L’Encyclopédie/1re édition/LIBRATION

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LIBRATION, s. f. (en Astronom.), est une irrégularité apparente dans le mouvement de la lune, par laquelle elle semble balancer sur son axe ; tantôt de l’orient à l’occident, & tantôt de l’occident à l’orient ; de-là vient que quelques parties du bord de la lune qui étoient visibles, cessent de l’être & viennent à se cacher dans le côté de la lune que nous ne voyons jamais, pour redevenir ensuite de nouveau visibles.

Cette libration de la lune a pour cause, l’égalité de son mouvement de rotation sur son axe, & l’inégalité de son mouvement dans son orbite ; car si la lune se mouvoit dans un cercle dont le centre fût le même que celui de la terre, & qu’en même-tems elle tournât autour de son axe dans le tems précis de sa période autour de la terre ; le plan du méridien de la lune passeroit toujours par la terre, & cet astre tourneroit vers nous constamment & exactement la même face ; mais comme le mouvement réel de la lune se fait dans une ellipse dont la terre occupe le foyer, & que le mouvement de la lune sur son propre centre est uniforme, c’est-à-dire, que chaque méridien de la lune décrit par ce mouvement des angles proportionnels aux tems ; il s’ensuit de-là que ce ne sera pas constamment le même méridien de la lune qui viendra passer par la terre.

Soit ALR, (fig. astron.) l’orbite de la lune, dont le foyer T est au centre de la terre. Si l’on suppose d’abord la lune en A, il est clair que le plan d’un de ses méridiens MN étant prolongé, passera par le point T, ou par le centre de la terre. Or, si la lune n’avoit aucune rotation autour de son axe, comme elle s’avance chaque jour sur son orbite, ce même méridien MN seroit toujours parallele à lui-même, & la lune étant parvenue en L, ce méridien paroîtroit dans la situation représentée par PQ, c’est-à-dire, parallélement à MN : mais le mouvement de rotation de la lune autour de son axe qui est uniforme, est cause que le méridien MN, change de situation ; & parce qu’il décrit des angles proportionnels au tems & qui répondent à quatre angles droits dans l’espace d’une révolution périodique, il sera par conséquent dans une situation mLn, tel que l’angle QLN qu’il forme avec PQ, seroit à un angle droit ou de 90d, comme le tems que la lune emploie à parcourir l’arc AL est au quart du tems périodique. Mais le tems que la lune emploie à parcourir l’arc AL, est au quart du tems périodique, comme l’aire ATL est à l’aire ACL, ou au quart de l’aire elliptique ; ainsi l’angle QLN sera à un angle droit dans le même rapport : & d’autant que l’aire ATL est beaucoup plus grande que l’aire ACL, de même l’angle QLN sera nécessairement plus grand qu’un angle droit. Or, puisque QLT est un angle aigu, il s’ensuit que l’angle QLN qui est obtus sera plus grand que l’angle QLT, & partant la lune étant en L, ce même méridien mn dont le plan passoit par le centre de la terre, lorsque la lune étoit au point A, ne sauroit être dirigé vers le point T ou vers le centre de la terre. Il est donc vrai de dire, que l’hémisphère visible de la lune ou qui est tourné vers la terre en L, n’est plus exactement le même qu’il étoit apperçu lorsque la lune s’est trouvée en A, & qu’ainsi au-delà du point Q de la circonférence du disque, on pourra découvrir quelques régions qui n’étoient nullement visibles auparavant. Enfin, lorsque la lune sera parvenue au point R de son orbite où elle est périgée, comme son méridien mn aura précisément achevé une demi-révolution, alors le plan de ce méridien passera exactement par le centre de la terre. On verra donc en ce cas le disque de la lune au même état que lorsqu’elle étoit apogée en A ; d’où il suit que les termes de la libration de la lune sont l’apogée & le périgée, & que ce phénomene peut s’observer deux fois dans chaque lunaison, ou dans chaque mois périodique. Inst. Astr. de M. le Monnier.

Au reste, si la figure de la lune étoit parfaitement sphérique, comme on l’a supposé jusqu’ici, la libration seroit purement optique ; mais j’ai prouvé dans mes Recherches sur le système du monde II. part. art. 363 & suiv. que si la lune s’écarte tant soit peu de la figure sphérique, il peut & il doit y avoir une cause physique dans la libration. Comme ce détail est trop étendu & trop géométrique pour être inseré ici, j’y renvoie le lecteur. (O)

Libration de la terre ; c’est, suivant quelques anciens astronomes, le mouvement par lequel la terre est tellement retenue dans son orbite, que son axe reste toujours parallele à l’axe du monde.

C’est ce que Copernic appelloit les mouvemens de libration.

Mais il paroît que ce nom est fort impropre ; car on pourroit plutôt dire que l’axe de la terre auroit une libration du midi au nord ou du nord au midi, si cet axe ne demeuroit pas toujours parallele à lui-même. Pour qu’il demeure dans cet état, il n’est besoin d’aucune force extérieure, il a dû prendre cette situation dès que la terre a commencé à tourner, & l’a conservée depuis par la proprieté qu’ont tous les corps de rester dans l’état qui leur a été donné, à moins qu’une cause extérieure & étrangere ne les en tire. Toute la question qu’on peut faire ici, c’est de savoir pourquoi l’axe de la terre est dans cette situation, & pour quoi il n’est pas perpendiculaire à l’écliptique, plutôt que de lui être incliné de la valeur de 23 degrés & demi. A cela on peut répondre que cette situation est peut-être nécessaire pour la distribution alternative des différentes saisons entre les habitans de la terre. Si l’axe de la terre étoit perpendiculaire à l’écliptique, les habitans de l’équateur auroient tous vûs le soleil sur leurs têtes, & les habitans des poles ne le verroient jamais qu’à leur horison ; de sorte que les uns auroient un chaud insupportable, tandis que les autres souffriroient un froid excessif. C’est peut-être là, si on peut parler ainsi, la raison morale de cette situation de l’axe de la terre. Mais quelle en est la cause physique ? Il n’est pas si facile de la trouver ; on doit même avouer que dans le système de M. Newton on ne peut guère en apporter d’autres, que la volonté du Créateur ; mais il ne paroît pas que dans les autres systèmes on explique plus heureusement ce phénomene.

M. Pluche, auteur du Spectacle de la Nature, prétend que l’axe de la terre n’a pas toujours été incliné au plan de l’écliptique ; qu’avant le déluge, il lui étoit perpendiculaire, & que les hommes jouissoient alors d’un printems perpétuel ; que Dieu voulant les punir de leurs désordres & les détruire entierement, se contenta d’incliner quelque peu l’axe de la terre vers les étoiles du nord, que par ce moyen l’équilibre des parties de l’athmosphere fut rompu, que les vapeurs qu’elle contenoit retomberent avec impétuosité sur le globe, & l’inonderent. On ne voit pas trop sur quelles raisons M. Pluche, d’ailleurs ennemi déclaré des systèmes, a appuyé celui-ci : aussi a-t-il trouvé plusieurs adversaires ; un d’entr’eux a fait imprimer dans les mémoires de Trévoux de 1745 plusieurs lettres contre cette opinion.

Quoi qu’il en soit, il y a réellement dans l’axe de la terre, en vertu de l’action de la lune & du soleil, un mouvement de libration ou de balancement, mais ce mouvement est très-petit ; & c’est celui qu’on appelle plus proprement nutation. Voyez Nutation. (O)

Libration, (Peinture). Voyez Pondération.