . 27 or
 ; d’où 2 s = 54

Article de M. Rallier des Ourmes.