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L’Encyclopédie/1re édition/LÉGENDE

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Légende, s. f. (Hist. ecclés.) on a nommé légendes les vies des saints & des martyrs, parce qu’on devoit les lire, legenda erant, dans les leçons de matines, & dans les réfectoires de communautés.

Tout le monde sait assez combien & par quels motifs, on a forgé après coup tant de vies de saints & de martyrs, au défaut des véritables actes qui ont été supprimés, ou qui n’ont point été recueillis dans le tems : mais bien des gens ignorent peut-être une source soit singuliere de quantité de ces fausses légendes qui ont été transmises à la postérité pour des pieces authentiques, & qui n’étoient dans leurs principe que des jeux d’esprit de ceux qui les ont composées. C’est un fait dont nous devons la connoissance à l’illustre Valorio (Agostino), évêque de Vérone & cardinal, qui fleurissoit dans le xvj. siecle.

Ce savant prélat dans son ouvrage de Rhetoricâ christianâ, traduit en françois par M. l’abbé Dinuart, & imprimé à Paris en 1750 in 12, nous apprend qu’une des causes d’un grand nombre de fausses légendes de saints & de martyrs répandus dans le monde, a été la coutume qui s’observoit autrefois en plusieurs monasteres, d’exercer les religieux par des amplifications latines qu’on leur proposoit sur le martyre de quelques saints ; ce qui leur laissant la liberté de faire agir & parler les tyrans & les saints persécutés, dans le goût & de la maniere qui leur paroissoit vraissemblable, leur donnoit lieu en même tems de composer sur ces sortes de sujets des especes d’histoires, toutes remplies d’ornemens & d’inventions.

Quoique ces sortes de pieces ne méritâssent pas d’être fort considérées, celles qui paroissoient les plus ingénieuses & les mieux faites, furent mises à part. Il est arrivé de-là qu’après un long-tems, elles se sont trouvées avec les manuscrits des bibliotheques des monasteres ; & comme il étoit difficile de distinguer ces sortes de jeux, des manuscrits précieux, & des véritables histoires conservées dans les monasteres, on les a regardés comme des pieces authentiques, dignes de la lecture des fideles.

Il faut avouer que ces pieux écrivains étoient excusables, en ce que n’ayant en d’autres projets que de s’exercer sur de saintes matieres, ils n’avoient pu prévoir la méprise qui est arrivée dans la suite. Si donc la postérité s’est trompée, ç’a été plutôt l’effet de son peu de discernement, qu’une preuve de la mauvaise intention des bons religieux.

Il seroit difficile d’avoir la même indulgence pour le célebre Simon Métaphraste, auteur grec du ix. siécle, qui le premier nous a donné la vie des saints pour chaque jour des mois de l’année, puisqu’il est visible qu’il n’a pu par cette raison les composer que fort sérieusement. Cependant il les a remplies & amplifiées de plusieurs faits imaginaires, de l’aveu même de Bellarmin, qui dit nettement que Métaphraste a écrit quelques-unes de ses vies à la maniere qu’elles ont pu être, & non telles qu’elles ont été effectivement.

Mais comment cela ne seroit-il pas arrivé à des historiens ecclésiastiques, par un pieux zele d’honorer les saints, & de rendre leurs vies agréables au peuple, plus porté ordinairement à admirer ceux qu’il revere, qu’à les imiter, puisque cette liberté s’étoit autrefois glissée jusque dans la traduction de quelques livres de la Bible.

Nous apprenons de saint Jérôme dans sa préface sur celui d’Esther, que l’édition vulgate de ce livre de l’Ecriture qui se lisoit de son tems, étoit pleine d’additions, ce que je ne saurois mieux exprimer que par les termes de ce pere de l’Eglise, d’autant mieux qu’ils vont à l’appui de l’anecdote de Valerio. Quem librum, dit-il, parlant d’Esther, editio vulgata lacinosis hinc indè verborum finibus trahit, addens ea quæ ex tempore dici potuerant & audiri, sicut solitum est scholaribus disciplinis sumpto themate, excogitare quibus verbis uti potuit qui injuriam passus, vel qui injuriam fecit. (D. J.)

Légende, (Art numismat.) Elle consiste dans les lettres marquées sur la médaille dont elle est l’ame.

Nous distinguerons ici la légende de l’inscription, en nommant proprement inscription les paroles qui tiennent lieu de revers, & qui chargent le champ de la médaille, au lieu de figures. Ainsi nous appellerons légende, les paroles qui sont autour de la médaille, & qui servent à expliquer les figures gravées dans le champ.

Dans ce sens il faut dire que chaque médaille porte deux légendes, celle de la tête & celle du revers. La premiere ne sert ordinairement qu’à faire connoître la personne représentée, par son nom propre, par ses charges, ou par certains surnoms que ses vertus lui ont acquis. La seconde est destinée à publier soit à tort, soit avec justice, ses vertus, ses belles actions, à perpétuer le souvenir des avantages qu’il a procurés à l’empire, & des monumens glorieux qui servent à immortaliser son nom. Ainsi la médaille d’Antonin porte du côté de la tête, Antonius Augustus pius, pater patriæ, trib. pot. cos. III. Voilà son nom & ses qualités. Au revers, trois figures, l’une de l’empereur assis sur une espece d’échafaut ; l’autre d’une femme de-bout, tenant une corne d’abondance, & un carton quarré, avec certain nombre de points. La troisieme est une figure qui se présente devant l’échafaut, & qui tend sa robe, comme pour recevoir quelque chose : tout cela nous est expliqué par la légende, liberalitas quarta, qui nous apprend que cet empereur fit une quatrieme libéralité au peuple, en lui distribuant certain nombre de mesures de blé, selon le besoin de chaque famille.

Cet usage n’est pas néanmoins si universel & si indispensable, que les qualités & les charges de la personne ne se lisent quelquefois sur le revers, aussi bien que du côté de la tête ; souvent elles sont partagées moitié d’un côté, moitié de l’autre, d’autres fois on les trouve sur le revers, où on ne laisse pas encore, quoique plus rarement, de rencontrer le nom même, celui d’Auguste par exemple, celui de Constantin & de ses enfans.

On trouve quelquefois des médailles sur lesquelles le nom se lit des deux côtés, même sans presqu’aucune différence dans la légende. Témoin un petit médaillon de potin frappé en Egypte, sur lequel on trouve des deux côtés, cabeina, ce bacth. L. IE, quoique sur un de ces côtés on voye la tête de Sabine, & sur l’autre une figure de femme assise, tenant de la main droite des épis, & une haste de la gauche. Tel est encore un médaillon d’argent de Constantin, où du côté de la tête on lit Constantinus max. Aug. au revers, Constantinus Aug. avec trois labarum, dans l’exergue sit ; & cet autre médaillon aussi d’argent, de l’empereur Julien, où autour de la tête sans couronne, on trouve FL. CL. Julianus Nob. Cæs. au revers trois labarum pour légende, DN. Julianus Cæs. dans l’exergue T. Con. Enfin une médaille de Maximien Daza, qu’on peut placer également dans le moyen & dans le petit bronze, où l’on voit d’un côté Maximien à mi-corps, ayant la tête couronnée de laurier, & la poitrine couverte d’une cuirasse ; il tient de la main droite un globe, sur lequel est une victoire ; sa gauche est cachée par son bouclier, dont la partie supérieure représente deux cavaliers courant à toute bride de gauche à droite, précédés par la Victoire. Dans la partie inférieure sont quatre petits enfans debout, qui désignent les quatre saisons de l’année. La légende de ce côté est Maximinus Nob. Cæs. au revers un homme debout, vétu du paludament, tenant de la droite un globe sur lequel est une Victoire ; il s’appuie de la gauche sur une haste ; on lit autour, Maximinus nobilissimus Cæs. dans le champ à gauche E, dans l’exergue ANT.

Quand les médailles n’ont point de têtes, les figures qui y sont représentées en tiennent lieu ; & alors la légende du revers est une espece d’inscription. Par exemple, dans la médaille de Tibere, en reconnoissance du soin qu’il prit de faire rétablir les villes d’Asie qu’un tremblement de terre avoit ruinées, il est représenté assis sur une chaise curule, avec ces mots : civitatibus Asiæ restitutis, & le revers n’a qu’une simple légende, Tiberius Cæsar divi Augusti filius Augustus Pont. Max. Tr. Pot. XXI.

Quant à ce qui concerne les médailles des villes & des provinces, comme elles portent ordinairement pour tête le génie de la ville, ou celui de la province, ou quelque autre déité qu’on y adoroit, la légende est aussi le nom de la ville, de la province, de la déité, ou de tous les deux ensemble, Ἀντιόχειον Συρακόσιον, &c. Ζεὺς φίλιος Συρακοσίων, Ἡρακλέους Θκιον, &c., soit que le nom de la ville se lise au revers, & que le nom de la déïté demeure du côté de la tête, soit que le nom de la ville serve de légende à la déïté, comme Καταναίων à Jupiter Hammon, Μεσσανίων à Hercule, &c.

Dans ces mêmes médailles, les revers sont toûjours quelques symboles de ces villes, souvent sans légende, plus souvent avec le nom de la ville, quelquefois avec celui de quelque magistrat, comme Ἀγυριναίων ἐπὶ Σωπάτρου, &c. ensorte qu’il est vrai de dire que la légende dans ces sortes de médailles ne nous apprend que le nom de la ville, ou celui du magistrat qui la gouvernoit, lorsque la médaille a été frappée.

Par-tout ailleurs les belles actions sont exprimées sur le revers, soit au naturel, soit par des symboles, dont la légende est l’explication. Au naturel, comme quand Trajan est représenté mettant la couronne sur la tête au roi des Parthes, rex Parthis datus. Par symbole, comme lorsque la victoire de Jules & d’Auguste est représentée par un crocodile enchaîné à un palmier avec ces mots, Egypto captâ. L’on voit aussi dans Hadrien toutes les provinces qui le reconnoissent pour leur réparateur, & ceux qui n’en connoîtroient pas les symboles, apprendroient à les distinguer par les légendes ; restitutori Galliæ, restitutori Hispaniæ, &c. Ainsi les différentes victoires désignées par des couronnes, par des palmes, par des trophées, & par de semblables marques qui sont d’elles-mêmes indifférentes, se trouvent déterminées par la légende, Asia subacta d’Auguste, Alemannia devicta de Constantin le jeune, Judæa capta de Vespasien, Armenia & Mesopotamia in potestatem populi romani redactæ de Trajan, ou simplement, de Germanis, de Sarmatis, de Marc Aurele ; car les légendes les plus simples ont ordinairement le plus de dignité.

Mettant donc à part les légendes de la tête destinées à marquer le nom, soit tout seul, comme Brutus, Cæsar, soit avec les qualités, ainsi que nous venons de le dire ; les autres légendes ne doivent être que des explications, des symboles, qui paroissent sur les médailles, par lesquelles on prétend faire connoître les vertus des princes, certains évenemens singuliers de leur vie, les honneurs qu’on leur a rendus, les avantages qu’ils ont procurés à l’état, les monumens de leur gloire, les déités qu’ils ont le plus honorées, & dont ils ont cru avoir reçu une protection particuliere : car les revers n’étant chargés que de ces sortes de choses, les légendes y ont un rapport essentiel ; elles sont comme la clef des types, que l’on auroit bien de la peine à deviner sans leur secours, sur-tout dans les siecles éloignés, & dans des pays où les usages sont tout différens de ceux des anciens.

C’est en cela qu’excellent les médailles du haut empire, dont les types sont toûjours choisis & appliqués par quelque bonne raison que la légende nous découvre : au lieu que dans le bas empire on ne cesse de répéter les mêmes types & les mêmes légendes ; & l’on voit que les uns & les autres sont donnés indifféremment à tous les empereurs, plutôt par coutume que par mérite. Témoin le gloria exercitus, felix temporum renovatio.

Comme les vertus qui rendent les princes plus aimables & plus estimables à leurs peuples sont aussi ce que les revers de leurs médailles représentent ordinairement, les légendes les plus communes sont celles qui font connoître ces vertus, tantôt par leur simple nom, comme dans ces revers de Tibere qu’il méritoit si mal, moderationi, clementiæ, justitiæ ; tantôt en les appliquant aux princes, ou par le nominatif ou par le génitif, spes Augusta, ou spes Augusti ; constantia Augusta, ou constantia Augusti, gardant aussi indifféremment le même régime à l’égard de la vertu même : virtus Aug. ou virtuti Aug. clementia, ou clementiæ, &c.

Les honneurs rendus aux princes consistent particulierement dans les surnoms glorieux qu’on leur a donnés, pour marquer ou leurs actions les plus mémorables, ou leurs plus éminentes vertus ; c’est ainsi que je les distingue des monumens publics qui devoient être les témoins durables de leur gloire. Ces surnoms ne peuvent être exprimés que par la légende, soit du côté de la tête, soit du côté du revers.

Quant aux honneurs rendus aux princes après la mort, qui consistoient à les placer au rang des dieux, nous les connoissons par le mot de consecratio, par celui de pater, de divus, & de Deus. Divo pio, divus Augustus pater, Deo & Domino caro. Quelquefois autour des temples & des autels on mettoit memoria felix, ou memoriæ æternæ. Quelquefois sur les médailles des princesses on lit æternitas, ou syderibus recepta ; & du côté de la tête diva, ou en grec Θεά.

Les légendes qui expriment les bienfaits répandus sur les villes, sur les provinces, & sur l’empire, sont ordinairement fort courtes & fort simples ; mais elles ne laissent pas d’être magnifiques. Par exemple, conservator urbis suæ, ampliator civium, fundator pacis, rector orbis, restitutor urbis, Hispaniæ, Galliæ, &c. pacator orbis, salus generis humani, gaudium reipublicæ, gloria rom. hilaritas pop. rom. lætitia fundata, tellus stabilita, exuperator omnium gentium, gloria orbis terræ, bono reipublicæ nati, gloria novi sæculi. Quelquefois la maniere en est encore plus vive, comme Roma renascens, & Roma renasces ; Roma resurgens, libertas restituta.

Les bienfaits plus particuliers sont quelquefois exprimés plus distinctement dans les légendes, comme restitutor monetæ, remissa ducentesima, quadragesima remissa, vehiculatione Italiæ remissa, fisci judaici calumnia sublata, congiarium pop. rom. datum, puellæ faustinianæ, via trajana, indulgentia in Carthaginenses, reliqua vetera H. S. novies millies abolita, c’est-à-dire douze millions, plebei urbanæ frumento constituto. Telles sont les légendes de plusieurs médailles d’Alexandre Sévere, de Caligula, de Domitien, de Septime Sévere, d’Hadrien & de Nerva.

On distingue encore par les légendes, les évenemens particuliers à chaque province, lors même qu’ils ne sont représentés que par des symboles communs. Par exemple, une Victoire avec un trophée, une palme ou une couronne désignent une médaille de Vespasien, & sont déterminées par le mot victoria germanica, à signifier une victoire remportée sur les Germains ; il en est de même de ces autres légendes, victoria navalis, victoria parthica, prætoriani recepti, imperatore recepto, qu’on voit sur les médailles de Marc-Aurele. La légende nous marque la réception glorieuse que firent à Claude les soldats de son armée. La grace que l’on fit à Néron de l’aggréger dans tous les colleges sacerdotaux, a été conservée par celles ci : sacerdos cooptatus in omnia collegia suprà numerum ; dans cet autre, pax fundata cum Persis, l’empereur Philippes nous a laissé un monument de la paix qu’il fit avec les Perses. La merveille qui arriva à Tarragone, lorsque de l’autel d’Auguste l’on vit sortir une palme, nous est connue par une médaille sur laquelle on voit le type du miracle, & les quatre lettres C. V. T. T. Colonia rictrix togata, ou plutôt turrita Tarraco ; l’empereur Tibere fit à ce sujet une agréable raillerie, que Suetone rapporte.

Les monumens publics sont aussi connus & distingués par la légende, de sorte que ceux qui ont été construits par le prince même, sont mis au nominatif ou au génitif, ou exprimés par un verbe, au lieu que ceux que l’on a bâtis ou consacrés en leur honneur sont mis au datif. Marcellum Augusti. Basilica Ulpia. Aqua Martia. Portus Ostiensis. Forum Trajani. Templum divi Augusti restitutum ; parce que ces édifices ont été élevés par Neron, par Trajan, par Antonin : au lieu que nous voyons Romæ & Augusto, Jovi Deo, Divo Pio, Optimo Principi ; pour marquer les temples en l’honneur d’Auguste, & les colonnes élevées pour Antonin & pour Trajan.

L’attachement que les princes ont eu à certaines déités, & les titres sous lesquels il les ont honorées en reconnoissance de leur protection en général, ou de quelques graces particulieres, nous est connue par les manieres différentes dont la légende est exprimée. Nous savons que Numérien honoroit singulierement Mercure, parce que ce dieu est au revers de la médaille avec ce mot Pietas Aug. Nous connoissons que Dioclétien honoroit Jupiter comme son protecteur, parce que nous voyons sur des médailles Jovi Conservatori, Jovi Propugnatori, & même le surnom de Jovius ; que Gordien attribuoit à ce dieu le succès d’une bataille où ses gens n’avoient point lâché le pié, Jovi Statori.

Sur les médailles des princesses, on mettoit l’image & le nom des déités de leur sexe, Cerès, Juno, Vesta, Venus, Diana. On marquoit le bonheur de leur mariage par Venus Felix ; la reconnoissance qu’elles avoient de leurs couches heureuses & de leur fécondité, Junoni Lucinæ, Veneri genitrici.

La bonne fortune des princes qui a toujours été leur principale déité, se trouve aussi le plus souvent sur leurs médailles en toutes sortes de manieres : Fortuna Augusta, Perpetua. Fortunæ Felici, Muliebri. Fortuna manens, Fortuna obsequens, Fortuna Redux, où le nom de la Fortune est indifféremment par le nominatif, par le datif, ou par l’accusatif : car nous voyons également Mars, Victor, Marti Ultori, Martem Propugnatorem, & même Martis Ultoris : mais cette derniere légende se rapporte au temple bâti pour venger la mort de Jules, ce qui fait une différence notable.

Il ne faut pas oublier ici que les noms exprimés dans les légendes se lisent quelquefois au nominatif, Cæsar Augustus, quelquefois au génitif Divi Julii, enfin au datif Imp. Nervæ Trajano Germanico, &c. ou à l’accusatif, Μ. Αὐρήλιον, Ἀλέξανδρον, &c. On ne trouve guere d’exemples de l’accusatif sur les médailles latines, que dans celles de Gallien, Gallienum Aug. au revers, Ob conservationem salutis.

Ne parlons plus maintenant des personnes, mais des choses mêmes qui paroissent sur les médailles, où leurs noms & leurs qualités tiennent lieu de légende : je rangerai dans ce nombre,

1°. Les villes, les provinces, les rivieres, dont nous voyons les unes avec leur simple nom, Tiberis, Danuvius, Rhenus, Nilus, Ægyptos, Hispania, Italia, Dacia, Africa, Roma, Alexandrea, Valentia, Italica, Bilbilis. Les autres avec leurs titres particuliers, leurs qualités & leurs prérogatives : Colonia Julia Augusta, Felix Berytus. Colonia immunis illici Augusta. Colonia Aurelia. Metropolisidon. Colonia Prima Flavia Augusta Cæsarensis. Municipium Ilerde, Celium Municipium Coillutanum Antoninianum.

Les villes grecques sur-tout étoient soigneuses d’exprimer les privileges dont elles jouissoient, Ἱερὸς, Ἄσυλος, Αὐτόνομος. Ἐλεύθερος, Ναυάρχιλος, Κολωνία. Pour marquer qu’elles étoient inviolables, c’est-à dire qu’on ne pouvoit en retirer les criminels qui s’étoient réfugiés dans leurs murs, elles se qualifioient Ἱεραὶ ἄσυλοι. Le droit qu’elles avoient conservé de se gouverner par leurs propres lois, s’exprimoit sur leurs médailles par le mot Αὐτόνομοι. Les villes qui n’étoient point soumises à la jurisdiction du magistrat envoyé de Rome pour gouverner la province dans laquelle elles étoient situées, s’appelloient libres, Ἐλευθέρας. C’est une observation du Marquis Mafféi. Le privilege d’avoir un port de mer & des vaisseaux se marquoit en légende sur les médailles par le mot Ναυάρχιλος. Celui d’être exempt des tributs & des impôts par le mot Ἐλευθέρας. Les privileges particuliers des colonies, tels que le droit du pays latin, ou le droit des citoyens romains par le mot Κολωνία. Ceux des Néocores, qu’elles étoient fort soigneuses de marquer par les mots Δίς, τρίς, τετράκις Νεωκόρων. Enfin les alliances qu’elles avoient avec d’autres villes, par le terme Ὁμόνοια. Il faut consulter sur tous ces titres, les savantes remarques de M. Vaillant, dans son livre des médailles grecques, il seroit difficile d’y rien ajouter.

2°. Les légendes de médailles nous découvrent le nom des légions particulieres qui composoient les armées. Nous trouvons dans une médaille de M. Antoine, Leg. xxiv. dans une médaille du cabinet du P. Chamillart, qui est une médaille bien rare. La médaille qui porte Leg. I. l’est encore davantage ; car la plûpart de celles qu’on connoît, portoient dans leur origine un autre chiffre, & ne sont réduites à celui ci que par la friponnerie de quelque brocanteur. Il est bon d’en avertir les curieux, pour qu’ils n’y soient pas trompés.

Les jeux publics marqués ordinairement par des vases, d’où il sort des palmes ou des couronnes, ne se distinguent que par la légende, qui contient ou le nom de celui qui les a institués, ou de celui en l’honneur duquel on les célébroit. Ainsi l’on apprend que Néron fut l’auteur des jeux qui se devoient donner à Rome de cinq en cinq ans, par la médaille où l’on lit, Certamen Quinquennale Romæ Constitutum. Par la légende du revers de la médaille de Caracalla, Μητροπολ. Ανκυρας Ασκληπια. Ϲωτηρια Ισθ. πυθια ; on apprend qu’à Ancyre en Galatie on célébroit en l’honneur d’Esculape, dit le Sauveur, les mêmes jeux qui se célébroient dans l’isthme de Corinthe en l’honneur d’Apollon ; qu’on consulte là-dessus les lettres de Spanheim, publiées par M. Morel dans le projet qu’il nous a donné du plus beau dessein qu’on ait jamais formé pour la satisfaction des curieux.

On trouvera dans ce projet, Specimen universa rei nummaria, les légendes qui expriment les principaux jeux des anciens, & les savantes remarques que M. de Spanheim a faites sur ce sujet ; on nommoit Καϐειρια, ceux qui se faisoient à Thessalonique en l’honneur des Cabires ; Θεοταμια, ceux qui se célébroient principalement en Sicile, pour honorer le mariage de Proserpine & de Pluton ; Ϲεουηρεια, ceux qui avoient été institués par Septime Severe ; Κομοδεια, ceux qu’on faisoit par l’ordre de Commode, &c. On trouve aussi les jeux marqués sur les médailles latines avec le tems de leur célébration. Nous avons sur la médaille de Memmius, Ced. Cerialia primus fecit. Nous trouvons sur-tout des jeux séculaires qui se célébroient à la fin de chaque siecle, marqués avec grand soin sur les médailles, Ludos Sæculares Fecit, dans celles de Domitien ; Sæculares Aug. ou Augg. dans Philippe, &c. Les types en sont différens ; tantôt ils expriment des sacrifices, tantôt des combats, tantôt des animaux extraordinaires, dont on donnoit le spectacle au peuple dans ces jeux.

4°. Les vœux publics pour les empereurs, & qui sont marqués sur plusieurs médailles, soit en légende, soit en inscription, ont fait nommer ces sortes de médailles, médailles votives. Voyez Médailles Votives.

5°. L’une des choses les plus curieuses que les médailles nous apprennent par les légendes, ce sont les différens titres que les empereurs ont pris, selon qu’ils ont vu leur puissance plus ou moins affermie. Jules-César n’osa jamais revêtir ni le titre de roi, ni celui de seigneur, il se contenta de celui d’Imperator, Dictator perpetuus, Pater Patria. Ses successeurs réunirent insensiblement à leur dignité le pouvoir de toutes les charges. On les vit souverains pontifes, tribuns, consuls, proconsuls, censeurs, augures. Je ne parle que des magistratures ; car, pour les qualités, elles devinrent arbitraires, & le peuple s’accoutumant peu-à-peu à la servitude, laissa prendre au souverain tel nom que bon lui sembla, même ceux des divinités qu’il adoroit : témoin Hercules Romanus, dans Commode ; Sol Dominus Imperii Romani, dans Aurélien ; si toutefois ce nom est donné au prince, & non pas au soleil même, qui se trouve si souvent sur les médailles, Soli invicto Comiti.

Auguste ne se nomma d’abord que Cæsar Divi Filius, & puis Imperator, ensuite Triumvir Reipublica Constituendæ, ensuite Augustus ; enfin il y ajouta la puissance de tribun qui le faisoit souverain. Caligula garda les trois noms, Imp. Cæs. Aug. Claude y ajouta le titre de Censor. Domitien se fit Censor Perpetuus, sans que depuis lui on puisse rencontrer cette qualité sur les médailles. Aurélien, ou, selon d’autres, Œmilien, s’arrogea le titre de Dominus, que les provinces accorderent à Septime Severe & à ses enfans. Après Carus, cette qualité devint commune à tous les empereurs, jusqu’à ce que ceux d’Orient prirent le nom de rois des Romains, Βασιλευς Ρωμαιων. Il est bon d’apprendre ici que les Grecs donnerent quelquefois ce même nom aux Césars, quoiqu’ils n’ayent jamais souffert qu’ils prissent celui de Rex en latin. Le titre de Nobilissimus Cæsar donné au prince destiné à l’empire, ne se vit pas pour la premiere fois sur les médailles de Philippe le jeune, comme tous les antiquaires l’ont cru ; M. l’abbé Belley prouve dans l’histoire de l’acad. des Inscrip. que ce titre parut dès le regne de Macrin sur les médailles de Diaduménien.

L’ambition des princes grecs & la flatterie de leurs sujets nous fournissent sur leurs médailles une grande quantité de titres, qui sont inconnus aux empereurs latins, Βασιλευς, Βασιλεων, Nicator, Nicephorus, Evergetes, Eupator, Soter, Epiphanes, Cezaunus, Callinicus, Dionysius, Theopator. Ils ont été aussi bien moins scrupuleux que les Latins à se faire donner le nom de dieu. Démétrius s’étant appellé, Θεος Νικατωρ ; Antiochus, Θεος Επιφανης Νικηφορος ; un autre Démétrius, Θεος Φιλοπατωρ Σωτηρ. Ils ne faisoient pas non plus difficulté d’adopter les symboles des divinités, comme le foudre & les cornes de Jupiter Hammon, avec la peau de lion d’Hercule. Tous les successeurs d’Alexandre s’en firent même un point d’honneur.

Les princesses reçurent la qualité d’Augusta dès le haut empire, Julia Augusta, Antonia Agrippina, &c. On la trouve même sur les médailles de celles qui ne furent jamais femmes d’empereurs, Julia Titi, Marciana, Matidia, &c. Le titre de Mater Senatûs & Mater Patriæ se voient sur les médailles d’or & d’argent, de grand & de moyen bronze de Julie, femme de Septime Severe, dont le revers représente une femme assise, ou une femme debout, tenant d’une main un rameau, & de l’autre un bâton ou une haste, avec ces mots en abrégé, Mat. Augg. Mat. Sen. Mat. Pat.

6°. Les alliances se trouvent aussi marquées dans les légendes à la suite des noms, & non seulement les alliances par adoption qui donnoient droit de porter le nom de fils, mais celles mêmes qui ne procuroient que le titre de neveu & de niece. Nous n’entrerons point dans ce détail assez connu, ce qui d’ailleurs seroit long & ennuyeux.

7°. Les légendes nous découvrent encore le peu de tems que duroit la reconnoissance de ceux qui ayant reçu l’empire de leur pere, de leur mere, ou de leur prédecesseur qui les avoit adoptés, quittoient bientôt après le nom & la qualité de fils qu’ils avoient pris d’abord avec empressement. Trajan joignit à son nom celui de Nerva qui l’avoit adopté, mais peu de tems après il ne porta plus que celui de Trajan. D’abord c’étoit Nerva Trajanus Hadrianus, bientôt ce fut Hadrianus tout seul : & le bon Antonin, qui s’appelloit au commencement de son regne Titus Ælius Hadrianus Antoninus, s’appella peu après Antoninus Augustus Pius ; cependant la vanité & l’ambition leur faisoit quelquefois garder des noms auxquels ils n’avoient aucun droit, ni par le sang, ni par le mérite. Ainsi celui d’Antonin a été porté par six empereurs jusqu’à Eliogabale : celui de Trajan par Dèce, &c.

Ces noms propres devenus communs à plusieurs, ont causé beaucoup d’embarras aux antiquaires ; parce que ces sortes de médailles ne portent aucune époque, au lieu que les médailles grecques, beaucoup plus exactes, portent les surnoms, & marquent les années, & par-là facilitent extrèmement la connoissance de certains rois, dont on n’auroit jamais bien débrouillé l’histoire sans ce secours, comme les Antiochus, les Ptolomées, & les autres.

8°. N’oublions pas d’ajouter que dans les légendes des médailles, on trouve souvent le nom du magistrat sous lequel elles ont été frappées. M. Vaillant s’est donné la peine de faire le recueil des divers noms de magistrature grecque énoncés sur les médailles, & d’expliquer les fonctions de ces différentes charges. Dans les médailles de colonies latines, on voit les noms des duumvirs à l’ablatif.

Il est tems de parler de la position de la légende. L’ordre naturel qui la distingue de l’inscription est qu’elle soit posée sur le tour de la médaille, au-dedans du grenetis, en commençant de la gauche à la droite, & cela généralement dans toutes depuis Nerva. Mais, dans les médailles des douze Césars, il est assez ordinaire de les trouver marquées de la droite à la gauche, ou même partie à gauche, partie à droite.

Il y en a qui ne sont que dans l’exergue, De Germanis, De Sarmatis, &c. Il y en a qui sont en deux lignes paralleles, l’une au-dessus du type, & l’autre au-dessous, comme dans Jules. Il y en a dans le même empereur posées en-travers, & comme en sautoir. Il y en a en pal, comme dans une médaille de Jules, où la tête de Marc-Antoine sert de revers. Il y en a au milieu du champ, coupées par la figure comme dans un revers de Marc-Antoine, qui représente un fort beau trophée. On voit un autre revers du même, où un grand palmier au milieu d’une couronne de lierre coupe ces mots, Alexand. Ægyp. Enfin il y en a en baudrier, comme dans Jules ; tout cela prouve que la chose a toujours dépendu de la fantaisie de l’ouvrier.

C’est particulierement sur les grandes médailles grecques qu’on trouve les positions de légendes les plus bisarres, sur-tout quand il y a plus d’un cercle. Il n’est point de maniere de placer, de trancher, de partager les mots & de séparer les lettres que l’on n’y rencontre : ce qui donne bien de la peine à ceux qui ne sont pas assez intelligens pour les bien démêler.

On pourroit être trompé à certaines médailles où la légende est écrite à la maniere des Hébreux, les lettres posées de la droite à gauche. Celle du roi Gelas est de cette sorte ΓΕΛΑΣ. Quelques-unes de Palerme & d’autres de Césarée, c’est ce qui a fait croire à quelques-uns que l’on avoit autrefois nommé Césarée, ΑΛΦ, au lieu de Flavia, ΦΛΑ. La médaille de Lipari est du même genre ; on a été longtems sans l’entendre, parce qu’on y lit ΠΙΛ pour ΛΙΠ.

Il ne paroît donc pas que les anciens ayent suivi de regles fixes dans la maniere de placer les légendes sur les médailles, & de plus toutes leurs médailles n’ont pas des légendes ; car encore qu’il soit vrai que la légende est l’ame de la médaille, il se trouve cependant quelques corps sans ames, non seulement dans les consulaires, mais aussi dans les impériales, c’est-à-dire, des médailles sans légende, ni du côté de la tête, ni du côté du revers ; par exemple, dans la famille Julia, la tête de Jules se trouve souvent sans légende. On voit aussi des revers sans légende, & sur-tout dans cette même famille. Une médaille qui porte d’un côté la tête de la Piété avec la cigogne, & de l’autre une couronne qui enferme un bâton augural & un vase de sacrificateur, est sans aucune légende.

Il s’en trouve qui ne sont que demi-animées, pour parler ainsi, parce que l’un des côtés est sans légende, tantôt celui de la tête & tantôt celui du revers. Nous avons plusieurs têtes d’Auguste sans inscription, comme celle qui porte au revers la statue équestre que le sénat fit ériger en son honneur, avec ce mot, Cæsar Divi filius. Nous avons aussi une infinité de revers sans légende, quelquefois même des revers considérables pour la singularité du type, & pour le nombre des figures ; je crois qu’on peut mettre dans ce nombre ceux qui ne portent que le nom du monétaire, ou le simple S. G. puisque ni ce nom, ni ces lettres ne contribuent en rien à expliquer le type. Telles que sont trois ou quatre belles médailles de Pompée, avec des revers très-curieux, qui n’ont que le nom de M. Minatius Sabinus proquestor. Deux de Jules César, dont l’une chargée d’un globe, de faisceaux, d’une hache, d’un caducée & de deux mains jointes, n’a que le nom L. Buca. L’autre qui porte une aigle militaire, une figure assise tenant une branche de laurier ou d’olivier, couronnée par derriere par une Victoire en pié, n’a que ex S. C. Une de Galba, dont le revers est une allocution de six figures, que quelques-uns croyent marquer l’adoption de Pison, se trouve aussi sans aucune légende. Les savans disent que le coin est moderne, & que la véritable médaille porte Allocutio.

Pour celles qui se trouvent avec les seules légendes sans tête, on les met dans la classe des inconnues ou des médailles incertaines, & on les abandonne aux conjectures des savans. Voyez Médaille sans tête.

Il manqueroit quelque chose d’important à ce discours, si je ne disois rien des deux langues savantes, la latine & la greque, dans lesquelles sont écrites les légendes & les inscriptions des médailles antiques.

Mais je dois observer d’abord que la langue ne suit pas toujours le pays, puisque nous voyons quantité de médailles impériales frappées en Grece ou dans les Gaules, dont les légendes sont en latin ; car le latin a toujours été la langue dominante dans tous les pays où les Romains ont été les maîtres ; & depuis même que le latin est devenu une langue morte, par la destruction de la monarchie romaine, il ne laisse pas de se conserver pour tous les monumens publics & pour toutes les monnoies considérables dans tous les états de l’Empire chrétien.

Il y a des médailles frappées dans les colonies, dont la tête porte l’inscription en latin, & le revers l’inscription en grec. Le P. Jobert parle d’un Hosticien M. B. qui d’un côté porte Γάιος Οὐάλενς Ὁστιλιανὸς Κούιντος, avec la tête du prince rayonnée, & de l’autre côté Col. P. T. Coes. Metr. La tête du génie de la ville est surmonté d’un petit château tout entier ; c’est Césarée de Palestine. Enfin, les médailles, dont les légendes sont en deux langues différentes, ne sont pas extrèmement rares ; témoin celles d’Antioche, où l’on trouve des légendes latines du côté des têtes de Claude, de Néron & de Galba, & des légendes greques au revers.

Le grec est, comme je l’ai dit, l’autre langue savante dont on s’est servi le plus universellement sur les médailles. Les Romains ont toujours eu du respect pour cette langue, & se sont fait une gloire de l’entendre & de la parler. C’est pourquoi ils n’ont pas trouvé mauvais que non seulement les villes de l’Orient, mais toutes celles où il y avoit eu des Grecs, la conservassent sur leurs médailles. Ainsi les médailles de Sicile & de plusieurs villes d’Italie ; celles des Provinces, & de tout le pays qu’on appelloit la grande Grèce, portent toutes des légendes greques, & ces sortes de médailles font une partie si considérable de la science des Antiquaires, qu’il est impossible d’être un parfait curieux, si l’on n’entend le grec comme le latin, & l’ancienne Géographie aussi-bien que la nouvelle.

Il ne nous reste plus, pour completter cet article, qu’à faire quelques observations sur les lettres initiales des légendes.

1°. Il paroît qu’à proprement parler, les lettres initiales sont celles qui étant uniques, signifient un mot entier. Dès qu’on en joint plusieurs, ce sont des abbréviations, & non pas des initiales : P. P. Aug. signifie Perpetuus Augustus par abbréviation ; T. P. signifie tribunitia potestate par des initiales : Tr. Pot. le dit par abbréviation : V. P. exprime vota populi par initiales : Vot. Po. par abbréviation. Or dans un grand nombre de lettres, il n’est pas aisé de deviner celles qui doivent être jointes ensemble, & celles qui doivent demeurer seules ; & je ne crois pas qu’on puisse donner sur cela de regle certaine.

2°. L’usage des lettres initiales est de tous les tems & de toutes les nations depuis qu’on a commencé à écrire. Les Latins, les Grecs, les Hébreux, s’en sont servis, témoin l’arrêt fatal qui fut prononcé au roi Baltazar par trois lettres initiales, Man, Thau, Phe, que Daniel seul put expliquer, Mane, Thecel, Phares. On en a fait usage principalement sur les médailles, à cause du peu d’espace qu’il y a pour exprimer les légendes, la multiplicité des prénoms, des surnoms, des titres & des charges, n’a pu se marquer autrement, non pas même sur le G. B. La nécessité a été encore plus grande dans les longues inscriptions ; c’est pourquoi il n’est pas possible de donner aucun précepte : la vûe seule de plusieurs médailles & des inscriptions, où les mots se lisent tout au long, en peut faciliter la connoissance. Ainsi personne ne doute que S. C. ne signifie senatus consulto, & que S. P. Q. R. ne signifie senatus, populusque romanus. On convient aussi que I. O. M. veut dire Jovi optimo, maximo ; mais on n’est pas d’accord sur l’interprétation de ces deux lettres Δ. Ε. qui peuvent également signifier Δημαρχικῆς Ἐξουσίας, ou Δόγματι Ἐπαρχίας, ou Δήμου Εὐχαὶ, tribunitia potestate, decreto provinciæ, voto publico.

3°. Si l’on avoit toujours ponctué exactement les lettres initiales, il seroit aisé de les reconnoître, & de distinguer quand il en faut joindre quelques-unes ensemble pour un même mot : mais parce qu’on a souvent négligé de le faire, particulierement dans le bas empire & sur les petites médailles, on n’y trouve pas la même facilité. On dit, sans se tromper, D. N. V. L. Licinius : dominus noster Valerius Licinianus Licinius ; mais il faut savoir d’ailleurs que DDNNIOVLICINVAVG & CÆS. sur la médaille où les deux bustes sont affrontés, signifie domini nostri Jovii Licinii invicti Augustus & Cæsar. Delà est venue la liberté qu’on s’est donnée de prendre pour des lettres initiales celles qui ne le sont point, & de faire plusieurs mots d’un seul : dans Con. Constantinopoli, on veut trouver civitates omnes Narbonenses, &c.

4°. Je crois qu’on peut donner pour constant, que toutes les fois que plusieurs lettres jointes ensemble ne forment aucun mot intelligible, il faut conclure que ce sont des initiales ; & que lorsque les mots ont quelques sens, il ne faut pas les séparer pour en faire plusieurs mots.

5°. Quand plusieurs lettres ne peuvent former aucun mot, & que ce sont clairement des lettres initiales, il s’agit d’en découvrir la signification. La difficulté ne consisteroit pas tant à donner un sens aux légendes les plus embarrassantes, puisqu’il suffiroit pour cela de se livrer à toutes les conjectures qui peuvent s’offrir à l’esprit d’un antiquaire exercé & ingénieux. Mais il ne seroit pas si aisé de faire adopter ces conjectures par des personnes accoutumées à demander des preuves de ce qu’on prétend leur persuader ; aussi la plûpart des explications paroissent peu vraissemblables au plus grand nombre des Savans. C’est ainsi que la priere à Jesus-Christ, que le P. Hardouin trouvoit le secret de lire sur la médaille de Decentius, n’est aux yeux d’un autre savant Jésuite, Froelich (diss. de numm. monet. culp. vitios. cap. ij. p. 381.) qu’une pure imagination uniquement fondée sur l’arrangement bisarre de quelques lettres transposées par l’ignorance de l’ouvrier qui a gravé le coin.

Il ne faut pas se persuader que les monétaires ayent été si savans, qu’ils n’ayent fait quelquefois de très-grosses fautes dans les légendes. Nous en avons en particulier des preuves trop évidentes sur certaines médailles frappées hors d’Italie, comme celles des Tetricus, &c. Ces méprises venoient, tantôt de précipitation, tantôt de ce que les ouvriers ne savoient pas assez le latin ou le grec, tantôt encore de ce que ceux qui leur donnoient des légendes, ne les écrivoient pas assez distinctement.

N’oublions pas de remarquer, en finissant cet article, qu’il y a des médailles dans la légende desquelles on lit le mot restitut. entier ou abrégé rest. On nomme ces médailles, médailles de restitution, ou médailles restituées. Voyez-en l’article. (D. J.)