L’Encyclopédie/1re édition/MARSYAS

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MARSYAS, (Mythol.) cet homme dont les Poëtes ont fait un Silene, un satyre, joignoit beaucoup d’esprit à une grande industrie. Il étoit natif de Phrygie, & fils de Hyagnis. Il fit paroître son génie dans l’invention de la flûte, où il sut rassembler tous les sons, qui auparavant se trouvoient partagés entre les divers tuyaux du chalumeau.

On sait la dispute qu’il eut aver Appollon en fait de musique, & quelle en fut l’histoire. Cependant si l’on en veut croire Fortuneio Liceti, Marsyas écorché par Apollon n’est qu’une allégorie. « Avant l’invention de la lyre, dit-il, la flute l’emportoit sur tous les autres instrumens de musique, & enrichissoit par conséquent ceux qui la cultivoient ; mais sitôt que l’usage de la lyre se fut introduit, comme elle pouvoit accompagner le chant du musicien même qui la touchoit, & qu’elle ne lui défiguroit point les traits du visage comme faisoit la flûte, celle-ci en fut notablement décréditée, & abandonnée en quelque sorte aux gens de la plus vile condition, qui ne firent plus fortune par ce moyen. Or, ajoute Liceti, comme dans ces anciens tems la monnoie de cuir avoit cours, & que les joueurs de flûte ne gagnoient presque rien, les joueurs de lyre leur ayant enlevé leurs meilleures pratiques, les Poëtes feignirent qu’Apollon, vainqueur de Marsias, l’avoit écorche. Ils ajouterent que son sang avoit été métamorphosé en un fleuve qui portoit le même nom, & qui traversoit la ville de Célènes, où l’on voyoit dans la place publique, dit Hérodote, la peau de ce musicien suspendue en forme d’outre ou de ballon ; d’autres assurent que le desespoir d’avoir été vaincu, fit qu’il se précipita dans ce fleuve & s’y noya ». Comme les eaux de ce fleuve paroissoient rouges, peut-être à cause de son sable, la fable dit qu’elles furent teintes du sang de Marsyas.

L’ancienne musique instrumentale lui étoit redevable de plusieurs découvertes. Il perfectionna surtout le jeu de la flûte & du chalumeau, qui avant lui étoient simples. Il joignit ensemble, par le moyen de la cire & de quelques autres fils, plusieurs tuyaux ou roseaux de différentes longueurs, d’où résulta le chalumeau composé ; il fut aussi l’inventeur de la double flûte, dont quelques-uns cependant font honneur à son pere : ce fut encore lui qui pour empêcher le gonflement du visage si ordinaire dans le jeu des instrumens à vent, & pour donner plus de force au joueur, imagina une espece de ligature ou de bandage composé de plusieurs courroies, qui affermissoient les joues & les levres, de façon qu’elles ne laissoient entre celles-ci qu’une petite fente pour y introduire le bec de la flute.

Les représentations de Marsyas décoroient plusieurs édifices. Il y avoit dans la citadelle d’Athènes, une statue de Minerve, qui châtioit le satyre Marsyas, pour s’être approprié les flûtes que la déesse avoit rejettées avec mépris. On voyoit à Mantinée, dans le temple de Latone, un Marsyas jouant de la double flûte, & il n’avoit point été oublié dans le beau tableau de Polygnote, qui représentoit la descente d’Ulysse aux enfers. Servius témoigne que les villes libres avoient dans la place publique une statue de Marsyas, qui étoit comme un symbole de leur liberté, à cause de la liaison intime de Marsyas pris pour Silène avec Bacchus, connu des Romains sous le nom de Liber. Il y avoit à Rome, dans le Forum, une de ces statues, avec un tribunal dressé tout auprès, où l’on rendoit la justice. Les avocats qui gagnoient leur cause avoient soin de couronner cette statue de Marsyas, comme pour le remercier du succès de leur éloquence, & pour se le rendre favorable, en qualité d’excellent joueur de flûte ; car on sait combien le son de cet instrument & des autres influoit alors dans la déclamation, & combien il étoit capable d’animer les orateurs & les acteurs : enfin on voyoit à Rome, dans le temple de la Concorde, un Marsyas garotté, peint de la main de Zeuxis. (D. J.)

MARSYAS, (Géog. anc.) fleuve de l’Asie mineure, aux environs de la Phrygie ou de la Troade. Il sortoit de la même source que le Méandre, & après avoir traversé la ville Célaene, ils se partageoient, & prenoient chacun leur nom. (D. J.)