L’Encyclopédie/1re édition/MUCOSITÉ

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MUCOSITÉ, s. f. (Physiol.) suc ou humeur muqueuse, qui se sépare par les tuyaux sécrétoires des glandes, pour lubrifier les parties du corps humain contre l’acrimonie des humeurs, contre l’action de l’air, ou pour d’autres usages.

Tous les couloirs, tous les conduits & tous les réservoirs, tels que la surface intérieure de la vessie, de la vésicule du fiel, de l’œsophage, de l’estomac, des intestins, des poumons, des cavités qui communiquent avec les narines, &c. sont enduits d’une humeur muqueuse qui se renouvelle plus ou moins souvent, selon qu’elle doit prendre plus ou moins de consistence, pour les défendre de l’impression de l’air, ou de l’irritation que pourroient leur causer les humeurs plus ou moins âcres auxquelles elles donnent passage, ou qui y sont retenues. Cette humeur qui est continuellement évacuée & perpétuellement renouvellée, forme un genre de récrémens & un genre d’excrémens fort abondans.

C’est principalement cette humeur qui fournit la matiere des tumeurs que les anciens ont appellé tumeurs froides ; car parmi les humeurs qui peuvent prendre de la consistance, il n’y a que l’humeur muqueuse connue par les premiers maîtres, sous le nom de pituite lente & visqueuse, qui n’est pas disposée à s’enflammer lorsqu’elle est fixée, ni à contracter de chaleur étrangere, c’est-à-dire qu’elle n’est susceptible ni d’inflammation, ni de mouvement spontané de fermentation ou de pourriture. Ces tumeurs naissent ordinairement dans les glandes, parce qu’elle y est reçue pour les enduire ou pour y être filtrée, & parce que par quelque cause, ou quelque disposition vicieuse dans la partie ou dans l’humeur même, elle s’y fixe & s’y accumule de plus en plus. Elle augmente extraordinairement le volume de la glande, & forme une tumeur dure & indolente, qui résiste souvent à tous les remedes que l’on emploie pour la résoudre. Plus l’humeur muqueuse qui la forme est pure, moins elle est disposée à abscéder ou à s’ulcérer ; mais s’il s’y joint de la lymphe, ou si l’humeur qui se filtroit dans la glande s’arrête, se mêle & s’assemble avec cette tumeur muqueuse, la tumeur peut suppurer & dégénérer en un ulcere plus ou moins fâcheux, selon la qualité & la quantité de la lymphe qui se trouve mélée avec l’humeur muqueuse ; de-là viennent les différentes especes de tumeurs scrophuleuses, dont les unes restent skirrheuses sans suppurer ni ulcérer ; les autres dégénerent en ulceres opiniâtres simplement sanieux, & sans malignité ; d’autres en ulceres corrosifs ou chancreux.

Il ne faut pas confondre ces tumeurs avec un autre genre de tumeurs froides connues sous les noms de stéatomes, d’atéromes, de méliceris, &c. qui sont ordinairement formées par des sucs gélatineux, par des graisses ou d’autres sucs chyleux, & qui ne sont pas susceptibles non plus d’inflammation ; mais ces sucs arrêtés se dépravent enfin par des mouvemens spontanés imparfaits, qui tiennent plus ou moins de la fermentation ou de la pourriture, d’où naissent les abscès sanieux de diverses especes, dont les matieres sont ordinairement peu malfaisantes, parce que la fermentation sourde a plus de part à leur production que la pourriture. (D. J.)

Mucosité du nez, (Physiol.) liniment fluide, gras, transparent, visqueux, sans goût, sans odeur, lubrique, miscible à l’eau, quoiqu’un peu huileux, & se changeant en une espece de plâtre quand on le fait sécher, & qui rend la surface interne du nez fort glissante.

La matiere huileuse ayant été bien mélée avec l’eau par le mouvement des vaisseaux, se dépose en grande quantité dans les filtres de la membrane pituitaire ; mais comme elle n’est pas si mélée avec l’eau, ni si bien divisée que la salive, il arrive que la chaleur enleve plus facilement les parties aqueuses ; alors les parties huileuses desséchées peuvent former une matiere plâtreuse.

L’enveloppe membraneuse qui revêt toute l’étendue interne du nez, toutes ses cavités, ses sinuosités, ses replis, & les surfaces que forment le réseau ; cette membrane, dis-je, qui tapisse tous ces espaces, est remplie de glandes simples qui filtrent une humeur d’abord claire, mais qui séjourne dans son propre follicule, jusqu’à ce que changée en mucosité épaisse, elle soit exprimée pour le besoin. Ces glandes ont été très-bien exposées par le célebre Boerhaave dans son épitre à Ruysch. On trouve de pareilles cryptes muqueuses à l’épiglotte, à la luette, &c. Or suivant leur siége, on les nomme épiglottiques, uvulaires, linguales, sublinguales, labiales, buccales, molaires, maxillaires, &c. Les maladies de cette membrane qui enveloppe tant de parties sans changer de nature, & sans paroître coupée nulle part, sont communément appellées fluxions ou catharres. Elles changent cependant de nom suivant les parties affectées. Ce qui est rhume dans le nez, s’appelle angine dans le gosier, esquinancie dans le larinx, &c

La liqueur muqueuse des narines coule en grande quantité quand on est enrhumé ; car si on est saisi de froid, les vaisseaux qui se répandent au-dehors de la tête sont fort resserrés, la transpiration y cesse ; ainsi la matiere qui coule dans les vaisseaux qui vont à la tête, est obligée de se porter en plus grande quantité vers le nez : alors il arrive une petite inflammation à la membrane pituitaire ; la quantité de sang, le gonflement des vaisseaux, fait que l’humeur se filtre en plus grande quantité.

De même que le froid cause un écoulement dans le nez, la chaleur excessive le produit aussi ; les parties externes de la tête ayant été fort raréfiées par la chaleur, le sang s’y porte en plus grande abondance, & engorge les vaisseaux ; cet engorgement forme un obstacle au sang qui suit, lequel se trouve obligé de se rejetter dans les arteres de la membrane pituitaire ; mais il faut remarquer que cet écoulement arrive sur-tout, si l’on se découvre la tête dans un lieu froid, quand on a chaud ; alors le resserrement subit qui survient dans les vaisseaux pleins, les engorge davantage, & le sang arrêté d’un côté, reflue plus abondamment dans un autre.

Dès que l’écoulement cesse, on ne peut se moucher qu’avec difficulté ; cela vient de ce que les membranes qui se sont fort gonflées durant cet écoulement, retiennent dans leurs détours la mucosité, lorsqu’elle ne coule plus en si grande quantité ; durant ce tems-là, la partie aqueuse s’en exhale, & il reste une matiere épaisse qui bouche le nez.

Lorsqu’on use de quelque poudre âcre & subtile, elle fait couler la mucosité des narines ; cela vient de ce que les parties de cette poudre s’appliquent aux nerfs, & l’irritation qu’elles y produisent arrête le sang dans les vaisseaux de la membrane pituitaire, & en exprime une plus grande quantité d’humeur ; enfin les poudres qui font éternuer agissent comme les purgatifs.

Quand nous éternuons, il coule de même plus de mucosité de la membrane pituitaire ; à la cause que nous venons d’en donner, il faut joindre celle de l’agitation des nerfs, qui étranglent les vaisseaux de la membrane schneidérienne, & en expriment l’humeur muqueuse ; cette humeur exprimée étant descendue, l’air qui sort avec impétuosité dans l’expiration, enleve ce qu’il en rencontre dans son chemin.

Les anciens médecins, & plusieurs même parmi les modernes, ont cru que la pituite tomboit du cerveau, mais il n’y a pas de passage du cerveau dans le nez. Ceux qui s’étoient imaginés que la glande pituitaire qui est sur la selle sphénoïdale se déchargeoit dans le nez, ne savoient pas que les liqueurs qu’on injecte dans cette glande, se rendent dans les veines jugulaires : pour ce qui regarde les trous de l’os cribleux, il n’est pas possible que la pituite puisse y passer ; ces trous ne donnent passage qu’aux nerfs & aux petits vaisseaux qui accompagnent ces nerfs ; c’est par ces petits vaisseaux que le sang peut venir quelquefois du cerveau dans les hémorrhagies.

L’humeur muqueuse du nez étoit d’une nécessité absolue ; elle arrête dans l’inspiration les matieres grossieres dont l’air est chargé, & qui pourroient incommoder les poumons ; elle défend les nerfs olfactifs des matieres trop âcres ; elle les empêche de se dessécher en les humectant : par-là ces nerfs qui sont nuds, & exposés aux injures de l’air, conservent à tout âge un sentiment vif dans la membrane pituitaire.

On voit donc que l’intention de la nature, en vernissant les narines de ce liniment gras, que nous appellons mucosité, est d’émousser les âcretés, d’en empêcher la prise sur les nerfs ; enfin de diminuer les frottemens & l’usement qui s’ensuit. C’est pour toutes ces raisons & pour plusieurs autres, qu’il ne s’agit pas de détailler ici, que les passages de l’air, des alimens, des urines, la vessie, l’urethre, le vagin, l’utérus, les parties génitales externes, &c. abondent en ces sortes de cryptes muqueuses. Pourquoi ce matelot se frote-t-il les mains de matiere grasses & tenaces ? c’est pour faire sa manœuvre avec plus de facilité & de sureté ; sans cet intermede onctueux, ses mains seroient brûlées par la vivacité des frottemens ; tant il est vrai que le bon art n’est qu’une imitation de la nature. Quels rongemens ! quelle inflammation ! quel desséchement ! sans ces sucs onctueux que fournissent les glandes sur lesquelles Schneider a composé un gros ouvrage. C’est ce qu’on éprouve dans la dissenterie à la suite de purgatifs trop âcres, & qui emportent cette glu naturelle que les médecins mal-habiles confondent avec la viscosité morbifique. (D. J.)

MUCOSITÉ, (Chimie.) mucus ou gelée animale. Voyez Muqueux, (Chimie.), & Substances animales, (Chimie).