L’Encyclopédie/1re édition/NÉPENTHÈS

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NÉPENTHÈS, s. m. (Botan. moderne.) genre de plante dont voici les caracteres, selon Linnæus. Le calice particulier de la fleur est partagé en quatre quartiers arrondis ; il n’y a point de pétales, & à peine quelques étamines : mais il y a quatre bossettes attachées au style près du sommet. Le pistil a un germe extrèmement délié ; le stile est pointu & de la longueur du calice ; le stygma est obtus ; le fruit est une capsule oblongue, en forme de colonne tronquée ; il est composé de quatre valvules & de quatre loges : les graines sont nombreuses, pointues, & plus courtes que leurs capsules. (D. J.)

NÉPENTHÈS, (Littérature.) νηπενθης, ce terme grec signifie un remede contre la tristesse, de νὴ, négation, & de πενθος, deuil, affliction. C’étoit je ne sai quoi d’excellente vertu, dont Homere, Odiss. liv. IV. v. 220. dit qu’Helène fit usage pour charmer la mélancholie de Télémaque. Ce prince inquiet de n’avoir point de nouvelles de son pere, vint trouver Nestor, qui ne put lui apprendre ce qu’il étoit devenu. De-là continuant son voyage, il se rendit chez Ménélas où il vit Hélène, & soupa avec elle : cependant il étoit fort triste ; & comme cette princesse en eut pitié, elle usa d’un charme pour dissiper son chagrin. Elle mêla dans le vin qu’on devoit servir à table, une drogue qui séchoit les larmes, calmoit la colere, & dissipoit tous les déplaisirs dès le moment qu’on en avoit goûté. Elle tenoit cette excellente drogue de Polydamna, femme de Théonis roi d’Egypte. Tous ses hôtes bûrent de ce breuvage, & en éprouverent les merveilleux effets.

Pline & Théophraste parlent du népenthès, comme d’une plante d’Egypte, dont le prince des poëtes grecs a seulement exagéré les vertus. Diodore dit que de son tems, c’est-à-dire du tems d’Auguste, les femmes de Thèbes en Egypte, se vantoient d’avoir seules la recette d’Hélene ; & il ajoute qu’elles l’employoient avec succès : mais Plutarque, Athénée & Philostrate, prétendent que le népenthès d’Homere n’étoit autre chose que les charmes de la conversation d’Hélène. Plusieurs savans modernes ont à leur tour choisi le népenthès de l’Odyssée, pour le sujet de leurs conjectures & de leurs hypothèses ; & l’on ne sauroit croire jusqu’où leur imagination s’est égarée pour découvrir le secret de la belle lacédemonienne. Mais ce reproche ne doit pas tomber sur la dissertation de Pierre Petit, intitulée Homeri nepentes, & imprimée à Utrecht en 1689 in-8°. On y découvrira beaucoup d’esprit & de science, si on se donne la peine de la lire. (D. J.)