L’Encyclopédie/1re édition/LAVEMENT

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LAVEMENT des piés, (Théol.) coutume usitée chez les anciens qui la pratiquoient à l’égard de leurs hôtes, & qui est devenue dans le christianisme une cérémonie pieuse.

Les Orientaux avoient coutume de laver les piés aux étrangers qui venoient de voyage, parce que pour l’ordinaire on marchoit les jambes nues & les piés seulement garnis d’une sandale Ainsi Abraham fit laver les piés aux trois Anges, Genese xviij. v. 4. On lava aussi les piés à Eliéser & à ceux qui l’accompagnoient lorsqu’ils arriverent à la maison de Laban, & aux freres de Joseph lorsqu’ils vinrent en Egypte, Genese xxiv. v. 32. & xliij. v. 24. Cet office s’exerçoit ordinairement par des serviteurs & des esclaves. Abigail témoigne à David qui la demandoit en mariage, qu’elle s’estimeroit heureuse de laver les piés aux serviteurs du roi, I. Reg. xxv. v. 41.

Jesus-Christ, après la derniere cene qu’il fit avec ses apôtres, voulut leur donner une leçon d’humilité en leur lavant les piés. Et cette action est devenue depuis un acte de piété. Ce que le Sauveur dit en cette occasion à saint Pierre : Si je ne vous lave, vous n’aurez point de part avec moi, a fait croire à plusieurs anciens que le lavement des piés avoit des effets spirituels. Saint Ambroise, lib. de Myster. c. vj. témoigne que de son tems on lavoit les piés aux nouveaux baptisés au sortir du bain sacré, & il semble croire que, comme le baptême efface les péchés actuels, le lavement des piés, qui se donne ensuite, ôte le péché originel, ou du moins diminue la concupiscence. Ideò, dit-il, planta abluitur ut heræditaria peccata tollantur : nostra enim propria per baptismum relaxantur. Il dit la même chose sur le Pseaume xlviij. Alia est iniquitas nostra, alia calcanei nostri . . . . . unde Dominus discipulis lavit pedes ut lavaret venena serpentis. Mais il explique lui-même sa pensée en ajoutant que ce qui est nettoyé par le lavement des piés, est plutôt la concupiscence ou l’inclination au péché, que le péché même : unde reor iniquitatem calcanei magis lubricum delinquendi, quam reatum aliquem nostri est delicti.

L’usage de laver les piés aux nouveaux baptisés n’étoit pas particulier à l’église de Milan. On le pratiquoit aussi dans d’autres églises d’Italie, des Gaules, d’Espagne & d’Afrique. Le concile d’Elvire le supprima en Espagne par la confiance superstitieuse que le peuple y mettoit, & il paroît que dans les autres églises on l’a aboli à mesure que la coutume de donner le baptême par immersion a cessé. Quelques anciens lui ont donné le nom de Sacrement, & lui ont attribué la grace de remettre les péchés veniels ; c’est le sentiment de saint Bernard & d’Eunalde abbé de Bonneval. Saint Augustin croit que cette cérémonie pratiquée avec foi peut effacer les péchés veniels ; & un ancien auteur, dont les sermons sont imprimés dans l’appendix du V. vol, des ouvrages de ce pere, soutient que le lavement des piés peut remettre les péchés mortels. Cette derniere opinion n’a nul fondement dans l’Ecriture : quant au nom de sacrement donné à cette cérémonie par saint Bernard & d’autres, on l’explique d’un sacrement improprement dit, du signe d’une chose sainte, c’est-à-dire de l’humilité, mais auquel Jesus-Christ n’a point attaché de grace sanctifiante comme aux autres sacremens.

Les Syriens célebrent la fête du lavement des piés le jour du jeudi-saint. Les Grecs font le même jour le sacré niptere, ou le sacré lavement. Dans l’Eglise latine, les évêques, les abbés, les curés dans quelques dioceses, les princes même lavent ce jour-là les piés à douze pauvres qu’ils servent à table, ou auxquels ils sont des aumônes. On fait aussi le même jour la cérémonie du lavement des autels, en répandant de l’eau & du vin sur la pierre consacrée, & en récitant quelques prieres & oraisons. Calmet, Diction. de la Bibl. tome II. pages 607 & 508.

Lavement des mains, voyez Main.

Lavement, Pharmacie, voyez Clystere.