L’Encyclopédie/1re édition/JÉZIDE

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 545-546).
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JÉZIDE ou JÉZIDÉEN, s. m. (Théolog.) nom qui signifie hérétique chez les Mahométans. Voyez Hérétique. Dans ce sens jézidéen est opposé à musulman. Voyez Musulman. Lanclavius dit que ce nom vient d’un émir nommé Jézide qui tua les deux fils d’Ali, Hasan & Hussein, neveux de Mahomet par leur mere, & qui persécuta la postérité de ce prophete. Les Agaréniens dont il étoit émir ou prince, le regarderent comme un impie & un hérétique, & de-là vint la coutume d’appeller jézidéens les hérétiques.

Quelques-uns parlent des Jésides comme d’un peuple particulier qui parle une langue différente du turc & du persan, quoiqu’elle approche de la derniere. Ils disent qu’il y a deux sortes de Jésides, les blancs & les noirs. Les blancs n’ont point le collet de leurs chemises fendu ; il n’a qu’une ouverture ronde pour passer la tête, & cela en mémoire d’un cercle d’or & de lumiere descendu du ciel dans le cou de leur grand Scheik, ou chef de leurs sectes. Les Jésides noirs sont faquirs ou religieux. Voyez Faquir.

Les Turcs & les Jésides se haïssent fort les uns les autres ; & la plus grande injure que l’on puisse dire à un homme en Turquie, c’est de l’appeller jéside. Au contraire les Jézides aiment fort les Chrétiens, parce qu’ils sont persuadés que Jézide leur chef est Jesus-Christ, ou parce qu’une de leurs traditions porte que Jézide fit autrefois alliance avec les Chrétiens contre les Musulmans. Voyez Mahométisme.

Ils boivent du vin même avec excès, & mangent du porc. Ils ne reçoivent la circoncision que quand ils y sont forcés par les Turcs. Leur ignorance est extrème ; ils n’ont aucuns livres ; ils croient cependant à l’Evangile & aux livres sacrés des Juifs, sans les lire ni sans les avoir ; ils font des vœux & des pélerinages ; mais ils n’ont ni mosquées ni temples, ni oratoires, ni fêtes, ni cérémonies ; & tout leur culte se réduit à chanter des cantiques spirituels à l’honneur de Jesus-Christ, de la Vierge, de Moïse & de Mahomet. Quand ils prient ils se tournent du côté de l’orient à l’exemple des Chrétiens, au lieu que les Turcs regardent le midi ; ils croient qu’il se pourra faire que le diable rentre en grace avec Dieu, & ils le regardent comme l’exécuteur de la justice de Dieu dans l’autre monde. De-là vient qu’ils se font un point de religion de ne le point maudire, de peur qu’il ne se vange : aussi quand ils en parlent ils le nomment l’ange paon, ou celui que les ignorans maudissent.

Les Jézides noirs sont réputés saints, & il n’est pas permis de pleurer leur mort ; on s’en réjouit ; ils ne sont pour-tant la plûpart que des bergers. Il ne leur est pas permis de tuer eux-mêmes les animaux dont ils mangent la viande ; & ils laissent ce soin aux Jézides blancs. Les Jézides vont en troupe comme les Arabes, changent souvent de demeure, & habitent sous des pavillons noirs faits de poil de chevre, & entourés de gros roseaux & d’épines liés ensemble. Ils disposent leurs tentes en rond, & mettent leurs troupeaux au milieu. Ils achetent leurs femmes, dont le prix ordinaire est de deux cent écus, quelles qu’elles soient. Le divorce leur est permis, pourvû que ce soit pour se faire faquir. C’est un crime parmi eux de raser ou de couper sa barbe, quelque peu que ce soit. Ils ont certaines coutumes qui semblent montrer qu’ils descendent de quelque secte de Chrétiens ; par exemple, dans leurs festins l’un d’eux présente une tasse pleine de vin à un autre, & lui dit : prenez le calice du sang de J. C. celui-ci baise la main de celui qui lui présente la tasse, & la boit. Diction. de Trévoux.