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L’Encyclopédie/1re édition/MESSENE

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MESSENE, (Géog. anc.) Μεσσήνη : il y avoit deux villes de ce nom ; l’une dans le Péloponnese, dont nous allons parler ; l’autre dans la Sicile, étoit l’ouvrage d’une colonie des Messéniens du Péloponnese dans le tems de leurs malheurs. Les Latins nommerent cette derniere Messana, c’est Messine de nos jours. Voyez Messine.

La Messene du Péloponnese étoit une grande & puissante ville, située dans les terres sur une hauteur, capitale de la Messénie, & célebre dans l’histoire par les longues & sanglantes guerres qu’elle soutint contre Lacédémone. Diodore de Sicile a fait la récapitulation de la guerre messéniaque dans son XI. livre, il faut le conférer avec Pausanias, & suppléer à l’un par l’autre.

Messene avoit été bâtie par Polycaon ; mais ayant été comme détruite par les désastres de la guerre, Epaminondas la rétablit, y appella les Messéniens épars de tous côtés, & la fortifia singulierement ; ses murailles ont fait l’étonnement de Pausanias. Cet auteur les met au dessus de celles d’Amphrysus, de Byzance & de Rhodes, qu’il avoit toutes vûes de ses yeux. Il en restoit encore 38 tours dans leur entier en 1730. M. l’abbé Fourmont suivit pendant une heure de chemin la partie de ces murailles, qui comprenoit la moitié du mont Ithome, & d’une autre montagne qui lui est opposée à l’orient. Ces tours sont éloignées les unes des autres de 150 pas., ce qui forme une enceinte de cinq quarts de lieue au nord de la ville. La muraille s’étendoit encore davantage à l’occident & au midi dans des vahons où l’on croit voir les débris du stade, de beaucoup de temples & d’autres édifices publics.

Strabon, l. VIII. p. 361, compare Messene à Corinthe, soit pour sa situation, soit pour ses fortifications ; l’une & l’autre de ces villes étoient commandées par une montagne voisine, qui leur lervoit de forteresse, savoir Ithome à Messene, & Acrocorinthus à Corinthe. Ces deux places en effet passoient pour être des postes si importans, que Demetrius voulant persuader à Philippe, pere de Persée, de s’emparer du Péloponnese, lui conseilla de subjuguer Corinthe & Messene : vous tiendrez ainsi, disoit-il, le bœuf par les deux cornes.

Cette ville, selon Polybe, Elien S. Lactance, a été la patrie d’un homme qui fit autrefois bien du bruit par sa critique des dieux du paganisme, je veux parler d’Evhémere, contemporain de Casandre, roi de Macédoine, dont il fut fort aimé.

Il composa les vies des dieux, & supposa que ces vies avoient été réellement écrites par Mercure, & qu’il les avoit trouvées gravées, telles qu’il les donnoit, dans l’ile de Panchée. Un morceau de ce genre, publié d’après des mémoires si respectables, devenoit également curieux & intéressant par la nature des choses qu’il annonçoit, & par celle de la nouveauté ; l’ouvrage étoit intitulé, Histoire sacrée, titre convenable à un écrit tiré d’inscriptions originales.

Le dessein de l’auteur étoit de prouver que Cælus, Saturne, Jupiter, Neptune, Pluton, en un mot la troupe des grands Dieux, auxquels on avoit érigé tant de temples, ne différoient pas des autres mortels. Le monde, disoit-il, étoit alors dans son enfance ; ses premiers habitans ne se formoient pas des idées justes des objets, & leurs idées d’ailleurs étoient en très-petit nombre. Hors d’état de faire un usage étendu de leur raison, tout leur parut merveilleux & surnaturel. Les vastes & rapides conquêtes des grands capitaines éblouirent des nations entieres. Il y en eut qui, plus sensibles aux bienfaits, ne purent voir sans étonnement des rois, qui sembloient n’être monté sur le trône que pour travailler au bonheur de leurs sujets, soit par l’utilité de leurs découvertes, soit par la sagesse de leur gouvernement ; ainsi toutes les nations, comme de concert, se persuaderent que des personnes si supérieures en talens devoient cet avantage à une nature plus éxcellente que la leur, ils en firent des dieux. Tel étoit à-peu-près le système d’Evhémere sur l’origine du paganisme, & cet écrivain ingénieux, pour le mettre dans un plus beau jour, marquoit soigneusement les pays & les villes illustrées par les tombeaux de presque toutes les divinités, que les Théologiens & les Poëtes avoient à l’envi honoré du titre pompeux d’immortels.

Dans la vûe de porter le dernier coup à la religion payenne, il n’avoit passé sous silence aucun des faits qui pouvoient ouvrir les yeux au public, sur-tout de dieux différens adorés dans le monde. Athénée rapporte un trait du peu de ménagement de ce philosophe pour les dieux dans la personne de Cadmus, dont la nombreuse postérité avoit peuplé le ciel. Il assûroit que cet étranger étoit un cuisinier du roi de Sidon, & que séduit par les charmes d’Harmonie, une des musiciennes de la cour, il l’avoit enlevée & conduite dans la Béotie. Enfin il alla jusqu’à mettre au frontispice de son ouvrage un vers sanglant d’Euripide, qui, dit Plutarque, se trouvoit dans une piece de ce poëte toute remplie d’impiétés.

Jamais livre publié contre une religion dominante ne parut plus dangereux que celui d’Evhémere, & jamais homme ne souleva tant de lecteurs contre sa doctrine. Cicéron lui-même, qui peut être ne pensoit pas différemment du philosophe de Messene, se crut obligé dans son discours de la nature des dieux d’avertir que celui d’Evhémere conduisoit à l’extinction de toute religion. Il n’est donc pas étonnant que tant de gens ayent traité cet auteur d’incrédule, d’impie, de sacrilege, & qui plus est d’athée ; mais il paroît que son plus grand crime étoit d’avoir pénétré plus avant que le commun des hommes dans les vraies sources de l’idolâtrie. (D. J.)

Messene (Géog. anc.) île d’Asie entre le Tigre & l’Euphrate, qui après s’être joints & s’être avancés vers le midi, se séparent de nouveau, en sorte qu’avant que de tomber dans le golfe Persique, ils renferment dans leur bras cette grande île qu’on appelloit autrefois Messene ou Mesene, & qu’on nomme présentement Chader. Voyez là-dessus M. Huet dans son livre du paradis terrestre.

Messene, Golfe de, (Géogr. anc.) Messeniacus sinus, golfe dans la partie méridionale du Péloponnese, à l’occident du golfe de Laconie. Il est aussi nommé par Strabon sinus Asinæus, de la ville Asiné, située sur la côte ; Sinus Thuriates, de la ville de Thuria ; sinus Coronæus, de la ville de Coron, & c’est même aujourd’hui le golfe de Coron.