L’Encyclopédie/1re édition/LAMIES

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LAMIES, s. f. pl. Lamiæ, (Mythol. littér.) spectres de la fable qu’on représentoit avec un visage de femme, & qu’on disoit se cacher dans les buissons, près des grands chemins, pour dévorer les passans. On leur donna ce nom du mot grec λαμός, qui signifie voracité ; hormis qu’on aime mieux adopter le sentiment de Bochart, qui tire de Lybie la fable des Lamies, & qui donne à ce mot une étymologie phénicienne, dont le sens est le même que celui de l’étymologie greque.

Ce qu’il y a de sûr, c’est que de tout tems & en tout pays, on a inventé de pareilles chimeres, dont les nourrices, les gouvernantes, & les bonnes femmes, se servent comme d’un épouventail pour faire peur à leurs enfans, les empêcher de pleurer, ou les appaiser. C’est une coutume d’autant plus mauvaise, que rien n’est plus capable d’ébranler ces petits cerveaux, si tendres & si flexibles, & d’y produire des impressions de frayeur dont ils se ressentent malheureusement toute leur vie.

Lucilius se moque en très-beaux vers de la frayeur de l’homme, qui parvenu à l’âge de raison, ajoûte encore foi à ces sortes d’êtres imaginaires.

Terricula Lamias Fauni quas, Pompiliique
Instituere Numæ ; tremit has, hîe omnia ponit,
Ut pueri infantes credunt signa omnia ahena
Vivere. . . .

« Et toutes les effroyables Lamies que les Faunus & les Numa Pompilius ont inventées, il les craint. Il croit que tous ses maux & ses biens dépendent d’elles, comme les petits enfans croyent que toutes leurs poupées & toutes les statues sont vivantes ».

La Fontaine a renchéri sur cette pensée de Lucile, dans cette strophe de son ingénieuse fable, le statuaire & la statue de Jupiter :

L’artisan exprima si bien
Le caractere de l’idole,
Qu’on jugea qu’il ne manquoit rien
A Jupiter que la parole.
Même l’on dit que l’ouvrier
Eut à peine achevé l’ouvrage,
Qu’on le vit frémir le premier,
Et redouter son propre ouvrage
, &c.

Mais le commencement de cette fable est d’une toute autre beauté, & peut-être la Fontaine n’a rien fait de si fort. (D. J.)

Lamies (dents de), lamiodontes, (Hist. nat. Minéral.) nom donné par quelques naturalistes à des dents de poissons que l’on trouve pétrifiées dans le sein de la terre, & que l’on croit communément avoir appartenu à des chiens de mer ou lamies. Ces dents varient pour la forme & pour la grandeur ; elles sont ordinairement triangulaires, mais on en trouve aussi qui sont très-aiguës. On en rencontre en Bearn au pié des Pyrénées, prês de Dax, qui ont près de deux pouces de longueur. M. Hill dit qu’il y en a qui ont jusqu’à cinq & six pouces de longueur ; il y en a qui sont unies par les côtés, d’autres sont dentelées comme une scie. Voyez Glossopetres. (—)