L’Encyclopédie/1re édition/KING

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KING, (Hist. mod. Philosop.) ce mot signifie doctrine sublime. Les Chinois donnent ce nom à des livres qu’ils regardent comme sacrés. & pour qui ils ont la plus profonde vénération. C’est un mélange confus de mysteres incompréhensibles, de préceptes religieux, d’ordonnances légales, de poésies allégoriques, & de traits curieux tirés de l’histoire chinoise. Ces livres qui sont au nombre de cinq, font l’objet des études des lettrés Le premier s’appelle y-king ; les Chinois l’attribuent à Fohi leur fondateur ; ce n’est qu’un amas de figures hiéroglyphiques, qui depuis long tems ont exercé la sagacité de ce peuple. Cet ouvrage a été commenté par le célebre Confucius, qui, pour s’accommoder à la crédulité des Chinois, fit un commentaire très-philosophique sur un ouvrage rempli de chimeres, mais adopté par sa nation ; il tâcha de persuader aux Chinois, & il parut lui-même convaincu, que les figures symboliques contenues dans cet ouvrage renfermoient de grands mysteres pour la conduite des états. Il réalisa en quelque sorte ces vaines chimeres, & il en tira méthodiquement d’excellentes inductions. Dès que le ciel & la terre furent produits, dit Confucius, tous les autres êtres matériels existerent ; il y eut des animaux des deux sexes. Quand le mâle & la femelle existerent, il y eut mari & femme, il y eut pere & fils ; quand il y eut pere & fils ; il y eut prince & sujet. Delà, Confucius conclut l’origine des lois & des devoirs de la vie civile. Il seroit difficile d’imaginer de plus beaux principes de morale & de politique ; c’est dommage qu’une philosophie si sublime ait elle-même pour base un ouvrage aussi extravagant que le y-king. Voyez Chinois, Philosophie des.

Le second de ces livres a été appellé chu-king. Il contient l’histoire des trois premieres dynasties. Outre les faits historiques qu’il renferme, & de l’authenticité desquels tous nos savans européens ne conviennent pas, on y trouve de beaux préceptes & d’excellentes maximes de conduite.

Le troisieme qu’on nomme chi-king, est un recueil de poésies anciennes, partie dévotes & partie impies, partie morales & partie libertines, la plûpart très-froides. Le peuple accoûtumé à respecter ce qui porte un caractere sacré, ne s’apperçoit point de l’irréligion, ni du libertinage de ces poésies ; les docteurs qui voyent plus clair que le peuple, disent pour la défense de ce livre, qu’il a été altéré par des mains profanes.

Le quatrieme & le cinquieme king ont été compilés par Confucius. Le premier est purement historique, & sert de continuation au chi-king ; l’autre traite des rites, des usages, des cérémonies légales, & des devoirs de la société civile.

Ce sont là les ouvrages que les Chinois regardent comme sacrés, & pour lesquels ils ont le respect le plus profond ; ils font l’objet de l’étude de leurs lettrés, qui passent toute leur vie à débrouiller les mysteres qu’ils renferment.