L’Encyclopédie/1re édition/MAT

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MAT, adj. (Art. mech.) il se dit des métaux dont on a laissé la surface sans éclat, en ne la brunissant pas. Il y a des substances naturellement mattes, & qui cessent de l’être par art ; il y en a qui sont éclatantes & qu’on amattie ; il y en a qu’on ne peut faire briller, d’autres qu’on ne peut empêcher de briller : on dit aussi des couleurs qu’elles sont mattes, lorsqu’elles n’ont aucun luisant ; telles sont la terre d’ombre & le massicot. Un tableau seroit matte, sans le vernis & sans l’huile dont on délaye les couleurs.

Mat, adj. & subst. (Jeu d’échecs.) il se dit du coup qui finit la partie, le roi étant mis en prise d’une piece, & ne pouvant où se remuer du tout ; alors le mat est étouffé, ou se remuer sans se mettre en prise ou de la même piece ou d’une autre : si un joueur donne échec au roi, & que cet échec matte, sans que le joueur s’en soit apperçu, on dit que le mat est aveugle.

MAT & MATS, s. m. (Marine.) grosses & longues pieces de bois arrondies qui s’élevent presque perpendiculairement sur le vaisseau, pour porter les vergues & les voiles. Le mât de beaupré doit être excepté de cette regle, puisqu’il est pointé à l’avant sous un angle d’environ 45 degrés. Les mâts sont fortifiés & soutenus par des manœuvres qui sont les aubans & les etais. Les mats majeurs sont les quatre mâts qui s’élevent immédiatement sur le pont.

Les grands vaisseaux ont quatre mâts ; savoir, un vers la poupe, qu’on appelle mât d’artimon (Mar. Pl. I. coté W.) ; le second au milieu, nommé grand mât coté X ; le troisieme vers la proue, on l’appelle mât de misaine, ou mât d’avant, coté Y ; le quatrieme se nomme mât de beaupré coté Z : on ajoute quelquefois à ces quatre-mâts un cinquieme, c’est un double artimon. Voyez aussi ces mêmes mâts dans la deuxieme figure de la premiere Planche, coté 38. 60. 93. & 14..

Chaque mât est divisé en deux ou trois parties ou brisures, qui portent aussi le nom de mât, & qu’on distingue vers le tenon, depuis les barres de hune jusqu’aux chouquets, qui sont les endroits où chaque mât est assemblé avec l’autre ; car le chouquet affermit la brisure par en-haut, & par en-bas elle est liée & entretenue par une clé ou grosse cheville de fer, forgée à quatre pans. Le mât qui est enté sur le mât d’artimon, s’appelle mât de perroquet d’artimon, ou simplement perroquet d’artimon, perroquet de foule ou perroquet de fougue. Le mât qui est enté sur le grand mât, se nomme le grand mât de hune, & on nomme le grand mât de perroquet, ou simplement perroquet, celui qui est enté sur celui-ci. On donne le nom de mât de hune d’avant au mât qui est enté sur le mât de misaine, & le mât qui est enté sur ce mât de hune, s’appelle mât de perroquet de misaine, de perroquet d’avant, ou simplement perroquet de misaine, de même que la voile qui y est attachée ; enfin mât de perroquet de beaupré, ou simplement perroquet de beaupré, tourmentin & petit beaupré sont les noms du mât qui est enté sur le beaupré. Voyez Marine, Pl. I. fig. 1. & fig. 2.

Les mâts des plus grands vaisseaux sont souvent de plusieurs pieces ; & outre le soin qu’on prend de les bien assembler, on les surlie encore avec de bonnes cordes, & on y met des jumelles pour les renforcer. Voyez Jumelles. On les peint aussi assez souvent par le bas, & on les frotte de goudron, sur-tout par le haut, au-tour des hunes & de tout le toît, afin de les conserver : leurs piés de même que les tours sont raillés en exagone ou octogone.

Le grand mât est posé à-peu-près au milieu du vaisseau dans l’endroit où se trouve la plus grande force du bâtiment. Le mât d’artimon est éloigné autant qu’il est possible de celui-ci, afin de donner à sa voile la plus grande largeur, pourvu qu’il y ait cependant assez d’espace pour manœuvrer aisément derriere ce mât, & pour faire jouer la barre du gouvernail. Pour avoir une regle à cet égard qui conserve tous ces avantages, les constructeurs partagent toute la longueur du vaisseau en cinq parties & demie, & placent ce mât entre la premiere partie & la seconde, à prendre de l’arriere à l’avant. Cette même regle sert pour placer le mât de misaine, & cette place est à la cinquieme partie de la longueur, à prendre de l’avant à l’arriere. Le pié de ce mât ne porte pas sur le plafond, à cause de la rondeur de l’avant qui l’en empêche, mais il est posé sur l’assemblage de l’étrave & de la quille. Comme le mât de beaupré est entierement hors du vaisseau, sa place n’est point fixée. Voyez Beaupré. Dans leur position le grand mât & le mât d’artimon penchent un peu vers l’arriere, afin de faire carguer le vaisseau par-là, & de le faire mieux venir au vent.

La regle qu’on suit généralement pour les proportions des mâts, est de leur donner autant de piés de hauteur, qu’il y en a en deux fois la largeur & le creux du vaisseau : ainsi 30 piés de large & 10 piés de creux qui sont 40 piés, étant doublés, on a 80 piés pour la hauteur du grand mât, qui est le plus haut parce qu’il est placé ou est la plus grande force du vaisseau, & où il peut le plus contribuer à l’équilibre. Les autres mâts sont plus bas que celui-ci. Le mât de misaine est ordinairement d’une dixieme partie plus court que le grand mât. La hauteur de celui d’artimon n’a que les trois quarts de celle du grand mât, & la hauteur du mât de beaupré est égale aux trois huitiemes de la longueur du vaisseau. On proportionne aussi l’épaisseur des mâts au creux du vaisseau. On leur donne un pié d’épaisseur dans l’étembraie, par chaque six piés de creux qu’a le bâtiment, & on donne à l’épaisseur du toit les trois quarts de celle du mât dans l’étembraie. A cet endroit les mâts sont un peu plus épais qu’au-dessous, à cause des manœuvres qui y passent.

A l’égard de l’épaisseur des mâts de hune, on la regle sur celle des tours des mâts sur lesquels ils sont entés, & cette regle consiste à leur donner les cinq sixiemes parties.

Enfin, pour ne rien omettre d’essentiel dans cet article, j’ajoute que les hauts mâts, en y comprenant les bâtons des pavillons, se mettent bas par les trous d’entre les barres de hune de devant, & que les Anglois les baissent par derriere, quoique cela soit plus difficile. C’est à un maître de vaisseau d’Enchuise, nommé Krein Wouterz, qu’on doit la maniere d’attacher ainsi les mâts pour les amener quand on veut, & pour les remettre de même avec une égale facilité. On mâte un vaisseau en enlevant les mâts avec des machines à mâter, des grues, des alleges ; & quoiqu’ils soient déja arborés, on ne laisse pas quelquefois de les changer de place, en coupant les étanbraies, en se servant de coins pour les repousser, & en les tirant par le moyen des étais & des galaubans.

Les plus beaux mâts viennent de Norvege ou de Biscaye. On en tire aussi du mont Liban & de la mer Noire, qui sont estimés.

Voici un détail particulier de la position des mâts & de leurs proportions, tiré de l’architecture navale, que j’ai citée en plusieurs endroits.

Le milieu du diametre du grand mât est placé en arriere du milieu du vaisseau de 5 lignes par pié de la longueur totale.

Le devant du mât d’artimon est placé entre la cinquieme & sixieme parties de la longueur totale.

Il y a des constructeurs qui placent l’avant du grand mât plus à l’arriere qu’au milieu, d’autant de fois 4 lignes qu’il y a de piés dans cette longueur.

Exemple pour un vaisseau de 74 canons.

Longueur de l’étrave à l’étambort, 154 piés 8 pouces multipliés par 4 lignes, produit 4 piés 8 pouces 6 lignes 8 points.

A l’égard de la longueur du grand mât, pour les vaisseaux depuis le premier jusqu’au quatrieme rang, on lui donne 2 fois la plus grande largeur du vaisseau. Pour les vaisseaux du cinquieme rang, on ajoute 3 piés à la longueur ci-dessus, & 6 piés pour les frégates qui n’ont qu’un pont. Exemple : le maître bau a 42 piés, la longueur du grand mât sera donc de 105 piés. Plusieurs constructeurs prennent, pour avoir la longueur du grand mât, deux fois la longueur du maître bau, à quoi ils ajoutent le creux ; ce qui fait la même chose que si l’on suivoit la méthode précédente, quand le creux est égal à la moitié de la largeur. Le plus grand diametre d’un mât est au premier pont, ou on lui donne autant de pouces que le de la plus grande longueur du mât a de piés. Exemple.

Le grand mât a de longueur 105 piés.

Le de 105 est de 35 piés.

Ainsi le plus grand diametre du grand mât de ce vaisseau, aura 35 pouces, ou 2 piés 11 pouces.

Le plus petit diametre du grand mât est au bout, où se place le chouquet, & il a en cet endroit les du grand diametre.

Le diametre du grand mât étant de deux piés onze pouces,

Le petit diametre sera d’un pié onze pouces quatre lignes.

D’autres constructeurs trouvent le grand diametre en prenant deux fois la largeur du vaisseau, & une fois le creux ; ils divisent cette somme par trois, & le nombre du quotient indique le diametre du mât en pouces, ce qui revient à ce qu’on a dit plus haut.

Exemple. Largeur, 43 piés. Doublée, 86 piés. Creux, 21 piés. Total, 107 piés.

Ce total 107 piés est la longueur du grand mât qu’il faut diviser par trois ; il vient au quotient 35 , ce qui indique que le grand mât doit avoir 35 pouces 8 lignes de diametre au niveau du premier pont.

Le thon qui est la partie du mât comprise depuis le chouquet jusqu’aux barres de hune, a de longueur de celle du mât.

Exemple. La longueur du grand mât est de 105 piés divisés par 9.

Le quotient qui indique la longueur du thon, est de 11 piés 8 pouces.

Méthodes pour trouver les diametres moyens entre le plus grand & le plus petit.

On trouve les diametres moyens entre le plus grand qui est au premier pont, & le plus petit qui est au chouquet, en tirant la ligne AB égale au grand diametre.

Le compas ouvert de AB, décrivez de A l’arc BE, & du point B l’arc AF ; ces deux arcs se couperont au point C ; de ce point abaissez une perpendiculaire à la ligne AB ; tracez ensuite parallelement à AB, la ligne LG, égale au plus petit diametre ; de façon qu’elle touche par ses extrémités les deux arcs AF en BE ; divisez la longueur du mât en un certain nombre de parties égales, en 9 si l’on veut ; partagez de même sur votre figure, la distance comprise entre les lignes qui marquent les diametres, en autant de parties égales que vous voudrez, 9 par exemple, par des lignes paralleles également éloignées les unes des autres, & ces lignes vous indiqueront les diametres moyens entre le plus grand AB, & le plus petit LG ; ainsi la distance comprise entre AB & LG est partagée en 9 parties égales : & qu’on ait partagé de même la longueur du mât en 9 parties égales, la premiere parallele après AB sera le diametre du mât à la premiere division ; la deuxieme parallele sera le diametre du mât à la deuxieme division, &c.

Le mât de misaine se place sur l’extrémité du brion, son diametre en arriere ; par cette position son avant est à peu-près à la dixieme partie de la longueur totale.

La longueur du mât de misaine est égale à celle du grand mât, moins le thon du même grand mât.

La longueur du grand mât est de 105 piés, dont il faut soustraire la longueur du thon de 11 piés 8 pouces.

Reste pour la longueur totale du mât de misaine 93 piés 4 pouces.

Son grand diametre se prend comme celui du grand mât au premier pont ; il est égal à autant de pouces que le de la longueur a de piés.

Longueur du mât de misaine, 93 piés 4 pouces, dont le est 31 piés 1 pouce 4 lignes ; ce qui donne pour le diametre du mât de misaine à son gros bout 31 pouces 1 ligne 4 points.

Son diametre au petit bout, à l’endroit du chouquet, est les deux tiers du grand diametre, 31 pouces 1 ligne 4 points, dont les deux tiers sont 20 pouces 8 lignes 10 points.

Connoissant le plus grand & le plus petit diametre, on aura les diametres moyens en opérant comme pour le grand mât.

Mais plusieurs constructeurs trouvant que par cette méthode le mât de misaine est trop foible, se contentent de faire son diametre de 2 pouces plus petit que celui du grand mât.

On aura la place du mât d’artimon, en portant depuis la perpendiculaire de la rablure de l’étambot en avant, les de la plus grande largeur du vaisseau sur la ligne du premier pont, ayant soin de mettre son épaisseur en avant.

Le mât d’artimon a sa carlingue ou son pié sur le premier pont, & il finit vis-à-vis la grande hune : si l’on ôte du grand mât sa partie qui est dans la calle & son thon, on aura donc la longueur du mât d’artimon.

Grand mât, 105 piés, dont il faut ôter le thon & le creux, 32 piés 8 pouces.

Longueur du mât d’artimon, 72 piés 4 pouces. Le grand diametre du mât d’artimon est au niveau du second pont ; il a autant de pouces que le 1/3 de sa longueur a de piés.

Longueur du mât d’artimon, 72 piés 4 pouces ; le tiers, 24 piés 1 pouce 4 lignes.

Ainsi le diametre de ce mât aura 24 pouces 1 ligne 4 points.

Le petit diametre a les 2/3 du grand, 16 pouces 10 points 2/3.

Les diametres moyens comme dans les précédens, ou bien les diametres du mât d’artimon, sont les 2/3 de celui du grand mât.

La carlingue ou le coussin du mât de beaupré, est au premier pont ; il est placé à trois ou quatre pouces du mât de misaine. Ainsi le pié du mât de beaupré est souvent très-peu éloigné du mât de misaine ; il porte sur un coussin de 25 à 26 pouces de haut ; sa pointe, à 35 degrés ou à-peu-près, passe sous le bau qui sert de seuils aux portes de proue, & va passer à un pouce & demi ou deux pouces du bout de l’étrave, à laquelle il ne doit jamais toucher, de peur que dans les mouvemens de tangage, il n’ébranlât cette piece sur laquelle toutes les parties de l’avant sont assemblées.

Néanmoins il y en a qui font porter le beaupré sur la contre-étrave & sur la moitié de l’étrave en-dedans ; l’autre moitié en-dehors ne touche à rien, y ayant ordinairement un pouce ou un pouce & demi de jour entre le bout extérieur de l’étrave & le beaupré. On observera que le pié du beaupré a une dent, pour l’empêcher de tomber de dessus son coussin.

La longueur du beaupré est égale à une fois & demie le maître bau.

Longueur du maître bau, 42 piés.

Longueur du beaupré, 63 piés.

Son grand diametre se mesure vis-à-vis le bout de l’étrave ; & pour l’avoir, on prend une moyenne proportionnelle entre le grand diametre du grand mât, & le diametre du mât de misaine.

Le petit diametre est égal à demi du grand.

Diametre du grand mât, 35 pouces.

Diametre du mât de misaine, 31 pouces une ligne quatre points.

Le total de ces deux est 66 pouces une ligne quatre points ; donc le grand diametre du beaupré est 33 pouces & huit points ; & le diametre du petit bau, 16 pouces 6 lignes 4 points.

Mat d’un brin, (Marine.) c’est un mât fait d’un seul arbre. Le beaupré & les mâts de hune sont d’une seule piece.

Mât forcé, mât qui a souffert un effort & qui est en danger de se rompre dans l’endroit où il est endommagé.

Mât jemellé, jumellé, reclanpé ou renforcé. Mât fortifié par des jumelles ou pieces de bois liées tout au tour avec des cordes, de distance en distance, pour empêcher qu’il n’éclate & ne rompe.