L’Encyclopédie/1re édition/MALT

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MALT, s. m. (Brasserie.) Nous avons emprunté le mot de malt des Anglois, pour signifier du grain germé, comme orge, froment, avoine, & autres propres à faire de la biere.

On macere pendant deux ou trois jours le grain qu’on a choisi, (qui est plus communément de l’orge ou du froment, ou tous les deux ensemble) dans une grande cuve, jusqu’à ce qu’il commence à s’amollir & à se gonfler : on laisse écouler l’eau par-dessous : on retire le grain, & on le seche sur des planches étendues sur terre, pour dissiper la trop grande humidité. Comme il reste encore un peu humide, on en fait des monceaux de la hauteur d’environ deux piés, afin qu’il fermente, qu’il germe, & pousse quelques filets ou racines fibreuses. Quand le grain est bien germé, la substance du malt en est plus poreuse & plus propre à l’infusion & à l’extraction. Dans le tems qu’il germe, on retourne & on remue tous les jours, deux ou trois fois le grain, afin qu’il germe également, & pour empêcher qu’il ne pourrisse par trop de chaleur. D’un autre côté, pour éviter que le malt ne perde sa force par une trop grande germination, on l’expose, en forme de sillons, à l’air, & on le seche peu-à-peu ; ou bien on le met sur une espece de plancher, sous lequel on fait du feu ; on le remue souvent, de peur qu’il ne se brûle : car si la torréfaction est trop forte, la biere a une saveur désagréable.

On réduit ce malt mou en une espece de crême, par le moyen de la meule ;ensuite on le verse dans une cuve pleine d’eau très-chaude, & on en met une quantité suffisante, pour que le mélange d’eau & de malt paroisse comme de la bouillie. Alors des hommes robustes le remuent de tems en tems avec des instrumens de bois applatis, jusqu’à ce qu’il paroisse de l’écume, qui est la marque d’une extraction suffisante. Si cette macération dure trop long-tems, la biere devient mucilagineuse, & a bien de la peine à fermenter. Ensuite, par le moyen d’un couloir de bois, placé dans la cuve, on passe la liqueur impregnée de la crême du malt ; on la transporte tout de suite dans une chaudiere, dans laquelle on la fait encore bouillir une ou deux heures, afin qu’elle se conserve mieux. Bientôt après, on verse cette liqueur dans des cuves, pour qu’elle s’y réfroidisse. Enfin, on verse une livre ou une livre & demie de levain de biere, sur huit ou dix livres de la décoction susdite, placée dans un lieu tiede ; on la couvre avec des couvertures, & on y verse peu-à-peu le reste de la liqueur, afin qu’elle fermente plus commodément. Quand tout cela est achevé, on passe la liqueur fermentée, on en remplit des tonneaux ; & quand la fermentation est entierement finie, on les bondonne exactement. Voilà une idée grossiere de la fermentation & de la germination du malt. Mais il ne s’agissoit pas ici d’entrer dans les détails, parce que le lecteur les trouvera complets au mot Brasserie.

Le négoce du malt est en Angleterre d’une étendue considérable. En effet, sans parler de la quantité qui s’emploie pour la petite biere, dont on fait usage aux repas journellement, & de la quantité qui se brasse dans les maisons particulieres, quantité qui monte à dix millions de boisseaux, il s’en consomme en Angleterre trente millions de boisseau, tant pour la biere double, que pour la distillation. On ne comprend point dans cette quantité celle qui sert pour la biere & les liqueurs qu’on envoye au-delà de la mer. Ce calcul est fait d’après le produit de l’impôt appellé le malt-tax, à l’aide duquel on a remonté jusqu’au total du malt qui se vend en Angleterre. La distillation en emporte un million 600 mille boisseaux. On estime que l’excise levé sur la biere double, tant dans la Grande Bretagne qu’en Irlande, rapporte au gouvernement 800 mille livres sterlings par an : à la vérité, il reste à déduire les frais de la régie. Mais le produit de cet impôt ne laisse pas cependant d’étonner, quand on se rappelle que l’Angleterre, qui en paye la majeure partie, ne contient pas au-delà de huit millions d’habitans. On dit qu’il y a des brasseurs à Londres, qui brassent mille barils par semaine. (D. J.)