L’Encyclopédie/1re édition/NÉOCORE

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NÉOCORE, s. m. (Antiq. grecq.) Peu de gens de lettres ignorent qu’on appelloit néocores chez les Grecs ceux qui étoient chargés de la garde & surtout de la propreté des temples, comme l’explique le nom même de νεωκόρος, composé de νέως, templum, & de κορέω, verro. On sait encore que cet emploi bas & servile dans son origine, se releva insensiblement & devint enfin très-considérable, lorsque la richesse des offrandes demanda des dépositaires distingués ; que la dépense des fêtes & des jeux publics intéressa des nations entieres, & que l’adulation des Crecs pour les empereurs romains leurs nouveaux maîtres, les porta à leur élever des temples & à s’honorer du titre de néocores de ces mêmes temples. Ils ne furent plus de simples valets des temples, ou même des sacristains ordinaires, on en fit des ministres du premier ordre, à qui seul appartenoit le droit d’offrir les sacrifices dans les temples consacrés à la divinité tutélaire du pays, ou dans ceux qu’on avoit élevés non-seulement aux empereurs romains déja mis au rang des dieux, mais encore en l’honneur de ceux qui regnoient actuellement.

Tant d’auteurs ont écrit sur les néocores, qu’on se croyoit parfaitement instruit de leurs différentes fonctions, & qu’il sembloit que la seule difficulté qui restoit parmi les Savans étoit réduite à ce point ; savoir comment on doit entendre & expliquer le nombre des néocorats attribués sur les médailles à une même ville ; si les peuples qui s’y disent néocores pour la seconde, pour la troisieme & pour la quatrieme fois, ont été revêtus de cette dignité par un même prince, ou s’ils ne l’ont reçue que successivement par différens empereurs ?

M. Vaillant le pere, qui avoit particulierement étudié cette matiere, donna en 1703 une dissertation sur les néocores, où, après avoir discuté les différentes opinions des antiquaires qui l’ont précédé, il établit que les villes grecques se disoient sur leurs médailles néocores des empereurs romains, autant de fois qu’elles avoient obtenu de nouveaux decrets du sénat pour pouvoir bâtir des temples à leur honneur. Nous nous dispensons d’entrer dans le détail des preuves du système de M. Vaillant, parce qu’on trouvera sa piece imprimée en entier dans un volume des mémoires de l’académie des Inscriptions ; mais nous devons dire quelque chose d’une autre dissertation sur le même sujet, donnée en 1706 par M. de Valois, qui n’avoit aucune connoissance de celle de M. Vaillant.

Ces deux auteurs se sont rencontrés dans la difficulté principale ; ils rapportent l’un & l’autre les différens néocorats des villes greques à différens senatus-consultes qui leur en avoient accordé la prérogative ; ils prouvent par les mêmes autorités & à-peu-près par les mêmes opérations, que les villes ou les peuples qui sur les médailles se qualifient du titre de néocores pour la seconde, pour la troisieme & pour la quatrieme fois, ne l’ont fait que successivement & sous différens empereurs.

Mais la dissertation de M. de Valois a cela de particulier, qu’elle nous apprend deux fonctions des néocores, qui avoient jusqu’à présent échappé aux recherches des critiques.

La premiere de ces fonctions des néocores étoit de jetter de l’eau lustrale sur ceux qui entroient dans le temple. La seconde étoit de faire l’aspersion de cette même eau lustrale sur les viandes qu’on servoit sur la table du prince, & de lui tenir en quelque sorte lieu d’aumôniers.

J’ai dit ci-dessus que plusieurs villes grecques prirent souvent la qualité de néocores, mais c’est Smyrne, Ephese, Pergame, Magnésie, &c. qui portent le plus souvent ce titre dans les médailles. Smyrne, par exemple, fut faite néocore sous Tibere avec beaucoup de distinction ; elle le fut encore pour la seconde fois sous Adrien, comme le marquent les marbres d’Oxford : enfin elle eut encore le même honneur, & prit le titre de premiere ville d’Asie sous Caracalla. (D. J.)